Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 453



99 Ia 453

55. Extrait de l'arrêt du 13 juin 1973 dans la cause X. contre Conseil
d'Etat du canton de Neuchâtel. Regeste

    Widerruf einer Verwaltungsverfügung.

    Voraussetzungen für den Widerruf eines Maturitätszeugnisses.
Gegenüberstellung der massgebenden Interessen: Postulat derrichtigen
Anwendung des materiellen Rechts, Erfordernis der Rechtssicherheit.

Sachverhalt

                        Résumé des faits

    A.- A l'issue des examens de baccalauréat de l'été 1972 au gymnase
cantonal de Neuchâtel, l'attention du directeur de cet établissement a été
attirée sur la façon dont s'était déroulé l'examen oral de mathématiques
dans la section littéraire. Estimant que cet examen était affecté d'un
vice de forme qui pouvait avoir joué un rôle dans l'échec des deux élèves
X. et Y, le directeur proposa aux intéressées de repasser l'examen oral
de mathématiques devant un nouveau jury, ce qu'elles acceptèrent. Elles
obtinrent alors une note suffisante pour atteindre le total de points
nécessaire à la réussite du baccalauréat. Elles ont reçu, dans le courant
de juillet, leur diplôme de bachelière, portant la signature du directeur
du Département cantonal de l'instruction publique et du directeur du
gymnase.

    B.- Ayant reçu en août et septembre quatre plaintes émanant de parents
d'élèves qui avaient échoué, ainsi qu'une lettre du Conseil des professeurs
du gymnase, le chef du Département a décidé l'ouverture d'une enquête
administrative, qu'il a confiée à un président de tribunal. Statuant le
10 novembre 1972 en qualité d'autorité de surveillance, le Conseil d'Etat
a cassé la décision du directeur du gymnase d'organiser un second examen
oral de mathématiques et annulé les résultats de cet examen, puis annulé
les diplômes de baccalauréat et les certificats de maturité fédérale
délivrés aux élèves X. et Y, en faisant "interdiction à ces dernières
de s'en prévaloir auprès d'une instance quelconque" et en chargeant le
département de procéder au retrait des diplômes et certificats en cause.

    C.- Saisi d'un recours de droit public de delle X. le Tribunal fédéral
a annulé la décision du Conseil d'Etat du 10 novembre 1972 relative à
cette dernière.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- Pour décider si un acte administratif passé en force peut être
révoqué ou non, l'autorité compétente doit en principe confronter les
intérêts en présence: d'une part, l'intérêt à la révocation, représenté le
plus souvent par l'intérêt public à la juste application du droit matériel,
et d'autre part les exigences de la sécurité du droit.

    a) A l'appui de sa décision de révocation, le Conseil d'Etat a retenu
un triple motif: le défaut de compétence du directeur du gymnase pour
décider seul la répétition d'un examen de baccalauréat, l'insuffisance
des motifs avancés pour justifier cette décision et surtout l'inégalité
de traitement créée à l'égard d'autres élèves.

    aa) Le Conseil d'Etat relève que la décision annulée par lui méconnaît
les compétences du conseil du gymnase, qui se prononce dans certains
cas prévus par le règlement (art. 30, 35 et 50 al. 2), qu'elle méconnaît
également les compétences du Département de l'instruction publique; il
soutient qu'il s'agit d'une mesure grave et importante, qui ne saurait être
laissée à la simple appréciation du directeur ou de son corps enseignant.

    Il n'est cependant pas contesté que l'organisation des examens soit
une tâche du directeur; il n'est pas non plus contesté qu'en dépit de
l'art. 39 al. 3 du règlement (qui prévoit l'autorisation du Département
pour organiser une session spéciale à l'intention d'un malade) ce soit le
gymnase lui-même qui ait organisé seul de telles sessions depuis plusieurs
années, avec l'accord tacite, semble-t-il, du Département.

    Il est vrai que la décision de faire répéter un examen vicié quant
à sa forme est plus grave et peut être plus lourde de conséquence
que la décision d'organiser un examen spécial pour un ou des élèves
malades. Aussi pourrait-on admettre que, même à défaut de disposition
légale ou réglementaire expresse, le directeur du gymnase devrait consulter
le Département pour organiser, d'entente avec lui, la répétition d'un
examen. Il faut cependant relever qu'en l'espèce le directeur n'a pas
organisé cette répétition à l'insu du Département: il a en effet informé le
chef de service du Département de l'instruction publique du vice de forme
qui s'était produit dans l'examen oral de mathématiques de la section
littéraire et de la répétition prévue de l'examen de cette branche pour
les élèves X. et Y.; s'il n'en a pas reçu l'approbation, il n'a pas non
plus reçu du Département l'interdiction de répéter cet examen.

    Il faut considérer enfin que les diplômes de baccalauréat des
élèves X. et Y. ont été signés non seulement par le directeur du Gymnase
cantonal de Neuchâtel, mais également par le directeur du Département
de l'instruction publique. Ces diplômes n'ont pas été retenus par le
Département, qui n'ignorait pas que l'examen de mathématiques avait été
répété pour ces deux élèves. On peut donc se demander si la signature
de ces diplômes par le chef du Département n'a pas couvert et réparé
l'irrégularité dont fait état la décision attaquée.

    Quoi qu'il en soit, les diplômes de baccalauréat - qui font aussi
l'objet de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat - ont été délivrés
par l'autorité compétente.

    bb) Le Conseil d'Etat ne conteste pas que l'examen oral de
mathématiques de la section littéraire ait été entaché d'un certain vice de
forme, mais il estime cette irrégularité trop peu importante pour pouvoir
justifier la répétition de l'examen, mesure d'exception qui ne pourrait
être prise, selon lui, que pour des raisons contraignantes et évidentes.

    Il est vrai qu'on ne peut pas, sous peine de remettre en question
le sens même d'un examen, décider à la legère de le faire repasser à
des élèves qui ont échoué, ne serait-ce que pour un demi-point. Mais le
directeur du gymnase n'a pas pris sa décision à la légère: à défaut de
pouvoir discuter du cas avec le professeur de mathématiques - absent -
il a consulté les autres examinateurs; il en a parlé au chef de service
du Département; il n'a pas décidé la répétition de l'examen sans s'être
persuadé que la manière dont l'examen de mathématiques s'était déroulé
avait réellement pu décontenancei certains élèves. Néanmoins, il n'est
pas exclu qu'il ait fait une erreur d'appréciation quant à la gravité du
vice de forme en cause.

    Mais, là également, on peut se demander si la signature des diplômes
par le chef du Département n'a pas couvert l'éventuelle irrégularité de
la décision du directeur du gymnase.

    cc) C'est enfin pour rétablir l'égalité de traitement - considérée
par lui comme violée en l'espèce - que le Conseil d'Etat a annulé les
résultats de l'examen répété et les diplômes de baccalauréat délivrés à
X. et à Y. Estimant que les raisons - avancées par le directeur du gymnase
- de traiter différemment ces deux élèves ne pouvaient être retenues,
le Conseil d'Etat a jugé qu'on devrait tenir compte de l'ensemble des
élèves qui avaient échoué pour un seul demi-point manquant.

    Mais il n'est pas contesté que seul l'examen oral de mathématiques
de la section littéraire ait été entaché d'un vice de forme - même peu
important - et que, dans cette section, X. et Y. soient "les seules à
avoir échoué à leur baccalauréat pour un demi-point manquant à l'oral de
mathématiques". Quant aux autres sections, scientifique et pédagogique,
dans lesquelles certains élèves ont aussi échoué pour le seul motif d'un
demi-point manquant au total requis, il n'a jamais été allégué qu'un
quelconque examen de branche ait été affecté d'un vice de forme qui aurait
pu en justifier la répétition.

    Le Conseil d'Etat ne conteste pas expressément que la situation ait
été différente pour les élèves X. et Y.; il estime simplement que cette
différence était trop peu importante pour permettre de faire repasser un
examen de branche à ces deux élèves et pas aux autres.

    b) En regard des motifs invoqués par le Conseil d'Etat pour justifier
l'annulation de l'examen et du diplôme de X., il y a lieu de considérer les
motifs de sécurité du droit qui requièrent le maintien des actes annulés.

    Il faut retenir tout d'abord que l'octroi du diplôme a créé en faveur
de la recourante un droit subjectif, dont elle avait déjà fait usage -
en s'inscrivant à l'Université de Lausanne - au moment où la décision du
Conseil d'Etat a été prise. Or, selon la doctrine et la jurisprudence,
la révocation d'un tel acte administratif ne peut intervenir que si
certaines conditions précises sont réalisées (RO 93 I 665 et les arrêts
cités, 93 I 675; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 212),

    aa) La révocation peut intervenir lorsque l'acte administratif a été
obtenu de manière frauduleuse par son bénéficiaire. Or il n'en est rien
en l'espèce.

    Il n'a jamais été allégué que la recourante ait commis une fraude au
cours des examens, ni qu'elle n'ait pas mérité la note de mathématiques
obtenue lors de la répétition de l'examen et déterminante pour l'obtention
du nombre de points nécessaire. On ne saurait rien lui reprocher non
plus quant à l'organisation du nouvel examen: elle s'était assurée que
"tout était en ordre"; elle savait également que la répétition n'était
faite que pour l'examen oral de mathématiques entaché d'un vice de forme
à la section littéraire, et pour les deux seules élèves auxquelles une
meilleure note dans cette branche permettrait d'obtenir le demi-point
qui seul manquait pour la réussite du baccalauréat.

    On ne pouvait donc pas annuler l'examen et le diplôme de X. en
alléguant une fraude commise par elle. Aussi bien le Conseil d'Etat ne
l'a-t-il pas prétendu; il a même reconnu, dans la réponse au recours,
que la décision prise par lui ne dépendait pas d'un comportement fautif
de la recourante ou de son père.

    bb) Un acte administratif peut aussi être révoqué lorsque les
conditions requises pour son octroi ne sont plus remplies. Tel n'est
pas le cas en l'espèce: la recourante a prouvé, lors des examens sur les
différentes branches et de l'examen oral répété en mathématiques, qu'elle
avait les connaissances requises pour obtenir son diplôme de baccalauréat.
Aucun fait postérieur n'est venu infirmer cette constatation.

    cc) Une décision administrative peut également être révoquée lorsque
l'autorité qui l'a rendue s'est réservé la faculté de la retirer. Or rien
de semblable ne s'est produit en l'espèce. Le diplôme a été signé par
le directeur du Département de l'instruction publique, alors même que
ledit département avait été mis au courant du vice de forme de l'examen
oral de mathématiques à la section littéraire et de la répétition de
cet examen prévue pour deux élèves. Aucune réserve ni remarque n'a été
faite à l'occasion de cette signature, à plus forte raison pas de réserve
expresse d'une éventuelle révocation pour le cas où le procédé viendrait
à être contesté ultérieurement.

    Au surplus, la révocation d'un diplôme de baccalauréat n'est pas non
plus réservée expressément par le règlement.

    c) En conclusion, les actes révoqués avaient créé un droit subjectif,
dont la recourante avait déjà fait usage lors de la révocation; aucune
des conditions qui permettraient, selon la jurisprudence et la doctrine,
de justifier une révocation n'est réalisée en l'espèce. En raison du
droit acquis de la recourante, une telle révocation ne se justifiait pas
davantage par les motifs retenus dans la décision attaquée et la réponse
au présent recours; notamment le motif principal invoqué par le Conseil
d'Etat, savoir l'élimination d'une inégalité de traitement - d'ailleurs
discutable, comme on l'a vu ci-dessus-, n'était pas à ce point important
qu'il pût l'emporter sur les exigences de la sécurité du droit.

    La décision attaquée doit dès lors être annulée, en ce qui concerne
la recourante, pour violation des droits acquis.