Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 548



97 I 548

75. Extrait de l'arrêt du 17 septembre 1971 dans la cause Club de golf de
Neuchâtel contre Commission neuchâteloise de la propriété foncière rurale.
Regeste

    Einspruch gegen den Verkauf eines landwirtschaftlichen Heimwesens
(Art. 19 EGG).

    1.  Die Einrichtung eines Golfplatzes mit 18 Löchern in der Gegend
von Neuenburg dient nicht einem gemeinnützigen Zweck im Sinne von Art. 21
Abs. 1 lit. b EGG (Erw. 2 a).

    2.  Art. 19 EGG findet auch Anwendung auf den Verkauf sämtlicher
Aktien einer Immobiliengesellschaft, welche Eigentümerin eines
landwirtschaftlichen Heimwesens ist (Erw. 2 b).

    3.  Art. 19 Abs. 1 lit. c EGG: Wichtige Gründe für die Aufhebung des
landwirtschaftlichen Gewerbes (Erw. 4).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Le domaine de Voëns, d'une superficie totale de 44,5 ha dont
environ 8 ha de forêts, se trouve à quelques kilomètres de Neuchâtel, à une
altitude de 570 à 610 m, au-dessus de Saint-Blaise. Les terres agricoles,
d'un seul tenant, sont considérées comme étant d'excellente qualité. Le
domaine comprend une ferme vétuste avec habitation et bâtiments ruraux. En
1960, l'immeuble a été vendu pour le prix de 370 000 fr.

    à la Société immobilière du domaine de Voëns SA Celle-ci a loué les
terres à deux agriculteurs de la région et les locaux à d'autres personnes,
comme entrepôts et atelier de carrosserie.

    B.- Le Club de golf de Neuchâtel est une association qui compte environ
150 membres, dont 110 membres joueurs. Il exerce actuellement son activité
sur un terrain de 9 trous, à Pierrabot au-dessus de Neuchâtel, qui lui
est loué par la commune de Neuchâtel. Le 5 mai 1970, il a informé le
Département cantonal de l'agriculture (ci-après: le Département) de son
intention d'acquérir pour le prix de 1.130.000 fr. toutes les actions
de la S.I. du domaine de Voëns en vue de l'aménagement d'une nouvelle
place de jeu. Il exposait notamment qu'un terrain de 18 trous (norme
internationale) était nécessaire au regard du développement du golf dans
la région et que les actions seraient reprises par des membres du Club
et par la commune de Saint-Blaise, désireuse de maintenir une zone de
verdure et de développer ses possibilités sportives et touristiques.

    Par décision du 30 novembre 1970, le Département, après avoir pris
l'avis du Conseil d'Etat, a fait opposition "au transfert du domaine de
Voëns au Club de golf de Neuchâtel".

    C.- Le Club de golf de Neuchâtel et la commune de Saint Blaise, ainsi
que les actionnaires de la société immobilière ont recouru contre cette
décision auprès de la Commission cantonale de la propriété foncière rurale
(ci-après: la Commission). La Commission a rejeté le recours par décision
du 26 mars 1971.

    D.- Le Club de golf de Neuchâtel a formé un recours de droit
administratif. Il conclut à l'annulation de la décision du 26 mars 1971,
subsidiairement au renvoi de l'affaire à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision.

    La Commission a déclaré n'avoir pas d'observations à présenter.

    Le Département fédéral de justice et police propose le rejet du
recours.

    E.- Une délégation de la Chambre de droit administratif a procédé à
une séance d'instruction à laquelle étaient représentés le recourant et
le Département.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- ...

    2. a) La Commission a nié à juste titre que l'exploitation prévue du
domaine de Voëns pût être considérée comme une oeuvre d'utilité publique
au sens de l'art. 21 al. 1 lettre b LPR. Si le Tribunal fédéral a jugé,
dans un arrêt non publié Roh et Lamon c. Société de développement
de Crans s/Sierre, du 29 juin 1961, qu'il n'était pas arbitraire
d'attribuer au jeu de golf un caractère d'intérêt général propre à
justifier une expropriation, c'est eu égard au fait que ce jeu est un
des attraits essentiels de la station de Crans s/Sierre; il a précisé à
cette occasion qu'il ne saurait être question d'admettre que toutes les
installations d'une station touristique quelconque sont dans l'intérêt
général. Dans l'arrêt non publié Seiler-Hotel Zermatt AG c. Zermatt, Kur-
und Verkehrsverein, du 17 décembre 1969, c'est aussi en tenant compte du
caractère éminemment touristique de la station et de ses besoins essentiels
qu'il a admis le recours à l'expropriation pour la construction d'une
piscine ouverte au public (consid. 4).

