Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 I 223



95 I 223

33. Arrêt du 13 juin 1969 dans la cause Dellberg et Guntern contre Grand
Conseil du canton du Valais. Regeste

    Kantonale Wahl.

    Wahl des Staatsrates des Kantons Wallis. Ein Bürger kann dagegen
Einspruch erheben, dass eine Partei oder eine Wählergruppe seinen Namen
auf eine für die Wahl eingereichte Kandidatenliste setzen lässt. Der Name
dieses Bürgers ist dann von der Liste zu streichen.

Sachverhalt

    A.- Le 2 mars 1969, les citoyens valaisans étaient appelés à élire
les cinq membres du Conseil d'Etat. Le parti conservateur chrétien-social
(en abrégé: le parti conservateur) présentait quatre candidats; le parti
radical et le parti socialiste chacun un. Le parti conservateur et le
parti radical étaient convenus de faire imprimer une liste commune.

    Le soir du 25 février 1969, dernier jour utile pour le dépôt
des listes, un groupe de citoyens, qui se désignaient sous le nom de
"Groupement des hommes libres" et parmi lesquels se trouvaient Charles
Dellberg et Georges Guntern, déposa à la Chancellerie d'Etat une liste de
candidats portant les noms de Félix Carruzzo, à Sion, Francis Germanier,
à Vétroz, Rodolphe Tissières, à Martigny et Hans Wyer, à Viège. Carruzzo,
Tissières et Wyer firent savoir le 26 février au Conseil d'Etat qu'ils
avaient été portés à leur insu et contre leur gré sur la liste du
"Groupement des hommes libres" et demandèrent que leurs noms fussent
rayés. Le Conseil d'Etat fit droit à leur demande le jour même. Le 27
février, Germanier requit à son tour la radiation de son nom. Le Conseil
d'Etat donna suite à sa requête et avisa le mêmejour encore les autorités
communales que la liste du Groupement des hommes libres était éliminée
et ne devait pas être mise à la disposition des électeurs.

    Des six candidats restés en liste, seul le candidat socialiste
n'obtint pas la majorité absolue. Les cinq candidats de la liste commune
conservatrice-radicale furent proclamés élus et les résultats de l'élection
publiés au Bulletin officiel du 7 mars 1969.

    B.- Charles Dellberg, à Sierre, et Georges Guntern, à Brigue,
déposèrent en temps utile un recours au Grand Conseil contre l'élection
du Conseil d'Etat. Le 17 mars 1969, le Grand Conseil rejeta le recours
en tant qu'il était recevable.

    Dans l'intervalle, Dellberg et Guntern formèrent un recours de droit
public contre les décisions du Conseil d'Etat des 26 et 27 février 1969,
ordonnant la radiation des noms des candidats de la liste du Groupement
des hommes libres. Par arrêt du 31 mars 1969, le Tribunal fédéral déclara
le recours irrecevable, principalement pour le motif que les décisions
attaquées n'avaient pas été rendues en dernière instance cantonale.

    C.- Agissant derechef par la voie du recours de droit public, Dellberg
et Guntern requièrent le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Grand
Conseil et avec elle l'élection du 2 mars 1969. Ils se plaignent d'atteinte
à la liberté du droit de vote, de violation du principe de la séparation
des pouvoirs et d'inégalité de traitement.

    D.- Le Grand Conseil du canton du Valais propose que le recours soit
rejeté en tant qu'il est recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1./2. - (Questions de procédure).

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 122 de la loi valaisanne du 1er juillet 1938 sur les
élections et votations (LEV), qui concerne l'élection du Conseil d'Etat
et des députés au Conseil des Etats, prescrit ce qui suit:

    "Les partis ou groupes qui proposent des candidats sont tenus de
déposer, contre reçu à la Chancellerie d'Etat, la liste des noms des
candidats proposés, au plus tard le mardi avant l'élection.

    La liste doit être signée par dix électeurs au moins, au nom du parti
ou du groupe.

    Le nom des candidats est publié au Bulletin officiel le vendredi
avant l'élection".

    L'art. 123 fixe des règles semblables pour le second tour de scrutin
éventuel. L'art. 124 dispose que sont nuls les suffrages donnés à des
candidats dont les noms n'auront pas été déposés conformément aux deux
articles précédents. Le Grand Conseil en déduit que les candidatures ont
un caractère officiel et une portée juridique analogue, dans une certaine
mesure, aux candidatures déposées dans une élection selon le principe
proportionnel. De l'avis des recourants, cette argumentation revient à
assimiler l'élection du Conseil d'Etat à une élection selon le système
de la représentation proportionnelle, en violation de l'art. 52 al. 4
Cst. val., qui prescrit le système majoritaire.

    En réalité, le système majoritaire implique uniquement que les
suffrages nominatifs soient seuls comptés, à l'exclusion de tout suffrage
de parti, et que seuls soient élus les candidats qui obtiennent la majorité
requise. Il n'exige pas que l'électeur puisse donner valablement sa voix
à tout citoyen éligible, même s'il n'a pas fait acte de candidature. La
limitation du cercle des candidats est certes un caractère essentiel du
système de la représentation proportionnelle tel qu'il est généralement
pratiqué en Suisse. Elle n'est pas propre à ce système. Quelles
qu'aient été les opinions exprimées à ce sujet lors de l'élaboration de
la loi par divers députés (cf. procès-verbal polygraphié des débats
du Grand Conseil valaisan, session de juin-juillet 1938, p. 76 ss.),
la règle de l'art. 124 LEV n'est nullement incompatible avec le système
majoritaire. Au reste, d'autre cantons suisses et de nombreux pays
étrangers connaissent des règles analogues (PICENONI, Die Kassation von
Volkswahlen und Volksabstimmungen, p. 55; SCHNEWLIN, Das Verfahren zur
Wahl des Nationalrates, thèse Berne 1946, p. 163/64). Le seul fait que
la constitution valaisanne prescrit le système majoritaire n'interdisait
donc pas au Conseil d'Etat de rayer le nom des candidats de la liste du
Groupement des hommes libres.

    b) Selon l'art. 88 Cst. val., tout électeur est éligible aux fonctions
publiques. Les recourants ne prétendent pas, avec raison, que la radiation
des noms des quatre candidats ait violé cette disposition. Le Conseil
d'Etat n'a pas déclaré ces citoyens inéligibles. Il a simplement constaté
qu'ils n'étaient pas en lice pour une élection déterminée.

Erwägung 4

    4.- Le recours ne pose qu'une question, celle de savoir si la validité
d'une candidature exige l'acceptation, au moins tacite, du candidat. Ni
la constitution cantonale, ni la loi électorale n'y répondent. Le
Conseil d'Etat, puis le Grand Conseil, sans le dire en termes exprès,
ont considéré qu'il s'agissait d'une lacune proprement dite du droit
cantonal. Ils l'ont comblée et ont admis, par voie d'interprétation,
que le refus du candidat devait entraîner la radiation de son nom. Les
recourants soutiennent, eux, que la loi ne contient pas de lacune; de
son silence, il faudrait inférer que la déclaration du citoyen déclinant
une candidature n'a aucune portée et que ce citoyen doit se soumettre à
l'élection, sauf à refuser d'occuper la charge, s'il est élu.

    a) Il faut relever d'emblée que la solution proposée par les recourants
ne serait pas contraire à la liberté personnelle, telle que la garantit
le droit constitutionnel fédéral non écrit. La démocratie compte des
devoirs, que l'on ne saurait réduire à néant en étendant à l'excès la
sphère personnelle. Il n'y a pas de droit absolu du citoyen de se tenir à
l'écart de la compétition politique. Un canton pourrait donc, sans violer
la constitution fédérale, imposer à un citoyen éligible régulièrement
présenté par un citoyen ou un groupe de citoyens - qui exercent ainsi
une fonction publique - l'obligation de se soumettre au vote populaire.

    b) Dans d'autres hypothèses que celle de l'élection du Conseil d'Etat
et du Conseil des Etats, le droit valaisan a réglé expressément la question
que pose le recours.

