Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 308



96 I 308

50. Arrêts du 6 mai 1970 dans la cause Piazza contre Conseil d'Etat du
canton de Neuchâtel. Regeste

    Ausländer. Widerruf der Aufenthaltsbewilligung. Anspruch auf
rechtliches Gehör. Art. 4 BV, 5, 9 Abs. 2 und 25 Abs. 1 lit. e A NAG.

    1.  Der Ausländer ist legitimiert, den Widerruf der
Aufenthaltsbewilligung mit staatsrechtlicher Beschwerde wegen Verletzung
des Art. 4 BV anzufechten (Erw. 1).

    2.  Der unmittelbar aus Art. 4 BV folgende Anspruch auf rechtliches
Gehör umfasst nicht das Recht, sich vor der Behörde, die den Entscheid
fällt, mündlich zu äussern (Erw. 2).

    3.  Die kantonalen Fremdenpolizeibehörden können
Aufenthaltsbewilligungen nur dann auf Widerruf erteilen (und sie aus
diesem Grunde widerrufen), wenn sie dazu von der eidgenössischen Behörde
ausdrücklich ermächtigt worden sind (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Les époux Valma et Salvatore Piazza, de nationalité italienne,
sont entrés en Suisse respectivement le 4 mars 1960 et le 16 mars
1961. Ils ont toujours résidé à Neuchâtel, étant au bénéfice d'une
autorisation de séjour (livret pour étrangers B), renouvelée en dernier
lieu jusqu'au 4 mars 1969 pour l'épouse et jusqu'au 16 mars 1969 pour le
mari. Chacune de ces autorisations porte la mention: "révocable en tout
temps". Salvatore Piazza a constamment travaillé chez le même employeur:
la Fabrique d'appareils électriques Favag SA, à Neuchâtel. En revanche,
dame Valma Piazza a changé fréquemment d'emploi.

    B.- Le ménage Piazza est désuni depuis 1963. Dame Piazza s'est
adressée à plusieurs reprises à la police pour lui signaler les voies de
fait et les menaces graves dont elle était l'objet de la part de son mari.
Sa première plainte remonte au 25 novembre 1963. La police a dû intervenir,
sur plainte de l'épouse, en juin 1964, mars 1965 et octobre 1968. Tous
les rapports de police font état de menaces et de coups et précisent
que Salvatore Piazza est un individu qui a mauvais caractère et est très
violent. Le rapport du 17 octobre 1968 notamment relate les déclarations
de dame Piazza qui prétendait avoir été frappée par son mari à coups
de poing et à coups de pied et avec une ceinture. La Police cantonale
des étrangers adressa alors à Salvatore Piazza, le 30 octobre 1968, une
menace d'expulsion du territoire suisse, en spécifiant que cette menace
serait mise à exécution en cas de récidive; elle justifiait cette mesure
par le fait que la police avait dû intervenir pour la troisième fois et
pour les mêmes motifs, Piazza étant un individu violent et brutal.

    Peu après, dame Piazza déposa à nouveau plainte contre son mari.
S'adressant au Procureur général, le 22 novembre 1968, elle alléguait
que son mari l'avait, le même jour, battue à coups de poing et à coups
de pied, la faisant tomber à terre et la serrant à la gorge. La Police
cantonale des étrangers mit alors à exécution sa menace d'expulsion et,
par décision du 18 décembre 1968, prononça contre Salvatore Piazza et son
épouse Valma Piazza le refus de séjour dans le canton de Neuchâtel. Cette
décision fut adressée pour information à la Police fédérale des étrangers,
qui fut invitée à étendre la décision cantonale à tout le territoire de
la Confédération. C'est ce qu'elle fit par décision du 9 janvier 1969,
en prononçant contre les époux Piazza l'interdiction d'entrée en Suisse
à partir du 15 février 1969 jusqu'au 15 février 1974, en application
de l'art. 13 al. 1 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE), modifiée le 8 octobre 1948.

    Entre-temps, les époux Piazza recoururent contre la décision de la
Police cantonale des étrangers, du 18 décembre 1968, auprès du Chef
du Département cantonal de police, qui écarta le recours le 19 juin
1969. Saisi à son tour d'un recours contre cette dernière décision,
le Conseil d'Etat le rejeta par décision du 27 août 1969, motivée en
substance comme suit:

