Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 344



95 II 344

47. Arrêt de la Ire Cour civile du 14 octobre 1969 dans la cause Hodel
contre Schneiter et La Neuchâteloise, ainsi que Jaques et l'Assurance
mutuelle vaudoise contre les accidents. Regeste

    Haftpflicht bei Unfall, an dem mehrere Motorfahrzeughalter beteiligt
sind. Art. 58 ff. SVG.

    1.  Im Gegensatz zu Art. 38 MFG, der sich nur auf den Fall der
Beteiligung mehrerer Halter an einem Unfall bezog, erfasst Art. 60
Abs. 1 SVG alle mit der Haftung eines Halters zusammentreffenden Fälle
von Kausalhaftung und schafft keine vom gemeinen Recht abweichende
Sonderregelung in dem Sinne, dass ohne Möglichkeit einer Entlastung auf den
natürlichen Kausalzusammenhang zwischen der Betriebsgefahr des Fahrzeugs
und dem Schaden abzustellen wäre. Art. 60 Abs. 1 SVG beschränkt sich
auf die Regelung der Natur der Haftung, indem er an Stelle der blossen
Anspruchskonkurrenz, die sich nach dem gemeinen Recht ergäbe, eine
Solidarhaft vorsieht (Erw. I 1-5).

    2.  Sind mehrere Halter an einem Unfall beteiligt, so muss
Art. 59 Abs. 1 SVG in dem Sinne ausgelegt werden, dass das schwere und
ausschliessliche Verschulden des einen Halters den schuldlosen Halter
von jeder Haftung befreit (Erw. I 6 u. 7).

    3.  Schweres Verschulden des Lenkers, der in angetrunkenem Zustand
nachts mit abgenutzten Reifen mit einer Geschwindigkeit von über 100 km/St
fährt und am Beginn einer wegen einer Hecke unübersichtlichen Kurve ein
anderes Fahrzeug überholt (Erw. II).

    4.  Schuldlosigkeit des Lenkers, der nachts auf einer 9 m breiten
Strasse nicht am äussersten rechten Fahrbahnrand fährt und nicht damit
rechnen muss, in einer Kurve überholt zu werden (Erw. III).

Sachverhalt

    A.- Le 12 novembre 1961, un accident de la circulation s'est
produit vers 1 h. 45 du matin sur la route Lausanne-Renens, au lieu dit
Sous-Roche. Jean-Daniel Schneiter conduisait son véhicule, circulant
en direction de Renens. Dame Gertrude Hodel avait pris place à ses
côtés. La voiture de Schneiter était suivie par celle de Hans Hodel,
mari de Gertrude Hodel. Hodel conduisait, ayant la femme de Schneiter et
deux autres passagers dans sa voiture.

    A l'endroit de l'accident, la route, large de 9 m, était alors bordée à
droite par un trottoir, à gauche par une voie de tramways non carrossable.
Elle décrit une courbe à droite. Une haie, haute de 2 m., est plantée
à l'intérieur de la courbe, à 3 m. 20 de la chaussée et restreint la
visibilité. Une rangée de lampadaires est disposée à l'extérieur de la
voie de tramways.

    Avant la courbe, Schneiter, qui circulait à 80-90 km/h., fut rejoint
par Hodel, dont la vitesse était supérieure à 100 km/h. A l'entrée
du virage, Hodel entreprit de dépasser, ce dont dame Hodel avertit
Schneiter. Pour cela, il emprunta, dans le virage, la partie gauche de la
chaussée et, alors qu'il était à peu près à la hauteur de Schneiter, il
entra en collision frontale avec une voiture circulant en sens inverse,
conduite par André Jaques. Sous l'effet du choc, sa voiture heurta la
voiture de Schneiter. Hodel fut tué et dame Hodel, éjectée de la voiture
Schneiter, grièvement blessée.

    Lors de l'accident, Hodel était pris de boisson. Une analyse de sang a
révélé une alcoolémie de 1,05 gé. Lors du dépassement, Schneiter circulait
sur la partie droite de la chaussée, soit à 2 m. 50 du bord droit de la
chaussée et à 0 m. 50 à droite de la ligne médiane idéale.

    B.- Par demande du 24 avril 1964, dame Gertrude Hodel a
assigné Schneiter et son assureur contre la responsabilité civile, La
Neuchâteloise, en paiement d'une indemnité de 226 000 fr. en principal. Les
défendeurs ont conclu à libération. Ils ont appelé en cause et évoqué
en garantie Jaques et son assureur contre la responsabilité civile,
l'Assurance mutuelle vaudoise, aux fins d'être relevés par les appelés
de toute somme qu'ils pourraient être condamnés à payer à la demanderesse.

    Selon jugement du 27 mai 1969, la Cour civile du canton de Vaud a
rejeté la demande, pour le motif que l'accident était dû à la faute grave
et exclusive de Hodel, ce qui entraînait la libération du défendeur.

    Dame Hodel a formé contre ce jugement un recours en réforme dans lequel
elle réduit sa prétention à 64 000 fr. Les défendeurs ont de leur côté
formé un recours en réforme à titre éventuel, dirigé contre les appelés
en cause et évoqués en garantie. Ils ont conclu au rejet du recours de
la demanderesse.

    Les appelés en cause et évoqués en garantie ont conclu au rejet du
recours formé contre eux par les défendeurs et déclaré s'en remettre à
justice quant au recours de la demanderesse.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    I

Erwägung 1

    1.- L'accident s'étant produit le 12 novembre 1961, la LCR est
applicable à la responsabilité civile, tandis que les règles de
circulation, au regard desquelles doivent être appréciées les fautes
respectives, sont régies par la LA.

Erwägung 2

    2.- Le présent recours pose une question de principe, que la cour
cantonale a tranchée sans aucune discussion et que la recourante ne
remet pas en cause, savoir si, contrairement à la pratique adoptée sous
l'empire de la LA, un détenteur peut s'exonérer de toute responsabilité
en invoquant la faute lourde et exclusive d'un autre détenteur.

    Interprétant l'art. 38 LA, le Tribunal fédéral, en jurisprudence
constante, a vu dans cette règle le fondement autonome d'une responsabilité
solidaire purement causale. Le détenteur ne peut dès lors invoquer
l'exonération instituée à l'art. 37 al. 2 LA, le détenteur d'un autre
véhicule automobile qui a contribué à provoquer le dommage n'étant pas
un tiers au sens de cette disposition (RO 62 II 309/310; 63 II 344; 86 II
190; arrêt Hirschberg c. Blanc, non publié en ce qui nous intéresse ici,
du 20 février 1960). S'inspirant de STREBEL, Kommentar, n. 2 ad art. 38,
cette pratique est critiquée par OFTINGER, Haftpflichtrecht, 1e éd., p.
958/9, 2e éd., p. 672 ss., et par G. GAROBBIO, RSJ 1961, p. 101.

    La question est de savoir si cette jurisprudence peut être maintenue
sous l'empire de la LCR.

Erwägung 3

    3.- Le projet du Conseil fédéral opte pour la libération du détenteur
non fautif en cas de faute grave d'un autre détenteur. Le texte de
l'art. 55 al. 1 du projet est clair:

    "Lorsqu'un accident est provoqué par plusieurs véhicules automobiles,
les détenteurs tenus de réparer le dommage en vertu de l'art. 54 sont
solidairement responsables envers le tiers lésé."

    Selon ce texte, la condition de la responsabilité solidaire est ainsi
une responsabilité, fondée sur l'art. 54 du projet, qui correspond à
l'art. 59 de la loi. Qu'aux termes de cette disposition un autre détenteur
dont le véhicule a contribué à provoquer l'accident soit un "tiers"
résulte de façon évidente du Message du Conseil fédéral: "un détenteur
libéré en vertu de l'art. 54, 2e alinéa, ne peut donc faire l'objet
de prétentions fondées sur l'art. 55, 1er alinéa" (FF 1955 II p. 53)
et plus haut, page 47, le Message donne l'exemple suivant d'exonération
de la responsabilité du détenteur: "en cas de faute exclusive d'un tiers
(un automobiliste circulant d'une manière correcte est entraîné dans un
accident par la faute grave d'un autre automobiliste, qui par exemple le
dépasse imprudemment)".

    Toutefois cette intention, si elle ressort clairement du projet,
n'a pas trouvé son expression non équivoque dans le texte légal, qui ne
diffère pas essentiellement de celui de l'art. 38 LA. Sans doute, lors des
débats parlementaires, les rapporteurs des deux chambres ont-ils souligné
que les modifications apportées au texte du projet par la commission du
Conseil national ne touchaient pas au principe contenu dans le texte du
projet et n'avaient qu'une portée rédactionnelle (voir GUINAND pour le
Conseil national, Bull. stén. CN 1957 p. 230/231; MULLER pour le Conseil
des Etats, Bull. stén. CE 1958 p. 121). Il n'en demeure pas moins que
l'intention nettement affirmée du projet du Conseil fédéral, et que le
législateur paraît avoir voulu faire sienne, n'a pas trouvé son expression
claire dans le texte légal, dont le sens doit dès lors être dégagé par
voie d'interprétation. Ainsi le professeur YUNG estime que le texte
nouveau ne tranche pas la controverse, tout en semblant moins favorable
à la thèse de la jurisprudence (La responsabilité civile d'après la loi
sur la circulation routière, Genève 1962, p. 13 s. et 18).