    Pour l'élection du Grand Conseil, qui a lieu selon le principe
proportionnel, l'art. 60 LEV prescrit ce qui suit:

    "Tout candidat peut décliner une candidature par déclaration écrite,
faite au préfet au plus tard le 17me jour avant le jour du scrutin;
dans ce cas, son nom est éliminé d'office de la liste".

    Par liste, il faut entendre celle que doivent déposer, en mains du
préfet, les partis ou groupes d'électeurs prétendant à l'attribution de
mandats (art. 57 LEV).

    L'élection du conseil communal et celle du conseil bourgeoisial ont
lieu en règle générale au scrutin de liste et à la majorité absolue
(art. 94 LEV). A la demande d'un cinquième au moins des électeurs,
le système de la représentation proportionnelle s'applique (art. 96
LEV). Dans ce cas, les listes sont établies par les partis politiques
ou les groupes d'électeurs (art. 99 LEV). Selon l'art. 89 LEV, nul ne
peut se refuser à fonctionner pendant quatre ans comme président et
pendant huit ans comme membre de l'un des deux conseils, sauf s'il a
atteint l'âge de soixante-cinq ans ou s'il a d'autres motifs légitimes
d'exemption. L'art. 101 LEV dispose:

    "Un citoyen ne peut être contraint de figurer sur la liste d'un parti
auquel il n'appartient pas.

    Sur sa demande, il est rayé d'office de la liste.

    Le citoyen qui n'est pas au bénéfice de l'exception prévue à l'art. 89
ne peut refuser de figurer dans la liste du parti auquel il appartient".

    Ainsi, tout citoyen peut décliner une candidature au Grand Conseil. En
matière communale, il peut au moins faire rayer son nom de la liste d'un
parti auquel il n'appartient pas. En revanche, rien n'est prévu en ce
qui concerne l'élection du Conseil d'Etat et du Conseil des Etats.

    Les recourants estiment que ce silence de la loi est un silence
qualifié. Les deux dispositions des art. 60 et 101 LEV - dont ils ne
font du reste aucune mention -seraient ainsi des exceptions au principe
général, admis implicitement par le droit électoral valaisan et selon
lequel l'accord du candidat n'est pas requis. Les recourants se réfèrent
à un arrêt Nicole et consorts contre Conseil d'Etat de Genève, rendu
le 6 octobre 1922 (RO 48 I 297 ss.). Il y a été jugé en effet qu'une
disposition de la loi genevoise prévoyant que le nom d'un candidat ne
pouvait être maintenu contre son gré sur une liste déposée en vue de
l'élection au Grand Conseil - proportionnelle - avait un caractère
exceptionnel et n'était pas applicable par analogie aux élections
communales, majoritaires. Mais le Tribunal fédéral, qui statuait du reste
sous l'angle restreint de l'arbitraire, se fondait sur la loi genevoise,
qui certes prévoyait le dépôt de listes de candidats dans les élections
majoritaires, mais admettait que l'on puisse voter pour n'importe quel
citoyen éligible, que sa candidature ait été déposée ou non. Si la
loi valaisanne permettait aussi de voter pour tout citoyen éligible,
même s'il n'a pas fait acte de candidature, on pourrait soutenir que
la radiation du nom d'un candidat n'aurait aucun sens et que, partant,
la loi n'avait pas à la prévoir. Mais, précisément, la loi valaisanne
limite le choix des électeurs aux seuls candidats dont les noms ont été
déposés et invalide les suffrages qui se portent sur d'autres citoyens
(art. 124 LEV). Le raisonnement a contrario tenu par le Tribunal fédéral
dans la cause genevoise, raisonnement fondé sur la fonction différente des
listes de candidats dans le système majoritaire et le système proportionnel
appliqués à Genève, cesse d'être déterminant lorsque, comme en droit
valaisan, le dépôt des listes dans une élection majoritaire a aussi pour
conséquence de délimiter le cercle des candidats en lice et déploie ainsi
des effets qui, dans le système genevois, ne revenaient qu'aux listes
déposées en vue d'une élection selon le principe proportionnel. Au reste,
les citoyens genevois alors recourants étaient effectivement candidats et
briguaient une élection, mais prétendaient seulement choisir les listes
sur lesquelles ils acceptaient d'être portés. La situation du citoyen
qui refuse de figurer sur quelque liste que ce soit n'était pas évoquée.

    Dès lors, même si l'on devait conclure que la loi valaisanne
actuelle, comme la loi genevoise en vigueur en 1922, admet implicitement
l'obligation de tout citoyen de se laisser porter sur une liste dans les
élections majoritaires sans limitation du cercle des candidats, la règle
ne s'étendrait pas du même coup aux élections au Conseil d'Etat et au
Conseil des Etats. La logique interne de la loi commanderait, au contraire,
vu la fonction particulière des listes de candidats dans ces dernières
élections (art. 124 LEV), qu'une disposition expresse fût consacrée à la
portée du refus du citoyen de figurer sur une telle liste. Le silence de
la loi fait bien une lacune.

    Les recourants ne peuvent rien déduire en leur faveur de la décision
rendue le 6 mai 1966 par le Conseil fédéral dans une cause Truffer
et Biffiger contre Conseil d'Etat du Valais. Il s'agissait alors de
l'élection de jurés fédéraux. Sous certaines réserves sans importance in
casu, tout citoyen est tenu d'accepter cette fonction (art. 4 PPF). De
cette obligation découle logiquement celle de se laisser porter en
liste. Mais le Conseil fédéral réserve son opinion pour le cas où la
fonction ne serait pas de celles que le citoyen est tenu d'accepter
("Wäre die Wahl nur mit Zustimmung des Gewählten gültig, liesse sich
daraus möglicherweise die Ablehnbarkeit der Wahlkandidatur ableiten"). La
fonction de conseiller d'Etat n'est évidemment pas, en Valais, de celles
que le citoyen ne peut décliner.

    c) La genèse de la loi permet d'expliquer dans une certaine mesure
l'absence de règles sur la portée du refus d'une candidature. Selon la
loi électorale en vigueur jusqu'en 1938, les électeurs pouvaient, en
matière d'élection du Conseil d'Etat, voter valablement pour tout citoyen
éligible; aucune liste de candidats ne devait être déposée. La Commission
du Grand Conseil chargée de préparer la nouvelle loi proposait le texte
suivant, pour l'art. 119 de son projet (cf. procès-verbal polygraphié des
débats du Grand Conseil valaisan, session de juinjuillet 1938, p. 76):
"Les partis ou groupes qui proposent des candidats sont tenus de déposer,
contre reçu, à la Chancellerie d'Etat, la liste des candidats proposés,
au plus tard 13 jours (lundi de la 2e semaine) avant l'élection.

    La liste doit être signée par les candidats et par dix électeurs au
moins au nom du parti ou du groupe.

    Le nom des candidats est publié au Bulletin officiel, 8 jours au
moins avant l'élection".

    Plusieurs députés s'opposèrent à ce texte pour des raisons de principe,
soit parce qu'ils étaient adversaires de toute limitation du cercle des
candidats (ibid. p. 76 ss.). Le député Escher (ibid. p. 81), lui, proposa
de renoncer à la signature des candidats, en faisant valoir que l'on ne
pouvait exiger d'un candidat qu'il signe, outre la liste officielle de son
parti, une liste dissidente portant aussi son nom. Il suggéra en outre
de réduire le délai de dépôt des listes. Le député Spahr (ibid. p. 82)
appuya la proposition d'Escher, tout en maintenant que le dépôt préalable
des listes était contraire au principe majoritaire. Le conseiller d'Etat
Maurice Troillet (ibid. p. 82) intervint alors dans le débat et proposa de
renoncer à la signature des candidats, tout en exigeant que la liste soit
présentée par dix citoyens au moins. Il ajouta: "Les citoyens portés sur
une liste sans leur consentement devront eux-mêmes le faire savoir". Malgré
une nouvelle intervention du député Dellberg - aujourd'hui recourant - qui
s'opposa une fois encore au principe du dépôt préalable des candidatures,
l'art. 119 fut voté et devint l'art. 122 de la loi, dans son texte actuel.

    Il est permis de penser qu'en supprimant l'exigence de la signature
des candidats, le Grand Conseil a tiré les conclusions de l'objection
présentée par Escher, dans le sens proposé par le représentant du
gouvernement, tout en perdant de vue qu'il omettait de régler la portée
du refus de candidature. En tout cas, indépendamment même des réserves
que suscite l'application de la méthode historique, on ne saurait
déduire des délibérations que le Grand Conseil a entendu ainsi passer
du système proposé par la commission, où l'accord du candidat, attesté
par sa signature, était indispensable, à un régime où le citoyen devrait
se laisser porter candidat même contre son gré. La genèse de la loi,
dont les recourants font grand cas, n'apporte donc rien à l'appui de leur
thèse. Elle ne permet nullement de nier l'existence d'une lacune.

Erwägung 5

    5.- Dès lors que le Conseil d'Etat, puis le Grand Conseil ont admis
à bon droit l'existence d'une lacune de la loi électorale, il appartient
au Tribunal fédéral, dans les limites définies ci-dessus, d'examiner la
manière dont ils l'ont comblée.

    a) Dans l'arrêt attaqué, le Grand Conseil admet que les citoyens
proposés par le Groupement des hommes libres et qui ont décliné une
candidature, n'étaient pas disposés à accepter la charge de conseiller
d'Etat. Cette constatation, qui relève du fait, n'est pas insoutenable.
Certes, ces quatre citoyens ne se sont pas tous exprimés dans les mêmes
termes. Seul Félix Carruzzo a déclaré qu'il déclinerait une élection
éventuelle. Rodolphe Tissières et Francis Germanier ont fait savoir qu'ils
n'étaient pas candidats; Hans Wyer qu'il avait été porté à son insu et
contre son gré sur la liste litigieuse. Tous ont requis la radiation de
leur nom de cette liste. Ces déclarations suffisaient toutefois pour que
le Grand Conseil puisse admettre que ces quatre citoyens n'auraient pas
accepté une élection éventuelle. Certes, il n'est pas exclu qu'un citoyen
décline une candidature, puis élu quand même, accepte la charge. Les
recourants citent à ce propos l'exemple d'une élection complémentaire au
Conseil fédéral. Mais cet exemple n'est pas déterminant: la situation
est essentiellement différente selon que l'élection est faite par une
assemblée ou par le peuple. Dans ce second cas, on peut au contraire
soutenir avec de bons motifs, sur le vu de l'expérience, que le citoyen
qui décline une candidature et demande que son nom soit rayé de la liste
n'accepterait pas la charge s'il était néanmoins élu.

    Dès lors qu'il était fondé à partir de cette idée, le Conseil
d'Etat devait rayer les quatre candidats de la liste du Groupement des
hommes libres. S'il avait laissé subsister la liste et que ces quatre
citoyens eussent été élus, c'est quatre sièges au Conseil d'Etat qui
eussent été inoccupés. L'opération eût été inutile. Certes, un scrutin
d'où ne se dégage aucune majorité absolue ne conduit pas non plus à
l'occupation des sièges en compétition. Mais il n'est pas inutile, car
il constitue une étape vers leur attribution. En revanche, un système
maintenant en lice des candidats qui refuseront la charge s'ils sont
élus peut conduire à une opération électorale sans utilité, qui n'a
plus rien de démocratique. Ce n'est qu'en apparence qu'il élargit les
possibilités de choix des électeurs. Il y avait dès lors de bonnes raisons
d'appliquer en l'espèce les mêmes dispositions qu'en matière d'élections
au Grand Conseil ou d'élections communales. Du point de vue pratique,
cela se justifiait d'autant plus que le siège du député qui décline son
élection est immédiatement occupé par un candidat non élu ou un suppléant
(art. 79 LEV), tandis qu'il faut organiser une élection complémentaire
s'il s'agit d'un siège au Conseil d'Etat. Enfin, il serait peu logique,
voire incompréhensible, de réserver au citoyen la possibilité de décliner
une candidature aux fonctions de député ou de conseiller communal -
généralement accessoires - et de lui refuser la même faculté pour
l'élection au Conseil d'Etat, dont les fonctions sont permanentes.

    b) Un citoyen qui s'est rallié à un parti politique déterminé se
sentira normalement atteint dans sa sphère personnelle s'il est désigné
comme candidat par un autre parti. Cette atteinte sera particulièrement
sensible pour des citoyens qui, comme les quatre candidats proposés par le
Groupement des hommes libres, occupent dans leur propre parti une position
influente. Le simple électeur, peu au courant des détails des opérations
préélectorales, sera tenté de douter de la fidélité au parti de candidats
qui figurent sur une liste dissidente. La considération dont jouissent
ces hommes politiques en souffrira. La loi valaisanne a tenu compte de
ces circonstances. Dans certaines limites, le citoyen peut être tenu
d'accepter une charge communale (art. 89 LEV). Il s'ensuit nécessairement
qu'il doit aussi se soumettre à l'élection. Pourtant, l'art. 101 al. 3 LEV
prescrit seulement que le citoyen - tenu d'accepter la charge - ne peut
refuser de figurer sur la liste du parti auquel il appartient. Ainsi,
même dans ce cas, le citoyen n'est pas tenu de se laisser proposer aux
suffrages des électeurs sous des couleurs qui ne sont pas les siennes. Or
il n'est pas rare qu'un candidat soit présenté à l'élection, pour une
charge qu'il ne peut refuser, par un autre parti que le sien. Dans cette
hypothèse, la loi valaisanne a fait prévaloir l'intérêt du citoyen à voir
sa fidélité politique insoupçonnée sur l'obligation d'occuper une charge
publique. Appliqué à la lettre, l'art. 101 LEV permet même à un citoyen
qui s'affirme indépendant de faire échec à la règle de l'art. 89 LEV.
A plus forte raison l'intérêt personnel du citoyen devra-t-il l'emporter
lorsque la fonction pour laquelle il est proposé n'est pas obligatoire et
que l'élection se déroule en un seul collège comprenant tout le canton,
au lieu du cercle restreint de la commune.

    Il n'est pas allégué que les quatre candidats proposés par le
Groupement des hommes libres appartiennent à ce mouvement. Celui-ci,
pour n'être pas un parti organisé, a déployé avant l'élection une grande
activité politique. Du point de vue de la protection de leur personnalité,
que la loi prend en considération, les quatre citoyens proposés avaient
intérêt à se distancer de ce mouvement. Cela justifiait aussi la radiation
de leur nom.

Erwägung 6

    6.- Ainsi des motifs valables permettaient d'étendre à l'élection
du Conseil d'Etat les règles qui obligent l'autorité à rayer des listes
de candidats au Grand Conseil et au conseil communal les citoyens qui
déclinent une candidature. Dès lors, les droits politiques des électeurs
valaisans n'ont pas été illégalement restreints. Si la loi, correctement
interprétée, d'une part prescrit la radiation du nom des citoyens
déclinant une candidature et d'autre part n'admet comme valables que les
voix revenant aux candidats figurant sur une liste, l'électeur ne peut se
plaindre de n'avoir pu voter pour Carruzzo, Germanier, Tissières et Wyer.

    Les recourants invoquent à tort la séparation des pouvoirs. Le Conseil
d'Etat ne s'est pas arrogé les pouvoirs du législateur. Il est chargé
d'organiser les élections et d'appliquer la loi électorale (art. 136 LEV).
Loin de poser, en dehors de la loi ou à l'encontre de ses principes, des
règles nouvelles, il a comblé une lacune du texte légal, dans l'esprit
du droit électoral valaisan. Comme autorité chargée d'appliquer la loi,
il en avait la compétence.

    Enfin, les recourants se plaignent évidemment à tort d'une violation de
l'égalité devant la loi. La liste du Groupement des hommes libres n'a été
déclarée nulle que parce qu'elle ne contenait plus de candidats. Il n'est
pas allégué que les candidats des autres listes aient, eux aussi, décliné
une candidature ni qu'ils eussent dû être radiés pour d'autres causes.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours