Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 V 205



97 V 205

50. Arrêt du 19 novembre 1971 dans la cause Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents contre Sorroche et Conr de justice de
Genève Regeste

    Art. 62 Abs. 1 KUVG.

    -  Der Ausdruck "Weg zur Arbeit" bezeichnet die Strecke vom Wohnoder
Aufenthaltsort zum Arbeitsplatz (und nicht die Reise an einen entfernteren
Ort, um dort einen neuen Arbeitsvertrag zu erfüllen).

    - Der Arbeiter, welcher am Tag, bevor er bei normalem Lauf der Dinge
die Arbeit aufgenommen hätte, einen Unfall erleidet, ist nicht versichert.

    Art. 134 OG.

    Natur des Streites, wenn Art. 62 Abs. 1 KUVG anzuwenden ist.

Sachverhalt

    A.- Pedro-José Sorroche, né en 1944, ressortissant espagnol,
célibataire, conclut dans son pays un contrat aux termes duquel
il s'engageait à travailler en Suisse comme maçon dès le 4 mars
1970. Il devait entrer à cette date au service de l'entreprise G.,
à Genève. Toutefois, le train qui amenait le contingent d'ouvriers
espagnols dont il faisait partie n'arriva en cette ville que le 5 mars
1970 à 04 h. 25. Les ouvriers subirent la visite sanitaire, puis furent
dirigés dans un réfectoire, où Sorroche fut victime d'un accident dans les
circonstances suivantes: Les travailleurs de son groupe attendaient de
pouvoir reprendre possession de leurs papiers; à cet effet, ils étaient
appelés par haut-parleur, l'un après l'autre, recouvraient leurs pièces
d'identité et pouvaient disposer. A l'appel de son nom, vers 11 h. 15,
Sorroche se leva précipitamment de son banc pour se rendre au bureau de
distribution en face de lui; pour aller tout droit, il enjamba un banc qui
lui barrait le passage; or, ce meuble, comme les autres se trouvant dans
le local, était surmonté d'une latte de bois avec patères. En posant le
pied sur le bord arrondi, Sorroche glissa, perdit l'équilibre et tomba. Au
cours de sa chute, une patère lui embrocha l'oeil droit pardessous ses
lunettes. La gravité de la blessure nécessita son transport à la clinique
ophtalmologique de Genève, où l'on diagnostiqua un éclatement postérieur
du globe de l'oeil ainsi qu'une déchirure du canal lacrymal supérieur et
un hyphéma.

    L'entreprise G. fut informée de cet accident le jour même, vers
12 h. 45, et l'annonça à la Caisse nationale. Quant aux compagnons de
Sorroche, ils commencèrent effectivement le travail le lendemain, 6 mars
1970, à 07 h. 00.

    B.- La Caisse nationale ouvrit une enquête, à la suite de laquelle
elle refusa le 6 avril 1970 d'assumer le cas de Sorroche. Elle estimait
que ce dernier n'était pas assuré au moment de l'accident, parce qu'il
aurait dû commencer le travail le 6 mars 1970 à 07 h. 00 - comme ses
camarades - et que, le 5 mars à 11 h. 15, il n'avait pas encore pris le
chemin du travail au sens de la loi fédérale sur l'assurance en cas de
maladie et d'accident, ou LAMA.

    C.- Agissant au nom de Sorroche, Me K. recourut contre cette décision
en alléguant que le recourant se trouvait sur le chemin du travail dès
l'instant où il avait quitté l'Espagne pour venir travailler en Suisse et
qu'il aurait dû, d'après son contrat, entrer au service de l'entreprise
G. dès le 4 mars 1970.

    Par jugement du 5 février 1971, la Cour de justice civile du canton
de Genève admit le recours. Elle considéra que Sorroche était assuré au
moment de l'accident; les formalités administratives auxquelles il était
astreint devaient, selon les premiers juges, être assimilées à la prise
de travail. L'autorité cantonale condamna en outre la Caisse nationale
aux frais et aux dépens.

    D.- L'assurance a recouru en temps utile au Tribunal fédéral des
assurances, en concluant, avec suite de frais et de dépens dans les deux
instances, au rétablissement de sa décision du 6 avril 1970, annulée par
la Cour de justice.

    La Cour de justice propose de rejeter le recours de la Caisse
nationale; l'avocat de l'intimé conclut dans le même sens, avec suite de
frais et de dépens en instance fédérale.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 62 al. 1er LAMA, l'assurance déploie ses
effets dès le début du jour où l'employé ou l'ouvrier commence ou aurait
dû commencer le travail en vertu de l'engagement, mais en tout cas dès
le moment où il prend le chemin de son lieu de travail.

    L'expression de "chemin de son lieu de travail" désigne le parcours
entre l'endroit où l'intéressé loge et l'endroit où il travaille, et
non pas le voyage entrepris pour aller habiter dans une localité plus ou
moins lointaine, afin d'y travailler. Les premiers juges l'ont démontré
clairement et l'on ne peut que confirmer le jugement sur ce point: ce
serait en effet trahir la volonté du législateur que d'étendre au voyage
des immigrants la protection de l'assurance obligatoire (arrêt non publié
Monaco, du 31 décembre 1969).

Erwägung 2

    2.- Plus délicate est la définition du "début du jour où l'employé ou
l'ouvrier ... aurait dû commencer le travail en vertu de l'engagement". Par
"début du jour", il faut entendre les premiers instants de la première
heure de la nuit, donc immédiatement après minuit. Cela est clair.
Mais la loi ne complète le conditionnel "aurait dû commencer le travail"
d'aucune proposition subordonnée qui en préciserait le sens, par exemple:
   a) "si le terme prévu par le contrat de travail avait été respecté",
   ou, b) "si l'accident ne l'en avait pas empêché".

    Dans l'hypothèse a) il faudrait se référer, pour fixer le début de
l'assurance, au début du travail tel que le contrat l'avait prévu, sans
tenir compte des modifications de terme imposées par les circonstances
ou par la volonté - voire par la faute - de l'une des parties.

    Dans l'hypothèse b) il suffirait de se demander si, à défaut d'accident
et dans le cours normal des choses, l'intéressé aurait commencé le travail
dans la journée où l'accident a eu lieu.

    La disposition légale en cause revient à déclarer assurée une
personne pour laquelle aucune prime n'est encore due. Il s'agit là d'une
situation exceptionnelle. En conséquence, la disposition ne saurait
être interprétée dans un sens nettement extensif que si des motifs
impérieux l'exigeaient. Or, tel n'est pas le cas. Au contraire, donner une
extension très vaste à l'assurance sans primes conduirait à des résultats
difficilement conciliables avec le but et la structure fondamentale de
l'assurance obligatoire en cas d'accidents (cf. dans ce sens MAURER,
Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung
p. 63; cf. également RO 84 II 161).

    Or, la solution a) donnerait au contraire, dans certains cas tout au
moins, une extension très vaste à l'assurance sans prime: il suffirait,
par exemple, que la maladie interdit pendant un mois à un ouvrier
d'entrer en service pour que cet ouvrier se vît assuré contre les
accidents dès le jour où il aurait dû commencer le travail. Cela n'est
pas concevable. L'art. 62 LAMA, dans sa forme actuelle, a été introduit
par la LF du 19 juin 1959; auparavant, l'assurance commençait avec le
travail et se terminait le surlendemain du jour où le droit au salaire
prenait fin. Dans son message du 9 mai 1958 (FF 1958 I p. 1014), le Conseil
fédéral s'exprime sur la prolongation de l'assurance jusqu'au 30e jour
après que le droit au salaire prend fin (art. 62 al. 2 LAMA) mais ne dit
rien des nouvelles prescriptions sur le début de l'assurance (art. 62
al. 1er). La jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, fondée
aussi bien sur le système de la loi que sur les travaux préparatoires,
a écarté formellement toute interprétation du type a) (ATFA 1963 p. 233,
consid. 3 et 4 p. 235-237). Cette jurisprudence mérite d'être confirmée.

Erwägung 3

    3.- En l'occurrence, le recourant Sorroche aurait commencé le
travail le 6 mars 1970, comme les autres ouvriers espagnols engagés
par l'entreprise G., s'il n'avait pas été sinistré le 5 mars 1970. Le
fait, pour les ouvriers, d'avoir été emmenés le 5 mars par un agent de
l'employeur, afin de régler des questions de logement et de subsistance,
n'implique pas qu'ils aient alors commencé le travail (cf. l'arrêt Monaco,
cité sous chiffre 1 in fine ci-dessus). En conséquence, l'accident en
cause s'est produit avant le jour où le recourant aurait dû commencer le
travail; il n'est pas assuré, selon l'art. 62 al. 1er LAMA.

    Contrairement à ce que semble penser le recourant, le fait que
l'assurance-accident obligatoire soit une institution sociale ne saurait
entraîner la Caisse nationale à accorder ses prestations à l'encontre de la
loi. Bien au contraire, les assurances sociales sont régies par le principe
de la légalité et jouissent, à cet égard, d'une moins grande liberté que
les entreprises privées. D'autre part, s'il est peut-être regrettable que
les travailleurs étrangers ne soient pas assurés collectivement contre
les accidents durant les formalités auxquelles ils sont astreints à leur
entrée en Suisse, il ne s'agit pas là d'une lacune de la LAMA, que le
juge des assurances devrait éventuellement combler, mais d'une lacune
de la législation sur l'immigration; en pâtissent aussi les immigrants
engagés par des employeurs non soumis à l'assurance obligatoire.

Erwägung 4

    4.- Le litige porte sur la qualité d'assuré du recourant, dont les
conclusions ne tendent pas toutefois à se faire reconnaitre un statut
d'une certaine durée, produisant des effets indéterminés, mais uniquement
à obtenir des prestations pour un accident déterminé. Aussi doit-on
considérer qu'en définitive, l'objet direct de la décision attaquée était
bien l'octroi ou le refus de prestations d'assurance et qu'en conséquence
l'arrêt doit être rendu sans frais (art. 134 OJ); le défaut d'assurance
n'est ici qu'un motif de refus, comme le serait par exemple l'inexistence
d'un lien de causalité entre l'accident et les lésions (arrêt non publié
Battistini du 25 octobre 1971 et RO 97 V 249).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours
est admis et le jugement attaqué, annulé.