Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 605



95 II 605

82. Arrêt de la IIe Cour civile du 4 décembre 1969 dans la cause dame
Bachmann contre Lüthy. Regeste

    Grunddienstbarkeit. Errichtung. Löschung.

    1.  Ist die Grundbuchberichtigungsklage (Art. 975 ZGB) auf
Wiedereintragung einer angeblich zu Unrecht gelöschten Dienstbarkeit
befristet? (Erw. 2 a).

    2.  Können die aus dem kantonalen Recht sich ergebenden Beschränkungen
des Grundeigentums (Art. 702 ZGB) die Dienstbarkeiten beeinträchtigen,
die vorher gemäss dem Bundesprivatrecht errichtet worden sind? (Erw. 2 b).

    3.  Ist die durch Art. 968 ZGB vorgeschriebene Eintragung auf dem
Blatt des berechtigten Grundstücks zur Errichtung einer Grunddienstbarkeit
notwendig? Frage offen gelassen (Erw. 3).

    4.  Notwendige Elemente des Vertrags auf Errichtung einer
Dienstbarkeit, namentlich hinsichtlich des Willens der Parteien zur
Begründung eines dinglichen Rechts und hinsichtlich der Bezeichnung des
Berechtigten (Art. 730 und 732 ZGB). Auslegung einer Bestimmung eines
Kaufvertrags, die das Recht zum Bauen auf dem verkauften Grundstück
beschränkt (Erw. 4).

    5.  Unter welchen Voraussetzungen ist die ordentliche Ersitzung auf
Grunddienstbarkeiten anwendbar? (Art. 661 und 731 Abs. 3 ZGB)? (Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- Vincent Kolly, aujourd'hui décédé, était propriétaire, à Bulle,
des parcelles nos 5 aa, 5 ab et 5 ac, devenues, après l'introduction du
registre foncier fédéral en 1959, les parcelles nos 29, 27 et 30. Ces
parcelles forment la moitié nord du pâté d'immeubles compris entre la rue
de la Poterne, au sud, la Grand'Rue, à l'ouest, et la rue des Remparts,
au nord.

    Le 21 janvier 1921, Vincent Kolly vendit la parcelle 5 aa à Alfred
Maillard, puis la parcelle 5 ab à Jules Deillon. En 1949, celui-ci acquit
la parcelle 5 ac d'un héritier de Vincent Kolly. L'acte de vente passé
entre Vincent Kolly et Alfred Maillard contenait la clause suivante:

    "Conformément au contrat intervenu entre parties, M. Kolly concède
à M. Maillard le droit d'établir desjours en faveur de l'article 5aa
sur l'article 5 ac, ce à partir de 2 mètres 50 de hauteur. M. Maillard se
réserve le droit de construire exactement à la limite des deux côtés. Les
murs du bâtiment à construire par M. Maillard sur l'article 5 aa ne
devront pas dépasser quatre mètres vingt centimètres de hauteur. Il va
sans dire que la hauteur des toits n'est pas comprise dans ces 4 m. 20."

    L'acte de vente passé cinq minutes plus tard entre Vincent Kolly et
Jules Deillon renferme seulement la clause usuelle:

    "Ces immeubles sont vendus tels qu'ils ont été jouis et possédés
jusqu'à ce jour, tels qu'ils sont inscrits au R.F. avec leurs droits et
charges, et comme francs et libres d'hypothèques."

    Sur le vu de ces contrats, les inscriptions suivantes furent portées
au registre foncier cantonal (cf. art. 370 de la loi fribourgeoise
d'application du CC, en abrégé LACC):

    A l'article 5 aa: "La mitoyenneté du mur de l'art. 6 se trouvant
contre l'art. 94 a est comprise dans la vente du 21 janvier 1921.
Droit d'établir des jours en faveur de l'art. 5 aa sur l'art. 5 ac,
ce à partir de 2 m. 50 de hauteur. Droit en faveur de l'art. 5 aa de
construire exactement à la limite des deux côtés. Les murs du bâtiment
à construire sur l'art. 5 aa ne devront pas dépasser 4 m. 20 de hauteur,
la hauteur des toits non comprise."

    A l'article 5 ac: "Chemin de servitude selon le plan S 379. Droit
d'établir des jours en faveur de l'art. 5 aa à partir de 2 m. 50 de
hauteur."

