Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 676



97 I 676

97. Extrait de l'arrêt du 23 décembre 1971 dans la cause Comité pour une
élection ouverte contre Conseil d'Etat du canton de Genève. Regeste

    Gewaltentrennung.

    Mangels einer ausdrücklichen Delegation ist die Kantonsregierung nicht
befugt, in einer Ausführungsverordnung zu einem Gesetze die Tragweite
dieses Gesetzes einzuschränken.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Le Grand Conseil du canton de Genève a adopté, le 18 juin 1971,
sur proposition du Conseil d'Etat, une loi "modifiant la loi sur les
votations et élections" par l'introduction d'un nouvel art. 100 A qui
prévoit la participation de l'Etat aux frais électoraux des partis ou
groupements prenant part à une élection. La loi détermine les grandes
lignes de cette participation et charge le Conseil d'Etat d'en fixer le
détail par voie de règlement.

    Le droit de référendum n'ayant pas été utilisé, le Conseil d'Etat
a promulgué la loi le 28 juillet 1971; il a ensuite adopté, le 11 août
1971, un règlement "complétant le règlement concernant les votations
et élections", dans lequel il fixe les montants de la participation de
l'Etat pour les différentes élections (art. 2 A); il excepte néanmoins du
financement étatique l'élection des jurés fédéraux et celle des magistrats
du pouvoir judiciaire et des juges prud'hommes.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, le "Comité pour
une élection ouverte" requiert le Tribunal fédéral d'annuler les termes
"à l'exception de l'élection des jurés fédéraux" et "à l'exception de
l'élection des magistrats du pouvoir judiciaire et des juges prud'hommes"
figurant sous lettre a et b de l'art. 2 A du règlement du 11 août
1971. Il allègue la violation du principe de la séparation des pouvoirs et
l'arbitraire. Il prétend que le Conseil d'Etat s'est substitué au Grand
Conseil en restreignant indûment et sans droit la portée de ladite loi,
et qu'il a agi arbitrairement en considérant les élections de l'ordre
judiciaire comme sans importance.

    C.- Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Extraits des motifs:

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 116 Cst. gen., le Conseil d'Etat promulgue les lois;
il est chargé de leur exécution et prend à cet effet les règlements
et arrêtés nécessaires. Le Conseil d'Etat ne prétend pas disposer en
outre d'un pouvoir législatif propre, qui lui serait conféré par une
disposition expresse de la constitution. Quant à la loi du 18 juin 1971,
elle se contente de dire, à l'art. 100 A al. 2, que "le règlement fixe
le détail de cette participation".

    Le Conseil d'Etat doit donc se cantonner dans des mesures d'exécution
de la loi. Il ne pourrait à la rigueur compléter la loi que si l'on
se trouvait en présence d'une lacune proprement dite (cf. RO 95 I 232
s. consid. 6).

    a) En l'espèce, le texte légal est clair. Soit le sous-titre de la
loi du 18 juin 1971, soit le nouvel intitulé du titre III du chapitre
XVI de la loi du 23 juin 1961, soit le texte même de l'art. 100 A ne
par le que defrais électoraux, de partis et groupements prenant part à
une élection. Il n'y est nullement précisé qu'il faut entendre par là
uniquement les élections des pouvoirs législatif et exécutif - cantonal
ou communal. L'art. 100 A, contenu dans la partie générale de la loi sur
les votations et élections du 23 juin 1961, s'applique ainsi à toutes les
élections prévues dans la partie spéciale de cette loi, donc également
aux élections des jurés fédéraux (titre IV, chap. III), des magistrats du
pouvoir judiciaire (titre V, chap. IV) et des tribunaux de prud'hommes
(titre V, chap. V). La loi sur les votations et les élections ne fait
elle-même aucune distinction entre les élections à caractère politique
(pour le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif) et les autres qui ne
devraient pas avoir un tel caractère.

    b) Il est vrai que, dans son Exposé des motifs du 2 mars 1971
(Mémorial des séances du Grand Conseil, 1971 no 10 p. 907), où il énumère
les différentes élections en vue de supputer les frais à envisager pour
chacune d'elles et la somme des dépenses qu'elles entraîneront pour
l'Etat, le Conseil d'Etat ne mentionne ni l'élection des jurés fédéraux,
ni celle des magistrats du pouvoir judiciaire, ni celle des tribunaux
de prud'hommes. Même si le rapporteur de la commission parlementaire
a repris, dans son exposé d'entrée en matière, l'énumération contenue
dans l'Exposé des motifs, on ne peut déduire de cette circonstance que
le législateur ait voulu exclure de la participation financière de l'Etat
les élections judiciaires. En effet, ces élections n'ont en général pas
donné lieu à lutte depuis de nombreuses années (mise à part l'élection
récente des membres du Tribunal administratif), parce que le nombre des
candidats ne dépassait pas celui des postes à repourvoir; aussi l'élection
des jurés fédéraux s'est-elle toujours faite tacitement, comme le permet
la législation fédérale applicable en la matière (art. 5 de la LF du 15
juin 1934 sur la procédure pénale); quant à l'élection des magistrats de
l'ordre judiciaire et des juges prud'hommes, la possibilité de l'élection
tacite a été introduite à l'art. 50 al. 5 Cst. gen. lors de la votation
populaire du 3 mai 1970. Ainsi le Conseil d'Etat - tout comme le Grand
Conseil - pouvait-il penser que ces élections continueraient à se faire
tacitement, de sorte qu'il n'y avait pas de participation financière de
l'Etat à prévoir pour de telles élections. Mais le fait que ces élections
n'ont pas été, pour cette raison, mentionnées dans l'Exposé des motifs
ne doit pas empêcher qu'elles puissent également être mises au bénéfice
de la participation financière de l'Etat dans les cas où, contrairement
à la pratique de ces dernières années, elles donneraient lieu à lutte
électorale, ce qui reste évidemment toujours possible.

    c) On peut d'autant moins admettre que la loi exclut implicitement les
élections judiciaires de la participation de l'Etat que la question de ces
élections a été soulevée au sein de la commission parlementaire. A défaut
de procès-verbaux des séances de cette commission, le rapport d'entrée en
matière renseigne sur une proposition faite en séance de commission et
tendant à conférer à la loi un effet rétroactif au 1er mars 1971, alors
que le Conseil d'Etat prévoyait l'entrée en vigueur au 1er avril 1971
(cf. Mémorial 1971, no 13, p. 1320); comme la seule élection qui ait
eu lieu dans le canton en mars 1971 est celle des membres du Tribunal
administratif, magistrats de l'ordre judiciaire (art. 2 de la loi sur le
Tribunal administratif du 29 mai 1970), la demande de rétroactivité visait
sans doute à faire bénéficier cette élection déjà de la participation
financière de l'Etat. Si la rétroactivité a finalement été écartée
(tant celle au 1er mars demandée par un député que celle au 1er avril
proposée par le Conseil d'Etat), ce n'est pas parce que le législateur
voulait exclure les élections judiciaires du bénéfice de la nouvelle loi,
mais essentiellement pour une question technique d'application de la
disposition de la lettre b de l'art. 100 A, telle qu'elle a été proposée
par la commission et finalement adoptée par le Grand Conseil: obligation,
pour un candidat figurant sur plusieurs listes, de déclarer 16 jours
avant le scrutin le parti ou le groupement auquel la participation doit
être versée (cf. Mémorial 1971, no 15, p. 1524).

    Si donc la question des élections judiciaires a été soulevée en
commission parlementaire et au Grand Conseil, ce dernier ne pouvait
pas exclure ces élections du bénéfice de la loi sans le dire de façon
expresse. A défaut d'une telle disposition expresse, on doit admettre que
le législateur n'a fait aucune distinction entre les différentes élections
réglées dans la partie spéciale de la loi sur les votations et élections.

    En excluant les élections judiciaires dans le texte du règlement,
le Conseil d'Etat a donc restreint la portée de la loi votée par le
Grand Conseil. A défaut de délégation expresse, il ne pouvait le faire;
il a donc violé le principe de la séparation des pouvoirs.