Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 449



96 I 449

70. Arrêt du 22 juillet 1970 dans la cause Milcent contre Magerman et
Cour correctionnelle du canton de Genève. Regeste

    Willkür. Zivilrechtliche Ansprüche im Strafprozess.

    Arrestprosequierungsklage, mit der Schadenersatzansprüche aus
strafbaren Handlungen geltend gemacht werden. Nachherige Strafanzeige und
Beteiligung als Zivilpartei am Strafprozess. Einrede der Rechtshängigkeit.

Sachverhalt

    A.- Les époux Milcent ont fait procéder à Genève, le 28 janvier
1964, au séquestre de certains biens détenus par Magerman, domicilié à
Bruxelles. Ils invoquaient comme cause de leur créance "pour détournements
de papiers-valeurs, lingots d'or et espèces". Ils ont suivi au séquestre
par une poursuite puis, après opposition du débiteur, par une action
civile devant le Tribunal de première instance de Genève. Après citation
en conciliation du 5 mars 1964, la cause a été introduite le 1er mai 1964
devant le tribunal.

    B.- Le 25 mai 1964, les époux Milcent ont déposé contre Magerman une
plainte pénale pour escroquerie, faux et abus de confiance, en main du
Procureur général de Genève. Le 15 juin 1964, ils se sont portés partie
civile.

    Par décision du 20 janvier 1965, confirmée par la Cour de justice le
4 juin 1965, le Tribunal civil, constatant que l'action civile tendait à
la réparation des dommages causés par les infractions pénales reprochées
à Magerman et reposait sur les mêmes faits que l'action pénale, a suspendu
l'instruction de la cause civile. Ayant fait l'objet de renvois successifs,
cette cause est restée pendante depuis lors.

    C.- Après une longue instruction, la Cour correctionnelle siégeant
avec le jury a condamné Magerman, par arrêt du 16 octobre 1969, à trente
mois d'emprisonnement pour faux.

    Après le prononcé du verdict de culpabilité, les parties civiles
ont pris des conclusions civiles en vertu de l'art. 339 du code de
procédure pénale genevois (en abrégé: CPP), conclusions qui tendaient au
paiement de sommes de l'ordre de 850 000 fr. Sur requête du défenseur de
Magerman, qui discutait le montant du dommage et soulevait une question de
litispendance, la Cour a renvoyé sa décision sur les prétentions civiles à
une audience ultérieure, afin qu'il soit procédé conformément aux règles
de la procédure civile, comme le prévoit l'art. 349 CPP. Après échange
de mémoires et plaidoiries, la Cour a statué par arrêt du 17 avril 1970,
accueillant l'exception de litispendance expressément soulevée par le
défendeur dans son mémoire du 12 décembre 1969.

    D.- Les époux Milcent ont déposé, contre cet arrêt, un pourvoi en
nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, un recours en
réforme et un recours de droit public pour arbitraire.

    Par arrêt du 22 mai 1970, la Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral a déclaré irrecevable le pourvoi en nullité, pour le motif que
la décision critiquée n'a pas été prise en même temps que le jugement
sur l'action pénale.

    Par arrêt du 14 juillet 1970, la Ire Cour civile a déclaré irrecevable
le recours en réforme, les recourants ne faisant valoir aucun grief fondé
sur une violation du droit civil fédéral.

    Dans leur recours de droit public, les époux Milcent concluent
à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour
cantonale pour qu'elle statue sur les conclusions de la partie civile. Ils
invoquent la violation de l'art. 4 Cst.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Comme l'ont admis la Cour de cassation pénale et la Ire Cour
civile du Tribunal fédéral, le jugement qui rejette préjudiciellement
une demande pour cause de litispendance est une décision finale, qui met
fin à l'instance (RO 80 I 261). Il s'agit d'autre part d'une décision
prise en dernière instance cantonale: il ressort en effet de l'art. 437
al. 2 CPP que le recours en cassation n'est ouvert, en ce qui concerne
les irrégularités de procédure (art. 437 al. 1 lettre d), que contre les
irrégularités de forme commises au cours de l'instruction, préparatoire
ou principale. Les conditions posées par l'art. 87 OJ sont ainsi réunies.

Erwägung 2

    2.- Sous réserve de certaines exceptions qui ne concernent pas
la présente espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à
l'annulation de la décision attaquée. Les conclusions du présent recours
sont dès lors irrecevables dans la mesure où elles tendent à autre chose
qu'à cette annulation.

Erwägung 3

    3.- Une décision n'est arbitraire, selon la jurisprudence, que si elle
viole la loi d'une façon manifeste. Aussi le Tribunal fédéral n'annule-t-il
une décision que si elle est insoutenable, évidemment injuste, dépourvue
de toute justification sérieuse, prise en violation d'un droit certain
(RO 93 I 6 consid. 3, 77 I 4). D'autre part, en vertu de l'art. 90 OJ
relatif à la motivation du recours de droit public, le recourant doit
préciser en quoi consiste la violation des droits constitutionnels qu'il
allègue. S'agissant d'un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 4 Cst.,
le recourant ne peut se contenter de critiquer la décision attaquée comme
il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut
revoir librement l'application du droit.

    Les recourants n'entreprennent nullement de démontrer en quoi la cour
cantonale aurait fait une application arbitraire de règles déterminées de
la loi cantonale. Ils commencent par contester, contre toute évidence,
que la condition première de la litispendance, savoir l'existence d'une
autre instance simultanée, soit réalisée. La loi de procédure pénale,
qu'ils invoquent (art. 7 et 8), est parfaitement claire: l'action civile
peut être intentée en même temps et devant le même tribunal que l'action
publique, mais elle peut l'être aussi séparément. Dans cette seconde
hypothèse, l'instruction de l'action civile est suspendue jusqu'à ce que
le juge pénal ait statué définitivement.

    C'est cette seconde voie qui a été suivie en l'espèce: les demandeurs
ont ouvert d'abord une action civile, puis ils ont provoqué l'ouverture
d'une action pénale, ce qui a eu pour effet de faire suspendre l'action
civile. C'est à la fin du procès pénal seulement - auquel ils ont
participé sans prendre encore de conclusions comme parties civiles -
qu'ils ont déposé des conclusions civiles.

    En l'absence de règle impérative, on ne saurait en aucun cas qualifier
d'insoutenable, soit d'arbitraire, la décision du juge pénal genevois qui,
constatant que l'action civile était pendante et qu'ainsi les demandeurs
avaient opté pour la voie civile, a refusé de se saisir de l'action civile.

    Les griefs des recourants sont d'autant moins fondés que, bien loin
d'abandonner leur action civile - dont seul le maintien permet de valider
le séquestre -, ils entendent la poursuivre afin de demeurer au bénéfice du
séquestre. Selon eux, le juge pénal devrait statuer sur leurs prétentions
civiles, et ensuite seulement l'action civile serait reprise pour valider
le séquestre à concurrence du montant de la condamnation. Ils prétendent
ainsi scinder le procès civil. Non seulement le refus de la cour cantonale
de procéder de la sorte ne se heurte à aucune règle formelle de procédure,
mais il apparaît parfaitement conforme aux dispositions de la loi genevoise
de procédure pénale, qui laisse au lésé le choix entre les deux voies.

    L'argument tiré de l'absence de simultanéité des instances apparaît
ainsi téméraire.

Erwägung 4

    4.- Les recourants soutiennent encore que l'intimé aurait tardivement
excipé de la litispendance.

    Si les recourants se sont constitués partie civile dès le début du
procès, ils n'ont en revanche pris des conclusions civiles qu'après le
prononcé du verdict de culpabilité (cf. art. 339 CPP). On peut admettre
sans arbitraire que la constitution de partie civile au début du procès
pénal, ayant pour seul but de permettre aux lésés de sauvegarder leurs
droits dans l'instruction pénale, ne lie pas l'instance civile et que,
dès lors, c'est seulement lorsque des conclusions civiles sont déposées
que le défendeur est tenu de se déterminer sur ces conclusions et de
faire valoir ses moyens. Les recourants n'invoquent aucun texte ni aucune
pratique jurisprudentielle qui infirmerait cette manière de voir.

    Or, dès l'annonce des conclusions civiles, le défendeur a déclaré
qu'une question de litispendance se posait, et la Cour a renvoyé sa
décision à une audience ultérieure afin qu'il soit procédé conformément
aux règles de la procédure civile, comme le prescrit l'art. 349 CPP. C'est
alors d'entrée de cause, dans son mémoire répondant au premier mémoire des
demandeurs, que le défendeur a excipé de la litispendance. Les recourants
n'entreprennent pas de démontrer qu'en recevant cette exception, la Cour
aurait violé les règles de la procédure civile, applicables en l'espèce
en vertu de l'art. 349 CPP.

    Le moyen pris de la tardiveté de l'exception de litispendance apparaît
ainsi manifestement mal fondé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.