    Aucune inscription n'a été portée à l'article 5 ab.

    B.- Alfred Maillard fit construire sur la parcelle no 5 aa une maison
conforme aux clauses du contrat de vente de 1921. Il fut déclaré en
faillite le 7 juillet 1925. Son immeuble, vendu aux enchères publiques,
fut adjugé à la Banque populaire de la Gruyère, laquelle le revendit le
15 octobre 1926 à Alfred Lüthy.

    Après la mort de Jules Deillon, ses deux immeubles passèrent à ses
enfants Louis Deillon (parcelle 5 ab) et dame Louise Bachmann, née Deillon
(parcelle 5 ac).

    En 1955, Alfred Lüthy fit mettre à l'enquête publique des plans visant
la transformation du bâtiment érigé sur la parcelle 5 aa. Louis Deillon
et dame Bachmann firent opposition. Mais le Conseil communal de Bulle
écarta le 29 juin 1955 leur opposition et les renvoya à agir devant le
juge civil. Ils s'en abstinrent cependant, Alfred Lüthy ayant renoncé
momentanément à son projet.

    Le 16 septembre 1955, Alfred Lüthy requit le conservateur du registre
foncier de la Gruyère de procéder à la radiation du passage suivant:

    "Les murs du bâtiment à construire sur l'article 5 aa ne devront pas
dépasser 4 m. 20 de hauteur, la hauteur des toits non comprise."

    Le requérant estimait que la restriction ainsi apportée au droit de
bâtir n'avait pas le caractère d'une servitude, mais d'un engagement
personnel contracté par Alfred Maillard envers Vincent Kolly. Cette
obligation n'avait pas été transmise aux ayants cause du débiteur. Et
même si les parties avaient constitué un droit réel, il ne s'agirait pas
d'une servitude foncière, mais d'une servitude personnelle en faveur du
vendeur Kolly, laquelle se serait éteinte à la mort du bénéficiaire.

    Le 3 octobre 1955, le conservateur du registre foncier porta la
réquisition de radiation à la connaissance de Louis Deillon et dame
Bachmann, en les informant qu'il l'avait transmise à l'autorité de
surveillance pour décision. Les deux voisins n'entreprirent aucune
démarche, même pas lorsque le conservateur leur fit savoir le 25 janvier
1956, qu'il avait admis la requête et radié la restriction du droit de
bâtir au chapitre du requérant.

    Lors de l'introduction du registre foncier fédéral, en 1959, les
inscriptions figurant aux anciens articles furent reportées sur les
feuillets des nouvelles parcelles. Les différents propriétaires reconnurent
les feuillets de leurs immeubles respectifs.

    C.- Le 25 mai 1965, Yves Lüthy, qui avait hérité de son père
l'ancienne parcelle no 5 aa, devenue la nouvelle parcelle no 29, demanda
l'autorisation de transformer le bâtiment, qui abrite un garage. Il
se proposait notamment d'en surélever les murs. Louis Deillon et dame
Bachmann formèrent opposition. Le 25 novembre 1965, le Préfet du district
de la Gruyère écarta leur opposition, délivra le permis de construire
sous réserve des droits des tiers et renvoya les opposants à agir par la
voie judiciaire.

    D.- Par demande du 14 juin 1966, Louis Deillon et dame Bachmann
intentèrent à Yves Lüthy une action en rectification du registre
foncier. Ils conclurent à la réinscription de la servitude qui interdisait
de construire des murs dépassant la hauteur de 4 m 20, hauteur des toits
non comprise, servitude dont ils se prétendent titulaires et qui, à leur
avis, avait été radiée à tort en 1955 ou 1956. Les demandeurs conclurent en
outre à ce que le défendeur fût déclaré tenu de respecter cette servitude
dans son projet de construction et de ne pas élever les façades latérales
de son bâtiment à plus de 4 m 20 de hauteur, mesurée sous l'avant-toit.

    Le défendeur conclut au rejet de la demande.

    Le 14 novembre 1967, le Tribunal civil de l'arrondissement de la
Gruyère débouta les demandeurs. Il a considéré que l'interdiction stipulée
par Vincent Kolly dans le contrat de vente passé avec Alfred Maillard
était une servitude personnelle en faveur du vendeur, qui s'était éteinte
à la mort du bénéficiaire, et non une servitude foncière.

    E.- Les demandeurs appelèrent de ce jugement. Le 4 mars 1969, la Cour
d'appel du Tribunal cantonal fribourgeois rejeta derechef leur action. Ses
motifs sont en bref les suivants:

    Les inscriptions portées au feuillet de l'article 5 aa du registre
foncier sont de nature à induire en erreur sur la situation véritable. En
effet, la législation cantonale conférait à Alfred Maillard le droit de
bâtir à la limite (art. 214 ss. LACC) et de percer dans les murs mitoyens
des jours, soit des ouvertures destinées uniquement à l'aération ou à
l'éclairage d'un local, pourvu que ces jours soient pratiqués à plus de
2 m du plancher (art. 230 al. 1 LACC). La clause de l'acte de vente qui
autorisait à percer des jours à 2 m 50 du plancher n'était donc pas un
droit, mais une charge pour le propriétaire de la parcelle no 5 aa.

    La disposition qui interdisait d'élever des murs à plus de 4 m 20
de hauteur jusqu'à la naissance du toit ne peut être interprétée que
comme un contrat constitutif de servitude. Mais alors la servitude n'a
pas été inscrite valablement au registre foncier. En effet, l'inscription
portée au feuillet du fonds servant n'indique pas le fonds dominant, ni -
à supposer que la servitude fût personnelle - le bénéficiaire. Du reste,
s'il s'agissait d'une servitude foncière, l'inscription au feuillet du
fonds dominant, prescrite par l'art. 968 CC, ferait défaut. Il n'est
cependant pas nécessaire de décider si l'existence de la servitude devrait
être niée pour ce motif déjà.

    F.- Alors que Louis Deillon s'est accommodé de cet arrêt, dame Bachmann
a interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle persiste
dans les conclusions de sa demande.

    L'intimé Yves Lüthy conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- ... (Valeur litigieuse).

Erwägung 2

    2.- Dans sa réponse au recours, l'intimé a invoqué des arguments
juridiques qui ne sont pas discutés dans les motifs de l'arrêt attaqué,
mais que le Tribunal fédéral doit examiner en vertu de l'art. 63 al. 1 OJ.

    a) L'intimé soutient notamment que la recourante abuse manifestement
de son droit (art. 2 al. 2 CC) en demandant, par un procès ouvert en
1966, la réinscription d'une servitude à la radiation de laquelle elle
ne s'est pas opposée en 1955 et 1956 et qu'elle n'a pas revendiquée lors
de l'introduction du registre foncier fédéral en 1959.

    La partie qui conclut à la réinscription d'une servitude prétendument
radiée à tort exerce une action en rectification du registre foncier. Elle
invoque à l'appui de sa demande un droit réel qui n'est pas limité dans
le temps. En effet, le Code civil suisse ne connaît pas l'extinction des
servitudes par le non-usage ou la prescription extinctive (Versitzung). Le
propriétaire grevé ne saurait dès lors obtenir sa libération par la
simple expiration du temps; il ne peut pas se prévaloir de la prescription
libératoire du fonds servant (usucapio libertatis); l'art. 661 CC n'est
pas applicable par analogie (RO 62 II 135; dans le même sens, mais avec
d'autres motifs, LIVER, n. 196 ss. ad art. 734 et n. 213 ad art. 737
CC; cf. aussi Exposé des motifs, tome III, Droits réels, p. 112). Il
en résulte que l'action en rectification du registre foncier qui tend
à la réinscription d'une servitude radiée à tort n'est soumise à aucun
délai et peut être intentée aussi longtemps que le droit du demandeur
existe (HOMBERGER, n. 21 ad art. 975 CC). Assurément, le titulaire
d'un droit imprescriptible en soi peut en être déchu par le fait qu'il
s'est abstenu de l'exercer auparavant (RO 88 II 180, consid. 3; 79 II
313). Encore faut-il que son inaction fût dépourvue de motifs suffisants
et que l'autre partie en ait pu conclure que le bénéficiaire l'approuvait
dans son attitude qui ne respectait pas le droit en question. S'il en est
ainsi, l'autre partie a créé de bonne foi, par son attitude non contestée,
une valeur patrimoniale, dont l'abandon ne peut plus lui être imposé,
selon les règles de la loyauté en affaires (RO 85 II 129, consid. 9;
73 II 189, consid. 5; 69 II 60, consid. 5; 59 II 392, consid. 3).

    Ces conditions ne sont pas réalisées en l'espèce. Le fait que la
recourante a reconnu l'exactitude du feuillet ouvert à son immeuble lors de
l'introduction du registre foncier fédéral est sans importance. En effet,
la servitude n'avait jamais été inscrite à son chapitre dans le registre
cantonal et n'avait donc pas à être reportée dans le nouveau registre
(cf. art. 43 al. 3 Tit. fin. CC). Et l'arrêt attaqué ne constate pas que
le législateur fribourgeois ait usé de la faculté, prévue à l'art. 44
al. 2 Tit. fin. CC, de prévoir l'abolition complète, après sommation
publique et à partir d'une date déterminée, de tous les droits réels non
inscrits au registre foncier.

    Lors de la radiation de la servitude au chapitre du propriétaire
du fonds servant, en 1956, dame Bachmann n'avait aucune raison d'agir
immédiatement. D'une part, Alfred Lüthy n'a pas réalisé son projet
de transformer le bâtiment. D'autre part, son avocat avait écrit à la
recourante, le 3 août 1955, que selon les plans déposés les murs ne
dépasseraient pas 4 m 20 de hauteur. La seule modification qui devait
être apportée au bâtiment était l'attique projeté dans le toit. La cour
cantonale perd cette lettre de vue lorsqu'elle déclare que "le projet
prévoyait une surélévation considérable des murs et un agrandissement
important du bâtiment" et qu'en 1965, Yves Lüthy a repris les projets de
transformation que son père avait abandonnés en 1955. Cette constatation
repose sur une inadvertance manifeste, que la recourante relève à juste
titre et qui doit être rectifiée dans le sens indiqué plus haut (art. 63
al. 2 OJ).

    De surcroît, la procédure de radiation n'a pas été conduite
d'une manière qui échappe à toute critique. Il ne s'agissait pas d'une
rectification administrative au sens des art. 977 CC et 98 ORF visant à
redresser une inscription qui ne correspond pas aux pièces justificatives
par suite d'une inadvertance. La radiation requise par Alfred Lüthy ne
pouvait se fonder que sur l'art. 976 CC. Le requérant pouvait invoquer
comme motif le fait que le bénéficiaire de la servitude était décédé
ou que l'inscription avait perdu toute valeur juridique (cf. LIVER,
Die Löschung infolge Unterganges des dinglichen Rechtes, RNRF 1958 p.
324 s. ou tirage à part, p. 6 s.). C'est bien ainsi que son mandataire
a motivé la demande de radiation qu'il a adressée au conservateur du
registre foncier le 16 septembre 1955. Lorsque le conservateur a fait
savoir à dame Bachmann, le 25 janvier 1956, qu'il avait procédé à la
radiation, il a omis de lui signaler qu'en vertu de l'art. 976 al. 2 CC,
elle pouvait attaquer la radiation devant le juge. Comme la loi n'exige
pas le rappel de cette voie de droit, on peut se dispenser d'examiner la
portée de cette omission quant au délai d'ouverture d'action. De toute
manière, le fait qu'après avoir été avisé de la radiation, l'intéressé
s'abstient de la contester devant le juge ne peut pas réduire à néant un
droit réel qui subsiste en dépit de cette opération (arrêt non publié du
6 février 1964 dans la cause Hermann c. Lauber, p. 10 ss., consid. 3;
LIVER, loc.cit., p. 324 et 335 ss. ou tirage à part, p. 6 et 17 ss.). La
radiation selon l'art. 976 CC suppose que le droit réel se soit éteint
(ou - ce qui revient au même - qu'il n'ait jamais existé). Lorsque
cette condition n'est pas réalisée, la radiation est injustifiée; le
bénéficiaire du droit peut intenter l'action prévue à l'art. 975 CC,
qui n'est soumise à aucun délai. Le demandeur ne serait déchu de son
droit que si le propriétaire grevé avait tout simplement ignoré la
servitude et - en l'espèce - construit des murs plus élevés sans que les
personnes qui se prétendent au bénéfice de cette servitude s'y soient
opposées (cf. arrêt non publié du 23 février 1967 dans la cause Erni &
Co. c. Galletti). Mais dame Bachmann a formé opposition - sans succès
il est vrai - lors de la mise à l'enquête du projet de 1955. Du moment
que la transformation prévue n'a pas été exécutée, elle n'avait aucune
raison d'entreprendre d'autres démarches. Quant à la mise à l'enquête
du projet de 1965, sitôt son opposition écartée, la recourante a ouvert
action contre l'intimé devant le juge civil compétent.

    Il est certes possible qu'une servitude s'éteigne par la renonciation
du bénéficiaire. La volonté de celui-ci peut se manifester même par
des actes concluants (LIVER, n. 100 ad art. 734 CC). Ainsi, lorsque le
bénéficiaire n'exerce pas pendant un temps assez long le droit que lui
confère la servitude et ne réagit pas aux actes du propriétaire grevé
qui rendent cet exercice impossible. Mais rien de tel ne s'est produit
en l'espèce.

    b) L'intimé invoque aussi l'art. 28 du règlement du plan d'aménagement
de l'ancienne ville de Bulle, versé au dossier dans sa teneur du 2 août
1966. A son avis, ces dispositions prescrivent pour la parcelle litigieuse
la construction en ordre contigu et autorisent l'érection d'un bâtiment de
trois étages sur rez-de-chaussée. Or l'art. 31 du règlement d'exécution de
la loi fribourgeoise sur les constructions du 15 février 1965 dispose que
le vide d'étage (hauteur entre plancher et plafond) ne peut être inférieur
à 2 m 70 pour le rez-de-chaussée et 2 m 40 pour les autres niveaux.
L'intimé en déduit que la hauteur minimale pour une construction de
trois étages sur rez-de-chaussée serait de 9 m 90. Il estime que ces
prescriptions reposent sur l'art. 686 CC et qu'elles l'emportent sur
une restriction apportée au droit de bâtir par une convention de droit
privé. Il affirme que son projet respecte les normes du droit cantonal
et communal. Dès lors, la recourante ne saurait s'y opposer.

    Cette argumentation est erronée. Les règlements invoqués par
l'intimé ont été édictés en vertu de la loi fribourgeoise sur les
constructions du 15 mai 1962, qui règle notamment l'aménagement du
territoire, la protection des sites, ainsi que la sécurité, la salubrité
et l'esthétique des constructions (art. 1er). En particulier, les normes
concernant le vide d'étage figurent parmi les dispositions réglementaires
de salubrité. Edictées dans l'intérêt public, ces dispositions relèvent de
la police des constructions (cf. 1a réserve au sens impropre de l'art. 702
CC) et non pas des rapports de voisinage visés par la réserve que fait
l'art. 686 CC en faveur du droit privé cantonal. Or les dispositions du
droit public cantonal ne peuvent pas rendre sans effet les servitudes
constituées antérieurement selon les règles du droit privé fédéral et
inscrites au registre foncier en vertu d'un titre valable. Les servitudes
incompatibles avec les prescriptions du droit public cantonal - ou d'un
règlement communal fondé sur ces dispositions - bénéficient néanmoins de
la garantie constitutionnelle de la propriété; la collectivité publique
ne peut que les exproprier moyennant indemnité (art. 5 et 23 al. 1 LEx.;
art. 43 de la loi fribourgeoise sur les constructions du 15 mai 1962;
cf. aussi, au sujet du pouvoir reconnu au législateur cantonal, HAAB,
n. 6 ad art. 685 et 686 CC et n. 13 ad art. 702 CC; MEIER-HAYOZ, Berner
Kommentar, Das Eigentum, Systematischer Teil, n. 17 c et n. 210 d; HUBER,
n. 80 ss. ad art. 6 CC; RO 71 I 438, consid. 4).

Erwägung 3

    3.- Dans le registre foncier cantonal, la restriction au droit de
bâtir n'a été inscrite que comme charge au feuillet du fonds servant. Or
l'art. 968 CC dispose que les servitudes sont inscrites aux feuillets du
fonds dominant et du fonds servant. Contrairement aux assertions de la
recourante, le conservateur du registre foncier de l'arrondissement de
la Gruyère a observé, en 1921, la prescription de l'art. 968 CC. Cela
résulte de la double inscription opérée pour le droit d'établir des
jours. On pourrait dès lors se demander si, à supposer que les parties
au contrat aient voulu constituer une servitude, celle-ci n'était pas
une servitude personnelle.

    A cela s'ajoute que, selon l'ancienne doctrine, une servitude foncière
ne prend pas naissance s'il manque l'inscription au feuillet du fonds
dominant (LEEMANN, n. 20 ad art. 731 CC; HOMBERGER, n. 1 ad art. 968 CC;
WIELAND, ad art. 968 CC; TUOR/DESCHENAUX, Le Code civil suisse, 2e éd., p.
547; du même avis - contrairement à ce qu'écrivent HOMBERGER, loc.cit.,
et LIVER, n. 48 ad art. 731 CC - OSTERTAG, n. 1 et 2 ad art. 968 CC, avec
renvoi à la n. 7 ad art. 942 CC, lequel ne par le d'une mention au feuillet
du fonds dominant que pour le droit à une charge foncière selon l'art. 782
al. 2 CC, conformément à ce que prescrit l'art. 39 ORF). Il est vrai que
LIVER, n. 55 ad art. 731 CC, suivi par TUOR/SCHNYDER, Das schweizerische
Zivilgesetzbuch, 8e éd., p. 564, s'écarte de cette opinion et dénie toute
portée constitutive à l'inscription au feuillet du fonds dominant.

    Les questions évoquées peuvent cependant demeurer indécises. En effet,
le sort du recours sera tranché par d'autres motifs.

Erwägung 4

    4.- Selon l'art. 965 CC, une inscription ne peut être opérée au
registre foncier que si le requérant justifie de son droit de disposition
et du titre juridique sur lequel il se fonde. Les inscriptions obtenues
sans titre juridique valable sont faites indûment au sens de l'art. 974
al. 2 CC. Celui qui est lésé dans ses droits réels par une telle
inscription peut en exiger la radiation, à moins que les droits acquis par
un tiers de bonne foi ne s'y opposent (art. 975 CC). La première question
à résoudre est donc celle du titre en vertu duquel la restriction au droit
de bâtir a été inscrite comme charge au feuillet du fonds servant no 5
aa. En d'autres termes, il faut examiner si les parties au contrat de
vente du 21 janvier 1921 ont conclu un contrat de servitude conforme aux
prescriptions des art. 730 et 732 CC. Cela suppose que le fonds servant et
le fonds dominant - ou le bénéficiaire en cas de servitude personnelle -
soient déterminés ou du moins déterminables. L'acte doit exprimer aussi
la volonté des parties de constituer un droit réel (cf. LIVER, n. 16
ss. ad art. 732 CC). En particulier, aucun doute ne doit subsister quant
à la volonté des parties de grever le fonds servant d'une charge réelle
(LIVER, loc.cit., n. 32 et 33).

    En l'espèce, le Tribunal cantonal a essayé d'établir la volonté
des parties contractantes sur ces points essentiels. Mais sa tentative
a échoué, parce qu'il ne disposait pas d'autres éléments probants que
le texte du contrat. Malgré cela, les juges fribourgeois ont estimé que
l'engagement pris par l'acquéreur Maillard dans le contrat de vente du 21
janvier 1921 ne pouvait être considéré que comme un contrat constitutif
de servitude. Mais ils n'ont pas constaté en fait quelle était la volonté
commune des parties au contrat. L'interprétation de la clause litigieuse
de l'acte de vente est donc une question de droit, que le Tribunal fédéral
peut revoir librement (RO 92 II 347, consid. 1c, 91 II 99, consid. 3,
89 II 130 et - en ce qui concerne plus particulièrement les contrats de
servitude - RO 88 II 504).

    Cet examen ne permet cependant pas de dire si les contractants ont
voulu constituer une servitude foncière ou une servitude personnelle
irrégulière, ou encore souscrire uniquement des engagements personnels
qui auraient le même contenu qu'une servitude. A l'encontre de la volonté
de constituer une servitude foncière, on doit relever d'emblée que les
parties n'ont pas désigné un fonds dominant, tandis qu'elles l'ont fait
pour le droit d'établir des jours en désignant expressément comme fonds
servant la parcelle no 5 ac et comme fonds dominant la parcelle no 5 aa,
bien que le rapport fût inverse, pour les raisons indiquées par la cour
cantonale. En outre, la clause de l'acte de vente relative à la hauteur
maximale des murs ne renferme aucune proposition dont on pourrait conclure
que les parties contractantes voulaient constituer un droit réel qui grève
la parcelle no 5 aa. Enfin, la clause relative aux murs à construire et
aux ouvertures qui pourraient y être pratiquées sous la forme de jours
est rédigée de telle façon que des doutes subsistent sur la volonté réelle
des parties. Alfred Maillard tenait de la loi le droit de construire à la
limite de son fonds et de percer des jours dans ses murs. L'engagement de
ménager ces jours à 2 m 50 du plancher, alors que la hauteur exigée par
la loi n'était que de 2 m, constituait - s'il s'agissait d'une servitude
- une charge et non un droit pour la parcelle no 5 aa. De plus, il est
frappant que le contrat passé cinq minutes plus tard entre Vincent Kolly
et Jules Deillon ne souffle mot des engagements pris par Alfred Maillard
envers son voisin.

    En dépit de ces incohérences, il est permis de penser que les parties
contractantes n'ont pu raisonnablement vouloir autre chose que constituer
un droit réel. Sans doute est-ce pour ce motif que la juridiction cantonale
a considéré la clause litigieuse comme un contrat constitutif de servitude.
Mais l'argument n'est pas irréfutable. Il est tout aussi possible
que Vincent Kolly n'ait voulu s'assurer qu'une servitude personnelle
ou qu'Alfred Maillard n'ait pas voulu s'obliger à constituer un droit
réel. L'inscription au registre foncier - dont on ignore par qui elle a
été requise - ne par le pas nécessairement contre l'hypothèse d'un contrat
générateur d'obligations personnelles. Et cette hypothèse est étayée d'un
indice tiré du fait que la charge relative au droit d'établir des jours
n'a pas été constituée également en faveur de la parcelle no 5 ab, que
Vincent Kolly a vendue le même jour à Jules Deillon, ni selon l'acte de
vente, ni selon l'inscription opérée au registre foncier. En présence d'un
pareil doute, la servitude invoquée par la recourante n'est pas prouvée
et le juge doit s'en tenir à la présomption selon laquelle la propriété
de l'intimé est libre de charges (cf. LIVER, n. 38 ad art. 732 CC).

    A défaut d'un titre juridique valable, le conservateur du registre
foncier n'aurait pas dû inscrire une servitude, en 1921, avant que
les parties aient exprimé sans équivoque leur volonté de constituer un
droit réel. L'inscription de la restriction au droit de bâtir a donc été
faite indûment, au sens de l'art. 974 al. 2 CC. Et comme l'inscription au
registre foncier ne permet pas de déterminer la personne du bénéficiaire ni
le fonds dominant, le propriétaire de la parcelle no 5 aa n'était pas en
mesure d'intenter une action en rectification du registre foncier fondée
sur l'art. 975 CC. La voie à suivre était bien celle de la radiation
selon l'art. 976 CC. Aussi l'arrêt attaqué doit-il être approuvé dans sa
conclusion, mais non dans ses motifs.

Erwägung 5

    5.- La recourante ne saurait se prévaloir de la prescription
acquisitive ordinaire. En dépit des termes peu clairs de l'art. 731 al. 3
CC, ce mode d'acquisition est applicable aux servitudes foncières (RO 52
II 120, consid. 2; LIVER, n. 136 ad art. 731 CC). Lorsque l'objet de la
servitude consiste uniquement dans l'obligation pour le propriétaire du
fonds servant de s'abstenir de certaines facultés, inhérentes à son droit
de propriété, la possession consiste dans l'exercice effectif du droit
(art. 919 al. 2 CC; cf. RO 94 II 351, consid. 1). Point n'est besoin de
juger si la possession ainsi définie résulte simplement de l'abstention du
propriétaire du fonds servant, ou s'il faut encore que le propriétaire du
fonds dominant lui ait fait défense d'user sur sa propriété des facultés
que la servitude a pour but d'empêcher (dans ce sens RO 52 II 122 s.,
consid. 4; opinion contraire chez LIVER, n. 137 ad art. 731 CC). De même,
il est superflu d'examiner si l'inscription au registre foncier tiendrait
lieu d'une défense formelle et pourrait suffire à faire courir le délai
de prescription (question non résolue dans l'arrêt précité). En effet,
bien que la servitude ait été inscrite au registre foncier pendant plus
de dix ans sans être contestée et que la recourante ait été de bonne foi,
la prescription acquisitive est exclue parce que l'inscription ne désignait
pas la parcelle no 5 ac comme fonds dominant.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme l'arrêt rendu le 4 mars 1969 par la
Cour d'appel du Tribunal cantonal fribourgeois.