Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 236



99 Ia 236

28. Arrêt du 24 janvier 1973 dans la cause Touring-Club suisse,
Automobile-Club suisse et consorts contre Grand Conseil du canton de Vaud.
Regeste

    Kantonale Steuern, waadtländische Taxe auf Autoreifen mit
eingelassenen Stiften (Spikes). Derogatorische Kraft des Bundesrechts.
Strassenfreiheit. Rechtsungleiche Behandlung. Art. 4, 37 Abs. 2 BV,
2 Üb. - Best. der BV.

    1.  Zuständigkeit des Bundesgerichts unter Ausschluss des Bundesrates
(Erw. 1).

    2.  Die streitige "Taxe" ist eine Steuer im Sinne von Art. 105 SVG und
stellt keine nach Art. 37 Abs. 2 BV verbotene Strassenbenützungsgebühr dar
(Erw. 2).

    3.  Die streitige "Taxe" macht die vom Bundesrat zugelassene Verwendung
von Spikes-Reifen weder unmöglich noch übermässig kostspielig und verstösst
daher nicht gegen den Grundsatz der derogatorischen Kraft des Bundesrechts
(Erw. 3).

    4.  Darin, dass kantonales Recht von Kanton zu Kanton verschieden ist,
liegt keine rechtsungleiche Behandlung (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Le 13 septembre 1972, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté
une loi "sur la taxe en raison de l'utilisation des pneus à clous", qui
a été publiée dans la Feuille des avis officiels du 22 septembre 1972 et
est entrée en vigueur le même jour, selon l'arrêté du Conseil d'Etat du
16 septembre 1972.

    La loi dispose notamment:

    "Article premier. - Il est perçu chaque hiver une taxe de 100 francs
pour l'utilisation d'un véhicule automobile immatriculé dansle canton et
équipé de pneus à clous.

    Art. 2. - Le Département de la justice, de la police et des affaires
militaires peut exonérer de la taxe, en tout ou en partie:

    a)  les véhicules appartenant à l'Etat;

    b)  les véhicules destinés uniquement à la lutte contre l'incendie;

    c)  les véhicules affectés principalement à des services d'utilité
publique gratuits;

    d)  les véhicules d'infirmes indigents;

    e)  les entreprises au bénéfice d'une concession fédérale pour
les services de transports publics de voyageurs par automobiles, ainsi
que les entrepreneurs de courses postales, pour les véhicules utilisés
exclusivement à ces fins.

    Art. 5. - Le détenteur dont le véhicule automobile immatriculé dans
le canton et équipé de pneus à clous est utilisé ou stationne sur la voie
publique sans être muni d'une vignette valable est puni d'une amende de
150 francs au moins, sans préjudice du paiement de la taxe éludée.

    Le conducteur non-détenteur qui utilise ou fait stationner sur la voie
publique un véhicule automobile immatriculé dans le canton et équipé de
pneus à clous sans être muni d'une vignette valable sera puni de l'amende.

    Art. 6. - Les infractions se poursuivent conformément à la loi sur
les contraventions.

    La poursuite des infractions tombant sous le coup de la loi pénale ou
des dispositions pénales de la loi fédérale sur la circulation routière
demeure réservée.

    B.- Deux recours de droit public ont été formés contre cette loi:
l'un, émanant de la Section vaudoise du Touring-Club Suisse (en abrégé:
TCS) et de deux de ses membres (Juvet et Braillard), allègue la violation
de l'art. 2 disp. trans. Cst. (force dérogatoire du droit fédéral),
la violation de l'égalité de traitement et l'arbitraire (art. 4 Cst.);
l'autre, émanant de la Section vaudoise de l'Automobile-Club de Suisse
(en abrégé: ACS) et de deux de ses membres (Frech et Gilroy), allègue, en
plus des griefs précités, la violation du droit à la liberté des routes
(art. 37 al. 2 Cst.). Ils tendent tous deux à l'annulation de la loi,
subsidiairement (celui de l'ACS) à l'annulation de certaines de ses
dispositions.

    Au nom du Grand Conseil, le Conseil d'Etat conclut au rejet des
deux recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) (Jonction des recours).

    b) L'ACS prie le Tribunal fédéral de transmettre le recours au Conseil
fédéral au cas où il estimerait que ce dernier est compétent en vertu de
l'art. 3 al. 4 LCR.

    Selon l'art. 3 al. 3 LCR, les cantons peuvent interdire complètement ou
restreindre temporairement la circulation sur les routes qui ne sont pas
ouvertes au grand trafic, sous réserve du recours au Tribunal fédéral pour
violation des droits constitutionnels des citoyens. Selon l'art. 3 al. 4
LCR, les cantons peuvent édicter d'autres limitations ou prescriptions,
lorsqu'elles sont nécessaires pour assurer la sécurité, faciliter ou
régler la circulation, protéger la structure de la route ou satisfaire
à d'autres exigences imposées par les conditions locales. Contre la
décision de dernière instance cantonale concernant de telles mesures,
c'est la voie du recours au Conseil fédéral qui est ouverte.

    Il est vrai que, dans une certaine mesure, la loi attaquée tend à
"protéger la structure de la route"; mais les dispositions qu'elle contient
ne constituent pas des "limitations ou prescriptions" au sens de l'art. 3
al. 4 LCR, par quoi il faut entendre des mesures de police qui limitent
directement ou réglementent d'une autre façon le trafic sur la route,
comme par exemple les interdictions de circuler pour certaines catégories
de véhicules (ATF Korporation Hergiswil, du 7 octobre 1970, non publié; cf.
Message du Conseil fédéral du 24 juin 1955 relatif à la LCR, FF 1955 II
p. 11 s.). Le prélèvement d'une contribution ne peut pas être attaqué
devant le Conseil fédéral en application de cette disposition. C'est donc
le Tribunal fédéral qui est compétent pour trancher les présents recours.

    c) Les recourants Juvet, Braillard, Frech et Gilroy sont, selon leurs
propres indications non contestées par le Conseil d'Etat, détenteurs
de véhicules à moteur immatriculés dans le canton de Vaud. La loi les
atteint donc dans leurs intérêts juridiquement protégés, de sorte qu'ils
ont qualité pour l'attaquer par la voie du recours de droit public.
D'ailleurs ladite loi pourrait être attaquée, en tant que norme de portée
générale, même par un habitant du canton qui ne serait momentanément pas
détenteur d'une voiture automobile légère mais qui pourrait le devenir
et tomber un jour sous le coup de la loi (cf. RO 93 I 46 consid. 3 b;
85 I 53 consid. 2).

    Le TCS et l'ACS ont comme but statutaire notamment la protection des
intérêts de leurs membres. Comme la plupart des membres de leur section
vaudoise sont détenteurs de voitures automobiles légères et partant touchés
par la loi attaquée, les deux clubs ont également qualité pour former un
recours de droit public contre ladite loi (RO 94 I 4 et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- Les recourants invoquent l'art. 105 LCR qui réserve le droit des
cantons d'imposer les véhicules et de prélever des taxes; l'ACS prétend
que la contribution prévue par la loi attaquée n'est ni un impôt ni une
taxe au sens de cette disposition (par quoi il faut entendre un émolument,
selon le texte allemand: Gebühr), de sorte qu'il conteste au canton de Vaud
le droit de se fonder sur l'art. 105 LCR pour percevoir la contribution
litigieuse. Il soutient également que cette contribution aurait le
caractère d'une taxe d'utilisation, prohibée par l'art. 37 al. 2 Cst.

    Il s'agit d'examiner quelle est la nature juridique de la contribution
litigieuse. Elle pourrait être, selon les parties, soit un impôt
proprement dit, soit une taxe d'utilisation, soit éventuellement une
charge de préférence.

    a) Il manque à la contribution litigieuse l'élément caractéristique
commun aux taxes (émoluments et taxes d'utilisation) et aux charges de
préférence, à savoir une prestation spéciale de l'Etat aux personnes
assujetties, prestation dont le coût serait mis à la charge, ou bien
de celui qui requiert une activité de l'Etat (cas de l'émolument de
chancellerie), ou bien de ceux qui utilisent une installation ou en
bénéficient, et serait réparti entre eux de façon proportionnelle aux
avantages qu'ils en retirent.

    En effet, l'Etat ne fournit pas de prestations spéciales aux
automobilistes auxquels il impose la contribution de 100 fr. en raison
de l'utilisation des pneus à clous; il ne leur fournit pas plus de
prestations qu'aux autres détenteurs de véhicules à moteur, usagers des
routes publiques. Si l'on admet qu'il y a dans cette contribution une
certaine part dont la nature se rapproche de celle de la taxe, il en
est de même de l'impôt ordinaire sur les véhicules; mais cette part,
non prépondérante, n'est pas déterminante pour la qualification de ces
contributions. Ainsi la contribution que réclame l'Etat aux utilisateurs
de pneus à clous n'est pas d'une nature différente de celle qu'il réclame
à tous les détenteurs de véhicules à moteur.

    Or il n'est pas contesté que les contributions ordinaires sur les
véhicules à moteur ont le caractère d'un impôt (cf. RO 57 I 1, 48 I 76,
44 I 14; STREBEL, Kommentar N. 1 ss. ad art. 71 LA 1933; FAVRE, Droit
constitutionnel suisse, p. 361; HEINZ SULGER BÜEL, Die kostengerechte
Abgabenbelastung des Motorfahrzeugverkehrs in der Schweiz, thèse St. Gall
1972, p. 31 ss., 57 ss.; KASPAR MEIER, Die Grundzüge der kantonalen
Motorfahrzeugsteuern, thèse Zürich 1943, p. 12 ss.; WILLI, Das Problem
des schweiz. Motorfahrzeugsteuersystems, thèse Berne 1960, p. 31 ss.;
BLUMENSTEIN, System des Steuerrechts, 3e éd., p. 162), éventuellement
d'un impôt d'affectation et de dotation (Zwecksteuer), là où le produit
doit en être consacré entièrement à la construction et à l'entretien des
routes en vertu du droit cantonal; mais même dans ce cas, c'est un impôt
qui rentre dans les catégories visées par l'art. 105 al. 1 LCR.

    En l'espèce, tant le Message que la réponse du Conseil d'Etat relèvent
que le produit de la "taxe" pour l'utilisation de pneus à clous ne sera
pas affecté spécialement à la réfection des routes, mais entrera dans
les recettes générales de l'Etat (sous réserve de la part rétrocédée aux
communes); même si ces recettes permettront au canton et aux communes
de mieux supporter la lourde charge que représentent les réparations
des routes endommagées par l'usage des pneus à clous, la contribution
litigieuse n'en garde pas moins le caractère général d'impôt et se tient
dans les limites de l'art. 105 al. 1 LCR. Le canton de Vaud pouvait donc
se fonder avec raison sur cette dernière disposition pour prélever la
taxe sur les pneus à clous.

    Le fait que le canton cherche, par cet impôt, à freiner l'usage des
pneus à clous ne change rien à la nature de l'impôt, pas plus que le fait
que ce dernier ne frappe qu'un cercle déterminé de personnes.

    b) Selon l'art. 37 al. 2 Cst., "des taxes ne peuvent pas être perçues
pour l'usage des routes ouvertes au trafic public dans les limites de
leur destination. L'Assemblée fédérale peut autoriser des exceptions
dans des cas spéciaux". L'ACS soutient que la loi attaquée viole cette
disposition constitutionnelle.

    L'art. 37 al. 2 Cst., adopté lors de la revision constitutionnelle de
1958, a repris l'idée de l'ancien art. 30 al. 2 Cst., qui a été supprimé
lors de cette même revision (cf. FF 1957 II p. 856 s. 863). Mais la
nouvelle disposition dépasse la portée de l'ancienne à différents
égards: elle n'interdit pas seulement les péages, droits de chaussée
et de pontonnage, mais toute taxe "pour l'usage des routes ouvertes
au trafic public dans les limites de leur destination"; elle a une
portée non seulement intercantonale, mais également intracantonale;
elle confère en outre au particulier un droit constitutionnel individuel
(RO 89 I 537). Dans l'idée du législateur, l'art. 37 al. 2 vise avant
tout l'usage des autoroutes, pour lesquelles des taxes d'utilisation sont
en général prélevées à l'étranger. On voulait exclure une telle solution
pour la Suisse, mais on a précisé à cette occasion que l'usage des autres
routes est également franc de taxes.

    Or on a vu ci-dessus que la contribution litigieuse ne peut être
qualifiée de taxe au sens où l'entendent la doctrine et la jurisprudence,
mais qu'elle est un véritable impôt. Sans doute l'automobiliste vaudois
dont le véhicule est équipé de pneus à clous n'est-il pas autorisé à
rouler sur les routes vaudoises sans avoir acquitté la contribution de 100
fr. prévue par la loi, mais la même interdiction frappe l'automobiliste
qui roulerait sans plaques de contrôle, dont l'obtention est conditionnée
par le paiement de l'impôt ordinaire afférent à son véhicule. Or les
recourants ne vont pas jusqu'à prétendre que le paiement de ce dernier
impôt constitue une violation du principe de la liberté des routes,
sanctionné par l'art. 37 al. 2 Cst.; ils ne sauraient davantage le faire
pour la "taxe" litigieuse, dont la nature juridique n'est pas différente.

Erwägung 3

    3.- Le principal argument des recourants consiste à prétendre que la
loi vaudoise viole le principe de la force dérogatoire du droit fédéral
parce qu'elle tend à limiter l'usage des pneus à clous, alors que seul le
Conseil fédéral est compétent pour réglementer l'équipement des véhicules
automobiles, selon l'art. 8 LCR. Ils relèvent que le Conseil fédéral
a fait usage de cette compétence en édictant son "Ordonnance sur la
construction et l'équipement des véhicules routiers" du 27 août 1969; en
ce qui concerne les pneus à clous, il en a expressément autorisé l'usage,
avec certaines restrictions quant à la durée, à la vitesse et aux véhicules
qui peuvent en être équipés (cf. le plus récent ACF du 18 octobre 1972,
ROLF 1972 p. 2535). Les cantons ne sauraient, selon les recourants,
édicter des règles qui vont à l'encontre des prescriptions fédérales.

    Mais le canton de Vaud n'interdit pas l'usage des pneus à clous; il
n'a pas non plus édicté de prescriptions sur l'équipement des véhicules en
pneus de cette sorte; il a simplement institué un impôt sur les véhicules
ainsi équipés. Un tel impôt ne doit cependant pas être contraire au
sens et à l'esprit du droit fédéral; il doit notamment ne pas rendre
pratiquement impossible ou onéreux à l'excès l'usage des pneus à clous
autorisé par le droit fédéral (cf. RO 98 I/a 168, 91 I 21 s.). Mais le
Conseil fédéral lui-même n'autorise les pneus à clous qu'avec certaines
restrictions, édictées avec une préoccupation semblable à celle du
législateur vaudois. Le Conseil fédéral lui-même envisage une interdiction
(l'ACF du 18 octobre 1972 a une durée limitée au 15 novembre 1974) si
les fabricants n'arrivent pas, dans un certain délai, à mettre au point
des pneus moins dommageables pour les chaussées.

    On ne peut donc pas dire que la loi vaudoise soit contraire au sens
et à l'esprit du droit fédéral (cf. RO 91 I 22). On ne saurait pas non
plus prétendre que les cantons soient limités, en cette matière, dans
leur pouvoir d'imposer les véhicules à moteur; la réserve de l'art. 105
al. 1 LCR vaut pour toutes les matières réglementées dans cette loi. Il ne
vient à l'idée de personne de contester aux cantons le droit de prélever,
par exemple, un impôt sur les remorques dont sont équipés certains
véhicules (camions, voitures de tourisme, etc.), alors qu'un tel impôt
peut restreindre l'emploi de ces accessoires pourtant autorisés par le
droit fédéral. Il est d'autre part constant que le montant de l'impôt
sur les véhicules est plus ou moins élevé, notamment en fonction de
la puissance du véhicule et de sa nature (voiture de tourisme, camion,
autocar, etc.), c'est-à-dire du moteur et des autres éléments dont il
est équipé. En réservant la souveraineté fiscale des cantons - réserve
qui n'est d'ailleurs pas constitutive, mais simplement déclarative - le
droit fédéral ne prescrit aucun mode particulier d'aménager les impôts
cantonaux; il n'empêche notamment pas de les fixer en fonction des dégâts
plus ou moins importants que les véhicules peuvent causer aux chaussées.

    L'impôt litigieux ne serait contraire au principe de la force
dérogatoire du droit fédéral que si, par son montant très élevé,
il équivalait pratiquement à une interdiction des pneus à clous. On
ne saurait prétendre que tel soit le cas de l'impôt litigieux, dont le
montant de 100 fr. n'est sans doute pas minime, mais qui n'est cependant
pas élevé au point de rendre prohibitif l'usage des pneus à clous.

    Il est sans doute très probable que cet impôt dissuade bien des
automobilistes d'utiliser dorénavant des pneus à clous. Mais le nombre des
utilisateurs (la presse a parlé de 10 000 environ pour le canton de Vaud)
est encore élevé. Il est certain d'autre part que la réduction du nombre
de véhicules équipés de pneus à clous est imputable à d'autres raisons
encore, notamment à la réduction de la vitesse maximale autorisée pour
ces véhicules, vitesse que le Conseil fédéral a réduite à 80 km à l'heure
dans son arrêté du 18 octobre 1972, alors qu'elle était auparavant de 90
km à l'heure (ACF du 15 septembre 1971).

    Il n'est cependant pas nécessaire de rechercher quelle pourrait
être la part de la réduction imputable dans le canton de Vaud au seul
prélèvement de l'impôt litigieux; il suffit de constater que cet impôt
n'est pas prohibitif et que, partant, il ne viole pas le principe de la
force dérogatoire du droit fédéral.

Erwägung 4

    4.- Les recourants soutiennent encore que la loi attaquée viole
l'art. 4 Cst., qu'elle conduit à une inégalité de traitement et qu'elle
est arbitraire.

    a) Sous l'angle de l'égalité de traitement, il n'est sans doute pas
satisfaisant que seuls les véhicules immatriculés dans le canton de Vaud
soient soumis à un impôt supplémentaire s'ils sont équipés de pneus à
clous, alors que les routes vaudoises sont fréquentées par beaucoup
d'autres véhicules équipés de la même façon. Mais la jurisprudence
constante admet qu'il n'y a pas violation du principe de l'égalité
de traitement dans le fait que le droit public cantonal diffère d'un
canton à l'autre (RO 93 I 311 consid. 2 c, 336 consid. 5 a et 714 s.,
97 I 122 consid. 5 a et les arrêts cités). De telles différences sont
la conséquence de la structure fédéraliste de la Suisse et de la sphère
d'autonomie dont jouissent les cantons. Ces différences sont spécialement
sensibles dans le domaine fiscal, où l'on peut signaler à titre d'exemple
l'impôt sur les donations qui est relativement élevé dans certains cantons,
alors qu'il n'existe pas dans d'autres. L'impôt sur les véhicules à
moteur présente aussi de sensibles différences, d'un canton à l'autre,
comme le relève un article paru dans la revue "Touring" du 14 décembre
1972, d'où il ressort que la différence pour un même véhicule dépasse
souvent le montant de 100 fr. qui a été fixé pour l'impôt litigieux.
Si peu satisfaisante que puisse paraître cette situation, elle ne viole
pas l'art. 4 Cst., du moment que les cantons sont libres, en vertu du
droit fédéral, dans le choix des impôts et de leur montant.

    Si les recourants admettent que les différences d'imposition ne
constituent pas une inégalité de traitement au sens de la jurisprudence
relative à l'art. 4 Cst., ils reprochent en revanche au canton de Vaud de
faire payer par les seuls automobilistes vaudois les dégâts supplémentaires
causés aux routes par les pneus à clous, alors que ces dégäts sont causés
en grande partie par des automobilistes d'autres cantons; ils y voient
une inégalité de traitement incompatible avec l'art. 4 Cst.

    Ce grief est mal fondé. D'une part, le législateur vaudois n'a pris
en considération qu'une partie des frais supplémentaires de réparation
lorsqu'il s'est agi de fixer le montant de l'impôt sur les pneus à
clous. D'autre part, la solution - proposée par l'ACS et qui satisferait
aux exigences de l'art. 4 Cst. - consistant à imposer tous les usagers
roulant sur les routes vaudoises avec des pneus à clous, se heurterait
au principe selon lequel les cantons ne peuvent imposer que les véhicules
stationnés sur leur territoire (art. 105 al. 1 et 2 LCR).

    b) Les recourants, en particulier l'ACS, taxent d'arbitraires certaines
dispositions de la loi attaquée.

    Selon la jurisprudence, une disposition légale ne viole l'art. 4
Cst. que si elle ne repose sur aucun motif sérieux, n'a aucun sens
ni aucune utilité, ou si elle opère des distinctions qui ne trouvent
aucune justification raisonnable dans les faits à réglementer (RO 97
I 782 consid. 2 c et les arrêts cités). Dans ces limites, les cantons
jouissent d'un large pouvoir d'appréciation dans l'élaboration de leurs
lois fiscales; on ne saurait déduire de l'art. 4 Cst. un système déterminé
d'imposition (RO 96 I 66).

    aa) L'ACS critique notamment l'exonération prévue à l'art. 2 lettre c
de la loi pour les entreprises de transports publics concessionnées et les
entreprises de courses postales, car il s'agit en général de véhicules
lourds, c'est-à-dire de ceux qui causent les plus gros dégâts. Mais
une telle exonération, fondée sur le caractère d'utilité publique des
véhicules visés, se justifie par des motifs objectifs et échappe dès
lors au grief d'arbitraire. On observera d'autre part que seules les
voitures automobiles d'un poids total de 3500 kg au maximum peuvent
être équipées de pneus à clous (art. 1er de l'ACF du 18 octobre 1972).
Le grief soulevé doit être rejeté.

    bb) L'ACS critique le montant uniforme de 100 fr. par hiver pour la
taxe litigieuse, alors qu'on aurait pu prévoir une réduction, de 50% par
exemple, pour les véhicules qui ne seraient immatriculés dans le canton
de Vaud que vers la fin de la période où l'usage des pneus à clous est
autorisé. Mais, comme on l'a relevé ci-dessus (consid. 2), la "taxe" en
question est un impôt proprement dit, dont le montant est indépendant de
la façon plus ou moins intense dont le contribuable fait usage des routes
cantonales. Il s'agit d'autre part d'une question d'application pratique;
or selon la jurisprudence, une certaine schématisation adoptée pour des
raisons pratiques est admissible en matière fiscale (cf. RO 93 I 114
et les arrêts cités). On ne saurait donc déclarer arbitraire une telle
manière de faire.

    cc) L'ACS critique enfin le fait que le montant maximum de l'amende
prévue à l'art. 5 de la loi ne soit pas indiqué (alors que le minimum est
fixé à 150 fr.), ce qui permettrait pratiquement à un magistrat d'aller
jusqu'à 20 000 fr., maximum prévu par la loi vaudoise du 18 novembre 1969
sur les contraventions; or ce maximum est trop élevé pour les infractions
à la loi litigieuse.

    Ce grief est mal fondé.

    Les contraventions sont des infractions peu graves, que le droit
pénal fédéral punit d'arrêts ou d'amendes (art. 101 CP). En droit fédéral
également, des contraventions de peu d'importance sont passibles de
l'amende, qui peut aller théoriquement jusqu'à 40 000 fr. (art. 48 al. 1
CP, dans sa teneur du 18 mars 1971) à défaut de disposition contraire de
la loi, ainsi notamment le fait de conduire un cycle non muni d'un signe
distinctif valable (art. 99 ch. 4 LCR); mais il va de soi que l'autorité
de répression fixera la peine en fonction de la gravité du cas. Il n'y
a donc pas d'arbitraire à ne pas fixer dans la loi litigieuse un maximum
inférieur à 20 000 fr.

Erwägung 5

    5.- L'ACS critique enfin le fait qu'un certain effet rétroactif soit
pratiquement donné à la loi.

    Il n'y a cependant aucun effet rétroactif au sens juridique du
terme, seul déterminant sous l'angle de la constitutionnalité. Votée
le 13 septembre 1972 par le législateur, la loi a été mise en vigueur
"dès et y compris le 22 septembre 1972", par arrêté du Conseil d'Etat du
16 septembre 1972. Pratiquement, elle n'a déployé tous ses effets qu'à
partir du 15 novembre 1972, début de la période d'utilisation des pneus
à clous selon le droit fédéral (ACF du 18 octobre 1972).

    Il est sans importance, pour la constitutionnalité de la loi sur ce
point, que certains automobilistes aient déjà acquis de nouveaux pneus à
clous dès le début de septembre, ni que les marchands de pneus aient déjà
eu à cette même époque un stock de pneus à clous qu'ils ont eu beaucoup
plus de peine à écouler.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette les recours.