Erwägung 4

    4.- Aux termes de l'art. 60 al. 1 LCR, "lorsque plusieurs personnes
répondent d'un dommage subi par un tiers dans un accident où est en cause
un véhicule automobile, ces personnes sont solidairement responsables".

    La condition de la solidarité est ainsi que "plusieurs personnes
répondent d'un dommage", c'est-à-dire qu'une responsabilité est établie
à la charge de chacune d'elles. Or cette responsabilité, l'art. 60 n'en
indique pas le fondement, il la suppose établie et elle ne peut l'être
qu'en vertu des règles fondant la responsabilité - une responsabilité
causale au vu de l'al. 3 - pour chacune des personnes impliquées
dans l'accident. Il faudra donc se référer aux dispositions légales
instituant la responsabilité soit des entreprises de chemins de fer,
soit du détenteur d'animaux, soit du propriétaire d'ouvrage, soit enfin
du détenteur d'un véhicule automobile, selon que les autres personnes
impliquées le sont respectivement à l'un de ces titres. Cela conduit,
lorsque plusieurs détenteurs sont en cause, à se référer aux art. 58 et 59
LCR (RO 95 II 337). Ainsi l'art 60 n'est pas une règle autonome instituant
une responsabilité aggravée en cas d'accident où plusieurs véhicules
sont en cause. Il se borne à régler la modalité de cette responsabilité,
instituant une solidarité au lieu du simple concours d'actions qu'implique
le droit commun.

    Sous l'empire de la LA, la jurisprudence interprétait au contraire
l'art. 38 comme instituant une responsabilité solidaire fondée sans
exonération possible sur la causalité naturelle entre le risque inhérent
à l'emploi du véhicule et le dommage. Une solution différente était
contraire, selon cette pratique, au principe de la pure causalité,
fondement de la responsabilité du détenteur.

Erwägung 5

    5.- Cette thèse était soutenable sous l'empire de l'art. 38 LA, qui
ne visait que l'hypothèse où plusieurs détenteurs - et personne d'autre -
étaient impliqués. On pouvait alors voir dans l'art. 38 LA l'institution
d'une responsabilité solidaire reposant sans exonération possible sur la
pure causalité naturelle.

    Toutefois, comme le relève OFTINGER, op.cit., 2e éd., p. 674,
l'art. 60 al. 1 LCR - fondant dans un même alinéa les alinéas 1 et 3
du projet - ne vise pas seulement cette hypothèse. Il s'étend à tous
les cas de pluralité de responsabilités causales en concours avec
la responsabilité d'un détenteur. Or il est évident que s'agissant,
par exemple, de la responsabilité d'un détenteur d'animal, du chef de
famille, d'un propriétaire d'ouvrage - état de la route - l'art. 60 al. 1
n'entend pas créer un régime spécial, fondé sans exonération possible
sur la causalité naturelle, dérogeant au droit commun. Il suppose au
contraire que la responsabilité respective de chacune de ces catégories
de personnes est établie, au vu des règles propres à chacune d'elles,
avec les exculpations instituées par la loi. Or l'art. 60 ne fait
aucune différence entre les responsabilités. Il ne prévoit pas un régime
exceptionnel pour le détenteur d'un véhicule automobile. On peut dès lors
affirmer, avec OFTINGER (loc. cit.), que le nouveau texte ne permet plus
de fonder la responsabilité sur le seul art. 60 al. 1. Cette disposition
ne s'applique que si, selon les règles propres à chaque catégorie de
personnes impliquées, leur responsabilité est établie. Il faut donc,
s'agissant de plusieurs détenteurs, se reporter aux art. 58 et 59 LCR.

Erwägung 6

    6.- Selon l'art. 59 al. 1 LCR, le détenteur est libéré s'il prouve
que le dommage a été causé par la force majeure ou par une faute grave
du lésé ou d'un tiers sans que lui-même ait commis de faute.

    La jurisprudence a posé que, selon la règle identique de l'art. 37
al. 2 LA, le détenteur d'un véhicule automobile qui a contribué à provoquer
le dommage n'est pas un tiers. Cette proposition est le corollaire de
l'interprétation qui était alors donnée de l'art. 38 LA. Elle n'est pas
nécessairement incompatible avec l'interprétation proposée ci-dessus
de l'art. 60 LCR. On peut en effet relever que l'art. 59 LCR, tout
comme l'art. 37 LA, concerne le cas où le seul détenteur est impliqué,
les autres cas étant régis par l'art. 60 LCR, respectivement 38 LA. Aussi
bien le "tiers" visé par cette disposition ne peut-il pas être un autre
détenteur. On ne saurait toutefois s'arrêter à un tel argument, purement
exégétique. Si l'on admet que l'art. 60 LCR renvoie, quant aux conditions
de la responsabilité, aux règles qui fondent cette responsabilité,
ces règles doivent être comprises comme ayant une portée générale. Les
art. 58, 59 LCR visent "le détenteur" abstrait, non pas nécessairement
le détenteur unique.

    L'art. 59 al. 1 LCR s'insère dans un système de responsabilité causale:
la responsabilité du détenteur est engagée du seul fait que l'emploi du
véhicule est en relation de causalité avec le dommage. C'est le principe
posé par l'art. 58 al. 1 LCR. Ce lien de causalité doit être adéquat:
ce n'est qu'autant que, selon le cours ordinaire des choses, l'emploi
du véhicule était de nature à causer le dommage que la responsabilité du
détenteur est engagée (RO 81 II 557; 83 II 409; OFTINGER, op.cit., II/2,
2e éd., p. 521).

    L'art. 59 al. 1 LCR ne fait qu'appliquer ce principe de la causalité
adéquate lorsqu'il exclut la responsabilité du détenteur en cas de force
majeure ou de faute lourde et exclusive du lésé ou d'un tiers. Il suppose
une circonstance, non imputable au détenteur, telle que la relation de
causalité entre l'emploi du véhicule et le dommage n'est plus adéquate. Le
dommage résulte directement d'un concours de circonstances dont l'une,
la force majeure, la faute lourde et exclusive du lésé ou d'un tiers,
apparaît à tel point prépondérante que les autres causes ne peuvent plus
être considérées comme des causes adéquates du dommage (P. GIOVANNONI,
La causalité dans la responsabilité civile extracontractuelle, RJB 1962,
p. 276).

    On ne voit dès lors pas ce qui autoriserait une distinction selon
que le tiers dont la faute lourde et exclusive a causé le dommage est
un détenteur ou une autre personne. Les raisons sur lesquelles est fondé
l'art. 59 al. 1 LCR valent également dans ce cas. Et il n'y a pas de raison
de ne pas exonérer le détenteur diligent, innocent, lorsque, par suite du
comportement insensé d'un autre détenteur, il se trouve impliqué dans des
circonstances telles que la relation de causalité entre son comportement
et le dommage apparaît n'être plus adéquate.

Erwägung 7

    7.- La solution reçue par la jurisprudence ne saurait d'autre part
être justifiée par des raisons d'équité. Du point de vue des détenteurs,
il n'est pas équitable de rendre responsable un conducteur impliqué dans
un accident sans sa faute, par suite d'une faute d'un autre détenteur,
faute d'une gravité telle que le risque inhérent à son propre véhicule
n'entre plus en considération. Quant au lésé, le maintien de la solidarité
ne présente pour lui un intérêt pratique que lorsqu'il rentre dans la
catégorie des personnes exclues de l'assurance aux termes de l'art. 63
al. 3 litt. a et b LCR. Mais en les excluant de l'assurance obligatoire,
la loi considère que les relations les liant au conducteur ou au détenteur
fautif sont telles, s'agissant des proches notamment, que la responsabilité
n'est pas invoquée. Le corollaire ne saurait être que le tiers détenteur,
innocent par hypothèse, doive y suppléer.

    Sans doute, la jurisprudence a fait valoir qu'il n'appartient
pas au lésé de démêler entre les torts respectifs de deux conducteurs
impliqués dans l'accident dont il est victime. Cet argument n'est pas
sans valeur. C'est cette considération qui est à la base de l'art. 60
al. 1 LCR. Toutefois les conditions posées par l'art. 59 al. 1 LCR sont
strictes. Dans tous les accidents d'une certaine gravité, les constats
de police permettent au lésé d'apprécier en gros les responsabilités
respectives et lorsqu'une faute manifeste apparaît à la charge d'un
détenteur et que la faute de l'autre sera discutable, le lésé ne perdra
rien en agissant contre le premier seulement. L'incertitude dans laquelle
il peut se trouver sera exceptionnelle. Et d'ailleurs, à ce point de vue
également, une différence ne se justifie pas selon que le tiers est un
autre détenteur ou une personne répondant à un autre titre.

    En conclusion, l'art. 59 al. 1 LCR doit être interprété en ce sens que
la faute lourde et exclusive d'un détenteur exonère de toute responsabilité
le détenteur non fautif.

    II

    La cour cantonale constate que, lors de l'accident, Hodel était
pris de boisson et que cette circonstance ajoué un rôle important dans
le comportement de ce conducteur. Il est de plus constant que les pneus
des roues gauches de sa voiture présentaient une usure que l'on peut
qualifier de totale, circonstance qui exerçait une influence sur la tenue
de route. Hodel a entrepris un dépassement à l'entrée d'une courbe, sa
visibilité étant masquée par une haie l'empêchant de voir à temps les
véhicules arrivant en sens inverse. Enfin sa vitesse, supérieure à 100
km/h., dans ce virage pris au large, compte tenu du dévers de la route
et de l'état des pneus, était excessive.

    C'est en vain que la recourante prétend discuter ces constatations,
qui ressortissent au fait. Il n'y a aucun doute que la cour cantonale
a qualifié avec raison de "très lourdes" l'ensemble des fautes commises
par Hodel.

    III

    Reste à examiner si le défendeur Schneiter a établi n'avoir commis
aucune faute.

    La cour cantonale constate que, lors du choc, la voiture du défendeur
circulait sur la partie droite de la chaussée, à environ 2 m. 50 du bord
droit et à environ 0 m. 50 à droite de la ligne médiane idéale.

    Selon une jurisprudence bien établie, le conducteur n'est pas tenu
de circuler toujours à l'extrême droite. Notamment de nuit, il est
normal et prudent de ne pas circuler à l'extrême droite, afin d'éviter
d'autres usagers, piétons ou cyclistes, ou un obstacle pouvant surgir
de l'obscurité (RO 77 II 258; 87 IV 23). L'art. 7 al. 2 OCR, loin de
constituer une innovation, ne fait que consacrer une règle de prudence
naturelle, valable déjà sous l'empire de la LA.

    En l'espèce, la distance de 2 m. 50 peut paraître considérable, comme
l'admet d'ailleurs la cour cantonale, ce d'autant plus que l'existence
d'un trottoir et l'éclairage de la chaussée atténuaient les risques
de la circulation nocturne. Cependant, Schneiter circulait sur la
partie droite de la route. Il ne pouvait dans un tournant s'attendre
à être dépassé. La position qu'il occupait lui permettait de croiser
sans difficulté un véhicule même ne tenant pas l'extrême droite. Son
comportement le prémunissait contre les dangers avec lesquels il devait
compter: le croisement et la présence d'un usager ou d'un obstacle sur
le bord droit de la route. Ce comportement était normal et ne saurait
être qualifié en soi de fautif.

    Le comportement du défendeur devrait être apprécié différemment s'il
s'était rendu compte ou aurait dû se rendre compte suffisamment tôt du
dépassement de Hodel. Il aurait dû alors, en vertu de l'art. 26 al. 4
LA, faciliter le dépassement. Mais la cour cantonale constate que Hodel,
dont il n'est pas établi qu'il ait averti de son intention, a entrepris
son dépassement à l'entrée du virage, alors que le défendeur, déjà engagé
dans le virage, ne pouvait plus modifier sa trajectoire sans risquer un
dérapage. Dame Hodel a bien averti Schneiter du dépassement, mais alors
que celui-ci était entrepris et que Schneiter était déjà engagé dans le
virage. Il est ainsi établi que le défendeur a constaté la manoeuvre
de Hodel trop tard pour pouvoir tenter d'en atténuer le risque. Quant
à lui faire grief de n'avoir pas prévu cette manoeuvre, il n'en saurait
être question en raison du caractère insensé de ce dépassement qu'aucun
avertissement, qu'aucune manoeuvre antérieure de Hodel ne permettait
de prévoir selon les faits retenus par la cour cantonale. Le défendeur
s'est trouvé placé subitement dans une position dangereuse imprévue
et imprévisible.

    La faute de Hodel est d'une gravité telle qu'elle constitue non
seulement la cause initiale et primordiale de l'accident, mais une cause
à tel point prépondérante que le comportement du défendeur et le risque
inhérent à l'emploi de son véhicule passent tout à fait à l'arrière-plan
et n'apparaissent plus en relation de causalité adéquate avec le dommage.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Rejette le recours de la demanderesse et confirme le jugement
rendu le 27 mai 1969 par la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois;

    2. Déclare le recours des défendeurs sans objet.