    En l'espèce, ni la commune de Saint-Blaise, ni même celle de Neuchâtel
n'ont un caractère touristique tel que l'existence d'un terrain de golf
de 18 trous s'y impose, parce que répondant à un besoin essentiel. De
surcroît, la pratique du golf n'intéresse pas en Suisse une part si
importante de la population que l'aménagement des terrains nécessaires
puisse être considéré comme une oeuvre d'utilité publique. Le recourant
lui-même ne le prétend pas.

    b) Le recourant ne conteste plus en instance fédérale que la vente
de toutes les actions d'une société immobilière propriétaire d'un domaine
agricole tombe sous le coup des art. 18 à 21 LPR. La Commission a eu raison
de rejeter ce moyen. Le transfert de la propriété d'un domaine agricole
à une société immobilière permettrait d'éluder la réglementation légale
si la vente des actions de cette société n'était pas soumise à l'art. 19
LPR. Une fois transféré, le domaine échapperait en effet complètement à
l'application de la loi, ce qui ne correspondrait certainement pas au but
de politique économique visé par le législateur (cf. dans le même sens les
arrêts RO 92 I 417 et 94 I 178 consid. 1 in fine, qui déclarent l'art. 19
LPR applicable à la constitution de droits d'emption). Peu importe à cet
égard que la société ait été créée en vue de tourner la loi, ou pour des
raisons légitimes.

Erwägung 3

    3.- ...

Erwägung 4

    4.- Les autorités cantonales ont fondé l'opposition litigieuse
uniquement sur l'art. 19 al. 1 lettre c LPR. Il n'appartient pas au
Tribunal fédéral d'examiner d'office si elles auraient aussi pu invoquer
l'art. 19 al. 1 lettre a ou b. En effet, la loi donne à ces autorités
la faculté, et non l'obligation, de faire opposition. Même lorsque les
conditions légales sont réalisées, le Tribunal fédéral n'a pas à se
prononcer sur l'opportunité de l'opposition ou de l'absence d'opposition
(RO 89 I 62 s).

    a) Aux termes de l'art. 19 al. 1 lettre c LPR, il peut être formé
opposition si la vente a pour effet de rendre une exploitation agricole
non viable. Cette disposition vise non seulement l'aliénation partielle,
mais aussi l'aliénation totale, lorsque celle-ci a pour conséquence la
suppression d'une exploitation agricole (RO 92 I 419 consid. 3). Une
telle conséquence est en effet contraire au but de la loi, qui est de
maintenir en Suisse le plus grand nombre possible de domaines propres à
servir de base à l'existence d'une famille paysanne (RO 88 I 328, 89 I 59).

    En l'espèce, il est constant que la vente des actions de la société
immobilière au recourant aurait pour conséquence la disparition du domaine
de Voëns en tant que base d'une exploitation agricole. L'opposition
est ainsi fondée en principe, sous réserve des exceptions prévues par
l'art. 19 al. 1 lettre c LPR.

    b) Une première exception vise l'acquisition en vue de bâtir ou
d'utiliser le sol à des fins artisanales ou industrielles. Le recourant ne
prétend pas qu'une de ces éventualités soit réalisée. Mais il considère
que "cette disposition doit s'appliquer d'une façon suffisamment large
pour que l'on puisse également user des terrains à des fins sportives".
Cette interprétation extensive ne trouve aucun fondement dans la loi. Si on
voulait étendre à toute utilisation quelconque, par voie d'interprétation,
l'exception prévue en faveur de la construction, de l'artisanat et de
l'industrie, l'art. 19 al. 1 lettre c LPR deviendrait lettre morte.

    c) Le recourant ne peut donc faire valoir que la seconde
exception prévue par cette disposition, à savoir que la suppression de
l'exploitation est commandée par d'autres justes motifs. Pour déterminer
si cette condition est remplie, il faut apprécier dans leur ensemble les
circonstances particulières du cas d'espèce, en prenant en considération
non seulement la nature objective du domaine, mais aussi la situation
personnelle du vendeur et de l'acheteur; il s'agit de mettre en balance
selon le droit et l'équité l'intérêt public au maintien d'une exploitation
agricole et les intérêts privés que les parties font valoir en faveur de
la vente (RO 92 I 313 consid. 2, 94 I 179, 95 I 191).

    Le Tribunal fédéral procède en principe librement à cette appréciation
des intérêts en présence, qui relève du droit (RO 94 I 179). Mais il
doit faire preuve d'une certaine retenue dans la mesure où elle dépend de
circonstances locales, et lorsqu'une autorité cantonale indépendante de
l'administration s'est déjà prononcée avec de sérieux motifs. En l'espèce
cependant, il y a lieu de considérer que la Commission ne s'est elle-même
attribué qu'un pouvoir d'examen limité au contrôle de l'abus du pouvoir
d'appréciation.

    d) Ni les vendeurs, ni la commune de Saint-Blaise, qui n'ont d'ailleurs
pas recouru au Tribunal fédéral, ne peuvent ici faire valoir de justes
motifs: l'intérêt des actionnaires de la société immobilière à réaliser
leur bien à des conditions avantageuses, à supposer qu'il soit compromis
par l'opposition, n'est en luimême pas suffisant; celui de la commune à
ménager une zone de verdure à l'est de son territoire sera sauvegardé aussi
si le domaine de Voëns reste affecté à l'agriculture. Seul l'intérêt du
recourant doit donc être mis en balance avec l'intérêt public que présente
le maintien d'une exploitation agricole à Voëns.

    Appréciant cet intérêt public, la Commission a considéré que
le domaine de Voëns était une exploitation relativement importante,
constituant un ensemble bien aménagé et compact à la suite d'un remaniement
parcellaire relativement récent et largement subventionné, dans une région
essentiellement vouée à l'agriculture depuis des temps immémoriaux et
dont les terres sont parmi les meilleures du canton. La suppression de
cette exploitation nuirait au centre collecteur de céréales de Cornaux
et partant à l'économie agricole de la région. Ces constatations de fait
lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ), de même que l'appréciation
de leur importance par la Commission, dans la mesure où elle dépend de
circonstances régionales et qu'elle n'est pas manifestement mal fondée,
ce qui n'est pas allégué.

    Elles ne seraient cependant pas suffisantes au regard du but de
l'art. 19 LPR qui consiste non pas à protéger les terres agricoles
en elles-mêmes, mais à maintenir le plus grand nombre d'exploitations
viables. La Commission a constaté à ce propos qu'un agriculteur de Marin,
dont l'exploitation actuelle est rendue de plus en plus malaisée par
l'extension des constructions dans la région, avait manifesté l'intention
sérieuse d'acheter le domaine de Voëns au prix offert par le recourant
et de l'exploiter lui-même sur place. Le remplacement d'une exploitation
que menace la construction par une autre, située en pleine zone agricole,
serait conforme au but et à l'esprit de l'art. 19 LPR.

    Quant à l'intérêt opposé du recourant, la Commission le considère
aussi comme parfaitement digne d'être pris en considération, en admettant
même que ce n'est pas un pur intérêt privé. Elle relève que le terrain
de Pierrabot ne permet pas l'installation d'un jeu à 18 trous, que le
recourant n'en est que locataire, ce qui l'expose à une résiliation ou
à une augmentation de loyer, que le domaine de Voëns se prêterait assez
bien à l'aménagement d'un terrain de golf, qu'il serait probablement
difficile d'en trouver un autre à un prix abordable à proximité de la
ville, que la collectivité a intérêt à encourager les sports en plein air,
que l'existence d'un terrain de golf de 18 trous peut exercer un effet
stimulant sur le développement touristique de la région, qu'un tel terrain
ne peut pratiquement être aménagé qu'à la campagne, que l'installation
du Club de golf à Voëns présenterait l'avantage d'y maintenir à longue
échéance une zone de verdure.

    Si la Commission considère néanmoins que ces intérêts doivent céder
devant l'intérêt public au maintien d'une exploitation agricole à Voëns,
c'est que le Club de golf aurait selon elle la possibilité "de chercher
et de trouver - au besoin avec le concours des autorités et notamment du
département de l'agriculture - un autre terrain qui se prête à l'exercice
de ce sport, sans porter atteinte de façon aussi sensible qu'à Voëns
à l'économie agricole". Il n'a été ni allégué ni prouvé, ajoute la
Commission, que, en dehors d'une démarche auprès de la Ville de Neuchâtel
en vue de l'extension du terrain de Pierrabot, le Club aurait vainement
fait d'autres recherches pour trouver des terres appropriées ou que de
telles tentatives seraient d'emblée vouées à l'insuccès.

    Le recourant objecte que la décision attaquée rend impossible, par
ses motifs, la création d'un terrain de golf de 18 trous dans le canton
de Neuchâtel; où que l'on aille, il faudra soustraire à l'agriculture un
terrain de 40 ha, en soulevant le même problème qu'à Voëns.

    L'existence d'un club de golf dans une région importante présente
un certain caractère d'intérêt général, ainsi que l'admet la décision
attaquée. Même si les joueurs se recrutent dans un cercle limité,
ce sport mérite d'être pris en considération. Aussi est-ce avec raison
que la Commission considère, avec le Département, que la création d'un
terrain de golf de 18 trous justifierait en principe la suppression
d'une exploitation agricole. Mais l'affirmation selon laquelle il serait
possible de trouver ailleurs qu'à Voëns les terrains nécessaires apparaît
d'autant plus hypothétique que ni le Département ni la Commission n'ont
fourni une indication quelconque pour l'étayer. En réalité, il doit être
très difficile de trouver non loin de Neuchâtel, de La Chaux-de-Fonds
et de Bienne où se recrutent les membres du Club, à une altitude telle
que l'enneigement ne se prolonge pas trop, un terrain non bâti de 40 ha,
non marécageux, pas trop montagneux ni trop boisé, et assez éloigné des
zones de construction pour être d'un prix abordable. Invité lors de la
séance d'instruction tenue en instance fédérale à préciser s'il voyait
d'autres terrains qui remplissent les conditions requises sans que leur
aliénation nuise de façon aussi sensible qu'à Voëns à l'économie agricole,
le représentant du Département a parlé de la région de La Béroche,
au-dessus de Saint-Aubin; il a cependant admis que les domaines de 40 ha
d'un seul tenant n'y étaient pas très nombreux et qu'on ignorait s'il
y en avait à vendre; au surplus, l'incertitude règne encore quant au
tracé de la route nationale no 5 dans cette région. Il a cité en outre
le Val-de-Ruz, mais sans soutenir qu'il ne s'agit pas de bonnes terres
agricoles, même si elles ne valent pas celles de Voëns.

    Il est ainsi loin d'être établi que le recourant puisse trouver une
autre solution pour exercer son activité ailleurs qu'à Pierrabot et créer
un terrain de 18 trous. Or, à défaut d'une telle possibilité, il serait
exposé non seulement à se contenter d'un jeu de 9 trous, ce qui entraverait
le développement du golf dans la région, mais encore à devoir cesser
toute activité si son bail était résilié. Les autorités cantonales, qui
admettent qu'en principe la création d'un terrain de 18 trous justifierait
la disparition d'une exploitation agricole, ont méconnu la difficulté,
voire l'impossibilité pour le Club de golf de trouver une solution de
rechange. Cette circonstance s'ajoutant à celles dont fait état la décision
attaquée, on doit admettre que l'intérêt du recourant à l'acquisition du
domaine de Voëns l'emporte sur l'intérêt public au maintien sur ce domaine
d'une exploitation agricole. En raison de son caractère très particulier,
impropre à créer un précédent, une telle aliénation ne saurait menacer
l'économie agricole du canton dans son ensemble. Au demeurant, l'autorité
serait désarmée si les actionnaires décidaient, ce qu'ils sont libres de
faire, de vendre en vue de la construction plutôt qu'à l'agriculteur qui
s'est porté amateur du domaine. La Commission ayant nié à tort l'existence
de justes motifs d'acquisition par le recourant des actions de la Société
immobilière du domaine de Voëns, l'opposition est mal fondée.