Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 299



99 Ib 299

37. Arrêt du 18 mai 1973 dans la cause X. contre Conseil d'Etat du canton
de Genève Regeste

    Entzug der Ausweiskarte des Kleinreisenden.

    1.  Auf die Verwaltungsgerichtsbeschwerde ist einzutreten, obwohl die
Karte infolge Zeitablaufs während des Verfahrens ungültig geworden ist
(Erw. 1).

    2.  Natur und Tragweite der Weisungen, die das Bundesamt für
Indu. strie, Gewerbe und Arbeit der kantonalen Stelle gestützt auf Art. 4
Abs. 2 lit. c HRG und Art. 7 Vollziehungsverordnung erteilt (Erw. 2).

    3.  Begriff der entehrenden Strafe im Sinne von Art. 4 Abs. 2 lit. c
HRG (Erw. 4).

Sachverhalt

    X. a sollicité du Département du commerce, de l'industrie et du travail
du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal) la délivrance
de la carte de légitimation pour voyageur de commerce au détail (carte
payante) prévue par l'art. 3 al. 2 de la loi fédérale du 4 octobre 1930
sur les voyageurs de commerce (LVC). Ayant appris que le requérant était
l'objet d'une poursuite pénale pour abus de confiance et recel, l'Office
fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (ci-après:
l'Office fédéral) a donné pour instructions au Département cantonal de
ne délivrer la carte qu'à titre provisoire, sous réserve de retrait en
cas de condamnation, ce qui fut fait par décision du 23 décembre 1971.

    Le 7 janvier 1972, le Tribunal supérieur du canton d'Argovie a
confirmé un jugement du Tribunal du district de Brugg du 7 juillet 1971,
condamnant X., pour recel, à la peine de quatre semaines d'emprisonnement,
avec sursis pendant trois ans. L'arrêt est entré en force. Par lettre
du 11 avril 1972, l'Office fédéral est intervenu auprès du Département
cantonal pour lui signaler que, vu sa condamnation, X. ne remplissait plus
les conditions d'octroi d'une carte de légitimation et pour l'inviter à
retirer la carte délivrée à titre provisoire le 23 décembre précédent. Le
Département cantonal a donné suite à cette invitation le 13 avril.

    Statuant le 13 décembre 1972, le Conseil d'Etat du Canton de Genève
a rejeté le recours interjeté contre cette décision par X.

    Celui-ci forme un recours de droit administratif et requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat et de prononcer
que la carte de légitimation sollicitée doit être délivrée ou ne doit
pas être retirée.

    Le Conseil d'Etat et le Département fédéral de l'économie publique
(ci-après: le Département fédéral) concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Pris dans un cas d'espèce, se fondant sur le droit public
fédéral (cf. RO 82 IV 45 consid. 3a) et modifiant la situation juridique du
recourant, l'arrêté attaqué est une décision au sens de l'art. 5 LPA. Il
peut être porté devant le Tribunal fédéral par la voie du recours de
droit administratif (art. 97 OJ), puisqu'il émane d'une autorité cantonale
statuant en dernière instance (art. 98 lettre g OJ), qu'il ne peut faire
l'objet d'un recours préalable à une autorité fédérale (art. 98 lettres b
à f OJ) et qu'aucune des exceptions des art. 99 à 102 OJ n'y fait obstacle
(cf. arrêt du 9 juin 1972 dans la cause K.).

    b) La carte de légitimation délivrée au recourant à titre provisoire
aurait de toute façon perdu sa validité le 23 décembre 1972. Cependant,
les conditions du retrait sont les mêmes que celles du refus (art.
7 LVC) et il n'est pas douteux qu'aux yeux des autorités administratives
compétentes la condamnation pénale prononcée contre X. ferait obstacle
à l'octroi d'une nouvelle carte comme elle a entraîné le retrait de la
précédente. Le recourant conserve donc un intérêt digne de protection à
faire trancher la question qu'il a soulevée et ce serait une formalité
vide de sens que de l'obliger à former une nouvelle demande et à provoquer
une décision de refus. Le recours est ainsi à tous égards recevable.

Erwägung 2

    2.- L'art. 4, al. 2 et 3, LVC dispose ce qui suit:

    "2. La carte de légitimation de voyageur au détail (carte payante)
ne sera délivrée que si le voyageur:

    a) possède un permis d'établissement ou de séjour;

    b) justifie d'une bonne réputation;

    c) n'a été condamné à aucune peine infamante privative de liberté
durant les trois ans qui ont précédé le jour où a été sollicitée la
délivrance de la carte. S'il a subi une peine, le délai de trois ans
court du jour de l'élargissement.

    3. La carte payante sera refusée si le voyageur représente une maison
convaincue, par un jugement exécutoire rendu au cours des trois années qui
ont précédé le jour de la demande, d'avoir porté préjudice à sa clientèle
par des procédés commerciaux déloyaux."

    Quant à l'art. 7, al. 1 et 2, du règlement d'exécution, du 5 juin
1931, modifié par arrêté du Conseil fédéral du 24 août 1956, il est ainsi
conçu: "2. Dispostion particulieres aux cartes payantes a) Réputation et
antécédents du voyageur

    1. Le voyageur au détail d'une maison suisse fera la preuve de bonne
réputation qui est prescrite par l'article 4, 2e alinéa, lettre b),
de la loi, en produisant un certificat officiel, datant de trois ans au
plus. Ce certificat sera présenté à l'office préposé à la délivrance des
cartes en même temps que la demande par laquelle la maison sollicite
soit la délivrance, soit le transfert d'une carte payante, ou encore
l'inscription sur la carte du nom d'un second voyageur.

    2. L'autorité préposée à la délivrance des cartes transmettra d'office
chaque demande directement au bureau fédéral de la police centrale pour
savoir si la condition posée à l'article 4, 2e alinéa, lettre c), de
la loi, est remplie. Si c'est le cas, le bureau en fera mention sur la
demande et la renverra directement à l'office. Si le bureau estime qu'il
n'y a pas lieu de délivrer la carte, il transmettra la demande à l'Office
fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, qui donnera les
instructions nécessaires à l'office préposé à la délivrance des cartes et
les portera en même temps à la connaissance de l'office central du canton."

    Les autorités cantonales se considèrent comme liées par les
instructions que. leur donne l'Office fédéral au sujet de l'application
de l'art. 4 al. 2 lettre c LVC. Le Département fédéral partage cette
opinion. Encore que cette question ne soit pas décisive en l'espèce,
puisque le Tribunal fédéral ne saurait être lui-même lié, il convient de
l'examiner préalablement au fond.

    Le Département fédéral soutient que si les autorités cantonales
n'étaient pas tenues de suivre ces instructions, la loi pourrait ne
pas être appliquée de manière uniforme. En réalité, cette crainte est
aujourd'hui vaine, puisque le Département peut agir par la voie du recours
de droit administratif (art. 103 lettre b OJ) et l'argument n'est pas
décisif. Il résulte implicitement de la loi que les autorités cantonales
délivrant les cartes de légitimation ne sont pas de simples exécutants. En
particulier, elles statuent sur le retrait de la carte lorsque surviennent
des faits qui en auraient justifié le refus (art. 7 LVC; cf. JAAC 19/20
- 1948/1950 - no 166). Il serait illogique de réserver à une autorité
fédérale la décision sur l'octroi de la carte et de confier à l'autorité
cantonale la compétence de décider du retrait, qui intervient pour les
mêmes motifs d'intérêt public que le refus, mais entraîne des conséquences
beaucoup plus graves pour le voyageur. Tel ne peut être le sens de la
loi. Au demeurant, il résulte en tout cas clairement de l'art. 7 al. 1
et al. 2 1re et 2e phrases RVC que l'autorité cantonale statue elle-même
et sans instructions sur les autres conditions d'octroi de la carte de
légitimation. Or, si les conditions de l'art. 4 al. 2 lettre a et al. 3 LVC
ne laissent guère de place à l'interprétation, il n'en est pas de même de
celle de l'art. 4 al. 2 lettre b. Une interprétation trop extensive de la
notion de bonne réputation par une autorité cantonale mettrait en question
l'efficacité de la loi tout autant qu'une interprétation trop étroite de
la notion de peine infamante au sens de l'art. 4 al. 2 lettre c LVC. On
ne comprendrait pas qu'une autorité fédérale statue en première instance
sur l'un des deux points et non sur l'autre, alors qu'ils sont évidemment
d'importance semblable. Pour conserver sa cohérence au système de la loi
et de l'ordonnance et notamment pour éviter le dédoublement des voies de
recours, il faut admettre que les instructions de l'Office fédéral pour
l'application dans un cas particulier de l'art. 4 al. 2 lettre c LVC
ont la valeur d'un préavis et non celle d'une décision autonome que les
autorités cantonales se borneraient à notifier. Cette solution s'impose
encore pour une autre raison. Le caractère infamant d'une peine doit
s'apprécier concrètement, au regard de toutes les circonstances de la
cause; l'autorité cantonale est mieux à même de le faire qu'une autorité
fédérale qui ne dispose en principe que d'un extrait du jugement.

Erwägung 3

    3.- En vertu de l'art. 7 LVC, la carte de légitimation peut être
retirée lorsque surviennent des faits qui en auraient justifié le refus,
soit lorsque les conditions de l'art. 4 LVC ne sont plus remplies. Le
Conseil d'Etat paraît admettre que, sans égard à l'art. 4 al. 2 lettre c
LVC, la carte de légitimation doit être refusée ou retirée au recourant:
en raison de la condamnation pénale prononcée contre lui, X. ne jouirait
plus de la bonne réputation qu'exige l'art. 4 al. 2 lettre b LVC. Ce
raisonnement n'est pas admissible. Personne ne prétend qu'indépendamment
de cette condamnation, le recourant n'aurait pas bonne réputation. Or,
ainsi que celui-ci le relève avec raison, si l'on admettait qu'une
seule condamnation, quelle qu'elle soit, suffit à ternir la réputation
du requérant au point de justifier le refus ou le retrait de la carte de
légitimation, on viderait de sa substance l'art. 4 al. 2 lettre c LVC. Le
point de savoir si l'unique peine infligée au recourant est une peine
infamante au sens de cette dernière disposition est donc bien seul décisif.

Erwägung 4

    4.- a) Le sens de l'expression de peine infamante doit se déduire
du but de la disposition. Le voyageur de commerce au détail se présente
chez les particuliers. Il entre souvent en relations avec des personnes
inexpérimentées. S'il est enclin à la délinquance, ses clients courent le
risque de devenir ses victimes. C'est pour parer à ce danger que la loi
écarte de l'activité de voyageur au détail, pour une certaine période,
les personnes frappées d'une peine infamante. Sera donc infamante au
sens de la loi une peine infligée en raison d'une infraction dénotant que
l'auteur est nettement enclin à abuser de la confiance ou de l'inexpérience
de ses pratiques; tel sera le cas notamment des peines prononcées pour
infractions graves contre le patrimoine ou contre les moeurs (cf. arrêt
du 9 juillet 1972 dans la cause K., consid. 2a et arrêt de ce jour dans
la cause Département fédéral de l'économie publique c. F.). On ne saurait
considérer comme infamantes les seules peines de réclusion, ni dénier de
manière générale ce caractère aux peines d'emprisonnement ou d'arrêts
prononcées en raison d'infractions qui ne sont pas aussi passibles de
réclusion (cf. MEISTER, Die Rechtsstellung des reisenden Kaufmanns in
der Schweiz, 1933, p. 27), ni se référer, pour interpréter cette notion,
à l'art. 139 al. 2 CC, dont le but est différent ou à l'art. 52 CP,
du reste aujourd'hui abrogé (arrêt Département fédéral c. F., précité).

    b) Le recourant a été condamné pour recel (art. 144 CP).  Sévèrement
punie par la loi pénale, cette infraction dénote, lorsqu'elle est commise
dans un dessein d'enrichissement, une mentalité criminelle qui n'est
pas, à priori, moins dangereuse pour le public que celle de l'auteur
d'autres crimes ou délits contre le patrimoine. S'il ne crée pas lui-même
la situation contraire au droit, le receleur la maintient et l'assure
(RO 95 IV 9), portant atteinte aux intérêts du lésé comme l'auteur de la
première infraction; souvent, il retire de celle-ci le plus grand profit
au moindre risque. On ne saurait donc considérer que le receleur fût moins
tenté qu'un autre délinquant d'abuser de la confiance ou de l'inexpérience
de ses clients. Cependant, il se peut que l'auteur agisse davantage, ou
même exclusivement, pour favoriser l'auteur de l'infraction. Sans cesser
de tomber sous le coup de l'art. 144 CP, qui n'implique aucune intention
spéciale (RO 90 IV 17 consid. 3 a), il apparaîtra moins coupable et moins
dangereux pour le public. Il se peut aussi, quel que soit le mobile de
l'auteur, que l'infraction soit de peu de gravité, sans pour autant que
l'art. 144 al. 2 CP puisse s'appliquer. Il incombe donc à l'autorité
chargée d'appliquer la loi sur les voyageurs de commerce d'apprécier
toutes les circonstances du cas, au regard du but de la loi.

    Le recourant a été condamné à une courte peine de quatre semaines
d'emprisonnement, avec sursis, pour une seule infraction. Son cas n'est
donc pas très grave. Mais cela ne suffit pas pour que l'on nie le caractère
infamant de la peine. Tout d'abord, le juge de première instance a arrêté
la durée de celle-ci précisément en raison du fait que le recourant se
verrait retirer sa carte de légitimation et que cette mesure administrative
aurait pour lui un effet punitif. Sans cet élément d'appréciation la
peine eût été plus longue. En outre et surtout, les circonstances de la
cause dénotent une mentalité réellement inquiétante. Manquant d'argent et
désirant se procurer des skis coûteux, le recourant a réussi à convaincre
un ami encore mineur de détourner au détriment de son employeur et de
lui remettre trois paires de skis d'une valeur de plus de 1700 fr. au
total, contre un versement de 400 fr. seulement, dont ledit ami devait
conserver 50 fr. pour lui. Si le juge pénal ne l'a pas condamné comme
instigateur - tout en retenant qu'il avait dans une mesure importante
décidé son coaccusé à commettre un abus de confiance ("den Mitangeklagten
weitgehend zu der von ihm verübten Veruntreung bestimmt hat"), ce qui
est la définition même de l'instigation (art. 24 CP) - voire comme
coauteur, X. n'en a pas moins joué un rôle particulièrement déplaisant,
s'apprêtant à retirer sans risque la plus grande part du profit de
l'infraction, après avoir abusé de l'amitié d'un mineur. On peut dès
lors légitimement craindre qu'il n'hésitera pas à abuser aussi de la
confiance ou de l'inexpérience de personnes qui lui sont étrangères. Il
est vrai qu'il a ensuite reconnu son rôle et indemnisé le lésé, ce qui
a incliné le juge pénal à la clémence. Mais l'autorité administrative,
dont le rôle est ici essentiellement d'assurer la protection du public,
n'a pas, s'agissant de décider du caractère infamant de la condamnation
encourue, à tenir compte de ces éléments dans la même mesure que le juge
pénal arrêtant la durée de la peine. Pour le même motif d'intérêt public,
elle ne saurait être liée par le pronostic favorable qu'implique l'octroi
du sursis. En qualifiant d'infamante, au sens de l'art. 4 al. 2 lettre
c LVC, la peine prononcée contre X., elle n'a pas violé le droit fédéral.

    c) Les conditions de l'art. 4 LVC sont des conditions nécessaires
et leur défaut entraîne de plein droit le refus de la carte de
légitimation. En revanche, l'art. 7 dispose que la carte de légitimation
délivrée peut être retirée lorsque surviennent des faits qui en auraient
justifié le refus. L'autorité dispose dans ce cas d'une véritable liberté
d'appréciation, lui permettant de tenir compte équitablement des intérêts
du voyageur. C'est dans cette situation que l'autorité cantonale se
trouvait en l'espèce. Mais on ne saurait lui reprocher d'avoir abusé
de son pouvoir. X. n'a travaillé comme voyageur que pendant quelques
mois. Sa formation universitaire lui permet sans aucun doute de trouver
un autre emploi. Son intérêt à continuer d'exercer l'activité de voyageur
ne l'emportait certainement pas sur l'intérêt public à l'en éloigner. Au
demeurant, ce point est aujourd'hui sans importance, puisque la carte de
légitimation délivrée au recourant à titre provisoire est échue et qu'il
n'est plus question de la retirer, mais bien de refuser d'en délivrer
une nouvelle (cf.

    consid. 1b ci-dessus).

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.