Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 IV 205



97 IV 205

36. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 24 septembre 1971 dans la
cause Garcia contre Ministère public du canton de Vaud. Regeste

    Ausländischer Führerausweis. Art. 4 des BRB vom 28. Januar 1966 über
Motorfahrzeuge und Motorfahrzeugführer aus dem Ausland.

    Anforderungen an die Form der Verfügung, mit der die Verwaltung die
Gültigkeit eines ausländischen Führerausweises in der Schweiz nicht oder
nicht mehr anerkennt.

    Anwendung des schweizerischen Rechts: Art. 3 und 7 Abs. 1 StGB.
Fälschung von Ausweisen: Art. 252 StGB und 97 Abs. 4 SVG.

    Auf die im Ausland begangenen schlichten Tätigkeits- bzw.
Unterlassungsdelikte ist das schweizerische Recht anwendbar, wenn sie
in der Schweiz einen Erfolg bewirkt haben; die Anwendung schweizerischen
Rechts ist indessen ausgeschlossen, wenn das schlichte Tätigkeits- bzw.
Unterlassungsdelikt ein abstraktes Gefährdungsdelikt ist, z.B. die
Fälschung von Ausweisen.

Sachverhalt

    Vu les pièces du dossier d'où ressortent les faits suivants:

    A.- Garcia, ressortissant espagnol, séjourne en Suisse depuis le mois
d'août 1964. Le 26 août 1966, il a obtenu un permis d'élève conducteur
pour les voitures automobiles légères. Ce permis lui a été retiré par deux
fois, la première pour six mois, parce qu'il avait conduit sa voiture
sans être accompagné d'une personne autorisée, et la seconde pour une
année à compter du 7 mai 1967, parce qu'il avait conduit sa voiture sans
être titulaire d'un permis.

    Le 4 février 1967, Garcia a obtenu de l'autorité espagnole un permis
de conduire les automobiles, valable jusqu'au 4 février 1977. Il le déposa
auprès du Service des automobiles du canton de Vaud, qui le lui restitua,
le 18 juin 1968, après y avoir inscrit: "Permis non valable en Suisse"
sous la rubrique "Condiciones restrictivas". Par la suite, il fut par
trois fois refusé à l'examen pour l'obtention du permis de conduire.

    Au mois de juin 1969, alors qu'il séjournait en Espagne, il effaça
l'inscription que le Service des automobiles du canton de Vaud avait
portée sur son permis de conduire espagnol, sur quoi, il le déposa à
nouveau auprès dudit service, auquel il demanda de lui établir, sans lui
faire passer d'examen, un permis suisse en vertu de l'art. 4 de l'ACF
du 28 janvier 1966 concernant les véhicules à moteur et les conducteurs
en provenance de l'étranger. Ayant constaté la fraude, l'administration
refusa le permis. Après ce refus, Garcia conduisit à plusieurs reprises
des véhicules à moteur, bien que son permis d'élève conducteur fût expiré.

    B.- Le 8 janvier 1971, le Tribunal de police du district de Lausanne
condamna Garcia à un mois d'emprisonnement pour faux dans les certificats
(art. 252 CP), délit manqué d'obtention frauduleuse d'un permis de conduire
(art. 97 ch. 1 al. 4 LCR et 22 CP) ainsi que pour avoir, à plusieurs
reprises, conduit un véhicule automobile sans être au bénéfice du permis
de conduire nécessaire (art. 95 LCR).

    Le 19 mars 1971, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a rejeté un recours formé par Garcia contre ce jugement.

    C.- Garcia s'est pourvu en nullité contre l'arrêt du 19 mars
1971. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle
décision. Il allègue que, touchant la nature de l'inscription portée dans
son permis de conduire espagnol par l'autorité vaudoise, les faits ne sont
pas suffisamment élucidés, de sorte que l'on ne sait s'il s'agissait d'un
certificat au sens de l'art. 252 CP; qu'en outre l'autorité cantonale a
admis à tort l'existence d'un concours réel entre les art. 252 CP et 97
ch. 1 al. 4 LCR; enfin qu'elle aurait dû lui accorder le sursis.

    D.- Le Procureur général du canton de Vaud a renoncé à présenter
des observations sur le pourvoi; il s'est référé au préavis qu'il avait
présenté à la cour vaudoise.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- De l'avis du recourant, les faits constatés par l'autorité
cantonale ne permettent pas de juger si la pièce falsifiée par lui et
présentée ensuite au Service vaudois des automobiles constituait un
certificat.

    Le juge du fait a seulement constaté que le Service vaudois des
automobiles avait inscrit sur le permis de conduire espagnol du recourant
les mots "Permis non valable en Suisse". Selon l'art. 4 de l'ACF du 28
janvier 1966 concernant les véhicules à moteur et les conducteurs en
provenance de l'étranger (texte en vigueur au moment où Garcia a commis
les actes retenus contre lui), la Suisse, sous réserve de certaines
exceptions, délivre un permis de conduire suisse, sans faire passer
d'examen, au titulaire d'un permis de conduire étranger qui n'est plus
admis à utiliser ce permis en Suisse. Selon les principes généraux du
droit administratif, lorsque la validité d'un permis étranger n'est pas ou
n'est plus reconnue en Suisse (art. 2 al. 2 ACF du 10 mai 1957 concernant
la circulation automobile internationale), il suffit à l'autorité suisse
d'y porter l'inscription "non valable en Suisse", pourvu qu'elle ait par
ailleurs valablement notifié au titulaire la décision exclusive d'un droit,
dont il a fait l'objet (cf. art. 23 al. 1 LCR; s'agissant de l'exclusion
du droit d'utiliser un permis international, v. Convention internationale
du 24 avril 1926, art. 7 al. 5 et annexe E, p. 4 du spécimen). Cette
notification peut avoir lieu par un écrit distinct de la simple inscription
sur le permis de conduire (circulaire de la Division de la police du
Département fédéral de justice et police du 8 avril 1964). Lorsqu'une
telle notification n'a pas lieu, il faut au moins que l'inscription
portée sur le permis mentionne l'autorité qui a pris la décision et en
porte la signature, qui peut être un fac-similé. L'inobservation de cette
règle entraîne la nullité de l'acte administratif (GIACOMETTI, Allgemeine
Lehren des rechtsstaatlichen Verwaltungsrechts, p. 386 et n. 46; IMBODEN,
Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 3e éd., t. II, nos 615 III d
et 626 III; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 205).

    Le recourant allègue en vain qu'en cas de notification écrite
distincte, la simple mention sur le permis "non valable en Suisse" devrait
avoir, elle aussi, le caractère d'un certificat valable. Il suffit que le
permis lui-même en soit un - ce qui est manifeste en l'espèce. Dans ce
cas, la suppression de la mention constitue une falsification du permis
et tombe sous le coup de l'art. 255 CP.

    L'arrêt attaqué ne contient aucune constatation sur la forme observée
par l'autorité vaudoise pour communiquer sa décision. La Cour de cassation
pénale ne saurait combler cette lacune. Il faut donc renvoyer la cause à
l'autorité cantonale, qui complétera ses constatations de fait. Si elle
arrive à la conclusion que la décision du Service des automobiles du canton
de Vaud était nulle, elle ne pourra prononcer aucune condamnation du chef
de faux dans les certificats et de délit manqué d'obtention frauduleuse
d'un permis.

Erwägung 2

    2.- Supposé que la pièce falsifiée par Garcia eût constitué un
certificat valable et que l'application de l'art. 252 CP entrât en
ligne de compte vu les règles sur le concours d'infractions, l'autorité
cantonale aurait dû considérer que l'auteur avait agi, non en Suisse,
mais en Espagne et, partant, examiner d'office si le droit suisse était
applicable à la falsification. Car, selon son art. 3, le Code pénal
suisse s'applique à quiconque aura commis un crime ou un délit en Suisse,
le lieu de commission étant aussi bien celui où l'auteur a agi que celui
où le résultat s'est produit (art. 7 al. 1 CP).

    Le faux dans les certificats est un délit formel, c'est-à-dire un
comportement que la loi réprime comme tel sans prendre en considération
le résultat. Le Tribunal fédéral a cependant jugé que ces délits avaient
effectivement un résultat, même si la loi l'ignorait, et qu'ils tombaient
sous le coup de la loi suisse lorsque ce résultat s'était produit en
Suisse. Il a maintenu cette jurisprudence, nonobstant les critiques
qu'elle avait soulevées (RO 87 IV 153; 91 IV 232). En effet, a-t-il dit,
le résultat consiste dans le dommage à cause duquel le législateur a
rendu l'acte punissable. Ce dommage existe aussi bien dans les délits
formels que dans les délits matériels, même si la loi n'en fait pas
état. La cour de céans n'entend pas modifier, aujourd'hui, le principe
de cette jurisprudence.

    Le faux dans les certificats, dont il s'agit en l'espèce, rentre
dans la catégorie, à la fois des délits formels et des délits de mise
en danger. On distingue, en doctrine, entre la mise en danger concrète
et la mise en danger abstraite. La première existe seulement lorsque
l'acte rend la lésion non seulement possible du point de vue objectif,
mais encore vraisemblable dans le cours ordinaire des choses (RO 71 IV
100; 72 IV 27; 73 IV 101; 80 IV 182; 83 IV 30; 85 IV 130; 91 IV 194). La
seconde, en revanche, suppose seulement que le législateur tient l'acte
lui-même pour dangereux et le punit comme tel sans exiger que le danger
se soit effectivement manifesté; il suffit alors que l'acte soit propre
à entraîner le dommage que le danger fait craindre, qu'il s'agisse par
exemple d'un acte par lequel on obtient, au registre du commerce, une
inscription propre à induire en erreur (art. 1er de la loi fédérale du
6 octobre 1923 statuant des dispositions pénales en matière de registre
du commerce et de raisons de commerce).

    On voit que, dans la mise en danger abstraite, l'acte reste en
principe punissable alors même qu'il serait demeuré sans aucun résultat,
c'est-à-dire qu'il n'aurait suscité aucun danger effectif. Le résultat est
donc non seulement beaucoup moins caractérisé que dans la mise en danger
concrète, mais encore il peut faire totalement défaut. De ce point de vue,
on ne saurait assimiler les deux catégories de mise en danger. Si, comme
le Tribunal fédéral l'a admis précédemment, la mise en danger concrète peut
avoir produit un résultat en Suisse et, partant, justifier l'application du
Code pénal suisse, il n'en va pas de même de la mise en danger abstraite,
où le juge n'a jamais à rechercher si le danger a effectivement existé,
comme il doit le faire dans l'autre cas.

    Il s'ensuit que, dans les délits formels qui sont en même temps des
délits de mise en danger abstraite, on ne pourra prendre en considération,
pour appliquer les art. 3 et 7 CP, que le lieu où l'auteur a agi. C'est
là une précision apportée à la jurisprudence rappelée plus haut.

    Le faux dans les certificats (art. 252 CP) est punissable en raison
du danger que l'acte fait courir à la foi publique attachée à certains
documents, danger que caractérise suffisamment le dessein de l'auteur
("améliorer sa situation ou celle d'autrui"). Il s'agit d'une mise en
danger abstraite, c'est-à-dire d'un acte réputé dangereux et, partant,
punissable en raison de sa nature même et du dessein de l'auteur. Dès lors,
le juge qui recherche si l'art. 252 CP est applicable de par les art. 3
et 7 CP ne saurait examiner si le faux a effectivement, par une mise en
danger, sorti ses effets en Suisse; il ne le peut pas plus que s'il avait
à appliquer cette disposition. Seul compte l'acte commis par l'auteur
et, cet acte ayant été accompli à l'étranger, échappe à l'application du
droit suisse. L'autorité cantonale devra donc libérer Garcia du chef de
faux dans les certificats.