Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IB 292



99 Ib 292

36. Arrêt du 8 juin 1973 dans la cause Société anonyme des Hôtels
"Président" contre Entreprise des postes, téléphones et télégraphes Regeste

    Telegraphen- und Telephonverkehrsgesetz vom 14. Oktober 1922.
Bezug der Telephontaxen.

    Es wird vermutet, dass die Abrechnungen der Verwaltung richtig
sind, doch genügt für den Gegenbeweis eine an Sicherheit grenzende
Wahrscheinlichkeit (Erw. 1).

    Im vorliegenden Fall macht der Vergleich mit der Höhe der Taxen
der anderen Perioden den vom Abonnenten geltend gemachten Irrtum nicht
wahrscheinlich (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Edictée en vertu de l'art. 5 al. 4 lit. a de l'ordonnance
d'exécution de la loi sur l'organisation de l'Entreprise des postes,
téléphones et télégraphes (PTT) par la Direction générale, l'Instruction
pour la perception des taxes téléphoniques (B 118 b) soumet cette
opération à des modalités destinées à en assurer l'exactitude et qui sont
en résumé les suivantes. a) Les compteurs d'impulsions des raccordements
téléphoniques sont photographiés tous les deux mois dans les centraux
d'arrondissement. Les clichés portent chacun les chiffres relevés sur 100
compteurs. Une fois contrôlés au point de vue de leur qualité technique,
ils sont envoyés au Centre de calcul électronique, où ils sont examinés
par deux personnes, travaillant indépendamment l'une de l'autre. La taxe
est alors calculée d'après la différence entre l'ancien et le nouvel état
du compteur - chaque impulsion représentant 10 centimes -, puis comparée,
par un procédé électronique - dit MAVAT -, à la moyenne des taxes perçues
pendant les six dernières périodes bimestrielles.

    Lorsque l'écart entre la taxe à prélever et la moyenne des
taxes précédentes dépasse la limite de tolérance, le Centre de calcul
électronique en informe la direction d'arrondissement intéressée au moyen
d'une liste spéciale. Au vu de cette pièce, le service de mise en compte
des taxes décide s'il y a lieu d'ouvrir une enquête. Le cas échéant,
il se sert des photographies qui, dans certains arrondissements, sont
prises au cours de la période de deux mois, en sus des clichés développés
à la fin de celle-ci. Après les vérifications et corrections éventuelles,
la taxe est facturée.

    b) Une des sources d'erreurs possibles est le débordement du compteur,
soit l'enregistrement, au cours d'une même période bimestrielle, d'un
nombre d'impulsions supérieur à la capacité de l'appareil. Dans ce cas,
la comparaison de l'ancien et du nouvel état du compteur ne donne pas
le nombre exact des impulsions enregistrées au cours de la période, mais
seulement la différence entre ce nombre et la capacité totale du compteur
(ou un multiple de celle-ci). A moins de prendre des mesures spéciales,
telle celle de photographier le compteur à une ou plusieurs reprises
en cours de période, il n'est pas possible de déceler directement si
l'appareil a débordé une ou plusieurs fois durant celle-ci. D'où l'utilité
du procédé MAVAT.

    c) A la fin de 1970, l'Entreprise des PTT a introduit le système de la
sélection automatique dans les rapports avec les Etats-Unis d'Amérique,
soit la possibilité d'entrer directement en relation téléphonique
avec ce pays. Elle n'ignorait pas, dit-elle, qu'à la suite de cette
innovation, les compteurs de 4 et même de 5 chiffres seraient sujets à
débordement. Toutefois, elle s'est fiée à l'efficacité des mesures prises
pour déceler les erreurs et a renoncé à attendre, pour introduire la
sélection automatique, le remplacement de ces compteurs par de nouveaux
appareils de 6 chiffres.

    B.- La Société anonyme des Hôtels "Président" exploite à Genève un
hôtel qui dispose de 24 lignes téléphoniques reliées à l'extérieur.

    Le 1er octobre 1971, la Direction d'arrondissement des téléphones,
à Genève, a avisé cet établissement qu'il avait bénéficié de taxations
erronées. En ce qui concerne la ligne 318367, le montant de 823 fr. 30
mis en compte pour la période de mai-juin 1971 devait être porté à 10 823
fr. 30. En outre, pour la ligne 324993, les montants de 2230 fr. 20 et de
1461 fr. 30 facturés pour les périodes de mai-juin et de juillet-août 1971
devaient être élevés à 12 230 fr. 20 et à 11 461 fr. 30. Pour ces deux
lignes, le total non perçu atteignait ainsi 30 000 fr. En réclamant cette
somme, l'administration attribuait les erreurs invoquées au débordement
des compteurs à 5 chiffres sur lesquels les taxes de conversation avaient
été enregistrées.

    Le 21 décembre 1971, la même direction d'arrondissement a invité
la Société des Hôtels "Président" à verser un supplément de 20 000 fr.,
les taxes des communications inscrites sur le compteur de la ligne 317825
ayant été fixées par erreur à 3618 fr. 90 au lieu de 13 618 fr. 90 pour
la période de mai-juin 1971 et à 2401 fr. 50 au lieu de 12 401 fr. 50
pour celle de juilletaoût 1971. Elle faisait valoir dès lors une créance
globale de 50 000 fr.

    S'étant opposée à cette prétention, la Société des Hôtels "Président"
a été condamnée à s'acquitter, le 11 avril 1972, par le directeur des
Services des télécommunications.

    Le recours qu'elle adressa à la Direction générale de l'entreprise
des PTT fut rejeté, le 31 juillet 1972.

    C.- Par un recours de droit administratif, la Société des Hôtels
"Président" requiert le Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de
débouter l'Entreprise des PTT de sa prétention.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En vertu du principe d'égalité, l'administration est tenue de
fournir ses prestations à tous aux mêmes conditions. Il est également
conforme à ce principe qu'en cas d'erreur dans le calcul de taxes dues pour
ses prestations, elle procède à une rectification, soit en réclamant la
somme impayée, soit en remboursant celle qui a été versée en trop. L'art. 8
al. 1 de la loi du 14 octobre 1922 sur la correspondance télégraphique et
téléphonique (LTT) le prévoit en ces termes: "Si des erreurs se produisent
lors du calcul des taxes, droits et débours, ou lors de l'établissement
de décomptes, l'Entreprise des postes, téléphones et télégraphes est
autorisée à réclamer complémentairement la somme perçue en moins, et
tenue de restituer la somme perçue en trop". Cependant, pour éviter que
les factures de l'établissement public ne soient remises en question
indéfiniment, l'art. 8 al. 2 LTT limite à une année, depuis la mise en
compte inexacte, le temps pendant lequel l'erreur peut être redressée.

    C'est bien à l'Entreprise des PTT que l'art. 8 LTT attribue une faculté
et impose une obligation. Certes, son texte primitif visait exclusivement
"l'administration des télégraphes", ce qui a éveillé un doute dans
l'esprit de la recourante sur l'applicabilité de cette disposition aux
taxes téléphoniques. Toutefois, dans la teneur qui a été adoptée le 19
décembre 1969, l'art. 21 de la loi sur l'organisation de l'Entreprise
des PTT a levé toute ambiguïté, en remplaçant dans les lois, ordonnances
et autres publications officielles les dénominations "administration
des postes, télégraphes et téléphones", "administration des postes" et
"administration des télégraphes" par celle d'"Entreprise des postes,
téléphones et télégraphes". L'Entreprise des PTT a donc incontestablement
qualité pour se fonder sur l'art. 8 LTT.

    Au sens de cette disposition, il faut entendre par erreur n'importe
quelle appréciation inexacte. Une interprétation plus étroite ne répondrait
pas au but de la loi, à savoir rétablir l'égalité rompue. Dès lors, peu
importe que l'erreur soit imputable à l'administration ou à l'administré,
qu'elle résulte ou non d'une faute, qu'elle procède d'une insuffisance
d'organisation, de la défectuosité d'un appareil ou de l'inattention d'un
comptable. Quoi qu'il en soit, elle peut être corrigée dans l'année.

    A vrai dire, la règle posée n'est pas nécessairement absolue. Il
n'est pas exclu qu'au cas où une réclamation émise par l'Entreprise des
PTT sur la base de l'art. 8 LTT cause à l'abonné un dommage, l'origine ou
la nature de l'erreur joue un rôle dans l'application de ce texte. Par
exemple, si un restaurateur qui met des appareils téléphoniques à la
disposition de sa clientèle, est appelé à payer des taxes qui, par suite
de la négligence d'un fonctionnaire, ne figuraient pas dans les décomptes
périodiques, et qu'il se trouve dans l'impossibilité de récupérer auprès
des usagers les montants mis à sa charge après coup, il est exposé à un
préjudice en raison d'une faute de l'administration. En l'occurrence, on
pourrait envisager de recourir par analogie à l'art. 26 CO ou aux règles
sur l'enrichissement illégitime pour réduire ou rejeter la prétention de
l'Entreprise des PTT. Cependant, vu les circonstances analysées ci-dessous,
point n'est besoin de résoudre cette question en l'espèce.

    Quant à la preuve de l'erreur, l'art. 34 LTT fait règle. Ainsi qu'il
le prescrit, "les comptes relatifs aux conversations téléphoniques
sont établis sur la base des inscriptions qu'effectuent les organes
de l'Entreprise des postes, téléphones et télégraphes, et qui font foi
jusqu'à preuve du contraire." Cette disposition crée donc une présomption
d'exactitude en faveur des inscriptions portées par les agents de
l'Etat. En conséquence, l'abonné qui se prévaut d'une erreur doit en
établir la réalité. En outre, si l'administration s'appuie sur ses propres
documents pour invoquer une erreur, il incombe à l'abonné d'en démontrer
l'inexistence. Peu importe même que ces documents en corrigent d'autres
dont un contrôle a révélé le caractère erroné; les pièces rectificatives
présentant plus de garantie d'exactitude que les précédentes, il n'y
a aucune raison de refuser à celles-là la présomption dont celles-ci
bénéficient. Encore faut-il relever que, d'ordinaire, l'abonné ne peut
fournir facilement la preuve mise à sa charge. Faute d'avoir accès aux
installations de l'administration, il est généralement obligé de s'en
remettre aux renseignements qu'elle lui donne. Aussi, sans exiger de
preuve absolue, convient-il de considérer comme une preuve suffisante
une vraisemblance qui se rapproche de la certitude.

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, les clichés sur la base desquels l'Entreprise des
PTT a émis sa prétention, sont censés contenir des chiffres exacts en
vertu de l'art. 34 LTT. Il s'agit dès lors d'examiner si les allégations
de la recourante sont assez vraisemblables pour détruire cette présomption.

    La recourante soutient qu'elle a versé à l'Entreprise des PTT 582 222
fr. 10 en 1970 et 527 604 fr. 35 en 1971, que cette différence s'explique
par la diminution de la clientèle américaine, dont les nuitées ont passé de
25 910 à 18 813 d'une année à l'autre, et qu'en conséquence, la réclamation
d'un supplément de 50 000 fr. ne tient pas compte d'un élément qui la fait
apparaître comme abusive. Pour sa part, tout en contestant les montants
indiqués, l'Entreprise des PTT admet que les versements de la recourante se
sont réduits de plus de 50 000 fr. de 1970 à 1971. Quoi qu'il en soit, bien
que l'argumentation de la recourante ne soit pas dépourvue de valeur, elle
n'est pas décisive en elle-même. Elle repose sur des données annuelles,
c'est-à-dire qu'on ignore si la clientèle américaine a baissé pendant les
mois litigieux ou à d'autres périodes. Seuls les renseignements mensuels
sollicités de la recourante auraient permis de répondre à cette question,
fussent-ils plus ou moins approximatifs. Au reste, comme le fait observer
l'Entreprise des PTT, il n'est pas exclu que le trafic téléphonique entre
la Suisse et les Etats-Unis se soit intensifié pour les raisons mêmes
qui ont provoqué l'éloignement des hôtes américains.

    La recourante fait valoir également que, le 30 mars 1972, l'Entreprise
des PTT a décidé de lui rembourser une somme de 324 fr. 80 mise en compte
sur la facture d'août 1971 et que, le 25 avril 1972, elle a accepté de
faire abstraction d'un montant de 196 fr. 75, soit de la contre-valeur
d'une conversation enregistrée sur un appareil défectueux. Toutefois,
si des erreurs se sont produites dans des cas isolés, il ne s'ensuit
pas nécessairement que l'Entreprise des PTT se trompe en réclamant un
supplément de 50 000 fr. Au contraire, le fait que l'administration ait
corrigé certaines erreurs commises au détriment d'un abonné laisse supposer
qu'en l'espèce, elle serait aussi prête à reconnaître l'existence d'une
erreur, si erreur il y avait.

    Plus importantes sont les déductions que l'on peut tirer des listes
déposées par l'Entreprise des PTT. Normalement, dans un hôtel fréquenté de
façon régulière, tel que semble être celui de la recourante, les montants
des taxes téléphoniques ne varient que dans certaines limites. Sans doute
est-il possible qu'en raison de circonstances spéciales, elles augmentent
ou fléchissent sensiblement. Il n'en est pas moins vrai qu'en général,
des écarts considérables rendent probable l'existence d'une erreur. Or
tel est le cas en l'espèce.

    Pour les trois lignes en cause, les taxes facturées ont été les
suivantes, sans la rectification objet du présent litige (les montants
sont en francs, arrondis au franc inférieur, et les montants litigieux
sont en italique) :

    Période            Ligne 31 78 25   Ligne 31 83 67  Ligne 32 49 93
                      1971     1972    1971    1972    1971    1972
   janvier-février    9464             7855            8536 mars-avril
   6995             6468            4883 mai-juin           3618    14255
   823    9921    2230    11164 juillet-août       2401    10239    9786
   1461     7224 septembre-octobre  9432            13676           14715
   novembre-décembre 12785             8358            8932

    Au vu de ces chiffres, les erreurs alléguées par l'administration
paraissent hautement vraisemblables. Au sujet de la ligne 317825, il est
plausible que les taxes contestées doivent être portées à 13 618 fr. 90 et
à 12 401 fr. 50; si ces chiffres dépassent nettement ceux de mars-avril,
ils ne s'éloignent pas beaucoup de ceux qui figurent sur les factures de
janvier-février, septembreoctobre et novembre-décembre. A propos de la
ligne 318367, il est manifeste que le montant de 823 fr. 30 est inexact;
une somme de 10 000 fr. supérieure correspond mieux aux taxes des autres
périodes. Enfin, les mêmes observations valent pour la ligne 324993. Et
comme elles ont trait uniquement à 1971, il est sans importance que
la clientèle américaine ait été moins nombreuse cette année-là qu'en
1970. Au demeurant, les constatations précédentes sont confirmées par les
taxes perçues en 1972, qui excèdent de beaucoup les montants portés en
compte à l'origine pour les mêmes périodes de 1971. Enfin, les relevés
photographiques intermédiaires produits montrent que les compteurs des
lignes en cause ont chaque fois débordé durant les périodes sur lesquelles
porte le litige.

    Il résulte de l'examen du dossier que la recourante n'a pas administré
la preuve dont elle a la charge en vertu de l'art. 34 LTT, que les premiers
décomptes des taxes téléphoniques doivent être tenus pour erronés et les
seconds pour exacts, et qu'en conséquence, la réclamation d'un supplément
de 50 000 fr. est bien fondée. Il n'est pas question d'écarter ou même
de réduire cette prétention, par application analogique de l'art. 26 CO
ou des règles sur l'enrichissement illégitime, en raison d'un dommage
causé à la recourante par l'Entreprise des PTT. Le règlement tardif des
taxes n'est nullement préjudiciable à la recourante, qui les a fait payer
d'avance par sa clientèle, avec une surtaxe appréciable. En 1970 et 1971,
selon ses propres déclarations, la recourante a encaissé 897 711 fr. 75
et 862 222 fr. 80, tandis qu'elle versait 582 222 fr. 10 et 527 604 fr. 35.

    Compte tenu même des salaires des téléphonistes, des frais généraux
et des amortissements, elle a réalisé un bénéfice qui dépasse de loin le
complément exigé. Son cas se distingue donc de celui de l'abonné français
qui a été dispensé d'acquitter les taxes, parce qu'il se trouvait dans
l'impossibilité d'en recouvrer le montant auprès de sa clientèle, à
laquelle une défectuosité de l'appareil avait permis de téléphoner sans
limite de temps aux Etats-Unis au tarif des communications locales.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours.