Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 V 129



99 V 129

42. Arrêt du 22 mai 1973 dans la cause Caisse d'assurance et de réassurance
de la Fédération des sociétés de secours mutuels de la Suisse romande
(CAR) contre Rigaud, Caisse-maladie de l'Association des commis de Genève
(Caisse ACG) et Cour de justice civile du canton de Genève Regeste

    Verspätete Krankmeldung (Art. 3 Abs. 3 und Art. 12 ff. KUVG).
Die durch den Versicherten verschuldete Verspätung der Anmeldung zieht
die Verwirkung des Leistungsanspruchs nach sich: der Grundsatz der
Verhältnismässigkeit ist hier nicht anwendbar. Das gleiche gilt für die
Beziehungen zwischen Rückversicherungskasse und Krankenkasse (Art. 27 KUVG;
Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Jeanne Rigaud, née en 1911, est membre de la Caissemaladie de
l'Association des commis de Genève (Caisse ACG) depuis 1931. Elle est
assurée pour les frais médicaux et pharmaceutiques ainsi que pour une
indemnité journalière de 2 francs et, dès le 1er juin 1964, pour une
indemnité journalière différée de 20 fr., payable à partir du 61e jour.
La prénommée fut malade et totalement incapable de travailler du 23 août
1965 au 31 août 1966; elle reprit son activité à 50% le 1er septembre 1966,
à 100% le 1er novembre 1966.

    La Caisse ACG est réassurée auprès de la Caisse d'assurance et de
réassurance de la Fédération des sociétés de secours mutuels de la Suisse
romande (CAR), pour l'indemnité journalière différée notamment. La CAR
versa les prestations dues pour le cas mentionné ci-dessus, soit 4850
fr. pour la période du 1er février au 31 octobre 1966.

    Jeanne Rigaud fut à nouveau malade et incapable de travailler,
totalement du 20 juin 1969 au 31 mars 1970, à 50% du 1er avril au 20
octobre 1970, puis totalement encore du 21 octobre 1970 au 20 avril 1971.

    La Caisse ACG alloua à l'intéressée les prestations assurées, notamment
la somme de 5170 fr. à titre d'indemnité journalière différée pour la
période du 1er octobre 1969 au 31 août 1970. Elle ne transmit toutefois
les divers documents concernant cette rechute (attestation de l'employeur,
déclarations médicales) que le 23 décembre 1970 à la CAR, qui les reçut
le 28 décembre 1970. Cette dernière accusa réception de cet envoi le
6 janvier 1971, en signalant qu'elle demandait l'avis de son médecin
de confiance et en conseillant de "suspendre toute prestation". Par la
suite, la CAR soumit le cas au bureau de son comité. Puis, par lettre
du 15 septembre 1971, elle notifia à la Caisse ACG qu'elle refusait de
verser les prestations sollicitées (5170 fr.), pour des motifs d'ordre
administratif (annonce tardive)... Cette communication revêtait la forme
d'une décision administrative, au sens de l'art. 30 LAMA.

    Le 29 février 1968, la CAR avait accepté de déroger à certaines
dispositions du règlement de l'assurance d'une indemnité journalière
à condition que soient respectées diverses exigences. Parmi celles-ci
figuraient l'annonce immédiate des cas et la production d'un certificat
médical périodique.

    B.- Jeanne Rigaud et la Caisse ACG ont recouru contre la décision
précitée de la CAR, en concluant à son annulation... Le 13 octobre 1972,
la Cour de justice civile du canton de Genève admit le recours et annula
l'acte administratif attaqué. Les premiers juges ont retenu en bref,
sur la question de l'annonce tardive, que le refus des prestations à
l'endroit de la Caisse ACG violait le principe de la proportionnalité,
la dite caisse n'ayant jamais été avertie formellement de la sanction
encourue en cas de violation de l'obligation d'annoncer les cas de maladie
ou les accidents dans les 30 jours.