    Selon l'art. 9 al. 2 LSEE, une autorisation de séjour peut être
révoquée notamment lorsque la conduite de l'étranger donne lieu à
des plaintes graves ou lorsque l'autorisation a été accordée à titre
révocable. S'agit-il ici pour Salvatore Piazza de faits graves au sens
de la loi? Point n'est besoin de résoudre cette question, car les faits
incriminés sont suffisamment importants pour justifier le retrait d'une
autorisation de séjour révocable en tout temps. Il en est de même pour
dame Piazza à qui il est reproché de changer fréquemment d'emploi et
d'avoir dû être congédiée par ses employeurs successifs pour cause de
travail insuffisant, d'indiscipline, de mensonge et de multiples absences
injustifiées. En définitive, la présence sur territoire neuchâtelois d'un
être aussi violent et fruste que Piazza n'est certainement pas compatible
avec l'ordre public et les bonnes moeurs (art. 16 LSEE). D'autre part,
l'instabilité dont sa femme fait preuve dans sa profession est nuisible
sur le plan économique. Dès lors, même si les conditions de la révocation
d'une autorisation de séjour ou celles d'une expulsion du canton n'étaient
pas remplies en l'espèce, la Police cantonale des étrangers serait ainsi à
même de refuser à bon droit le renouvellement des autorisations de séjour
délivrées aux recourants.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, les époux Piazza
requièrent le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat de
la République et Canton de Neuchâtel du 27 août 1969. Selon eux, le Conseil
d'Etat n'a pas accordé à Salvatore Piazza le droit d'être entendu; d'autre
part, les décisions cantonales sont arbitraires et disproportionnées.
Les arguments invoqués par les recourants seront repris ci-dessous dans
la mesure utile.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étranger peut
attaquer par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 4
Cst. la décision qui révoque l'autorisation de séjour dont il bénéficie
(RO 94 I 105). Le champ d'application de l'art. 4 Cst., qui lie non
seulement le juge et l'administration mais aussi le législateur, n'est
en effet limité ni quant à la matière ni quant aux personnes. Dès lors,
l'étranger a également la faculté d'invoquer la protection d'une telle
norme constitutionnelle et peut en principe former un recours de droit
public contre la décision cantonale de dernière instance qui lui refuse
cette protection. Pour pouvoir le faire, il doit il est vrai être en mesure
de prouver que l'acte de l'autorité l'atteint dans sa situation juridique
et qu'il subit un préjudice matériel et, en principe, actuel. Mais le
Tribunal fédéral admet que l'étranger dont l'autorisation de séjour est
révoquée avant terme ou refusée en violation de dispositions essentielles
de procédure, est lésé dans ses intérêts juridiquement protégés, au sens
de l'art. 88 OJ. La révocation de l'autorisation de séjour peut donc
être attaquée par la voie du recours de droit public pour violation de
l'art. 4 Cst.

    Il est vrai que les autorisations de séjour des époux Piazza sont
arrivées à échéance dans l'intervalle, respectivement les 4 mars et
16 mars 1969. Mais les intéressés séjournent en Suisse d'une manière
régulière et ininterrompue depuis plus de cinq ans, de sorte qu'en vertu de
l'art. 11 al. 1 lettre a de l'accord italo-suisse relatif à l'émigration
de travailleurs italiens en Suisse, du 10 août 1964, ils auraient droit
en principe au renouvellement de leur autorisation de séjour pour la
place qu'ils occupent déjà, si la révocation était annulée. Ils ont donc
un intérêt actuel à faire contrôler la constitutionnalité de la décision
incriminée (RO 94 I 105/106 et 195/196).

Erwägung 2

    2.- Dans son recours adressé au Conseil d'Etat contre la décision
du Département de police du 11 juin 1969, le recourant sollicitait la
possibilité d'être entendu personnellement par l'autorité cantonale de
recours, afin de montrer, disait-il, qu'il n'est pas l'individu violent
qui peut apparaître à la lecture des textes qui le condamnent. Le Conseil
d'Etat n'a pas donné suite à cette requête et ne s'en est pas davantage
expliqué dans la décision attaquée.

    En principe, l'étendue du droit d'être entendu est déterminée par le
droit cantonal de procédure. Lorsque la protection que confère ce droit
au justiciable est insuffisante, les règles du droit fédéral déduites
de l'art. 4 Cst. s'appliquent, aux fins d'assurer au citoyen le minimum
de droits nécessaire à sa défense, à savoir le droit de faire valoir ses
moyens (RO 92 I 186; 91 I 176).

    En l'espèce, à la suite de la plainte déposée par son épouse, le 17
octobre 1968, pour menaces graves et voies de fait, Salvatore Piazza
fut entendu le même jour par la Police cantonale sur ordre du Juge
d'instruction. Il a pu se déterminer de façon détaillée sur les griefs
invoqués par son épouse, qui avait été également entendue par la police
le même jour. Sur la base du rapport de police, la Police cantonale
des étrangers signifia au recourant, le 30 octobre suivant, une menace
d'expulsion, en précisant que cette menace serait mise à exécution à la
première nouvelle incartade. Ayant récidivé trois semaines après, soit en
date du 22 novembre 1968, le recourant fit l'objet d'une nouvelle plainte,
sa femme se plaignant une fois de plus d'avoir été battue et menacée
de mort par son mari. Celui-ci fut entendu à nouveau par la police sur
ordre du Juge d'instruction. Il eut toute latitude de s'expliquer sur sa
conduite et, pour ne pas être arrêté immédiatement à titre préventif, signa
le même jour un engagement de ne pas mettre ses menaces à exécution. La
Police cantonale des étrangers en a tiré les conclusions qui s'imposaient
en vertu même de sa commination d'expulsion et retira l'autorisation de
séjour au recourant. Ce dernier s'expliqua une fois encore dans son recours
au Chef du Département de police, puis enfin dans le recours adressé au
Conseil d'Etat. Salvatore Piazza a donc eu largement la possibilité de se
déterminer sur les griefs qui lui sont imputés. Les autorités cantonales
lui en ont donné l'occasion et il en a fait usage. L'art. 4 Cst. n'exige
pas davantage. Le droit d'être entendu n'implique pas celui de s'exprimer
oralement devant l'autorité même qui prendra la décision. Il n'en irait
autrement que si la procédure cantonale le prévoyait expressément. Or le
recourant ne cite aucune règle du droit cantonal imposant une telle mesure.

    Le grief de violation du droit d'être entendu est ainsi mal fondé.

Erwägung 3

    3.- La Police cantonale des étrangers a défini sa décision du 18
décembre 1968 comme étant "un refus de séjour dans le canton" et le
Département de police a sanctionné cette manière de voir. Le Conseil
d'Etat, en revanche, soutient à juste titre qu'il s'agit bien d'une
révocation d'une autorisation de séjour au sens de l'art. 9 LSEE, le cas
échéant d'une expulsion au sens de l'art. 10 de la même loi. Se fondant
précisément sur ledit art. 9, il estime que l'autorisation de séjour peut
être révoquée non seulement lorsque la conduite de l'étranger donne lieu
à des plaintes graves, mais aussi notamment lorsque l'autorisation a été
accordée à titre révocable. Laissant indécise la question de savoir si
les faits reprochés aux époux Piazza sont graves au point de justifier
une révocation fondée sur la lettre b de l'art. 9 al. 2 LSEE, il se borne
à relever que ces faits sont suffisamment inquiétants pour justifier le
retrait d'une autorisation de séjour révocable en tout temps.

    Mais une autorisation de séjour, qui est toujours limitée dans le temps
et peut être conditionnelle (art. 5 al. 1 LSEE), ne peut être accordée
à titre révocable que dans les cas visés à l'art. 25 al. 1 lettre e LSEE
(art. 5 al. 2 LSEE). Or, en vertu de cette dernière disposition, c'est
au Conseil fédéral qu'il appartient de donner aux autorités de police des
étrangers la compétence d'accorder, à titre révocable, des autorisations
de séjour aux ouvriers et employés saisonniers, exceptionnellement aussi
à d'autres travailleurs, lorsque la situation du marché du travail est
instable. Il n'est donc possible aux polices cantonales des étrangers
d'accorder des autorisations de séjour révocables - puis de les révoquer
par ce motif - que si ce pouvoir leur a été expressément conféré par
l'autorité fédérale. Or, selon les déclarations faites par la Police
fédérale des étrangers, un tel pouvoir n'a en particulier pas été accordé
à la Police des étrangers du canton de Neuchâtel.

    Ainsi la condition de "révocabilité en tout temps", fixée par une
autorité qui n'était pas compétente pour le faire, ne peut déployer ses
effets, alors même qu'elle n'aurait pas été attaquée en temps opportun
par les intéressés. L'autorisation de séjour ne peut donc pas être
révoquée sur la base d'une telle condition; elle ne pourrait l'être que
pour un des motifs prévus à l'art. 9 al. 2 lettres a et b; en l'espèce,
ce serait le motif de plaintes graves auxquelles aurait donné lieu la
conduite des époux Piazza qui pourrait entrer en ligne de compte. Mais
le Conseil d'Etat n'a pas tranché ce point, de sorte que la révocation
de l'autorisation de séjour, que ne justifie pas un des motifs précités,
a été prononcée de façon arbitraire. Il n'appartient pas à la chambre de
céans de restaurer la décision attaquée par une substitution de motifs;
c'est au Conseil d'Etat qu'il incombera de se prononcer sur cette question,
après avoir examiné si les faits reprochés aux époux Piazza revêtent
le caractère de gravité qui, au sens de la loi et de la jurisprudence,
pourrait justifier la révocation de l'autorisation de séjour.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée.