Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 177



96 I 177

32. Arrêt du 6 février 1970 dans la cause A.I.I. Management SA contre
Commission fédérale des banques. Regeste

    Art. 20 Abs. 2 des Bundesgesetzes über die Anlagefonds vom 1. Juli
1966.

    Anteilscheine für Bruchteile von Anteilen sind nicht zulässig.

Sachverhalt

    A.- L'A.I.I. Growth Fund est un fonds de placement au sens de la loi
fédérale du 1er juillet 1966 (en abrégé: LFP). Sa direction est assumée
par la SA A.I.I. Management, à Genève; la banque dépositaire est la Banque
Romande, à Genève. Les personnes qui veulent acquérir des parts doivent
payer au moins 100 fr. à ladite banque. Le prix d'émission se calcule
d'après la valeur vénale des placements au jour du paiement.

    Le fonds existait déjà avant le 1er février 1967, jour où la loi du
1er juillet 1966 est entrée en vigueur; son règlement date du 6 janvier
1967. Sa direction et la banque dépositaire ont donc dû l'adapter au droit
nouveau et le soumettre à l'approbation de l'autorité de surveillance,
ce qui fut fait le 13 mai 1969. Le 6 juin suivant, les requérantes
produisirent, de plus, un mémoire sur l'admissibilité de la clause du
règlement, qui prévoit l'émission de fractions de parts.

    Le 3 septembre 1969, la Commission fédérale des banques a approuvé le
règlement sous deux réserves. La première concernait les rémunérations
accordées à la direction et à la banque dépositaire; elle n'est pas
en cause aujourd'hui. La seconde concerne les clauses réglementaires
suivantes:

    " Art. 3 al. 1: Les parts sont représentées par des certificats au
porteur, incorporant une ou plusieurs parts. Lorsque le nombre de parts
n'est pas un nombre entier, il est indiqué avec trois décimales.

    Art. 17 al. 3:

    L'acquisition d'une part ou fraction de part du Fonds entraîne pour
le porteur l'adhésion au présent règlement."

    Dans son approbation, la Commission fédérale des banques excepta ces
deux clauses; elle contestait qu'il fût licite de créer des fractions
de parts. Elle argumentait comme il suit: Selon l'art. 20 al. 2 LFP, les
droits du porteur de parts doivent être incorporés dans des papiers-valeurs
sans valeur nominale (certificats) représentant une ou plusieurs parts,
créées au porteur ou au nom d'une personne déterminée; les parts sont,
en vertu de la loi, des papiers-valeurs négociables; des fractions de
parts, cependant, n'auraient qu'une valeur comptable.

    B.- La SA A.I.I. Management a formé un recours de droit
administratif. Elle conclut à l'annulation de la réserve formulée par
la Commission fédérale des banques touchant les fractions de parts. Son
argumentation se résume comme il suit:

    Le titulaire d'un compte en banque, en Suisse, peut, par
l'intermédiaire de sa banque, acquérir des parts à peu près de la même
manière que des actions. La direction du fonds calcule la valeur des
parts et établit le décompte avec la banque. Les personnes qui n'ont pas
de compte en banque ne peuvent agir de même. Car elles ne connaissent pas
d'avance le prix d'une ou de plusieurs parts. Elles envoient simplement à
la banque dépositaire une certaine somme d'argent et lui donnent mandat,
pour cette somme, d'acquérir autant de parts que possible. Si l'émission
de fractions de parts n'était pas possible, il faudrait ou bien renvoyer
à l'acquéreur le surplus de son versement, ou bien le lui placer sur un
compte courant. L'une comme l'autre de ces opérations serait impraticable
et, du reste, génératrice de frais et de risques. Or c'est précisément
cette petite et nouvelle clientèle que la loi du 1er juillet 1966 a
voulu protéger.

    Même interprété littéralement, l'art. 20 al. 2 LFP n'exclut pas
l'émission de fractions de parts. Ce que la loi n'interdit pas est
autorisé. Au cours des dix ans qu'ont duré les travaux préparatoires
de la loi, le fractionnement des parts n'a jamais été discuté. A tort,
la Commission fédérale des banques conclut du silence du législateur à
une interdiction. C'est le contraire qui serait juste. A l'époque,
l'émission de fractions de parts était usuelle aux Etats-Unis
d'Amérique. La Commission fédérale des banques estime que l'on ne peut
acquérir qu'un nombre entier de parts et non pas investir dans un fonds
de placement une somme certaine; c'est là une vue toute théorique qui n'a
aucune justification objective. On ne conteste pas que la part constitue
une unité; mais on n'en saurait rien conclure du point de vue de son
indivisibilité. Comme on le voit par l'exemple des Etats-Unis d'Amérique,
même les fonds de placement qui, contrairement à l'A.I.I. Growth Fund,
distribuent leurs bénéfices au lieu de les placer, pourraient fort bien
émettre des parts fractionnaires. L'interdiction, en Allemagne, est sans
conséquence pour la Suisse; du reste le droit allemand admet l'émission
indirecte de parts fractionnaires.

    Le noeud de la question réside donc dans l'interprétation
de l'art. 20 al. 2 LFP. Le seul argument donné en faveur d'une
interdiction d'émettre des fractions de parts, c'est que, dans le cas du
fractionnement, il ne resterait plus, de la valeur mobilière des parts,
qu'une valeur comptable. Mais le caractère négociable des parts dépend,
pour l'essentiel, de l'existence d'un marché, pour elles. La loi n'exige
pas qu'il en existe un. Elle n'exige pas non plus que le nombre des parts
pour lesquelles on émet un certificat corresponde à un chiffre "rond"
(5, 20, 50); elle n'exclut pas l'émission de 19, 31 parts, etc. Aucune
disposition ne garantit l'échange de tels certificats contre d'autres
qui représenteraient un "nombre rond" de parts. Les certificats portant
sur un nombre impair de parts sont aussi difficilement négociables que
ceux qui incorporent des fractions de parts. Cependant, l'art. 3 al. 2 du
règlement du fonds garantit au participant le droit d'échanger en tout
temps ses certificats contre d'autres coupures. La loi ne fixe pas non
plus de prix d'émission minimal. Des parts de dix centimes ne seraient
pas exclues; elles ne seraient pas plus aisément négociables que des
fractions de parts. Ce qui importe pour le détenteur, c'est le droit de
révocation prévu par l'art. 21 LFP.

    Du reste, plusieurs fonds de placement des grandes banques suisses
attribuent à leurs clients des fractions de parts, correspondant aux
paiements faits. Toutefois, ils ne reçoivent point de certificat pour
ces fractions; ils acquièrent seulement des droits contractuels contre
une société intermédiaire entre eux-mêmes et le fonds; cette société
reçoit les certificats et les conserve dans un dépôt collectif. Il est
vraiment paradoxal que la Commission fédérale des banques admette que
l'auteur d'un versement - contrairement au texte clair de l'art. 20 LFP
- ne reçoive aucun titre quelconque et qu'elle veuille, en même temps,
interdire l'émission de certificats portant sur des fractions de parts.

    C.- La Commission fédérale des banques conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 20 al. 2 LFP, les droits des porteurs de parts
doivent être incorporés dans des papiers-valeurs sans valeur nominale
(certificats), représentant une ou plusieurs parts, créés au porteur
ou au nom d'une personne déterminée; les certificats créés au nom d'une
personne déterminée sont, de par la loi, des titres à ordre.

    Il suit de là que le certificat concrétise l'unité des créances du
porteur de parts contre la direction pour sa participation à la fortune
et aux revenus du fonds de placement (al. 1), mais qu'il peut porter sur
une ou plusieurs parts. De cette règle, en elle-même, on ne saurait rien
inférer touchant la question litigieuse.

Erwägung 2

    2.- La lettre de l'art. 20 al. 2 LFP est plutôt favorable à la
solution adoptée par l'intimée. L'expression "une ou plusieurs parts" ne
permet guère d'admettre qu'il puisse s'agir de fractions, tout au moins
de fractions seules, c'est-à-dire qui ne s'ajoutent pas à une ou plusieurs
unités (par exemple 0,5 par opposition à 1,5 ou 4,5 parts). On en peut tout
au moins conclure que le législateur aurait choisi une autre rédaction,
s'il avait voulu permettre que les certificats puissent aussi porter
sur des fractions de parts. Durant l'élaboration de la loi, du reste,
il n'a jamais été question de l'admettre; on n'en a pas parlé.

Erwägung 3

    3.- L'interprétation du texte, cependant, pourrait conduire à une
solution différente de celle que suggère sa lettre à première vue (RO 88
I 156 s.). Les opinions exprimées par les personnes qui ont participé à
l'élaboration du texte ne sont pas non plus nécessairement décisives (RO
92 I 308 s.). On examinera donc si les arguments de la recourante trouvent
un fondement dans le but de la loi ou dans ses autres dispositions.

    a) La recourante allègue tout d'abord que si l'on n'admet que
l'acquisition de parts entières, on ne pourra donner satisfaction aux
personnes qui, ne possédant pas de compte en banque, font un versement
et demandent à acquérir une participation correspondant à la somme
ainsi payée.

    Cet argument n'est pas convaincant. Les circonstances sont les mêmes
pour l'achat de n'importe quel titre. Celui qui veut en acquérir doit
s'informer du prix et le payer; s'il dispose d'une somme supérieure ou
même la verse au moment où il donne l'ordre d'achat, il lui incombe de
prendre les mesures nécessaires pour l'emploi du surplus. La recourante
n'a cité aucune disposition de la loi qui permette de conclure que l'on
aurait voulu créer, à cet égard, en faveur de celui qui veut participer
à un fonds de placement, une situation particulière.

    b) La recourante admet que le législateur suisse aurait connu l'usage
qui permet, aux Etats-Unis d'Amérique, d'émettre des fractions de parts;
elle en conclut que s'il avait voulu exclure cette pratique, il l'aurait
dit clairement dans la loi.

    L'institution des "trusts", telle qu'elle est apparue dans le droit
anglo-saxon, est connue par les rapports présentés, en 1954, au congrès
de la Société suisse des juristes par MM. Claude REYMOND (Le trust et
le droit suisse) et T. GUBLER (Besteht in der Schweiz ein Bedürfnis nach
Einführung des Instituts der angelsächsischen Treuhand (trust)?; RDS 1951
p. 121 à et 217 a). Le message du Conseil fédéral aux Chambres fédérales
s'y réfère aussi (FF 1965 III 266). Mais nulle part, dans ces documents,
on ne trouve mention du point de détail, aujourd'hui litigieux. On ne
saurait donc affirmer que le législateur en ait eu connaissance. Supposé
même qu'il en eût été autrement, il faudrait alors conclure de la lettre
du texte, comme on l'a montré, que la loi exclut la pratique américaine.

    c) L'art. 20 al. 2 LFP - la recourante l'admet - tend à procurer au
porteur de parts un papier-valeur négociable. Cependant elle conteste la
conséquence qu'on en tire, à savoir que l'on ne peut incorporer dans ce
titre que des parts entières. C'est, dit-elle tout d'abord, que la loi
du 1er juillet 1966 ne garantit pas l'existence d'un véritable marché
de parts. Mais le caractère de papier-valeur négociable, s'agissant
du certificat, ne dépend pas de cette existence, pas plus qu'il n'en
dépend pour n'importe quel titre non côté en bourse ou qui, pour toute
autre raison, ne change pas de main pendant de longues années. L'art. 20
al. 2 LFP crée les conditions nécessaires pour un marché de certificats
de fonds de placement. Le développement d'un tel marché dépend de la loi
économique de l'offre et de la demande et non pas des mesures prises par
le législateur.

    De même, la difficulté qu'il peut y avoir à négocier les certificats
portant sur des nombres impairs de parts n'exclut pas la solution adoptée
par la Commission fédérale des banques. Les certificats qui portent sur
plusieurs parts peuvent être échangés contre d'autres portant sur des
nombres de parts inférieurs. Mais, dans cette opération, il n'est pas
question du fractionnement de parts. L'intimée déclare que l'émission de
certificats portant sur des fractions de parts dénaturerait la part comme
valeur mobilière "pour ne plus lui laisser qu'une valeur comptable". Même
si l'on ne prend pas cette déclaration à la lettre, si l'on entend que
de tels certificats seraient particulièrement difficiles à négocier et
par conséquent moins appropriés au but que se proposait le législateur,
le Tribunal fédéral doit considérer qu'il s'agit là d'un avis d'experts
sur une question économique, avis auquel il ne saurait, lui-même, en
substituer un autre, qui soit mieux fondé (RO 87 I 438; 89 I 340).

    Comme le relève la recourante, la loi du 1er juillet 1966 n'interdit
pas l'émission de certificats ne portant que sur des valeurs très faibles,
par exemple dix centimes. Mais cette particularité n'apporte aucun soutien
à sa thèse; au contraire. Car on en conclut qu'il n'est nul besoin de
fractionner les parts.

    Il est vrai qu'en accordant le droit à la révocation (art. 21),
la loi accorde au porteur de parts un moyen de porter remède au défaut
d'un marché pour les parts lorsqu'il a besoin d'argent et ne trouve
point d'acquéreur. Normalement et abstraction faite de la question des
frais, cette possibilité pallie les difficultés auxquelles on pourrait
se heurter lorsqu'on voudrait réaliser un certificat portant sur une
fraction de part, mais ce moyen ferait défaut en cas de sursis selon
l'art. 21 al. 4 ou d'autres circonstances extraordinaires. Au surplus,
l'existence d'un palliatif n'est pas encore une raison de renoncer à la
suppression radicale d'une difficulté.

    d) La recourante conteste que l'A.I.I. Growth Fund soit, en
Suisse, le seul fonds de placement qui émette des fractions de parts;
elle se réfère aux pratiques de certaines grandes banques suisses,
pratiques qui permettraient effectivement de réaliser l'émission de
telles fractions. Mais, dans ce processus, il ne s'agit nullement, du
point de vue juridique, de l'émission de fractions de parts. On crée une
société de plan d'investissement, laquelle souscrit des parts, dont elle
est seule titulaire; elle y fait participer ses membres au prorata de
leurs versements, sans qu'ils acquièrent jamais, personnellement, aucun
certificat. C'est seulement du point de vue économique qu'ils peuvent,
le cas échéant, bénéficier de fractions de parts; le fonds luimême n'en
émet pas; cela n'est pas contesté.

Erwägung 4

    4.- Dans son ensemble, par conséquent, l'argumentation de la
recourante ne permet pas d'admettre que la décision attaquée viole
l'art. 20 al. 2 LFP. Il suffit d'ajouter encore les remarques suivantes:

    a) Si aucun fonds de placement, en Suisse, n'a encore cherché à émettre
des fractions de parts, c'est sans doute que, du point de vue économique,
le besoin ne s'en fait pas sentir. Il ne s'ensuit pas, toutefois, qu'une
telle émission soit interdite.

    b) Selon l'art. 17 al. 2 de la loi de la République fédérale
d'Allemagne, du 16 avril 1967, sur les sociétés de placement de capitaux,
on peut émettre des certificats pour une ou plusieurs parts d'un
fonds individualisé. D'après un avis expriméle 1er juillet 1969 par le
Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen (Office fédéral de surveillance des
opérations de crédit), ce texte exclut l'émission de fractions de parts.
Cet avis ne saurait être décisif, du point de vue du droit suisse; il
peut cependant constituer un indice pour l'interprétation de l'art. 20
al. 2 LFP.

    c) Dans un mémoire daté du 20 août 1968, l'Association suisse des
banquiers arrive à la conclusion qu'il n'existe, pour le moment tout au
moins, aucun besoin d'émettre des papiersvaleurs portant sur des fractions
de parts. L'association affirme, mais sans motiver cette opinion, que
l'art. 20 LFP ne contient aucune interdiction d'en émettre. On a montré
que l'opinion contraire, soutenue par l'intimée, n'était pas contraire
au droit fédéral.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.