    C.- La CAR a déféré ce jugement au Tribunal fédéral des assurances,
en concluant principalement au rétablissement de sa décision, dans
la mesure où elle refuse le versement à la Caisse ACG des prestations
réassurées pour la période se terminant le 31 août 1970, soit 5170 fr...;
subsidiairement, à la réduction des dites prestations, dans une proportion
laissée à l'appréciation du tribunal, mais de 50% au moins...

    Jeanne Rigaud et la Caisse ACG concluent au rejet du recours. Elles
soutiennent notamment que la règle exigeant l'annonce doit être appliquée
plus largement dans les relations entre assureur et réassureur qu'entre
assureur et assuré, vu le but de contrôle visé. Elles affirment que, dans
l'assurance différée dès le 61e jour, il est pour ainsi dire impossible
d'observer le délai susmentionné. Dans ces conditions, aucune sanction
ne se justifierait en l'occurrence, en l'absence de sommation de la CAR
à la Caisse ACG.

    Dans son préavis, l'Office fédéral des assurances sociales propose
d'admettre la conclusion subsidiaire de la CAR, en laissant à la Cour de
céans le soin de fixer la quotité de la réduction. Le dit office qualifie
de "relativement peu grave" la faute commise dans le cas particulier.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 14 al. 1 du règlement de l'assurance d'une indemnité
journalière de la CAR dispose que "les cas d'incapacité de travail donnant
droit aux indemnités journalières doivent être annoncés à la CAR par la
caisse dans les 30 jours à compter du début de la maladie. Passé ce délai,
la CAR peut réduire ou refuser ses prestations."

    La Cour de céans a déjà eu l'occasion de juger que "l'annonce
immédiate (ou dans un certain délai) des cas de maladie et des accidents
peut certainement être imposée aux membres des caisses, avec menace de
suspension du droit aux prestations jusqu'à exécution de cette obligation
au moins, sous réserve des cas où un tel avis ne saurait raisonnablement
être exigé. Il s'agit là, en effet - a dit le Tribunal fédéral des
assurances - d'une règle d'ordre nécessaire, ou en tout cas très utile,
à la bonne marche de l'assurance" (voir RO 98 V 155 consid. 3 lettre a et
la jurisprudence citée; arrêt non publié Flütsch du 11 avril 1973). Or il
est bien clair que, par sa nature, la sanction prévue en cas de violation
de l'obligation d'annoncer les cas de maladie et les accidents, soit
la suspension du droit aux prestations, ne doit pas être subordonnée
à la notification d'une sommation attirant l'attention de l'intéressé
sur les risques d'un tel comportement, que la caisse débitrice ne peut
pas prévoir. Il suffit que l'assuré soit informé de l'obligation qui
lui incombe - ou qu'il ne doive pas l'ignorer - et qu'il n'ait pas été
empêché d'agir en temps utile pour un motif valable. Celui qui, en toute
connaissance de cause, néglige de donner à temps l'avis requis, alors que
cette annonce est raisonnablement exigible, doit supporter les conséquences
prévues et connues de ce retard: la suspension du droit aux prestations. Il
ne saurait se prévaloir du principe de la proportionnalité pour échapper
à ces conséquences, même si ces dernières consistent en un refus total
des prestations dans le cas donné. Du reste, il est indirectement tenu
compte de ce principe, dans une certaine mesure, en raison du fait que
l'importance des prestations dont le versement est refusé variera en
fonction de celle du retard apporté à l'annonce du cas. Il est vrai que
le Tribunal fédéral des assurances s'est demandé si l'annonce tardive doit
être qualifiée de faute de l'assuré ou de motif absolu de péremption (RO 96
V 8 consid. 2 in fine). Si toutefois l'exigence de l'annonce est avant tout
destinée à permettre d'instruire et de contrôler, il se justifie de s'en
tenir à la notion de péremption, dans une branche d'assurance où le nombre
des cas de maladie et d'accident est immense et où des contrôles efficaces
ne peuvent souvent plus être effectués après coup. Du reste, comme il a
été dit, l'élément de la faute est tout de même pris en considération,
en ce sens au moins qu'une annonce tardive non fautive ne sera en général
pas sanctionnée (arrêt Flütsch précité) et que la sanction sera d'autant
plus légère que le retard sera moindre. Enfin, l'assuré peut mettre fin en
tout temps à la situation résultant de sa carence, en annonçant le cas à
sa caisse. S'il ne le fait pas et perd ainsi son droit aux prestations -
alors qu'il ne se trouve pas dans une situation exceptionnelle excusant
sa passivité - le refus de toute prestation ne saurait constituer une
violation du principe de la proportionnalité. Dans l'arrêt Flütsch,
la Cour de céans n'a du reste plus marqué d'hésitation.

Erwägung 2

    2.- Il n'y a aucune raison de ne pas appliquer ces principes,
exposés à l'occasion de litiges entre une caisse et un assuré, aux
relations entre la CAR et les caisses que cette dernière réassure. En
effet, on ne saurait dénier à la caisse de réassurance un intérêt aussi
grand que celui de la caisse réassurée à contrôler les cas qui lui sont
annoncés (contrôle différent de celui prévu à l'art. 15 du règlement de
la CAR applicable en l'espèce)... Il est dans l'ordre des choses que
les contrôles effectués par une institution qui sait que ses dépenses
lui seront remboursées au moins partiellement soient moins sévères que
ceux auxquels procède une caisse lorsque ses prestations sont seules en
cause. La circonstance que les caisses réassurées répondent en définitive
de tout abus des prestations de la CAR (art. 15 du règlement de cette
dernière) ne saurait rien y changer. Au demeurant, la Cour de céans a jugé
qu'il serait "contraire au maintien d'un certain ordre et d'une certaine
discipline dans l'assurance-maladie que de sanctionner l'annonce tardive
uniquement lorsqu'elle porte un préjudice direct à la caisse, par exemple
quand elle empêche d'instruire sur la maladie, sur le traitement et sur
les conséquences de cette dernière" (RO 96 V 8 consid. 2 in fine). Enfin,
le délai de 30 jours prévu à l'art. 14 du règlement de l'assurance d'une
indemnité journalière de la CAR tient déjà compte des particularités des
relations entre réassureur et caisses réassurées, les délais imposés aux
assurés étant en principe beaucoup plus brefs (voir le modèle de statuts
de l'Office fédéral des assurances sociales, art. 64).

Erwägung 3

    3.- Il est vrai que l'art. 14 précité autorise la CAR à réduire
ou refuser ses prestations en cas d'annonce tardive. Il est évident
toutefois que cette institution ne saurait arbitrairement refuser ses
prestations dans certains cas et les accorder sans restriction ou avec des
réductions variables dans d'autres cas semblables, sous peine de violer
le principe de la mutualité. Le seul moyen d'éviter des inégalités de
traitement consiste à exiger de la CAR qu'elle se laisse guider par le
principe de la proportionnalité dans le choix de la sanction appropriée
parmi celles prévues par son règlement, en tenant compte cependant de la
nature particulière de la règle exigeant l'annonce des cas de maladie
et des accidents dans un certain délai. On peut relever en passant
qu'une disposition prévoyant le refus définitif de toute prestation dans
chaque cas d'annonce tardive serait inadmissible, parce qu'elle serait
disproportionnée au besoin de la caisse de pouvoir exercer des contrôles,
d'une part, et qu'elle sanctionnerait, d'autre part, de la même façon
tous les retards apportés à l'annonce, du plus léger au plus considérable.

    En l'espèce, le retard de plus d'une année avec lequel la Caisse
ACG a informé la CAR de la rechute subie par Jeanne Rigaud n'est pas
excusable. En particulier, l'argument tiré de la difficulté pratique de
respecter le délai de 30 jours dans l'assurance d'une indemnité journalière
différée dès le 61e jour tombe à faux: car, si cette circonstance peut
jouer parfois un rôle, dans l'appréciation du caractère exigible de
l'annonce dans les 30 jours par exemple, tel n'est manifestement pas le
cas ici. La Caisse ACG détenait depuis de nombreux mois certaines des
pièces qu'elle n'a communiquées qu'en décembre 1970 seulement à la CAR. Et
elle ne pouvait pas ignorer que cette dernière attachait de l'importance
à l'annonce en temps utile des cas de maladie et des accidents. A cet
égard, une lettre du 29 février 1968 imposait même l'annonce immédiate
(et non dans les 30 jours). Il s'agissait au vrai d'une condition mise
à certaines dérogations à diverses dispositions réglementaires. Mais,
si cette communication ne concernait peut-être pas directement les cas
tels que celui de Jeanne Rigaud, elle était tout de même apte à attirer
spécialement l'attention de la caisse intimée sur le problème général de
l'annonce. De toute façon, on ne saurait sans abus tirer argument de la
largesse dont fait montre la CAR à certaines occasions pour justifier
un retard aussi considérable que celui qui est reproché aujourd'hui à
la Caisse ACG. Aussi bien le grief fait à la recourante d'avoir toléré
des annonces tardives n'est-il pas pertinent. Aucune autre circonstance
particulière ne permettant d'admettre que l'annonce de la rechute de Jeanne
Rigaud ne pouvait raisonnablement pas être exigée de la Caisse ACG avant
décembre 1971, une sanction s'impose, contrairement à l'avis des premiers
juges. Et la faute de la caisse intimée n'est pas "relativement peu grave"
seulement, comme le pense l'Office fédéral des assurances sociales.

Erwägung 4

    4.- Reste à déterminer l'importance de la dite sanction. Tout bien
considéré, la solution la plus équitable consiste à le faire de manière
qu'on se trouve dans la situation qui se serait présentée si, à l'instar
du modèle de statuts précité (art. 62 et 64), le règlement en cause
de la CAR avait prévu la suspension du droit aux prestations jusqu'au
moment de l'annonce effective. L'art. 14 de ce règlement le permet,
puisqu'il prévoit aussi bien le refus des prestations (lorsque l'annonce
est faite à la fin de la période d'incapacité de travail, par exemple)
que la réduction des prestations (soit la suspension de celles-ci jusqu'à
l'annonce effective, par exemple). La CAR était donc fondée en principe
à refuser ses prestations jusqu'au 28 décembre 1970. Ses conclusions
principales doivent par conséquent être admises, si toutefois elle s'est
prévalue à temps du caractère tardif de l'avis de maladie.

    Il en est bien ainsi. En effet, c'est à fin décembre 1970 que la
recourante a été informée de la rechute. Elle a immédiatement fait des
réserves quant à l'admission du cas, en signalant le soumettre à son
médecin-conseil. Certes la décision litigieuse n'a-t-elle été rendue,
finalement, que le 15 septembre 1971. Mais cela s'explique en partie
par la difficulté rencontrée par le médecin de confiance pour réunir
les renseignements dont il avait besoin. De toute façon, il s'est écoulé
moins d'une année entre le moment de l'annonce et celui de la décision
administrative. Or le Tribunal fédéral des assurances a jugé que, si la
menace d'une sanction ne doit pas planer pendant une durée indéterminée
sur celui qui a violé certaines prescriptions (ATFA 1969 p. 5 consid. 7),
le droit de prendre des mesures disciplinaires s'éteint un an après le
jour où la caisse a connu - ou aurait dû connaître - le comportement de
l'intéressé et au plus tard 5 ans dès la commission de l'acte reproché
(sous réserve des délais plus longs prévus par la loi pénale; ATFA 1969
p. 183). Au demeurant, la Caisse ACG aurait eu la possibilité de porter
le litige devant le tribunal des assurances, dans l'hypothèse prévue à
l'art. 30 al. 3 LAMA...

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours de
droit administratif est admis dans le sens des conclusions principales de
la CAR, la décision du 15 septembre 1971 étant rétablie en tant qu'elle
refuse le versement de 5170 fr. à titre de prestations réassurées pour
la période du 1er octobre 1969 au 31 août 1970 et le jugement cantonal
étant réformé en conséquence.