Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 87



95 II 87

14. Arrêt de la IIe Cour civile du 2 mai 1969 dans la cause
S.I. Semailles-Voirets "A" SA contre Macullo Regeste

    Gesetzliches Grundpfandrecht der Handwerker und Unternehmer (Art. 837
ZGB).

    Der Unterakkordant, der nicht bezahlt wurde, behält das Recht,
zur Sicherung seiner Forderung die Eintragung eines gesetzlichen
Grundpfandrechts zu verlangen, selbst wenn der Eigentümer des Grundstücks
den Generalunternehmer für dessen Forderung befriedigt hat.

Sachverhalt

    A.- Le 5 mars 1963, la société anonyme Constructions Balency, à Genève
(en abrégé: Balency SA), a passé avec les huit sociétés immobilières
Semailles-Voirets "A" à "H", représentées par la régie Naef et Cie, en
dite ville, un contrat d'entreprise à forfait par lequel elle s'engageait à
construire et livrer huit bâtiments, clés en main, dans un délai déterminé,
pour le prix de 9 735 000 fr. En vertu d'un contrat passé avec Balency
SA, Charles Macullo a exécuté les travaux d'isolation et d'étanchéité des
toitures et terrasses des huit bâtiments. Le devis s'élevait à 90 840 fr.

    Selon la 24e situation provisoire qui porte les travaux effectués
au 23 mars 1965, l'ensemble de prestations fournies par Balency SA pour
le compte des huit sociétés immobilières était estimé à 8 650 297 fr.,
dont 135 000 fr. pour ce qui concerne Macullo, et les approvisionnements
s'élevaient à 241 660 fr. Le 26 mars 1965, le maître de l'ouvrage a versé
à l'entrepreneur général, au moyen de trois chèques, le montant de 99
497 fr. Compte tenu de ce versement, il lui a payé le 90% du premier
article de la situation provisoire, soit 7 785 267 fr. 40, et le 50%
du second, soit 120 830 fr., au total 7 906 097 fr. 40.

    Balency SA a été déclarée en faillite le 1er avril 1965.

    Macullo lui a réclamé le paiement de 97 730 fr. Il a reçu d'elle
deux acomptes, l'un de 13 000 fr. le 10 décembre 1964, l'autre de 20 000
fr. le 26 février 1965. En garantie du paiement du solde de sa créance,
soit 64 730 fr., il a requis et obtenu en temps utile l'inscription
provisoire d'une hypothèque légale d'entrepreneur à raison de 8091 fr. 25
avec intérêt à 5% dès le 26 avril 1965 à l'encontre de chacune des huit
sociétés immobilières.

    B.- Par exploit déposé en vue de conciliation le 15 juin 1966, Macullo
a intenté à la S.I. Semailles-Voirets "A" SA une action en inscription
définitive de l'hypothèque légale sur la parcelle 2509, plan 34 de la
commune de Lancy, propriété de la défenderesse. En outre, il a requis le
paiement de 8091 fr. 25 avec intérêt à 5% dès le 12 mars 1965.

    La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a pris des
conclusions reconventionnelles en remboursement des frais consécutifs à
l'inscription provisoire de l'hypothèque légale. Elle soutient qu'ayant
payé intégralement Balency SA pour les travaux exécutés par Macullo,
elle n'a pas à souffrir l'inscription définitive d'une hypothèque légale
en faveur de cet entrepreneur.

    Statuant le 15 juin 1967, le Tribunal de première instance de Genève
a autorisé Macullo à requérir l'inscription définitive de l'hypothèque
légale et débouté les parties de leurs conclusions pour le surplus.

    C.- Le 27 décembre 1968, la Première Chambre de la Cour de justice
du canton de Genève a rejeté l'appel de la société défenderesse et
confirmé le jugement de première instance. Dans les motifs de son arrêt,
la juridiction cantonale admet que le droit du sous-traitant de requérir
l'inscription d'une hypothèque légale d'entrepreneur subsiste même lorsque
le propriétaire et maître de l'ouvrage a payé l'entrepreneur général et
que celui-ci n'a pas du tout ou n'a pas intégralement payé le soustraitant.

    D.- Contre cet arrêt, la S.I. Semailles-Voirets "A" recourt en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut au rejet de la demande en inscription
définitive de l'hypothèque légale d'entrepreneur requise par Macullo,
à la radiation de l'inscription provisoire et au remboursement des frais
afférents à ces opérations.

    L'intimé Macullo conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- L'art. 837 al. 1 ch. 3 CC permet aux artisans et entrepreneurs qui
ont exécuté un ouvrage sur un immeuble de faire inscrire une hypothèque
légale en garantie de leurs créances contre le propriétaire ou un
autre entrepreneur. La loi n'institue pas directement une hypothèque qui
existerait sans inscription au registre foncier; elle confère uniquement au
bénéficiaire le droit personnel de faire inscrire un gage immobilier (RO 40
II 452, confirmé sur ce point au RO 92 II 227 et par l'arrêt du 6 février
1969 dans la cause Masse en faillite de Michel Demierre c. Gabriel Python,
publié au RO 95 II 31). Selon la jurisprudence récente, l'obligation de
souffrir la constitution d'une hypothèque légale fondée sur l'art. 837
al. 1 ch. 3 CC est une obligation propter rem, attachée à la propriété
de l'immeuble sur lequel le bâtiment a été érigé ou l'ouvrage exécuté (RO
92 II 227). Peu importe dès lors que la recourante ait eu connaissance ou
non du contrat passé entre l'intimé et Balency SA Du reste, l'arrêt déféré
constate que le maître de l'ouvrage connaissait le nom du sous-traitant.

Erwägung 3

    3.- La recourante estime que le droit du sous-traitant à l'inscription
d'une hypothèque légale s'éteint lorsque le propriétaire, maître de
l'ouvrage, s'est acquitté envers l'entrepreneur général du prix convenu
qui, dans la construction à forfait, comprend le coût des travaux exécutés
et des matériaux fournis par le sous-traitant. Le Tribunal fédéral a dénié
au propriétaire, maître de l'ouvrage, le droit d'opposer au soustraitant
qui requiert l'inscription d'une hypothèque légale en garantie de sa
créance la compensation avec une créance dont le propriétaire se prétend
lui-même titulaire envers l'entrepreneur général (RO 39 II 217). Saisi d'un
recours de droit public contre une décision de la Cour de justice de Genève
qui refusait l'inscription provisoire d'une hypothèque légale en faveur
du sous-traitant, alors que le propriétaire et maître de l'ouvrage avait
payé l'entrepreneur général, il a considéré que cette question délicate
ne pouvait pas être résolue dans une procédure sommaire, mais devait être
tranchée par le juge du fond (RNRF 1960 p. 48 ss. ou SJ 1959 p. 97).

    L'institution de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs
tend à leur procurer une garantie pour le paiement des matériaux qu'ils
fournissent et des travaux qu'ils exécutent. Leurs prestations devenant
partie intégrante de l'immeuble bâti, les artisans et entrepreneurs
ne peuvent pas exercer un droit de rétention, ni assurer le paiement
de leurs créances par le jeu d'un pacte de réserve de propriété. Le
législateur leur a dès lors accordé le bénéfice d'une garantie réelle
qui grève l'immeuble sur lequel ils ont exécuté leur ouvrage. Peu importe
que le propriétaire du bien-fonds ne soit pas lui-même le débiteur de la
créance garantie. C'est précisément pour éviter que le propriétaire ne
tourne la loi en interposant entre lui et l'auteur des travaux un tiers,
envers lequel seul il deviendrait débiteur, que l'art. 837 al. 1 ch. 3
CC confère aux artisans et entrepreneurs le droit de faire inscrire
une hypothèque légale sur l'immeuble bâti, même pour garantir leurs
créances contre un autre entrepreneur (cf. RO 56 II 167). Le droit
du sous-traitant à l'inscription d'une hypothèque légale est un droit
propre, distinct de celui de l'entrepreneur général. Il en résulte que la
constitution d'un gage en faveur de l'entrepreneur général n'empêcherait
pas l'inscription d'une hypothèque légale au bénéfice du sous-traitant. Et
si le propriétaire paie l'entrepreneur général, seul s'éteint le droit
de celui-ci à l'inscription d'une hypothèque légale. Le sous-traitant ne
perd son propre droit que s'il est payé lui-même. Aussi longtemps qu'il
n'est pas complètement désintéressé, il conserve la faculté de requérir
l'inscription d'une hypothèque légale à l'encontre du propriétaire,
nonobstant le fait que celui-ci s'est acquitté intégralement de sa dette
envers l'entrepreneur général (cf. dans le même sens LEEMANN, n. 45 ad
art. 837 CC et n. 52 ad art. 839 CC; WIELAND, n. 2 e ad art. 839 CC;
HOFMANN, Die gesetzlichen Grundpfandrechte des Art. 837 ZGB, insbesondere
das Bauhandwerkerpfandrecht, thèse Zurich 1940, p. 62; SIMOND, L'hypothèque
légale de l'entrepreneur, thèse Lausanne 1924, p. 41 et 162 s; MAILLEFER,
Le privilège de l'hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs,
thèse Berne 1961, p. 32).

Erwägung 4

    4.- Sans doute la solution adoptée par le législateur obliget-elle le
propriétaire, maître de l'ouvrage, qui s'est acquitté d'une dette échue
envers l'entrepreneur général, à souffrir l'inscription d'une hypothèque
légale en faveur du sous-traitant qui n'a pas été payé par l'entrepreneur
général. Et le propriétaire risque d'être contraint, pour éviter la
réalisation du gage immobilier, d'acquitter une seconde fois la facture
du soustraitant, dont les prestations étaient pourtant comprises dans
le prix qu'il a payé à l'entrepreneur général. Mais cet inconvénient n'a
pas échappé au législateur, lequel a estimé en connaissance de cause que
les intérêts du sous-traitant l'emportaient sur ceux du propriétaire. Au
demeurant, celui-ci n'est pas dépourvu de tout moyen de défense. Il lui est
loisible de se prémunir contre le risque d'un double paiement en insérant
dans le contrat qu'il passe avec l'entrepreneur général une clause qui
garantisse le paiement des sous-traitants. Les parties peuvent convenir,
par exemple, que le propriétaire paiera directement les sous-traitants,
selon les instructions de l'entrepreneur général (cf. WIELAND, n. 2 e ad
art. 839 CC; LEEMANN, n. 46 ad art. 837 CC). Assurément, ce mode de faire
permet au propriétaire de calculer les marges de bénéfice de l'entrepreneur
général. Mais il est loisible aux parties contractantes de recourir aux
services d'un tiers, qui recevrait les fonds à titre fiduciaire, à charge
de payer les sous-traitants aux conditions convenues, et prendrait un
engagement de discrétion quant au montant des factures qui lui seraient
soumises. Du reste, le propriétaire dispose encore d'autres moyens pour
atteindre le but recherché. Il a la faculté de consigner le montant qu'il
doit à l'entrepreneur général et de convenir avec celui-ci que le tiers
dépositaire - par exemple une banque - ne lui délivrera les fonds que
s'il justifie du paiement des sous-traitants. Si l'entrepreneur général
n'apporte pas cette preuve, le propriétaire peut se réserver le droit
de différer le paiement des montants correspondant au coût de certains
travaux jusqu'à l'expiration du délai de trois mois dès leur achèvement
(cf. art. 839 al. 2 CC) et subordonner ce paiement à la condition que les
sous-traitants qui ont exécuté les travaux en question n'aient pas requis
l'inscription d'une hypothèque légale (cf. LEEMANN, n. 53 ad art. 839 CC).

    Les garanties conventionnelles supposent, il est vrai, qu'au moment
où les parties discutent les clauses du contrat, le propriétaire soit
conscient du risque que lui fait courir l'institution d'une double
hypothèque légale, d'une part, et que l'entrepreneur général consente
à souscrire une clause qui élimine ce risque, d'autre part. Or les
parties ne sauront pas toujours mesurer l'inconvénient et ne seront
pas toujours disposées à y remédier. En particulier, les petits
propriétaires qui construisent à forfait ne songeront le plus souvent
ni à vérifier la solvabilité de l'entrepreneur général avec lequel
ils traitent, ni à prendre conseil avant de souscrire le contrat qu'il
leur propose. L'institution d'une double hypothèque légale en faveur
de l'entrepreneur général, d'une part, et du sous-traitant, d'autre
part, entraîne ainsi des conséquences extrêmement rigoureuses pour le
propriétaire, surtout s'il est de condition modeste. Il apparaît dès lors
souhaitable que le législateur examine à nouveau si la stricte application
du droit en vigueur n'appelle pas un tempérament. Dans l'affirmative,
il pourrait compléter la loi en édictant des dispositions impératives
qui assurent au propriétaire une protection efficace contre le risque de
payer deux fois les travaux qu'exécute sur son immeuble un sous-traitant
commis par l'entrepreneur général.

Erwägung 5

    5.- L'art. 839 al. 2 CC confère à l'entrepreneur le droit de requérir
l'inscription d'une hypothèque légale jusqu'à l'expiration des trois mois
qui suivent l'achèvement des travaux. L'intimé était fondé à attendre
la fin du délai légal avant de former une pareille réquisition. On ne
saurait lui faire grief d'avoir tardé à exercer son droit.

    En revanche, on pourrait se demander si la recourante n'a pas commis
une imprudence. En effet, elle a versé un dernier acompte à Balency SA le
26 mars 1965, soit six jours avant la déclaration de faillite. Certes,
son entrepreneur général la pressait de payer. Mais elle avait perçu en
décembre 1964 les premiers signes d'un malaise dans la société et elle
savait, à fin mars 1965, que la situation financière s'était détériorée
au point que "le torchon brûlait". Malgré cela, elle n'a exigé aucune
assurance quant à l'affectation de ses versements au paiement des
sous-traitants. Quoi qu'il en soit, l'attitude de la recourante dans ses
relations avec Balency SA n'est pas décisive pour reconnaître les droits
que l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC confère à l'intimé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme
l'arrêt rendu le 27 décembre 1968 par la Première Chambre de la Cour de
justice du canton de Genève.