Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 440



99 Ib 440

60. Arrêt du 21 septembre 1973 dans la cause Département fédéral de
justice et police contre Strickstrack. Regeste

    Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland. Art. 6 Abs. 2
lit. b BB vom 23. März 1961.

    Stockwerkeigentum an einem Hotel, das der Form nach von einer die
Miteigentümer verbindenden einfachen Gesellschaft betrieben wird, dessen
Führung aber durch den Gesellschaftsvertrag einer Betriebsgesellschaft
übertragen ist, deren Mandat nur aus wichtigen Gründen und mit einer
qualifizierten Mehrheit von Mitgliedern der einfachen Gesellschaft
widerrufen werden kann: In einem solchen Fall liegt nicht ein von
den Miteigentümern selber geführter Betrieb vor, so dass die erwähnte
Bestimmung auf den Verkauf der Miteigentumsanteile nicht anwendbar ist.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Günter-Helge Strickstrack, de nationalité allemande et domicilié
en Allemange, se proposait d'acheter une part de copropriété par étages
portant sur un appartement de deux pièces dans un hôtel en construction à
Neuchâtel, qui s'appellera "Eurotel Neuchâtel", sera géré par "Organisation
Eurotel SA Suisse" à Thoune (affiliée à une union internationale des
organisations Eurotel) et dont la propriété sera divisée en 86 parts de
propriété par étages.

    Agissant au nom des constructeurs, Touraine SA a demandé à la
"Commission cantonale pour la sanction d'acquisitions immobilières par des
personnes domiciliées à l'étranger" (ci-après: la Commission cantonale)
d'autoriser cette acquisition sur la base de l'art. 6 al. 2 lit. b de l'AF
du 23 mars 1961 instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition
d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger (ci-après: AF du 23
mars 1961). Par une seconde lettre du même jour, Touraine SA a demandé en
outre un accord de principe pour d'autres ventes de parts du même hôtel
à des étrangers domiciliés à l'étranger.

    B.- Selon les documents présentés à la Commission cantonale par les
requérants, le système Eurotel est pour l'essentiel le suivant:

    Les acquéreurs de parts de propriété par étages (appelées "Unités")
d'un hôtel déterminé doivent signer un "Contrat de Société" en vertu duquel
ils forment ensemble une société simple, dont le but est d'exploiter
l'hôtel; le même contrat confère en outre un mandat à l'"Organisation
Eurotel SA Suisse", à Thoune. L'adhésion à ce contrat confère à chaque
associé la qualité d'"EUROTELman" ou celle de "Condomini" (art. 4),
suivant les cas.

    L'assemblée des sociétaires (de la société simple), qui se réunit
une fois par an au moins, a pour principales attributions de prendre
connaissance (Entgegennahme) du rapport annuel de gestion et des comptes
de la Gérance, ainsi que du rapport de vérification; d'approuver les
comptes et les budgets établis par la Gérance; de fixer les allocations
à verser au fonds de rénovation et les dépenses extraordinaires pour
rénovations et transformations; de nommer un Comité consultatif de 4
membres et suppléants; d'attribuer à la Gérance et au Comité consultatif
des tâches non prévues par le contrat (art. 9).

    Le Comité consultatif, qui assiste la Gérance dans son activité
(art. 10), a pour attributions d'élaborer et de proposer la modification
des clauses du contrat, de contrôler les comptes de la Gérance et la
répartition des frais et des participations au résultat de l'exploitation
(art. 11).

    Le mandat de gérance confié à l'Organisation Eurotel SA Suisse
(art. 13) ne peut être révoqué que pour justes motifs, par une assemblée
extraordinaire convoquée à la demande de 30% au moins des associés
détenant ensemble au moins 300 millièmes des voix; 750 millièmes des
voix doivent être représentés à cette assemblée par leurs titulaires
respectifs, et la représentation n'est autorisée que pour 250 millièmes,
le mandataire devant être lui-même associé et ne pouvant en représenter
qu'un seul; la décision de révocation doit être prise à la majorité de
85% des voix représentées. La Gérance a notamment pour tâches (art. 12)
d'accomplir tous les actes d'administration ordinaires du complexe
immobilier qui sont nécessaires à la conservation de la copropriété, puis
de représenter la société (simple) pour toutes les affaires ordinaires
ayant trait à l'exploitation, d'édicter des règlements de maison qui
sont soumis à l'approbation de l'assemblée de la société. L'Organisation
Eurotel SA engage le personnel nécessaire au nom des associés; elle est
seule compétente pour décider de sa rémunération, de son activité et de
son licenciement (art. 17). Cette organisation peut acquérir les objets
nécessaires à l'exploitation et au confort, les achats de valeur importante
étant toutefois soumis à l'approbation de l'assemblée (art. 18). Elle doit
tenir les objets appartenant à la société simple séparés de son propre
patrimoine (art. 19). En rétribution de sa gestion et en couverture de
divers frais, elle reçoit une indemnité annuelle qui est égale au 10% du
chiffre d'affaires brut de l'exploitation de l'hôtel et au 5% du chiffre
d'affaires brut du restaurant et des exploitations auxiliaires (art. 25).

    Chaque EUROTELman "participe au résultat de l'exploitation" de l'hôtel,
du restaurant et des exploitations auxiliaires en proportion des millièmes
que représentent ses propres Unités (art. 5). Chacun reçoit une carte
(art. 26) qui lui donne le droit de descendre dans l'EUROTEL de son
choix selon des tarifs spéciaux; autant que possible, l'Unité dont il
est propriétaire lui est réservée, à condition qu'il en fasse la demande
assez tôt (art. 28). L'EUROTELman n'est pas autorisé à enlever ou à
remplacer une partie quelconque de l'aménagement et des installations de
son Unité; il n'a pas non plus le droit d'y installer un autre ameublement
(art. 12 lit. f). L'associé qui désire aliéner une Unité doit demander
le consentement d'Organisation Eurotel, consentement qui lui est donné si
le nouvel acquéreur accepte le contrat de société (art. 37); il est tenu
d'astreindre le tiers acquéreur de son Unité ou d'un droit de jouissance
sur celle-ci à adhérer à la catégorie d'EUROTELman dont il faisait partie
(art. 35 al. 2); à ce défaut, Organisation Eurotel peut faire valoir un
droit de préemption au prix déterminé par deux experts (art. 35 al. 3).

    Selon une circulaire non datée émise par Organisation Eurotel
SA sous le titre "EUROTEL - une idée économique à l'avenir plein de
promesses", la qualité d'EUROTELman procure les avantages suivants:
un placement de capital indépendant des fluctuations boursières et des
cours, avec inscription au registre foncier; la rémunération du capital
investi par la participation au bénéfice net d'un hôtel de premier ordre;
l'augmentation de la valeur de ce capital; un droit d'habitation dans
tous les EUROTEL avec des réductions de 20 à 50%; la jouissance d'un
appartement de vacances. La circulaire précise que la valeur d'une Unité
varie de 70 000 fr. à plus de 250 000 fr. Elle dit en outre qu'après
le temps de carence de tout hôtel qui débute, on peut compter avec un
rendement annuel net de 6 à 9%.

    C.- Par décision du 7 décembre 1972, la Commission cantonale a
déclaré mal fondée la requête présentée en faveur de Strickstrack, et
irrecevable la demande tendante à un "accord de principe". Elle a retenu
que l'hôtel serait en réalité exploité non point par la société simple
groupant les copropriétaires, mais par l'Organisation Eurotel SA, et
cela de façon indépendante. Elle a en outre considéré que l'acquisition
de parts apparaissait principalement comme un placement de capitaux,
ce qui ne constituait pas un intérêt légitime à l'acquisition, en vertu
de l'art. 6 al. 3 de l'AF du 23 mars 1961.

    D.- Agissant par mandat et pour le compte de Touraine SA,
l'Organisation Eurotel SA Suisse, à Thoune, a recouru contre cette décision
auprès du Conseil d'Etat. Par prononcé du 6 avril 1973 notifié le 12 avril,
celui-ci a admis le recours en ce qui concerne l'autorisation demandée
en faveur de Strickstrack, et il l'a rejeté en tant qu'il avait pour
objet la seconde requête. Il a estimé que les propriétaires de parts de
copropriété devaient être considérés comme exploitant eux-mêmes l'hôtel en
société simple, l'Organisation Eurotel se trouvant en vertu d'un mandat
dans leur dépendance immédiate et ne jouissant en tout cas pas d'une
liberté économique suffisante pour qu'on puisse la considérer comme un
exploitant indépendant.

    E.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, le
Département fédéral de justice et police demande au Tribunal fédéral
d'annuler le prononcé du Conseil d'Etat et de refuser l'autorisation
demandée. Il soutient notamment que les acquéreurs de part n'exploitent
pas eux-mêmes l'hôtel, de sorte que l'art. 6 al. 2 lit. b de l'AF du 23
mars 1961 n'est pas applicable; il relève que cette manière de voir a
été confirmée par les Chambres fédérales lors de la récente discussion
de l'AF du 21 mars 1973 modifiant celui du 23 mars 1961 (FF 1973 I 956),
discussion qui a abouti au rejet d'une proposition tendant à admettre
l'existence d'un intérêt légitime en cas d'acquisition d'une part de
propriété sur un Eurotel.

    F.- Agissant au nom de Strickstrack et du propriétaire de l'immeuble où
se construit l'Eurotel Neuchâtel, Organisation Eurotel SA Suisse conclut
au rejet du recours.

    Elle produit notamment un "Reglement über das Stockwerkeigentum
EUROTEL". L'art. 3 al. 3 de ce règlement qualifie d'EUROTELman le
copropriétaire qui abandonne l'usage de son Unité à l'exploitation de
l'hôtel, tandis que le "condomini" est celui qui réserve son Unité à son
usage personnel; Strickstrack sera EUROTELman, si bien qu'il n'aura pas
le droit d'habiter sa propre Unité. Les art. 14 et 15 parlent d'un mandat
d'administrateur qui, comme la gérance, est confié à Organisation Eurotel
SA et qui porte avant tout sur la gestion de la copropriété. L'art. 19
oblige les copropriétaires à faire chaque année une avance de frais qui
est ensuite compensée avec le résultat de l'exercice.

    En droit, les intimés soutiennent notamment que l'Organisation
Eurotel SA est sous la dépendance immédiate des copropriétaires, ainsi
que cela ressort des art. 9, 11 et 12 du contrat, comme aussi du fait que
le mandat est révocable. A leur avis l'admission du recours créerait une
inégalité de traitement par rapport à d'autres hôtels exploités par des
sociétés étrangères et financées de l'étranger (Holiday-Inn, Sheraton,
Hilton, etc.). Ils estiment que l'art. 6 al. 2 lit. b de l'AF du 23 mars
1961 est aussi applicable au système Eurotel, de sorte que l'autorisation
demandée doit être accordée.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (Procédure).

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 6 al. 1 de l'AF du 23 mars 1961 dans son texte actuel,
l'autorisation doit être accordée si l'acquéreur prouve un intérêt légitime
à l'acquisition. Il y a notamment intérêt légitime "lorsque l'immeuble
en cause servira à l'acquéreur entièrement ou pour une part importante
à abriter l'établissement stable d'une entreprise faisant le commerce,
exploitant une fabrique, ou exerçant quelque autre industrie en la forme
commerciale" (art. 6 al. 2 lit. b).

    a) Absente du projet du Conseil fédéral, cette disposition a été
introduite en 1961 par les Chambres fédérales, mais sans les mots
"à l'acquéreur" (art. 6 al. 3 lit. b du texte d'alors, ROLF 1961, p.
211). D'après les débats parlementaires, on a voulu faire en sorte que
des entreprises étrangères puissent s'installer en Suisse et y acquérir
les immeubles nécessaires, à défaut de quoi les nombreuses entreprises
suisses qui désirent créer des établissements stables à l'étranger
auraient été exposées à des mesures de rétorsion (Bull. stén. 1961,
CE p. 56/58 et CN p. 106/108).

    Lors de la revision de 1970, on a repris ce texte tel quel, sans
nouvelles explications, mais en y ajoutant les mots "à l'acquéreur",
pour bien préciser, conformément à la jurisprudence (cf. arrêt Maraschi,
analysé ci-dessous), que c'est l'acquéreur lui-même, et non pas un tiers,
qui doit exploiter une entreprise sur l'immeuble acquis en Suisse (Message
du Conseil fédéral, FF 1969 II 2, p. 1400).

    b) Dans son arrêt Maraschi du 11 novembre 1964, l'ancienne Commission
fédérale de recours en matière d'acquisition d'immeubles s'est occupée du
cas d'un Eurotel en construction à St-Moritz, sur recours de diverses
personnes domiciliées à l'étranger, auxquelles avait été refusée
l'autorisation d'acquérir une unité dans cet hôtel. Elle a relevé que
l'art. 6 al. 3 lit. b de l'AF du 23 mars 1961 - dans son texte initial -
n'était pas applicable, car il supposait que l'acquéreur exploite luimême
l'entreprise en question. Or l'autorité cantonale avait constaté que
l'hôtel en cause serait exploité par Silva-Appartement AG à Thoune, sans
que les copropriétaires aient aucune influence sur la marche des affaires,
et les recourants n'avaient pas contesté ce point de fait.

    Le Tribunal fédéral n'a aucune raison de s'écarter des principes posés
par l'arrêt Maraschi, d'autant plus que le législateur les a consacrés
lors de la revision de 1970, en précisant que l'immeuble doit servir à
l'acquéreur à abriter un établissement stable. En revanche, cet arrêt ne
constitue pas un précédent décisif en ce qui concerne le cas Eurotel,
dans la mesure où des changements ont été apportés au système Eurotel,
notamment par l'introduction d'un contrat de société qui devrait faire
des copropriétaires les exploitants de l'hôtel, ce qui n'était pas le cas,
semble-t-il, au moment où l'arrêt Maraschi a été rendu.

    c) L'exploitation d'un hôtel constitue incontestablement une industrie
exercée en la forme commerciale au sens de l'art. 6 al. 2 lit. b de l'AF
du 23 mars 1961. Il s'agit donc uniquement d'examiner en l'espèce, si
l'hôtel sera réellement exploité par la société simple que formeront les
copropriétaires, avec mandat à l'Organisation Eurotel SA, qui resterait
cependant sous la dépendance directe des copropriétaires, ou si cette
Organisation doit être considérée comme un tiers exploitant l'hôtel de
façon indépendante.

Erwägung 3

    3.- La question litigieuse dépend de l'analyse et de l'appréciation
des clauses complexes que contiennent le "contrat de société" (ci-après:
le contrat) et le "règlement de copropriété" (ci-après: le règlement)
auxquels doivent adhérer les acquéreurs d'une Unité dans un Eurotel.

    Ces textes règlent à la fois la gestion de la copropriété sur
l'immeuble et l'exploitation de l'hôtel. Cette distinction est
importante, car les pouvoirs conférés aux copropriétaires en tant
que tels ne signifient rien quant à leur rôle dans l'exploitation de
l'hôtel. Le mélange des deux activités apparaît aussi dans le fait que
l'Organisation Eurotel est à la fois gérante de l'hôtel (art. 13 al. 1
du contrat) et administrateur de la copropriété (art. 15 du règlement),
au sens apparemment des art. 712 q à 712 t CC, la révocation de ces deux
mandats étant soumise aux mêmes conditions restrictives (art. 13 al. 3
du contrat et art. 15 al. 2 du règlement).

    L'assemblée des associés, qui se confond avec celle des
copropriétaires, ressemble fort à l'assemblée des copropriétaires que
prévoit l'art. 712 m CC, car elle a des pouvoirs semblables en vertu de
l'art. 9 du contrat, sauf qu'elle n'a pas à nommer l'administrateur. Rien
dans cette disposition ne lui donne la faculté d'intervenir directement
dans l'exploitation proprement dite de l'hôtel. Elle exerce bien un
pouvoir de contrôle qui s'étend aussi à cette exploitation, mais c'est une
conséquence du fait que le capital investi par chaque copropriétaire n'a
pas d'autre rendement assuré que celui de l'exploitation hôtelière. Ce
contrôle est donc inhérent à la gestion de la copropriété. On relève en
outre que, si elle doit approuver le budget et les comptes, l'assemblée
prend simplement connaissance du rapport de gestion. Quant au Comité
consultatif - qui correspond au comité dont par le l'art. 712 m ch. 3 CC
- il est bien chargé d'assister la gérance (art. 10 al. 1 du contrat),
mais les attributions qui lui sont expressément conférées (art. 11 du
contrat) se limitent à des contrôles, en ce qui concerne l'exploitation.
Ce n'est pas un organe de gestion que l'on pourrait comparer au Conseil
d'administration d'une société anonyme. Son nom (Comité consultatif,
Beirat) le montre d'ailleurs bien.

    Pour démontrer que les copropriétaires-associés ont un pouvoir effectif
de décision, le prononcé attaqué relève que, lors de la 2e assemblée
de l'"Eurotel Crans", le 18 septembre 1971, la compétence financière
concernant les dépenses extraordinaires d'acquisitions nouvelles et
de remplacement (Neu- und Ersatzanschaffungen) a été répartie entre
l'Organisation Eurotel (jusqu'à 10 000 fr.), le Comité consultatif
(de 10 000 à 20 000 fr.) et l'assemblée (au-delà de 20 000 fr.). Mais
de telles dépenses concernent la gestion de la copropriété, et non
l'exploitation proprement dite, même s'il s'agit d'objets mobiliers,
dans la mesure où ceux-ci appartiennent au propriétaire de l'immeuble et
en constituent des accessoires. Cette remarque vaut aussi pour les deux
exemples donnés par les intimés - dans leur réponse au recours - à propos
de 1,"Eurotel Montreux", dont l'assemblée du 30 avril 1973 a décidé une
dépense de 290 000 francs pour la transformation du "Snack-restaurant" et
défini une politique de placement des liquidités appartenant au fonds de
renouvellement. C'était aussi une affaire de gestion de la copropriété,
entrant dans la compétence de l'assemblée des copropriétaires en vertu
de l'art. 712 m CC, que de désigner comme organe de contrôle une autre
fiduciaire que celle proposée par Organisation Eurotel, ainsi que l'a fait
le 13 avril 1973 l'assemblée constitutive d'"Eurotel Les Diablerets". Les
intimés ne font en revanche état d'aucune décision de l'assemblée ou
du Comité consultatif d'un quelconque Eurotel de Suisse concernant
l'exploitation hôtelière proprement dite.

    Aux pouvoirs de l'assemblée et du Comité consultatif - limités, comme
on l'a vu, à la gestion de la copropriété et au contrôle de l'exploitation
hôtelière - il faut opposer les attributions de la Gérance, telle qu'elle
est confiée à l'Organisation Eurotel SA (art. 13 al. 1 du contrat).
Contrairement à ce que dit la décision attaquée, ces attributions ne se
ramènent pas à une simple surveillance; on ne saurait parler non plus
d'une sorte d'assistance technique, ni y voir uniquement la manifestation
du désir des copropriétaires de faire bénéficier leur entreprise du
renom d'Eurotel. En effet, selon l'art. 12 du contrat, la Gérance est non
seulement chargée d'assurer un contrôle technique et une haute surveillance
(lit. a), puis d'accomplir tous les actes d'administration ordinaires du
complexe immobilier (lit. b), mais il lui incombe en outre de représenter
la société simple - c'est-à-dire d'agir à sa place - pour toutes les
affaires ordinaires ayant trait à l'exploitation (lit. c). Elle est donc
bel et bien chargée de l'exploitation en général, et rien dans le contrat
ne dit qu'elle s'en occupe sous l'étroite dépendance des copropriétaires,
comme le prétend la décision attaquée. Le mot "ordinaire" (lit. c) ne
s'oppose manifestement qu'aux acquisitions importantes et en relation
avec la copropriété, lesquelles seules sont soumises à l'approbation de
l'assemblée de la société, tandis que l'acquisition des objets nécessaires
à l'exploitation et au confort est de la compétence de l'Organisation
Eurotel (art. 18 du contrat). C'est en outre cette organisation qui
engage le personnel, et décide seule de sa rémunération, de son activité,
et de son licenciement (art. 17 du contrat); certes, elle le fait "au
nom des associés", mais cette adjonction purement formelle ne confère
certainement pas aux copropriétaires le droit de donner directement des
ordres au personnel, notamment pas au directeur. Quant à l'obligation pour
l'Organisation Eurotel de tenir ses propres biens séparés de ceux de la
société simple (art. 19 du contrat), elle va de soi et incomberait de toute
façon à l'administrateur d'un immeuble en copropriété par étages. On doit
déduire de ces dispositions que la Gérance jouit d'une large indépendance
pour l'exploitation proprement dite, laquelle n'est soumise qu'à un
simple contrôle de la part des copropriétaires-associés. Dire que ceux-ci
assument la direction (Führung) des affaires, comme le font les intimés,
c'est méconnaître le texte du contrat et très probablement la réalité.

    Certes, l'Organisation Eurotel agit en vertu d'un mandat, lequel
est en principe révocable en tout temps selon une disposition impérative
de la loi (art. 404 CO; GAUTSCHI, Kommentar, note 10 lit. a, d et e ad
art. 404). Mais le contrat (art. 13 al. 3) subordonne la révocation
à des conditions si sévères (justes motifs, quorum de 750/1000 sans
représentation possible, droit de représentation très limité pour les
autres 250/1000, majorité qualifiée de 85%) qu'elle sera à peu près
impossible en pratique. Pour s'en persuader, il suffit de constater
qu'à l'assemblée tenue le 13 avril 1973 par "Eurotel Les Diablerets",
les copropriétaires présents ne détenaient que 205/1000 des voix, et
c'était pourtant une assemblée constitutive; à l'assemblée ordinaire
d'"Eurotel Montreux", le 30 avril 1973, ce chiffre était de 220/1000,
et le total des voix présentes et représentées de 452/1000. En première
instance, la Commission cantonale a vu dans cette impossibilité pratique
de révocation une circonstance décisive, alors que la décision attaquée
l'a estimée sans importance. On doit sur ce point donner raison à la
Commission cantonale, car le sentiment, pour l'Organisation Eurotel,
d'être en fait à l'abri d'une révocation ne peut que la rendre plus
indépendante dans l'exploitation de l'hôtel.

    Reste un élément en faveur de la thèse du Conseil d'Etat et des
intimés: c'est que les copropriétaires (les Eurotelman) participent
au résultat de l'exploitation proportionnellement aux millièmes que
représente leur Unité (art. 5 du contrat), l'Organisation Eurotel ne
recevant de son côté qu'une "indemnité" en pour-cent du chiffre d'affaires
(art. 25 du contrat). Cette société agit donc bien pour le compte des
copropriétaires- associés, qui se partagent les profits, mais semblent
devoir aussi supporter d'éventuelles pertes. Ce risque est cependant
plus théorique que réel, étant donné que le compte d'exploitation
hôtelière n'a aucune charge d'intérêts à supporter en rapport avec les
investissements; or c'est en raison de cette charge fixe avant tout qu'il
est souvent difficile d'équilibrer les comptes d'un hôtel. Il est en outre
intéressant de relever qu'en 1972, pour Eurotel Montreux, l'Organisation
Eurotel a rétrocédé aux copropriétaires, sur ses honoraires, une somme
de 55 000 fr. et que, compte tenu de cette rétrocession, le bénéfice net
a été de 1583 000 fr., ce qui représentait un rendement de 8,56% sur le
capital investi, dit le procès-verbal. Cette manière de présenter les
choses montre bien que ce que recherchent les copropriétaires, et ce que
s'efforce de leur procurer l'Organisation Eurotel, c'est un rendement
intéressant sur un placement immobilier, avec un risque de perte très
limité en fait. Si, pour les Eurotel existant actuellement en Suisse,
les copropriétaires avaient déjà eu à supporter des pertes, les intimés
n'auraient pas manqué d'en faire état.

    De tout ce qui précède, on doit conclure qu'en réalité ce ne sont
pas les copropriétaires qui exploitent eux-mêmes l'hôtel. Comme le disait
en première instance la Commission cantonale, ils restent très éloignés
de la marche des affaires hôtelières, et il serait pour le moins osé
de les considérer comme des "cohôteliers", ainsi que le prétendaient
les requérants. L'exploitation de l'hôtel est bien plutôt l'affaire de
l'Organisation Eurotel, qui pour cette activité n'est pas sous l'étroite
dépendance des copropriétaires, mais agit au contraire avec une grande
liberté. Bien que, formellement, le système ait été modifié depuis l'arrêt
Maraschi, la réalité n'a cependant pas changé de façon essentielle, et
les principes posés dans cet arrêt, puis confirmés par le législateur,
conduisent à dire que l'art. 6 al. 2 lit. b de l'AF du 23 mars 1961 n'est
pas applicable.

    Au demeurant, le cas Eurotel est très éloigné de la ratio legis, qui
était de permettre à des entreprises étrangères d'avoir un établissement
stable en Suisse. Dans le cas Eurotel, les investisseurs étrangers
sont, pour la plupart sans doute, de simples particuliers qui ne sont
pas des hôteliers et n'ont jamais songé à le devenir, leur unique but
étant de faire un placement immobilier avec la perspective d'un rendement
intéressant, surtout pour ceux qui n'ont pas le droit d'utiliser eux-mêmes
leur Unité, comme c'est le cas de Strickstrack. La circulaire émise par
l'Organisation Eurotel SA montre d'ailleurs bien qu'il s'agit, pour les
acquéreurs de parts, de procéder à un placement immobilier. Or, selon
l'art. 6 al. 3 de l'AF du 23 mars 1961 (texte de 1970), le placement de
capitaux ne constitue pas un motif légitime d'acquisition, en dehors de
deux exceptions non réalisées ici.

    Le recours doit donc être admis.

Erwägung 4

    4.- Les intimés soutiennent cependant que l'admission du recours
conduirait à une inégalité de traitement par rapport à des sociétés
étrangères spécialisées dans la construction et l'exploitation d'hôtels
(Holiday-Inn, Sheraton, Hilton, etc.), qui sont autorisées à établir des
succursales en Suisse et à y acheter les immeubles nécessaires.

    Ce grief, qui est à peine esquissé d'ailleurs, est mal fondé. En effet,
les sociétés citées remplissent juridiquement les conditions d'application
de l'art. 6 al. 2 lit. b de l'AF du 23 mars 1961, ainsi que les autorités
compétentes l'ont admis, de tout temps, semble-t-il. Economiquement,
leur cas présente peut-être une certaine analogie avec celui d'Eurotel,
mais cette analogie n'est que partielle, en ceci principalement que, dans
les sociétés citées, les investisseurs étrangers sont des entrepreneurs
en hôtellerie dont le but principal est d'exercer une activité économique
en Suisse, et non pas de faire un placement immobilier, alors que c'est
le contraire pour les acquéreurs d'Unités Eurotel. Pour ces motifs, le
cas de ces sociétés correspond beaucoup mieux à la ratio legis, et il
faut bien mettre une limite à l'exception que constitue l'art. 6 al. 2
lit. b de l'arrêté fédéral. Si, d'analogie en analogie, on étendait trop
la portée de cette règle, on finirait par porter fortement atteinte au
principe de l'interdiction.

    Du point de vue de la politique économique et touristique de la
Suisse, il eût peut-être été défendable d'étendre l'exception au cas
d'Eurotel. Mais seul le législateur aurait pu le faire; or il s'y est
expressément refusé, au cours des travaux parlementaires qui ont conduit à
l'adoption de l'AF du 21 mars 1973 modifiant celui du 23 mars 1961. Lors
de ces travaux en effet, le problème posé par le système Eurotel et
d'autres systèmes semblables a fait l'objet de diverses propositions,
dont les auteurs faisaient valoir des motifs de politique économique
et touristique, en relevant que l'équipement hôtelier de la Suisse
est aujourd'hui insuffisant, dans certains centres tout au moins, et
que le système Eurotel constitue un moyen efficace de remédier à cette
situation avec le concours d'hôtes en puissance, les capitaux suisses ne
s'investissant pas volontiers dans les constructions hôtelières. Mais ces
propositions ont été finalement retirées ou repoussées, notamment parce
qu'un tel système constitue essentiellement un placement de capitaux et
non la réelle exploitation commune d'un hôtel (cf. Bull. stén. CN 1972
p. 2227, 2236 à 2238, CE 1973 p. 224).

    Il est vrai que, formellement, la récente décision du Parlement -
passée sous silence par les intimés, alors que le recours la signalait avec
toutes références utiles - ne concerne que l'avenir. Mais le législateur
s'est en fait prononcé sur l'interprétation du droit applicable au
présent cas, et de façon si nette que le Tribunal fédéral ne saurait
ignorer cette interprétation, certainement compatible - voir la plus
compatible - avec les textes. Dans leurs interventions, les défenseurs
d'une règle favorable au système Eurotel se sont d'ailleurs montrés
eux-mêmes conscients de ce qu'il faudrait, d'une manière ou d'une autre,
modifier l'arrêté fédéral pour qu'ils obtiennent satisfaction. En outre,
le Tribunal fédéral ne pourra à l'avenir que tenir compte de ce qui sera
devenu un silence qualifié au sujet du cas Eurotel.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, annule la décision attaquée et refuse l'autorisation
demandée.