Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 364



99 Ia 364

41. Extrait de l'arrêt du 21 mars 1973 dans la cause Hoirs Chapallaz
contre Commune de Nyon et Tribunal cantonal vaudois Regeste

    Öffentlich-rechtliche Eigentumsbeschränkungen. Bebauungsplan für
Arkaden. Art. 4 und 22ter BV.

    Städtischer Bebauungsplan, der für die Anlage eines Trottoirs
für Fussgänger den Bau von Arkaden auf privatem Grundeigentum und den
Erwerb der hiefür erforderlichen Rechte durch die Gemeinde vorsieht.
Entschädigungsfrage. Materielle oder formelle Enteignung?

Sachverhalt

    A. - Les hoirs d'Henri Chapallaz sont propriétaires, au> centre de la
ville de Nyon, de l'immeuble bâti no 96, situé à l'angle de la Grand-Rue
et de la rue de la Gare, sur une parcelle de 140 m2. Le bâtiment abrite au
rez-de-chaussée une librairiepapeterie et un service de reliure (exploités
par des membres de l'hoirie), avec trois vitrines, dont une donne sur la
rue de la Gare et les deux autres sur la Grand-Rue; il comprend en outre
trois étages occupés par des appartements. Cinq bâtiments (nos 97 à 101)
lui font suite le long de la Grand-Rue au nord-est, en direction de la
place Bel-Air.

    B.- Un plan d'extension partiel, mis à l'enquête publique le 13
avril 1968 par la Municipalité de Nyon, prévoit l'aménagement d'arcades
au rez-de-chaussée des bâtiments nos 96 à 100; il fixe à cet effet
un alignement en retrait de 3 mètres et prévoit la constitution d'une
servitude de passage à pied en faveur du public, au für et à mesure de
la réalisation du passage sous les arcades par la commune de Nyon.

    Les hoirs Chapallaz ont fait opposition à ce plan. Le Conseil communal
de Nyon l'a néanmoins adopté le 9 septembre 1968 et le Conseil d'Etat l'a
approuvé le 1er novembre 1968, après avoir rejeté l'opposition des hoirs
Chapallaz. Saisi d'un recours de droit public des hoirs Chapallaz, le
Tribunal fédéral l'a rejeté par arrêt du 26 novembre 1969; il a notamment
retenu que les griefs de défaut de base légale et d'absence d'intérêt
public n'étaient pas fondés; quant à l'indemnisation, il a relevé que
la possibilité de faire valoir une prétention à indemnité, tant pour
expropriation matérielle que pour expropriation formelle, existait selon
le droit cantonal, de sorte que l'exigence posée par la jurisprudence
était satisfaite et que le grief souleve sur ce point était mal fondé.

    C.- Par requête du 23 novembre 1970, les hoirs Chapallaz ont demandé
au Président du Tribunal du district de Nyon de constituer, conformément
à l'art. 30 de la loi cantonale sur les constructions et l'aménagement
du territoire (LCAT), le tribunal arbitral chargé de fixer l'indemnité
qu'ils entendaient réclamer pour les conséquences dommageables du plan
d'extension. Dans leur mémoire-demande adressé au Tribunal arbitral le
10 mai 1971, ils ont conclu à ce que la commune de Nyon soit condamnée
à leur payer une indemnité de 581 500 fr. La commune de Nyon a conclu, à
titre préjudiciel, au rejet de l'action pour cause de tardiveté. Statuant
le 25 août 1971, le Tribunal arbitral a admis cette exception et rejeté
les conclusions des demandeurs pour tardiveté.

    Saisi d'un recours des hoirs Chapallaz, le Tribunal cantonal vaudois
l'a rejeté et a maintenu le jugement attaqué par arrêt du 14 juin 1972,
communiqué le 20 septembre 1972.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit public, les hoirs
Chapallaz requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
cantonal et de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour une
nouvelle décision dans le sens des considérants; ils prennent également
des conclusions subsidiaires pour le cas où leurs conclusions principales
seraient rejetées. Ils allèguent la violation des art. 4 et 22 ter Cst. Ils
reprochent au Tribunal cantonal d'avoir interprété la loi d'une façon
étroite et restrictive, alors qu'elle devrait l'être de façon large et
extensive en faveur du droit de propriété.

    La commune de Nyon conclut au rejet pur et simple du recours de droit
public. Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué.

    Ayant demandé - et obtenu - la faculté de présenter un mémoire
complétif, conformément à l'art. 93 al. 2 OJ, les recourants y ont pris
des conclusions subsidiaires complémentaires.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recours de droit public ne peut tendre en principe qu'à
l'annulation de la décision attaquée. Certains cas exceptionnels sont
cependant réservés, notamment en matière d'expropriation matérielle,
lorsque le recourant soutient que l'autorité cantonale a estimé à tort
qu'il n'était pas touché par une expropriation matérielle; dans ce cas,
le Tribunal fédéral, s'il admet le recours, peut inviter l'autorité
cantonale à fixer l'indemnité (RO 96 I 355). Mais on ne se trouve pas ici
en présence d'un tel cas. Les autorités cantonales ont simplement déclaré
tardive l'action des hoirs Chapallaz en paiement d'une indemnité pour
expropriation matérielle, sans se prononcer sur le bien-fondé d'une telle
action. Le présent recours ne peut donc avoir qu'un caractère cassatoire,
de sorte que sont irrecevables les conclusions qui tendent à autre chose
qu'à l'annulation de la décision attaquée. Sont également irrecevables
pour tardiveté (cf. BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, ad art. 93 p. 400)
les conclusions subsidiaires formulées dans le mémoire de réplique,
dans la mesure où elles ne seraient pas déjà contenues dans l'acte de
recours luimême.

Erwägung 2

    2.- Les autorités cantonales ont déclaré l'action tardive en
application de l'art. 30 al. 3 LCAT, selon lequel "le propriétaire
doit requérir la constitution du Tribunal arbitral dans un délai de
péremption d'un an, dès le moment où la restriction de droit public a
pris définitivement effet". Les recourants ne prétendent pas que cette
disposition soit contraire, en elle-même, à la garantie constitutionnelle
de la propriété; ils se bornent à soutenir qu'est inconstitutionnelle la
manière dont les autorités cantonales ont interprété cette disposition,
ainsi que d'autres de la LCAT. S'agissant de l'interprétation et de
l'application d'une disposition légale cantonale par les autorités
cantonales, le Tribunal fédéral n'examine le grief d'inconstitutionnalité
fondé sur une telle interprétation et une telle application que sous
l'angle restreint de l'arbitraire (RO 97 I 626 consid. 6).

Erwägung 3

    3.- (Il n'était pas arbitraire de fixer le point de départ du délai à
la date de l'approbation du plan par le Conseil d'Etat, et non à la date
de l'arrêt du Tribunal fédéral.)

Erwägung 4

    4.- Les recourants fondent principalement leur recours sur la
différence à faire entre dommage virtuel et dommage actuel. Ils soutiennent
que le point de départ du délai de l'art. 30 al. 3 LCAT doit être fixé,
non pas au moment où le dommage est seulement virtuel (ce qui serait
le cas lors de l'approbation du plan par le Conseil d'Etat), mais au
moment où le dommage devient actuel. Ils invoquent à l'appui de leur
interprétation le jugement rendu par le Tribunal arbitral de Payerne le
5 mai 1969 (RDAF 1970 p. 212 ss.).

    a) Le Tribunal cantonal, devant lequel cet argument avait également été
présenté, a déclaré que si l'on devait admettre l'interprétation donnée par
le Tribunal arbitral de Payerne - qui prête à discussion, selon lui -, on
devrait alors reconnaître "que rien ne permet de dire que le dommage dont
font état les recourants s'est "actualisé" depuis l'approbation du plan
par le Conseil d'Etat". Une telle opinion est tout à fait soutenable. En
effet, ou bien le dommage est déjà réel dès que le plan est définitivement
sanctionné par une décision de l'autorité cantonale et qu'il entre en
vigueur: dans ce cas-là, c'est la décision d'approbation du Conseil d'Etat
qui est déterminante, comme le Tribunal cantonal - on l'a vu ci-dessus -
pouvait le retenir sans arbitraire; ou bien une décision de l'autorité
cantonale ne suffit pas à elle seule à actualiser le dommage, qui ne
peut l'être que par la survenance d'autres événements, notamment par la
réalisation du plan, et la décision du Tribunal fédéral du 26 novembre 1969
n'était pas plus apte à actualiser le dommage que la décision du Conseil
d'Etat. Les recourants le reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes implicitement
lorsqu'ils déclarent, dans leur mémoire complémentaire, que "le dommage,
résultant éventuellement d'un plan d'extension, ne devient effectif que
lorsque le plan est exécuté et, en attendant son exécution, le dommage
est seulement virtuel, sous réserve des cas concrets prévus à l'art. 30
LCAT". Il est vrai qu'ils disent également, dans leur recours, que dès
l'arrêt du Tribunal fédéral, leur propriété "était, ipso facto, frappée
d'une dévalorisation immédiate et allant toujours en s'aggravant". Si tel
est bien le cas, c'est dès l'approbation du plan par le Conseil d'Etat,
et non dès l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 novembre 1969, qu'un tel
effet s'est produit: c'est du moins ce que le Tribunal cantonal pouvait
admettre sans arbitraire, comme on l'a vu ci-dessus.

    b.) Dans leurs conclusions subsidiaires figurant en fin du mémoire
de recours, les recourants requièrent l'annulation de l'arrêt attaqué "en
tant qu'il n'a pas expressément réservé pour l'hoirie Chapallaz son droit
d'obtenir réparation du dommage virtuel résultant d'une interdiction future
de transformer librement son immeuble". Mais ils ne prétendent pas - ni ne
démontrent - qu'ils aient pris devant l'autorité cantonale une conclusion
tendant à obtenir une telle réserve. Ils ne sauraient donc reprocher
au Tribunal cantonal d'avoir agi arbitrairement en ne statuant pas sur
une conclusion qui n'a pas été articulée devant lui. Leurs conclusions
subsidiaires sont donc mal fondées, sinon même irrecevables. Mais même
si les recourants avaient apporté la preuve d'une conclusion prise dans
ce sens devant le Tribunal cantonal et que la Cour de céans pût examiner
la question au fond, il est fort douteux qu'elle donnât suite à leurs
conclusions subsidiaires.

    En effet, l'objectifvisé par le plan litigieux, à savoir la création
d'un passage en arcades pour piétons au rez-de-chaussée de l'immeuble
des recourants, implique l'acquisition, par la commune, d'une servitude
de passage sur la partie de l'immeuble à aménager en arcades. La commune
elle-même ne le conteste pas. Le plan d'extension partiel, tel qu'il a
été adopté par la commune, mis à l'enquête publique et approuvé par le
Conseil d'Etat, porte la mention suivante: "Une servitude de passage
à pied en faveur du public (servitude personnelle) sera inscrite au
registre foncier, au für et à mesure de la réalisation du passage sous
les arcades par la commune de Nyon." D'autre part, dans une lettre du
5 avril 1971 adressée au greffe du Tribunal arbitral, la Municipalité
a précisé, en confirmation d'un entretien du 2 avril 1971: "En cas de
transformation, démolition ou reconstruction de l'immeuble Chapallaz,
il devra être prévu un passage pour piétons de 3 mètres, dès la façade,
devant être mis à la disposition du domaine public."

    Ainsi, lorsque les hoirs Chapallaz décideront de transformer leur
bâtiment, ils devront se conformer au plan et y prévoir un passage
en arcades au rez-de-chaussée. La commune devra alors acquérir, contre
indemnité, le droit de passage nécessaire à cet effet. A défaut d'entente
entre les parties, c'est dans une procédure d'expropriation formelle que
devra être fixée ladite indemnité, en application de la loi cantonale
sur l'expropriation, qui prévoit les différents éléments d'évaluation
du dommage, notamment la dépréciation des parties restantes en cas
d'expropriation partielle, ainsi que les autres préjudices qui sont la
conséquence de l'expropriation.

    Or les éléments du dommage allégués par les hoirs Chapallaz dans leur
mémoire-demande au Tribunal arbitral paraissent tous être la conséquence de
l'expropriation formelle nécessitée par la réalisation du plan d'extension;
on n'en voit point, à première vue du moins, qui soit la conséquence de la
seule adoption du plan d'extension partiel et non de la réalisation de ce
plan, de sorte qu'on peut se demander si leurs prétentions trouvent leur
place dans une demande d'indemnité pour expropriation matérielle. Mais,
on l'a vu ci-dessus, la cour de céans n'a pas à trancher ce point. D'autre
part, les recourants n'ont pas prouvé avoir demandé au Tribunal cantonal de
réserver leur droit d'ouvrir à nouveau la procédure de l'art. 30 LCAT pour
le cas où se concrétiseraient d'autres dommages que ceux qu'ils alléguaient
dans leur mémoire de demande; ils ne sauraient donc lui reprocher d'avoir
agi arbitrairement en ne leur accordant pas une telle réserve.

Entscheid: