Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 II 123



97 II 123

19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 juin 1971 dans la
cause Gobat contre Mongillo Regeste

    Haftung aus unerlaubter Handlung; Versorgerschaden; Genugtuung. Grund
und Umfang der Haftung (Erw. 2 bis 5).

    Der Versorgerschaden ist vom Todestag, nicht erst vom Tage des Urteils
an zu berechnen (Erw. 6).

    Die Möglichkeit einer Wiederverheiratung ist sowohl beim
Versorgerschaden als auch bei der darauf anzurechnenden Rente der
Schweizerischen Unfallversicherungsanstalt zu berücksichtigen (Erw. 8a).

    Bemessung der Genugtuungssumme bei Verschulden des Schädigers, des
Verunfallten und eines Dritten (Erw. 10).

Sachverhalt

    A.- Marc Joliat, entrepreneur de maçonnerie, bâtissait un immeuble
locatif à Courrendlin. Le 4 mars 1966, son contremaître Angelo Zornio, son
ouvrier Antonio Mongillo et son maçon Fernand Seuret construisaient avec
l'entrepreneur de transports Georges Gobat une fosse septique rattachée
au bâtiment. Gobat se servait à cet effet de sa pelle mécanique avec
commande hydraulique Poclain TC 45, qu'il conduisait lui-même. Joliat
n'avait recouru à ses services et à sa machine que pour l'exécution de
ce travail; celui-ci a fait l'objet d'une facture du 30 juin 1966 de 310
fr., soit 5 heures à 50 fr., plus 60 fr. pour le déplacement de la pelle.
Gobat a creusé une fouille circulaire d'environ 2 m de profondeur et 3
m de diamètre. Il fallait y placer trois tuyaux en ciment de 2 m 20 de
diamètre et de 50 cm de hauteur; ces tuyaux, superposés, devaient être
emboîtés et leurs joints cimentés. Pour les déposer et les mettre en place,
Gobat se servait de sa machine comme d'une grue. Trois chaînes fixées
sous le godet de la pelle tenaient les tuyaux par leur partie supérieure,
à l'aide de pinces. Les articulations du bras permettaient de les soulever,
de les déplacer et de les déposer.

    Zornio surveillait l'opération du haut de la fouille. Lorsque le second
tuyau fut posé sur le premier, il fît descendre Mongillo et Seuret dans
la fosse pour les ajuster et décrocher les chaînes. Il avait auparavant
fait glisser latéralement de quelques centimètres le second tuyau,
par un mouvement horizontal du godet, pour le mettre en place sur le
premier. Gobat devait ensuite faire descendre le godet d'une dizaine de
centimètres, pour détendre les chaînes. Avant cette manoeuvre, Mongillo
et Seuret se trouvaient de part et d'autre de l'axe sur lequel le godet
devait se déplacer verticalement. Gobat pouvait les voir. Zornio lui cria
alors: "C'est bon!", pour lui signifier que le tuyau était en place et
que les chaînes pouvaient être détendues. A ce moment, Gobat ne pouvait
plus apercevoir Mongillo; il abaissa cependant le godet. Celui-ci tomba
obliquement de 60 à 70 cm; en raison du déplacement horizontal qui avait
précédé la manoeuvre, il ne se trouvait en effet plus au-dessus du centre
du tuyau et était exposé à une traction inégale des chaînes. Il était
d'autant plus difficile à maîtriser dans ces circonstances que le dernier
élément du bras qui l'actionnait n'était pas équipé d'un frein de chute,
contrairement aux deux autres éléments. Atteint par le godet, Mongillo
a été écrasé contre la paroi du tuyau. Il a succombé à ses blessures le
même jour.

    B. - Par demande du 26 septembre 1967, dame Anna Maria
Mongillo-Palmieri, veuve de la victime, et ses deux filles Maria Arcangela
et Giovanna ont ouvert action contre Gobet en paiement de la partie du
dommage pour perte de soutien non couverte par la Caisse nationale et
d'une indemnité pour tort moral et pour frais funéraires.

    Le défendeur a conclu au rejet de la demande.

    Statuant le 9 octobre 1970, la Cour d'appel du canton de Berne a
condamné le défendeur à payer les sommes ci-après:

    a) à dame Anna Maria Mongillo:29 000 fr. avec intérêt à 5% dès le
9 octobre 1970 (perte de soutien); 7500 fr. avec intérêt à 5% dès le 4
mars 1966 (tort moral); 3500 fr. avec intérêt à 5% dès le 4 mars 1966
(frais funéraires);

    b) à Maria Arcangela Mongillo: 400 fr. avec intérêt à 5% dès le 9
octobre 1970 (perte de soutien); 2500 fr. avec intérêt à 5% dès le 4 mars
1966 (tort moral);

    c) à Giovanna Mongillo: 2800 fr. avec intérêt à 5% dès le 9 octobre
1970 (perte de soutien); 2500 fr. avec intérêt à 5% dès le 4 mars 1966
(tort moral).

    C. - Le défendeur recourt en réforme au Tribunal fédéral contre cet
arrêt, en reprenant ses conclusions libératoires.

    Les demanderesses ont formé un recours joint. Elles proposent le
rejet du recours principal et prennent les conclusions suivantes:

    a) que les montants alloués à titre de dommages-intérêts pour perte
de soutien soient portés à 31 000 fr. pour dame Anna Maria Mongillo,
à 1100 fr. pour Maria Arcangela Mongillo et à 4000 fr. pour Giovanna
Mongillo, avec intérêt à 5% dès le 4 mars 1966; subsidiairement que ces
montants soient augmentés selon l'appréciation du tribunal;

    b) que les montants alloués à titre de tort moral soient portés
à 12 000 fr. pour dame Anna Maria Mongillo, et à 5000 fr. pour Maria
Arcangela et pour Giovanna Mongillo, avec intérêt à 4% dès le 4 mars 1966,
subsidiairement que ces montants soient majorés à dire de justice.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- ...

Erwägung 2

    2.- La Cour d'appel considère le contrat entre le défendeur et Joliat
comme "un contrat mixte où l'élément d'entreprise est prépondérant, du
moins en ce qui concerne l'organisation et la direction des travaux". Le
défendeur soutient que l'arrêt déféré viole sur ce point les art. 253 et
101 CO et qu'il fonde à tort l'action des demanderesses sur les art. 41ss
CO; il s'agit selon lui d'un contrat de bail, la mise à disposition
du conducteur de la machine n'étant qu'une prestation accessoire de la
bailleresse (RO 91 II 291) et lui-même étant auxiliaire de Joliat qui
répond de son comportement selon l'art. 101 CO.

    a) Il est constant qu'aucun lien contractuel n'existait entre Mongillo,
employé de Joliat, et le défendeur. Ce dernier ne peut donc être tenu à
réparation du dommage et du tort moral subi par les demanderesses qu'en
raison d'un acte illicite. L'existence d'un tel acte est en principe
indépendante de ses rapports de droit avec Joliat ou de son éventuelle
qualité d'auxiliaire au sens de l'art. 101 CO. La responsabilité de
l'employeur pour le dommage causé à son co-contractant par ses auxiliaires
dans l'accomplissement de leur travail n'exclut pas celle qui incombe à ces
personnes en vertu des art. 41ss CO, lorsqu'une faute leur est imputable.

    b) La Cour d'appel a examiné la nature juridique du lien contractuel
entre Joliat et le défendeur en recherchant à qui, de ce dernier ou
du contremaître Zornio, incombaient l'organisation et la direction des
travaux. Les parties n'ayant pas songé à préciser qui devait diriger la
manoeuvre et en assumer la responsabilité, les premiers juges ont admis
qu'il fallait prendre en considération "l'ensemble des circonstances
du contrat": par leur objet nettement déterminé - le défendeur a établi
le 30 juin 1966 une facture pour "creusage et pose d'une fosse septique
avec pelle Poclain" - les rapports des parties relèveraient du contrat
d'entreprise et non du contrat de bail ou de travail; la rémunération
à l'heure, avec facturation des heures de travail effectif et non des
heures de mise à disposition de la machine, correspondrait à la notion
de "travail en régie" caractéristique du contrat d'entreprise, terme
d'ailleurs employé dans le rapport de la Caisse nationale du 24 mars 1966.

    La question ainsi examinée par la Cour d'appel, en considération de
l'ensemble des circonstances du contrat, est une question de droit qui
peut être revue en instance de réforme.

    Il est constant que le défendeur n'a pas seulement loué sa
pelle mécanique, mais qu'il a aussi accompli un certain travail en
l'utilisant. La description dans sa facture des prestations fournies
n'est pas nécessairement un indice en faveur du contrat d'entreprise; elle
peut tout aussi bien être interprétée comme une simple indication du but
pour lequel la pelle mécanique a été mise à disposition et manoeuvrée. Le
contrat en question pourrait être un contrat mixte comportant la location
et l'utilisation de l'objet loué, ce qui expliquerait la rémunération
d'après le temps employé (5 heures à 50 fr.) ainsi que le montant de 60
fr. relatif au déplacement de la pelle. Il est sans importance que la
Caisse nationale, qui n'avait pas à apprécier les rapports contractuels
entre le défendeur et Joliat, ait parlé dans son rapport de "travail en
régie". Il faut en revanche prendre en considération les déclarations
faites par Joliat le 4 ou 8 mars 1966 au Bureau de prévention des
accidents de la Société suisse des entrepreneurs et le 16 mars 1966 dans
une lettre au consulat d'Italie, déclarations que la Cour d'appel a estimé
ne pas pouvoir retenir, relevant que Joliat n'était vraisemblablement
pas conscient de l'importance des termes dont il se servait. Le rapport
du bureau précité relate ce qui suit:

    "M. Marc Joliat, entrepreneur, nous dit avoir loué la pelle avec
chauffeur auprès de M. Georges Gobat à Courrendlin. Ce dernier n'ayant
pas de chauffeur à mettre à disposition, c'est lui qui est venu sur place
pour conduire. M. Marc Joliat pense que M. Gobat n'avait pas une grande
habitude de cette pelle."

    La lettre de Joliat au consulat d'Italie comporte le passage suivant:

    "Mon entreprise était en train de poser une fosse septique d'un
diamètre de 2.00 m avec la machine à creuser d'une entreprise de
Courrendlin, Georges Gobat, dont le patron lui-même manoeuvrait la
machine."

    Ces deux déclarations tendent à prouver que Joliat a recouru à la pelle
mécanique, manoeuvrée par le défendeur, aux fins de construire lui-même la
fosse septique. Le défendeur n'était pas en mesure d'accomplir ce travail
seul, avec sa machine. Trois ouvriers de Joliat, dont un contremaître,
y ont collaboré. L'installation de la fosse était d'ailleurs du ressort
de Joliat, entrepreneur chargé de la construction de l'immeuble. Le rôle
du défendeur se bornait à fournir et à manoeuvrer la pelle mécanique. Le
reste, en particulier l'organisation, incombait à Joliat, qui avait
affecté à ce travail trois ouvriers dont le contremaître Zornio; celui-ci
a lui-même déclaré en procédure cantonale: "c'est moi qui dirigeais la
manoeuvre". Cette déclaration concorde parfaitement avec son exclamation
"c'est bon!", lorsqu'il estima que le godet de la pelle pouvait être
abaissé.

    La question de savoir de quel contrat relevaient les prestations
du défendeur - bail à loyer avec usage de la chose par le bailleur
(cf. RO 91 II 291; arrêts non publiés Werner Schmid & Cie. c. Vereinigte
Bauunternehmungen GmbH, du 2 juin 1953, et Geiger & Viatte c. Grande
Dixense SA, du 18 décembre 1956) ou contrat d'entreprise - peut rester
indécise. Même dans l'hypothèse d'un contrat d'entreprise, le défendeur
n'était pas tenu à d'autres prestations que le creusage d'une fosse
à l'aide de la pelle mécanique et la mise en place des tuyaux livrés
par Joliat, avec la participation du personnel de celui-ci. Dans
l'exécution de ce travail, il devait veiller à la sauvegarde de la vie
et de l'intégrité corporelle des trois ouvriers de Joliat avec toute
l'attention commandée par les circonstances. Mais il pouvait partir
de l'idée que ces collaborateurs, notamment le contremaître Zornio,
feraient également leur possible pour éviter un accident. Leurs erreurs de
comportement lui étaient imputables dans la mesure où il était ou devait
en être conscient; elles le déchargeaient au cas contraire.

Erwägung 3

    3.- Le fait que Zornio organisait et dirigeait le travail ne
libérait pas le défendeur. Il savait que ce contremaître avait envoyé
les deux ouvriers dans la fosse pour décrocher les chaînes. Il pouvait
les apercevoir alors qu'ils se trouvaient de part et d'autre du bras de
la pelle mécanique. Mais lorsqu'il entreprit sa manoeuvre à la suite
de l'exclamation "c'est bon!" de Zornio, il ne voyait plus Mongillo. Il
devait en conclure que celui-ci s'était déplacé dans la fouille et qu'il
se trouvait très probablement sous le godet, où il était en danger. En
tant que propriétaire et conducteur de la pelle mécanique, le défendeur en
connaissait les particularités et les risques mieux que Zornio, qui n'avait
jamais travaillé avec une machine de ce genre; il ne devait donc pas se
satisfaire du fait que le contremaître, qui s'était d'ailleurs détourné,
n'intervînt pas. Il aurait dû faire sortir les ouvriers de la fosse avant
d'abaisser le godet. La manoeuvre n'exigeait pas qu'ils fussent exposés
au danger d'être atteints par la pelle. Le défendeur aurait dû les avertir
d'emblée de ne jamais se placer près du godet, avant qu'il eût atteint sa
position définitive. L'opération était difficile à contrôler, en raison
de la modification du rapport des forces exercées par les chaînes et de
l'absence d'un frein de chute. L'accident est ainsi imputable à faute
au défendeur.

Erwägung 4

    4.- Le défendeur fait valoir qu'il est libéré de sa responsabilité
par la faute grave du lésé (art. 44 CO).

    Ce moyen n'est pas fondé. En dépit de l'avis affiché à l'extérieur
de la cabine et qui interdisait aux personnes non autorisées l'accès à
la zone de travail de la pelle, Mongillo pouvait y accéder, puisqu'il
devait aider à mettre en place les tuyaux et à décrocher les chaînes. On
peut seulement lui reprocher d'être resté sans nécessité dans la fosse
alors qu'on détendait les chaînes. Cette faute n'est pas grave. Ce n'est
d'ailleurs pas là que le défendeur voit une faute lourde de la victime,
mais dans le fait qu'elle s'est déplacée sous le godet, avant que les
chaînes fussent détendues.

    Selon les constatations de la Cour d'appel, le motif de ce déplacement
n'est cependant pas établi. Peut-être Mongillo a-t-il compris l'exclamation
"c'est bon!" du contremaître comme un ordre de décrocher les chaînes. Il
aurait dû songer dans cette hypothèse que l'ordre de Zornio ne concernait
pas les deux ouvriers, mais le défendeur seul; les chaînes ne pouvaient
en effet être décrochées, comme il devait le savoir, qu'après que le
défendeur les eut détendues en abaissant le godet. Mais Mongillo ignorait
que celui-ci descendrait obliquement de 60 à 70 cm. Comme le premier tuyau
avait été mis en place sans incident, il pouvait admettre que l'abaissement
du godet ne présentait pas non plus de danger. Le comportement de Mongillo
serait donc excusable dans une certaine mesure, s'il s'était placé par
anticipation sous le godet pour décrocher les chaînes. Il ne saurait non
plus être question d'une faute grave du lésé dans la seconde hypothèse
envisagée par la Cour d'appel; Mongillo, effrayé par un mouvement du godet,
aurait voulu échapper à un danger en se déplaçant.

    Dans l'incertitude du comportement causal de l'accident imputable à
Mongillo qui a donné lieu à l'accident, une réduction des dommages-intérêts
ne se justifie pas non plus.

    Selon une jurisprudence récente du Tribunal fédéral relative à
l'art. 100 LAMA, la Caisse nationale n'est subrogée dans les droits du
lésé que dans la mesure où ces droits excèdent la différence entre les
prestations de la Caisse nationale et le dommage (RO 96 II 360ss). Une
faute propre de la victime ne peut donc porter préjudice à l'ayant droit
que si elle est assez lourde pour que les prétentions en dommages-intérêts
soient inférieures à la partie du dommage non couverte par la Caisse
nationale. Cette condition n'est pas remplie en l'espèce.

Erwägung 5

    5.- Le défendeur fait encore valoir que les art. 41ss CO ne sont
applicables qu'aux prétentions des demanderesses relatives au tort moral
et aux frais funéraires.

    Il se prévaut ainsi de l'art. 129 al. 2 LAMA, selon lequel l'employeur
de l'assuré obligatoire ainsi que ses parents, employés ou ouvriers ne
répondent du dommage assuré que s'ils l'ont causé intentionnellement ou
par une faute grave, ou si l'employeur n'a pas payé les primes. N'importe
quel employeur ne bénéficie cependant pas de cette disposition, mais seul
l'employeur du lésé (RO 96 II 228 consid. 5). Or le défendeur n'était pas
l'employeur de la victime; il n'a pas payé de primes pour l'assurer. Il
n'était pas non plus parent, employé ou ouvrier de Joliat, employeur
de Mongillo; peu importe à cet égard que les rapports de droit entre
le défendeur et Joliat soient soumis aux règles du bail, ou à celles du
contrat d'entreprise. Le défendeur était un entrepreneur indépendant dans
ses relations avec la Caisse nationale.

Erwägung 6

    6.- S'agissant de la détermination du dommage consécutif à la perte de
soutien, la Cour d'appel constate que Mongillo avait un salaire horaire
de 5 fr. 03 lors de l'accident, que ce salaire aurait été porté à 5 fr.
40 en 1967, à 5 fr. 70 en 1968 et, selon les demanderesses, à 6 fr. 32
en 1970. Elle retient par mesure de simplification, et pour tenir compte
du fait que Mongillo aurait touché un salaire inférieur jusqu'en 1968,
le chiffre moyen de 5 fr. 70 qui était prévisible lors de l'accident.

    Les demanderesses font valoir que le tribunal savait lors du
jugement qu'une hausse substantielle des salaires dans la construction
interviendrait à partir du 1er janvier 1971. La Cour d'appel aurait
dès lors dû se fonder sur le salaire horaire de 6 fr. 32, les montants
inférieurs des années 1966-1969 étant compensés par l'évolution future. Il
serait également erroné, eu égard à la durée de vie probable, de tabler
sur 5 fr. 70 et non sur 6 fr. 32.

    Les demanderesses ne prétendent pas avoir offert de prouver qu'une
hausse des salaires dans la construction serait intervenue au 1er janvier
1971, et quelle en aurait été l'importance. Elles se bornent à alléguer
que le fait était connu du tribunal. Or l'arrêt déféré ne contient aucune
constatation à cet égard. C'est donc que la Cour d'appel ne considérait
pas comme notoire la prétendue hausse à intervenir, ou qu'elle tenait
pour tardive l'affirmation des demanderesses. Celles-ci fondent ainsi
leur recours joint sur un fait qui n'était pas établi lorsque fut rendu
l'arrêt attaqué ou qui ne pouvait être pris en considération pour des
motifs de procédure. Leur moyen n'est partant pas recevable.

    L'appréciation de la Cour d'appel, fondée sur le salaire de 5 fr. 70,
ne violerait au demeurant pas le droit fédéral, même si la cour avait su
que les salaires dans la construction augmenteraient en 1971 et si elle
avait pu tabler sur cette hausse. Contrairement au dommage qui résulte
d'une invalidité, celui qui dérive de la perte de soutien ne doit pas
être calculé de façon concrète jusqu'au jour du jugement rendu en dernière
instance cantonale, où des faits nouveaux peuvent encore être présentés,
et de façon abstraite pour la période postérieure seulement; le calcul
abstrait doit être fait au jour du décès, attendu que l'on ne sait pas
si, sans l'accident, la victime aurait vécu jusqu'à la date du jugement
(RO 84 II 300 consid. 7, 90 II 84). Cela ne signifie pas que le juge
doive faire abstraction dans l'appréciation de la perte de soutien des
faits postérieurs à la mort du soutien. Mais il doit faire preuve de
retenue dans la prise en considération de ces faits, conscient de ce
qu'il n'est pas certain que le soutien aurait été en vie et capable de
travailler le jour du jugement. Aussi ne peut-on se fonder sans autre
sur les salaires moyens de ce jour ni sur ceux qui ne sont alors que
prévisibles pour l'avenir. Les salaires peuvent aussi diminuer. On ne
saurait apprécier les circonstances existantes au moment du jugement de
façon unilatérale, dans l'intérêt d'une seule partie. A cela s'ajoute, en
l'espèce, que Mongillo était Italien et que sa famille vivait en Italie;
on ne sait dès lors si et, les cas échéant, pendant combien de temps il
serait resté en Suisse et y aurait trouvé du travail. La Cour d'appel
n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en calculant la perte de
soutien sur la base d'un salaire horaire moyen de 5 fr. 70.

Erwägung 7

    7.- La Cour d'appel a retenu 2180 heures de travail par année, ce qui
représente, compte tenu d'un salaire horaire de 5 fr. 70, un revenu annuel
de 12 426 fr. Elle a admis que Mongillo aurait consacré en moyenne le 35%
de ce revenu à sa femme. Cette proportion, que les parties ne remettent
pas en cause, correspond à une contribution annuelle de 4349 fr. 10, soit
en chiffre rond 4350 fr. Mais la Cour d'appel écrit 4530 fr. et fonde
par la suite ses calculs sur ce chiffre. Cette inadvertance manifeste
doit être rectifiée d'office (art. 63 al. 2 OJ). Ce faisant, le Tribunal
fédéral n'outrepasse pas les conclusions du défendeur, qui tendent au
débouté de la demande, mais les adjuge partiellement, pour des motifs
autres que ceux qu'il invoque.

Erwägung 8

    8.- Pour déterminer la perte de soutien de la veuve, la Cour d'appel
a soustrait de sa part au revenu annuel du mari la rente annuelle de 2964
fr. versée par la Caisse nationale, puis a capitalisé la différence au
jour du décès et opéré sur le résultat une déduction de 10% pour chances
de remariage.

    Le défendeur soutient que la déduction de 10% doit être opérée, eu
égard à l'art. 100 LAMA, avant la soustraction de la rente de la Caisse
nationale. La demanderesse elle-même aurait procédé de cette façon dans
un calcul détaillé remis en procédure cantonale; la Cour d'appel serait
ainsi allée au-delà des conclusions de la demanderesse, violant par là
l'art. 3 PCF.

    a) La Cour d'appel a procédé selon la méthode simplifiée que
STAUFFER/SCHAETZLE (Barwerttafeln, 3e éd. 1970, p. 160 exemple 17)
proposent en se référant à l'arrêt Lloyd's Underwriters c. Chaboudez rendu
le 11 mars 1969 par le Tribunal fédéral (RO 95 II 582ss). Ce mode de calcul
n'est pas contraire à la loi. La réduction pour chances de remariage ne
saurait porter uniquement sur la perte de soutien annuelle. Elle doit être
opérée également sur la rente de la Caisse nationale. La correspondance
dans le temps du dommage et de la rente de la Caisse nationale qui en est
déduite doit en effet être sauvegardée. De même, le Tribunal fédéral ne
se fonde pas sur les tables de mortalité pour déterminer la rente de la
Caisse nationale imputable sur le dommage consécutif à une invalidité
et calculé selon les tables d'activité (RO 95 II 588 consid. 5). La
veuve ne touche d'ailleurs la rente de la Caisse nationale que jusqu'à
son remariage; pour cette raison aussi, on n'impute pas la rente viagère
de la Caisse nationale sur l'indemnité pour perte de soutien réduite en
raison des chances de remariage (RO 81 II 48 c. consid. 4 et 6).

    Le calcul est le suivant si l'on tient compte des chances de remariage
en opérant une déduction sur la perte de soutien annuelle et une déduction
correspondante sur la rente de la Caisse nationale:

    Perte de soutien annuelle

    (35% du revenu annuel de la victime)               Fr. 4350.--

    Déduction de 10% pour chances de remariage           Fr.  435.--
                                                        -----------
                                                        Fr. 3915.--

    Rente de veuve de la Caisse nationale  Fr. 2964.--

    Déduction de 10% pour chances de

    remariage                            Fr.  296.--   Fr. 2668.--
                                               --------------------

    Perte annuelle                                       Fr. 1247.--

    Capitalisation de ce montant à 4% - ce taux retenu par la Cour
d'appel n'est pas remis en cause par les parties - selon table 45 de
STAUFFER/SCHAETZLE (op. cit. p. 314, âge du soutien masculin: 39 ans,
âge de la personne soutenue: 35 ans): 12,47 x 1665 = 20 762 fr.

    Dans l'arrêt RO 81 II 49, le Tribunal fédéral applique une méthode un
peu plus compliquée: il commence par capitaliser la perte de soutien, puis
opère la réduction pour chances de remariage et déduit enfin du résultat
la rente capitalisée de la Caisse nationale, diminuée pour tenir compte des
chances de remariage. Cette méthode aboutit pratiquement au même résultat:

    Capitalisation de la perte de soutien annuelle

    de 4350 fr. selon table 45 de Stauffer/Schaetzle

    (comme ci-dessus): 43,5 x 1665 =                  Fr. 72427.--

    Déduction de 10% pour chances de remariage          Fr.  7242.--
                                                       ------------
                                                       Fr. 65185.--

    Capitalisation de la rente annuelle de la

    Caisse nationale de 2964 fr. selon

    table 45 deStauffer/Schaetzle

    (comme ci-dessus) : 29,64 x 1665 = Fr. 49350.--

    Déduction de 10% pour chances de

    remariage                          Fr.  4935.-->  Fr. 44415.--
                                        ---------------------------
                                                       Fr. 20770.--

    La méthode simplifiée appliquée par la Cour d'appel selon
STAUFFER/SCHAETZLE (op. cit., p. 160, exemple 17) donne un résultat
identique:

    Perte de soutien annuelle                           Fr.  4350.--
   moins la rente de la Caisse nationale               Fr.  2964.--
                                                       ------------

    Perte annuelle                                      Fr.  1386.--

    Capitalisation de ce montant comme ci-dessus:

    13,86 x 1665                                      Fr. 23077.--

    Déduction de 10% pour chances de remariage          Fr.  2307.--
                                                       ------------
                                                       Fr. 20770.--

    b) Le grief tiré par le défendeur du fait que la Cour d'appel serait
allé au-delà des conclusions de la demanderesse, en n'opérant la déduction
de 10% qu'après coup, est ainsi sans objet.

    Il est au surplus mal fondé: dans le calcul invoqué par le défendeur,
la demanderesse a opéré la déduction de 10% pour chances de remariage non
seulement sur la perte de soutien (capitalisée), mais aussi sur la rente
de la Caisse nationale, suivant ainsi la méthode adoptée dans l'arrêt RO
81 II 49.

    Au demeurant, la question de savoir si la Cour d'appel pouvait allouer
à la demanderesse plus qu'elle ne réclamait ne relève pas de l'art. 3 PCF
mais de la procédure cantonale, dont l'application ne peut être revue en
instance de réforme (art. 43 al. 1 OJ).

Erwägung 9

    9.- La Cour d'appel a ajouté à la perte de soutien capitalisée des
demanderesses 5% d'intérêt pour la période du jour du décès à la date
du jugement, les sommes ainsi obtenues portant intérêt dès cette date.
Ce mode de procéder, qui fait bénéficier les demanderesses d'un intérêt sur
l'intérêt écoulé jusqu'au jugement cantonal, correspond à la jurisprudence
du Tribunal fédéral (RO 81 II 49); il n'est pas remis en cause par le
défendeur. Les droits de dame Mongillo consécutifs à la perte de soutien
s'établissent ainsi comme il suit:

    Perte de soutien capitalisée                        Fr. 20770.--

    intérêt à 5% du 4 mars 1966 au 9 octobre 1970

    (4 ans et 215 jours)                              Fr.  4774.--
                                                       ------------
                                                       Fr. 25544.--
   avec intérêt à 5% dès le 9 octobre 1970.

Erwägung 10

    10.- Les demanderesses concluent à l'allocation de montants plus
élevés, au titre de la réparation du tort moral.

    Elles soutiennent dans leur réponse au recours principal que le
défendeur a commis une faute grave. Cette manière de voir est erronée. Le
défendeur n'était pas seul responsable de la construction de la fosse
septique; il collaborait avec les employés de Joliat. Son rôle se bornait
à la mise en oeuvre et à l'utilisation de la machine. Il appartenait aussi
aux trois ouvriers, et notamment au contremaître Zornio, de veiller à ce
qu'aucun accident ne survienne, ceci sous leur propre responsabilité. Le
défendeur n'était ni leur employeur ni leur supérieur. Mongillo et
Seuret étaient au service de Joliat et sous les ordres du contremaître
Zornio, lui-même employé de Joliat. Cette circonstance était de nature
à affaiblir le sentiment des responsabilités du défendeur. Les trois
ouvriers auraient également dû avoir conscience du danger auquel étaient
exposées les personnes se tenant à proximité du godet de la pelle pendant
la manoeuvre de détente des chaînes. Mongillo et Seuret auraient dû quitter
d'eux-mêmes, avant cette manoeuvre, la fosse où ils étaient descendus pour
la mise en place des deux tuyaux. Zornio devait le leur ordonner. Il répond
d'une faute concomitante et Mongillo d'une faute propre. Mieux que le
défendeur, ils pouvaient constater à quelle distance du godet se trouvaient
Mongillo et Seuret; leur champ de vision était libre, tandis que, depuis
sa cabine, le défendeur ne voyait plus Mongillo et qu'il devait consacrer
son attention à la manoeuvre de la machine. Zornio a notamment commis la
faute de se détourner sans raison, après son exclamation à l'intention
du défendeur, au lieu de garder les yeux sur les deux ouvriers. Dès lors,
et compte tenu de la faute relativement peu importante du défendeur, les
montants mis à sa charge au titre de la réparation du tort moral ne sont
pas anormales bas, en dépit de la douleur qu'ont subie les demanderesses
à la suite de la mort de leur époux et père. La baisse du pouvoir d'achat
de l'argent en Suisse est inopérante, attendu que les demanderesses,
qui vivent en Italie, ne dépenseront vraisemblablement pas leur argent
en Suisse, mais le convertiront en monnaie de leur pays.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours
principal et rejette le recours joint.

    Réforme l'arrêt rendu le 9 octobre 1970 par la Cour d'appel du canton
de Berne en ce sens que le montant alloué à la demanderesse dame Anna
Maria Mongillo à titre de dommages-intérêts pour perte de soutien est
réduit de 29 000 fr. à 25 544 fr. avec intérêt à 5% dès le 9 octobre 1970.

    Confirme ledit arrêt pour le surplus.