Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IV 249



99 IV 249

59. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 novembre 1973, dans la cause
Ministère public du canton de Neuchâtel contre Kunzi et consorts Regeste

    Art. 20 StGB. Rechtsirrtum ist ausgeschlossen, wenn der Täter
das Empfinden hat, dass sein Verhalten den Rechtsvorstellungen seiner
Rechtsgemeinschaft widerspricht, selbst wenn er diese nicht teilt. Im
Zweifel hat er sich bei der zuständigen Behörde oder vertrauenswürdigen
Personen zu erkundigen (Erw. 1 und 2).

Sachverhalt

    A.- Jean-Paul Kunzi, propriétaire et exploitant du cinéma Rex,
à Neuchâtel, a projeté les 3 et 4 décembre 1971, le film intitulé
"Pornographie sans masque" distribué en Suisse par une société dont
Adolphe Spiegel est directeur. On peut y voir, sous le prétexte de
décrire les relations entre un homme et la tenancière d'une boîte de nuit,
une suite de scènes intimes, présentées sans aucune retenue, mettant en
présence des partenaires de même sexe ou de sexes différents, s'ébattant
en groupe ou deux par deux, en toutes positions et dans les lieux les
plus divers. Certaines séquences sont encore soulignées par l'emploi d'un
symbole phallique. Kunzi a annoncé ce film dans la presse comme un "nouveau
succès qui peut choquer, mais anéantir d'autres tabous". Considérant le
film comme obscène, le Juge d'instruction en a ordonné le séquestre le
4 décembre.

    Kunzi a projeté alors, les 5 et 6 décembre, un autre film distribué par
une société dont Victor Rusalem est le responsable. Le sujet de ce film,
qui a pour titre "Pornorama" (titre américain "infrasexum"), consiste
dans les expériences tentées par un homme d'affaires américain marié
pour surmonter son impuissance sexuelle. A cette occasion sont exposées
sans frein diverses dépravations, ainsi que des relations sexuelles ou
analogues, mettant en présence hommes et femmes ainsi que, à une reprise,
deux femmes entre elles. Ici également, les partenaires sont montrés
sous les angles les plus inattendus, durant de longues minutes, avec la
sonorisation appropriée. Kunzi a annoncé le film "Pornorama" en précisant:
"Ce titre, correspondant au film, n'a besoin d'aucun slogan!" Le film a
été séquestré le 7 décembre 1971.

    La publicité parue dans la presse au sujet des deux films contenait
le passage suivant: "C'est un spectacle osé et réservé qu'aux esprits
murs qui ne seront pas choqués, à l'exception de tous les citoyens
moyens! Cour cass. TF 14.07.61 Spectateurs prévenus: Direction réfute
toute responsabilité!"B. - Statuant le 6 février 1973, le Tribunal
de police du district de Neuchâtel a estimé que les deux films étaient
obscènes, que leur distribution, leur mise en location et leur projection
réalisaient dès lors le délit de l'art. 204 CP, mais que les accusés
avaient eu des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir au sens
de l'art. 20 CP. Il a donc libéré ceux-ci des fins de la poursuite pénale,
mais il a ordonné la confiscation et la destruction des films.

    Le recours formé par le Procureur général contre ce jugement a
été rejeté par la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel le 9
mai 1973.

    C.- Le Procureur général du canton de Neuchâtel se pourvoit en nullité
au Tribunal fédéral; il nie l'erreur de droit. Victor Rusalem conclut au
rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon une jurisprudence constante, il ne suffit pas, pour
bénéficier de l'art. 20 CP, d'avoir cru à l'absence d'une sanction pénale;
il faut encore avoir eu de bonnes raisons d'admettre que l'on ne commettait
rien de contraire au droit (RO 98 IV 303 lit. a et arrêts cités). Il a de
plus été jugé que l'erreur de droit est exclue dès que l'auteur a eu le
sentiment de mal agir (RO 60 I 418, 66 I 113; 70 IV 100, 72 IV 155, 80
IV 21 et arrêts cités plus haut). Ce sentiment n'a pas à être fondé sur
une appréciation juridique exacte, telle qu'on peut l'attendre du juge
(cf. RO 80 IV 21). Il suffit que l'auteur règle sa conduite d'après
les conceptions communément admises par la moyenne des habitants du
pays. Peu importe à cet égard que l'auteur partage ou non ces conceptions;
il suffit qu'il en ait conscience (Entscheidungen des Bundesgerichtshofes
in Strafsachen, vol. 4 p. 3/5; RUDOLFI, Unrechtsbewusstsein, Verbotsirrtum
und Vermeidbarkeit des Verbotsirrtums, p. 187 et citations).

    Il découle de ces principes que celui qui agit conformément aux usages
et aux moeurs de la communauté à laquelle il appartient peut sans plus
exciper de l'erreur de droit, le cas échéant. En revanche, celui qui se
rend compte, ou qui devrait se rendre compte, de la réprobation que son
acte ne manquera pas de soulever en général parmi ses concitoyens, a le
devoir de se renseigner. Il ne pourra dès lors se prévaloir de l'art. 20
CP que si, après les recherches appropriées, il a eu de bonnes raisons de
se croire en droit d'agir, en se fondant sur des circonstances qui auraient
amené un homme consciencieux et scrupuleux à faire comme lui (RO 98 IV 303
et arrêts cités). En cas de doute il doit s'enquérir auprès de l'autorité
compétente ou de personnes autorisées (RO 75 IV 153, 81 IV 196, 82 IV 17).

Erwägung 2

    2.- a) En l'espèce, la Cour cantonale n'a pas indiqué, sauf peut-être
implicitement - mais c'est insuffisant s'agissant d'un point pertinent et
important - si les intimés ont cru agir en harmonie avec les conceptions
communément admises. Elle s'est limitée à examiner s'ils ont eu des
motifs suffisants d'admettre que les films n'étaient pas obscènes et
que "partant leur présentation publique ne tombait pas sous le coup de
l'art. 204 CO". Ce faisant elle s'est fondée sur une notion erronée de
l'erreur de droit, car celle-ci ne saurait porter sur l'idée que l'auteur
a du caractère punissable ou non punissable de son acte. Par ailleurs,
l'argumentation de l'arrêt attaqué révèle que, selon elle, lorsque
l'auteur a eu, objectivement, des raisons de se tromper, cela suffit
à le disculper. On a vu qu'il n'en est rien; une explication n'est pas
forcément une excuse et, par ailleurs, on peut être dans le vrai alors
que l'on a toutes les raisons d'errer.

    b) Contrairement à ce qu'affirme l'autorité cantonale, qui n'a du
reste pas statué de visu, mais en se référant à l'appréciation de la
Chambre cantonale d'accusation, les films en cause sont manifestement
obscènes, ainsi que l'ont relevé les premiers juges. Or l'évidence
d'une violation du droit ne constitue pas seulement un indice important
de la conscience de l'illicéité (RO 78 IV 180; BGH/Str. vol. 2 p. 234;
SCHWANDER, p. 99 infra); elle doit aussi inciter l'auteur à exercer une
attention accrue. Les intimés ne soutiennent même pas en avoir témoigné
et, pourtant, ils en avaient toutes les raisons.

    Il faut constater avec le ministère public que les titres des oeuvres
présentées font nettement allusion à leur caractère pornographique. A
cela s'ajoute que Kunzi, dans la presse, a insisté sur l'aspect choquant
de l'un des films et que, dans une autre réclame, il a affirmé que, le
titre correspondant au contenu, le film n'avait besoin d'aucun slogan. Il
a par ailleurs à chaque fois attiré l'attention du public en précisant
qu'il s'agissait d'un "spectacle osé, réservé aux esprits mûrs" qui ne
seraient pas choqués, "à l'exception de tous les citoyens moyens". Sans
même relever le cynisme de ce dernier trait, on doit admettre que ces
déclarations démontrent que Kunzi a compté avec la réprobation de la plus
grande partie de ses concitoyens. La publicité même du film "Pornographie
sans masque" fait état de ce que la femme y est représentée comme un
objet de plaisir et de ce que le sujet est partout "l'objet de scandale
no 1". On ne peut être plus clair. On ne comprend dès lors pas qu'il ait
cité dans ses annonces un arrêt de la Cour de cassation (RO 87 IV 74, 82),
qui précisément se réfère expressément aux sentiments du citoyen moyen.

    L'autorité cantonale explique les déclarations de Kunzi par le souci
légitime d'avertir le public du véritable contenu des films; mais elle
oublie que, ce faisant, elle reconnaît la véracité de ces déclarations
et des titres présentés, et par là, implicitement, la conscience que
l'intimé devait avoir de l'obscénité manifeste des oeuvres en cause.

    Il convient cependant d'examiner si les éléments dont les accusés
disposaient pouvaient être considérés comme de bonnes raisons d'agir pour
un homme scrupuleux. Il s'agit en premier lieu de l'autorisation donnée
par la Direction de justice du canton de Zurich, avec des coupures il
est vrai, quant aux deux films, ainsi que de la projection de ceux-ci
en plusieurs endroits. On ne saurait admettre d'une manière générale ni
surtout, a fortiori, dans un cas aussi flagrant, que la décision d'une
autorité cantonale puisse représenter à tout coup le sentiment du public
moyen des autres cantons (cf. RO 81 IV 196 i.f.). Dès lors, pour se former
une opinion, les distributeurs Rusalem et Spiegel auraient facilement
pu, comme cela se fait en d'autres occasions, soumettre les films aux
autorités de censure des autres cantons. Enfin, les intimés ne sauraient
se prévaloir de ce que l'un des films avait déjà été projeté, impunément,
au même endroit (RO 99 IV 57; considérant non publié de l'arrêt Marti du
28 mai 1971). Ils ne pouvaient dès lors être mis au bénéfice de l'erreur
de droit.

    L'arrêt attaqué devant être annulé, il n'est pas nécessaire d'examiner
les autres questions soulevées par le recourant.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.