Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 IV 19



95 IV 19

6. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 24 janvier 1969 dans la cause
Cherpillod contre Ministère public du canton de Vaud Regeste

    Falsche Anschuldigung, Art. 303 Ziff. 1 Abs. 1 und 2 StGB.

    1.  Anwendungsbereich dieser Bestimmungen. Die Anschuldigung bedarf
keiner besondern Form; sie kann auch in einem Verhör erhoben werden
(Erw. 1).

    2.  Die Anschuldigung muss den Vorwurf einer strafbaren Handlung
enthalten; es genügt nicht, dass der Täter von einer Verfehlung spricht,
die bloss disziplinarisch strafbar ist (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Charles Cherpillod, expert au Service des automobiles du canton
de Vaud, a favorisé de nombreux candidats au permis de conduire. Sachant
que l'un d'eux, José Orden, avait échoué précédemment, il prépara pour
lui une formule de questions écrites où le candidat doit marquer d'une
croix les réponses exactes. Le 5 novembre 1965, il se rendit dans la
salle d'examen et donna à Orden, qui subissait l'épreuve écrite avec
d'autres candidats, la feuille préparée à son intention. Orden la signa
et la remit à l'inspecteur Gavillet, qui surveillait les travaux, mais
ne remarqua rien.

    Entendu le 31 août 1967 par le juge informateur, qui s'étonnait que
Gavillet n'ait pas décelé la tricherie, Cherpillod déclara qu'en lui
remettant le dossier, il l'avait mis au courant de la facilité faite à
Orden et que c'était probablement Gavillet qui avait opéré la substitution
des feuilles d'examen. Vu cette accusation, le juge informateur incarcéra
l'inspecteur Gavillet. Entendu à nouveau le même jour, Cherpillod reconnut
que la tricherie s'était faite à l'insu de Gavillet, que le juge relaxa.

    B.- Par jugement du 5 juin 1968, le Tribunal correctionnel du
district de Lausanne a condamné Cherpillod, pour corruption passive
(art. 315 CP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), à la peine de
vingt mois d'emprisonnement, sous déduction de trente jours de détention
préventive, l'a déclaré inéligible à toute fonction publique (art. 51 CP)
pour une durée de sept ans et a prononcé que la somme de 1500 fr. saisie
à son domicile et provenant de ses infractions était acquise à l'Etat
(art. 59 CP).

    C.- Statuant le 7 octobre 1968 sur le recours de Cherpillod, la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté et a confirmé
le jugement de première instance.

    D.- Cherpillod se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut
à l'annulation de l'arrêt du 7 octobre 1968 et au renvoi de la cause à
la juridiction cantonale pour qu'elle le libère du chef d'accusation de
dénonciation calomnieuse. Il relève que l'acte dénoncé par lui n'était
pas un crime ni un délit, mais une simple faute administrative.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 303 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui aura
dénoncé à l'autorité, comme auteur d'une infraction, une personne qu'il
savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale
(al. 1) ou qui, de toute autre manière, aura ourdi des machinations
astucieuses en vue de provoquer l'ouverture d'une poursuite pénale contre
une personne qu'il savait innocente (al. 2). Les deux comportements
punissables se distinguent en ceci que, dans le premier cas, la personne
visée est dénoncée directement, c'est-à-dire nommée par le dénonciateur,
tandis que dans le second cas celui-ci recourt à des procédés indirects,
qui doivent être astucieux, sans désigner par son nom la personne qu'il
veut entraîner dans une poursuite pénale (RO 85 IV 81 s., consid. 1, et
GERMANN, Schweizerisches Strafgesetzbuch, note ad art. 303 CP, 8e éd.,
p. 445).

    La dénonciation n'est soumise à aucune forme particulière. Elle peut
résulter d'une simple déclaration faite au cours d'une audition, que
le dénonciateur soit entendu à sa demande ou par une autorité agissant
de son propre chef (RO 85 IV 82, consid. 2). Ainsi, la dénonciation
calomnieuse émane parfois d'un prévenu qui, pour se disculper, reporte
sur une personne innocente l'accusation formulée contre lui (RO 80 IV 120
in fine; SCHWANDER, Das schweizerische Strafgesetzbuch, 2e éd., no 769 a,
p. 502).

    En l'espèce, Cherpillod a déclaré faussement au juge informateur,
lors de son interrogatoire, que Gavillet était informé de l'irrégularité
commise à propos de l'examen subi par Orden. En agissant de la sorte,
il l'a dénoncé nommément comme participant à un manquement dont il était
en réalité le seul auteur. C'est donc l'application de l'art. 303 ch. 1
al. 1 CP qui doit être envisagée.

Erwägung 2

    2.- La dénonciation calomnieuse doit porter sur la commission d'une
infraction réprimée par la loi pénale, que ce soit un crime ou un délit
(art. 303 ch. 1 CP), ou une contravention (art. 303 ch. 2 CP). Il
faut dès lors qu'en principe l'acte dénoncé - qui peut d'ailleurs être
imaginaire - constitue objectivement, au cas où il aurait été commis,
une infraction punissable (HERMANN MENZEL, Die falsche Anschuldigung nach
deutschem und schweizerischem Strafrecht, thèse Fribourg, 1963, p. 53 in
initio). Il ne suffit pas d'un manquement passible d'une simple peine
disciplinaire (HAFTER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, p.
794; LOGOZ, Commentaire du Code pénal suisse, Partie spéciale, tome II,
n. 6 infine ad art. 303 CP, p. 712; GERMANN, op.cit., p. 446 in fine). Mais
le plus souvent, on ne saurait qualifier l'acte incriminé au moment où
la dénonciation est portée. Seule l'instruction permettra de dire s'il
s'agit d'une infraction réprimée par la loi pénale ou d'un manquement
passible de sanctions disciplinaires. Or l'art. 303 CP vise à prévenir
non seulement la condamnation d'une personne innocente, mais aussi la
poursuite pénale dirigée contre elle. Dès lors, s'il apparaît d'emblée
que le fait dénoncé n'est évidemment pas une infraction passible de
sanctions pénales, de telle sorte qu'aucune poursuite n'est engagée contre
la personne visée, le dénonciateur se rend coupable d'un délit impossible
quant à l'objet. Le juge doit appliquer en pareil cas l'art. 23 al. 1 CP et
décider s'il entend atténuer librement la peine, comme cette disposition
lui en donne la faculté. En revanche, le délit n'est pas impossible s'il
apparaît seulement au cours de l'instruction dirigée contre la personne
innocente que le fait dénoncé n'est pas réprimé par la loi pénale.

    A la suite de la dénonciation mensongère du recourant, le juge
informateur a incarcéré l'inspecteur Gavillet. Il a donc exercé une
poursuite pénale contre lui. A la vérité, l'arrêt attaqué ne constate pas
sous quel chef d'inculpation Gavillet a été mis en détention. Selon le
procès-verbal des auditions et le mandat d'arrêt, il a été inculpé d'abus
d'autorité et de corruption. Peu importe que le jugement n'ait pas retenu
ces infractions à sa charge. Le juge informateur ayant donné suite à la
dénonciation portée contre une personne innocente, on ne saurait admettre
en l'espèce un délit impossible.

Erwägung 3

    3.- (Renvoi de la cause à l'autorité cantonale, en vertu de l'art. 277
PPF, pour qu'elle précise les constatations de fait).

Entscheid:

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Admet le pourvoi dans le sens des motifs, annule l'arrêt attaqué et
renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.