Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 I 513



93 I 513

64. Arrêt du 20 septembre 1967 dans la cause Union technique suisse et
consorts contre Grand Conseil du canton de Vaud. Regeste

    Beruf des Architekten; Art. 31 und 33 BV, 2 Ueb.Best.BV.

    1.  Legitimation zur staatsrechtlichen Beschwerde gegen die Bestimmung
eines Erlasses, welche Dritte begünstigt: Erfordernis des besonderen
Interesses (Erw. 2 b).

    2.  Derogatorische Kraft des Bundesrechts (Erw. 3).

    3.  Wissenschaftliche Berufe:

    a)  Der Beruf des Architekten ist ein wissenschaftlicher Beruf im
Sinne des Art. 33 BV (Erw. 4 a);

    b)  Ausweis der Befähigung: die Kantone dürfen nur Anforderungen
aufstellen, die einen polizeilichen Zweck verfolgen (Erw 4b).

Sachverhalt

    A.- Le 13 décembre 1966, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté
une loi sur la profession d'architecte, dont les trois premiers articles
ont la teneur suivante:

    "Article premier. - La qualité d'architecte est reconnue par le
Conseil d'Etat:

    1. aux porteurs du diplôme de l'Ecole polytechnique de l'Université
de Lausanne, du diplôme de l'Ecole polytechnique fédérale ou de l'Ecole
d'architecture de l'Université de Genève, ainsi que de diplômes suisses
ou étrangers estimés équivalents;

    2. aux porteurs du diplôme des écoles techniques supérieures (ETS)
ayant subi avec succès les épreuves instituées par le règlement cantonal
et portant sur les disciplines où leur capacité n'est pas attestée par
leur diplôme;

    3. aux personnes non porteuses des diplômes mentionnés sous chiffres
1 et 2 mais ayant subi avec succès les épreuves de capacité instituées
par le règlement cantonal.

    Art. 2 - Une personne notoirement qualifiée peut être assimilée à un
architecte, au sens de la présente loi, pour une construction déterminée.

    Art. 3. - Pour être autorisé à exercer sa profession dans le canton de
Vaud, l'architecte doit être inscrit au Registre des architectes reconnus
par l'Etat. Le registre est dressé par le Département des travaux publics
qui le tient à jour. Ce registre est public.

    Les conditions de l'inscription au registre sont les suivantes:

    a) avoir un domicile professionnel dans le canton de Vaud;

    b) n'avoir encouru aucune condamnation à raison de faits contraires
à la probité et à l'honneur;

    c) satisfaire aux exigences de l'article premier de la présente
loi. Sera radié du registre celui qui ne réalise plus les conditions
énumérées ci-dessus. La radiation est prononcée par le Conseil d'Etat."

    L'art. 27 charge le Conseil d'Etat de régler les dispositions
d'application de la loi.

    B.- Un projet de règlement d'application, portant la date du 19
décembre 1966, a été préparé par le Département des travaux publics et
communiqué aux associations professionnelles intéressées. Les art. 2 à 16
fixent les conditions de l'examen d'architecte prévu à l'art. 1er ch. 2
de la loi. Seules sont admises à cet examen les personnes âgées de 25 ans
révolus, domiciliées dans le canton de Vaud depuis une année au moins ou
d'origine vaudoise, qui ont obtenu d'une école technique supérieure un
diplôme de fin d'études dans le domaine du bâtiment (art. 3). Les épreuves
orales portent obligatoirement sur: 1) l'histoire de l'architecture,
l'analyse critique de bâtiments historiques et de bâtiments modernes; 2) la
police des constructions et le droit usuel. Elles peuvent s'étendre aussi,
suivant le diplôme dont le candidat est porteur: 1) à la connaissance de
la construction et à la direction des travaux; 2) à la connaissance des
matériaux; 3) à la statique du bâtiment et à la résistance des matériaux
(art. 6 et 9). Les épreuves pratiques consistent dans l'établissement d'un
avant-projet de construction (art. 12). La qualité d'architecte n'est
reconnue qu'à celui qui obtient au minimum la note moyenne de 6 sur 10
aux épreuves orales (art. 10) et le même résultat aux épreuves pratiques
(art. 13).

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, l'Union technique
suisse, ses sections de Lausanne et de Vevey, le Groupe vaudois de
l'Association des anciens élèves du Technicum de Genève, ainsi que six
architectes-techniciens ETS, requièrent le Tribunal fédéral d'annuler:
1) la dernière partie de l'art. 1er ch. 2 de la loi du 13 décembre 1966,
à savoir les mots "ayant subi avec succès les épreuves instituées par le
règlement cantonal et portant sur les disciplines où leur capacité n'est
pas attestée par leur diplôme"; 2) l'art. 2 de cette loi; 3) le Titre II,
soit les art. 2 à 17, de son règlement d'application. Ils invoquent la
violation des art. 2 Disp. trans. Cst., 4 et 31 Cst.

    Les recourants allèguent notamment que l'art. 1er al. 2 de la loi
cantonale est en contradiction avec les art. 45 et 46 de la loi fédérale
du 20 septembre 1963 sur la formation professionnelle et viole dès lors
le principe de la force dérogatoire du droit fédéral; que la disposition
incriminée (art. 1er al. 2), adoptée par 67 voix contre 63, doit être
examinée au regard du projet de règlement préparé par le Département des
travaux publics et que ce projet dépasse le cadre de la loi; que les autres
cantons suisses, à part Neuchâtel, n'ont pas jugé nécessaire de prévoir
un examen pour les architectes-techniciens ETS; que la réglementation de
la profession d'architecte par le législateur vaudois viole le principe
de la proportionnalité des mesures de police et qu'elle constitue une
inégalité de traitement par rapport aux universitaires.

    D.- Le Conseil d'Etat vaudois conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les recourants demandent l'annulation non seulement de certaines
dispositions de la loi votée par le Grand Conseil le 13 décembre
1966, mais également des art. 2 à 17 du règlement d'application. Or le
règlement incriminé n'existe encore qu'en l'état d'un projet élaboré par le
Département des travaux publics; selon la réponse du Conseil d'Etat, il ne
sera définitivement rédigé qu'après le jugement de la présente affaire. Le
recours ne peut donc s'en prendre à un texte qui n'a pas encore été adopté;
il est irrecevable dans la mesure où il requiert l'annulation d'articles
du projet de règlement.

Erwägung 2

    2.- Les recourants s'en prennent à l'art. 1er ch. 2 et à l'art. 2 de
la loi du 13 décembre 1966. Il importe d'examiner s'ils ont qualité pour
attaquer chacune de ces dispositions.

    a) Selon l'art. 88 OJ, tel que l'interprète la jurisprudence,
la qualité pour interjeter un recours de droit public appartient aux
particuliers qui se prétendent lésés dans leurs intérêts juridiquement
protégés, en tant que ceux-ci correspondent aux droits constitutionnels
invoqués (RO 86 I 102 et 284; 89 I 238 et 278; 91 I 419). Une association
peut aussi défendre, par cette voie, les intérêts que ses membres sont
en droit de faire valoir eux-mêmes et que ses statuts placent sous sa
sauvegarde (RO 81 I 121; 88 I 175; 93 I 44, 109, 127).

    En vertu de l'art. 3 de la loi du 13 décembre 1966, les personnes
qui figurent au registre des architectes reconnus par l'Etat sont
seules autorisées à exercer la profession d'architecte dans le canton
de Vaud. L'inscription dans ce registre est subordonnée en particulier
à l'accomplissement des conditions posées par l'art. 1er. Or, selon
le chiffre 2 de cet article, le Conseil d'Etat ne reconnaît la qualité
d'architecte aux diplômés des écoles techniques supérieures que s'ils ont
réussi un examen sur les disciplines où leur capacité n'est pas attestée
par leur diplôme. Limités ainsi dans l'exercice de leur profession,
les architectes-techniciens ETS qui recourent en l'espèce peuvent
soutenir qu'ils sont atteints dans des intérêts que protègent les normes
constitutionnelles invoquées, à savoir les art. 2 Disp. trans. Cst.,
4 et 31 Cst. Ils ont donc vocation pour attaquer par le présent recours
l'art. 1er ch. 2 de la loi.

    Les associations recourantes ont également ce droit: groupant des
architectes-techniciens ETS, elles ont pour but statutaire d'en défendre
les intérêts.

    b) Conformément à la jurisprudence, un particulier qui n'est pas plus
intéressé que quiconque à l'annulation d'une décision ou d'une disposition
favorable aux tiers, n'est pas habile à invoquer, par la voie d'un recours
de droit public, la violation de ses droits constitutionnels (RO 85 I 52
ss.; 86 I 284 ss.). Le Tribunal fédéral a admis cependant que les membres
d'une profession soumis à un examen de capacité ont un intérêt particulier
à attaquer une disposition qui exempte certains de leurs concurrents de la
même épreuve. Dès lors, il a reconnu aux premiers la qualité pour attaquer
par un recours de droit public le texte légal qui avantage les seconds
(RO 86 I 286 s.).

    En l'espèce, les recourants se trouvent dans une situation analogue en
tant qu'ils s'en prennent à l'art. 2 de la loi du 13 décembre 1966. Alors
que, suivant l'art. 1er ch. 2, les architectes-techniciens ETS ne sont
reconnus comme architectes par le Conseil d'Etat qu'après avoir subi
avec succès un examen sur les disciplines où leur capacité n'est pas
attestée par leur diplôme, l'art. 2 assimile à un architecte, pour une
construction déterminée, une personne notoirement qualifiée. Autrement
dit, les architectes-techniciens ETS sont astreints à des épreuves
auxquelles l'art. 2 soustrait de façon implicite des personnes notoirement
qualifiées. Touchés particulièrement par l'adoption de cette disposition,
ils ont donc la faculté d'en requérir l'annulation par un recours de
droit public. Le même droit appartient aux associations chargées par
leurs statuts de sauvegarder les intérêts des architectes-techniciens ETS.

Erwägung 3

    3.- Les recourants invoquent tout d'abord la violation du principe
de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.). Ils
prétendent qu'en soumettant les architectestechniciens ETS à un examen de
capacité, l'art. 1er ch. 2 de la loi vaudoise du 13 décembre 1966 ne se
concilie pas avec les art. 45 et 46 de la loi fédérale sur la formation
professionnelle (LFFP), du 20 septembre 1963. Comme il ne s'agit pas
d'une loi de droit privé ou de droit pénal, c'est le Conseil fédéral qui
serait compétent pour statuer sur la violation du droit fédéral invoquée
par les recourants (art. 125 al. 1 lettre b OJ). Cependant, en réalité,
ces derniers n'invoquent pas une telle violation. En effet, selon leur
propre argumentation, ils ne prétendent pas que la loi cantonale empêche
l'application de la LFFP. Ils partent bien plutôt de la constatation
suivante: l'art. 45 LFFP implique que la profession d'architecte ne
présuppose pas une formation universitaire, mais que, pour pouvoir
l'exercer, il suffit de prouver ses capacités par un diplôme d'une
école technique supérieure; ils en tirent la conclusion que, si une loi
cantonale méconnaît une telle constatation au détriment des titulaires de
ce diplôme, elle viole gravement le principe de l'égalité des citoyens
devant la loi consacré par l'art. 4 Cst. Ainsi le grief de violation de
la force dérogatoire du droit fédéral manque de substance et se confond
avec le grief tiré de l'art. 4 Cst.

    Se conformant à l'art. 96 al. 2 OJ, le Tribunal fédéral a procédé à un
échange de vues avec le Conseil fédéral, en soutenant l'opinion développée
ci-dessus. Le Conseil fédéral s'est rallié à cette manière de voir.

    D'ailleurs, le moyen soulevé est mal fondé. Pour que l'art. 2
Disp. trans. Cst. soit violé, il faut ou bien que le droit cantonal
contredise le droit fédéral, ou bien qu'un canton ait empiété sur
une compétence réservée uniquement à la Confédération (FAVRE, Droit
constitutionnel, p. 112; GIACOMETTI, Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 95;
IMBODEN, Bundesrecht bricht Kantonsrecht, p. 91 ss.). Or ni l'une ni
l'autre de ces conditions n'est remplie en l'espèce. En effet, si l'on
examine les deux dispositions invoquées de la LFFP, on constate qu'elles
traitent de l'encouragement des écoles techniques supérieures par la
Confédération et de la protection du titre d'architecte (respectivement
ingénieur)-technicien ETS; elles ne réglementent pas l'exercice
de la profession, qui reste dans la compétence des cantons. Ainsi,
l'assujettissement des architectes-techniciens ETS à un examen cantonal
n'empêche nullement la Confédération d'encourager les écoles techniques
supérieures, ni les ayants droit de porter l'appellation qui correspond à
leur diplôme. Si les dispositions fédérales d'une part, cantonales d'autre
part, se fondent sur des présuppositions différentes - on le verra plus
loin -, leur application n'est pas antinomique.

Erwägung 4

    4.- Les recourants soutiennent que la loi du 13 décembre 1966, dans la
mesure où son art. 1er ch. 2 impose un examen aux architectes-techniciens
ETS, est incompatible avec les art. 4 et 31 Cst., notamment avec le
principe de proportionnalité qui découle de la seconde de ces dispositions.

    a) Il faut d'abord examiner si la profession d'architecte est une
profession libérale au sens de l'art. 33 al. 1 Cst., soit une activité
dont les cantons peuvent soumettre l'exercice à des preuves de capacité.

    La notion de profession libérale (wissenschaftliche Berufsart) n'est
pas précise en elle-même. Elle s'applique en principe, conformément à
la terminologie allemande, aux activités qui requièrent une préparation
scientifique (NEF, FJS no 619, p. 1), aux professions qui, à défaut de
formation scientifique suffisante, ne peuvent être exercées sans danger
pour l'ordre et la sécurité publics (LARGIER, Der Fähigkeitsausweis im
schweizerischen Wirtschaftsrecht, p. 61). Elle vise donc au premier chef
les professions qui impliquent une formation universitaire, notamment
celles de médecin, pharmacien, vétérinaire, dentiste et ecclésiastique
(FAVRE, Droit constitutionnel suisse, p. 378; NEF, op.cit., p. 1).

    Cette notion varie aussi avec les idées du moment; c'est ainsi que la
Confédération l'a appliquée également à des professions qui ne nécessitent
pas la fréquentation de l'université, telles celles d'instituteur et
de géomètre (MARTI, Handels- und Gewerbefreiheit, p. 123; NEF, op.cit.,
p. 2). Mais ni les activités manuelles, ni les activités intellectuelles
qui n'exigent pas une préparation scientifique ne rentrent dans la notion
de profession libérale (BURCKHARDT, Kommentar der BV, 3e éd., p. 275).

    En ce qui concerne la profession d'architecte, le Tribunal fédéral
a déjà eu l'occasion de se prononcer (RO 86 I 326): il l'a rangée parmi
les professions libérales. Bien qu'il n'ait pas motivé alors sa décision,
il se justifie de maintenir cette jurisprudence. Au regard des critères
énoncés ci-dessus, si peu précis soient-ils, la profession d'architecte
apparaît en effet comme une profession libérale: son exercice suppose des
connaissances scientifiques qu'un grand nombre d'architectes acquièrent
soit dans un établissement universitaire, soit dans un établissement
technique supérieur, et dont l'absence risquerait d'être préjudiciable
à la collectivité.

    b) Si les cantons ont la faculté, en vertu de l'art. 33 Cst.,
de soumettre à un examen de capacité les personnes qui se destinent à
l'exercice d'une profession libérale, ils ne peuvent cependant émettre des
exigences que ne justifie pas un but de police (RO 73 I 10). L'art. 33 Cst.
n'est qu'une disposition d'application de l'art. 31 al. 2 Cst.; il ne
crée pas un droit nouveau pour les cantons, il ne fait que préciser une
situation juridique déjà prévue (LARGIER, op.cit., p. 58/9). Aussi les
cantons ne sont-ils pas libres de légiférer comme ils l'entendent. Ils
ne peuvent exiger des connaissances et des capacités de la part des
candidats que dans la mesure où la protection du public le requiert
nécessairement. Ils ne peuvent en particulier utiliser l'art. 33 Cst. pour
limiter l'accès aux professions libérales (LARGIER, op.cit., p. 59), ni
pour élever le niveau de telle ou telle profession, si désirable puisse
être ce dernier but (cf. MARTI, op.cit., p. 121).

    c) En l'espèce, la loi du 13 décembre 1966 ne détermine pas elle-même
les capacités requises des architectes-techniciens ETS, mais laisse
au Conseil d'Etat le soin de trancher cette question dans le règlement
d'application. Toutefois, en tant que l'art. 1er ch. 2 de la loi oblige
les architectes-techniciens ETS à subir un examen sur les disciplines où
leur capacité n'est pas attestée par un diplôme, il sous-entend qu'ils ne
sont pas nécessairement en mesure d'exercer la profession d'architecte. Or
les recourants le contestent, en prétendant que leur diplôme témoigne
suffisamment de leurs aptitudes et qu'en conséquence l'assujettissement
à un examen supplémentaire est contraire à la liberté du commerce et
de l'industrie.

    Comme le Conseil d'Etat est tenu de fixer dans un règlement
d'application les modalités de l'examen institué par le texte légal,
l'annulation des dispositions réglementaires à la suite d'un recours
de droit public ne le dispenserait pas d'en adopter de nouvelles, qui
seraient elles-mêmes susceptibles d'être attaquées. Ainsi les recourants
ont intérêt à ce que le Tribunal fédéral se prononce maintenant déjà sur
la constitutionnalité de l'art. 1er ch. 2 de la loi, sans attendre que
le règlement soit adopté.

    d) Il appartenait au Conseil d'Etat d'indiquer, dans sa réponse
au recours, quel motif de police justifie l'assujettissement des
architectes-techniciens ETS à un examen cantonal, de montrer notamment en
quoi la sécurité du public exige le contrôle des connaissances théoriques
et pratiques des diplômés ETS. Or il ne l'a pas fait. Il consacre une
grande partie de sa réponse à développer des considérations générales
sur le rôle de l'université et l'utilité des études universitaires pour
donner aux architectes la culture générale nécessaire à l'exercice de
leur profession. Sur le grief tiré de la violation de la liberté du
commerce et de l'industrie, il se borne à poser l'alternative suivante:
ou bien la profession d'architecte est artisanale, et le recours doit être
admis, les autorités vaudoises étant invitées à reprendre le problème
de la réglementation de ce métier; ou bien elle est libérale, comme le
Tribunal fédéral l'a déjà déclaré, et le recours doit être rejeté. Mais,
on l'a vu, le fait qu'une profession soit considérée comme libérale et
tombe sous le coup de l'art. 33 Cst. ne permet pas aux cantons d'en régler
l'exercice comme ils l'entendent. Les professions libérales bénéficient
aussi de la liberté du commerce et de l'industrie: si les cantons veulent
limiter cette liberté, ils doivent le justifier par des motifs de police,
ce que le Conseil d'Etat n'a pas fait en l'espèce.

    De tels motifs de police ne ressortent pas davantage des autres
pièces du dossier, notamment pas du procès-verbal des discussions
parlementaires, lequel ne révèle pas le souci de respecter les exigences
posées par l'art. 31 Cst. Il s'est cependant trouvé un député, adversaire
de l'examen imposé aux architectes-techniciens ETS, pour demander s'il y
avait, "en matière de police des constructions, des raisons qui exigent
que notre canton se montre plus restrictif" (cf. Bulletin des séances
du Grand Conseil no 31 p. 1072). Cette question n'a pas reçu de réponse
expresse de la part du Conseil d'Etat.

    On doit en conclure que les restrictions apportées à l'exercice de
la profession d'architecte par l'examen imposé aux diplômés ETS ne sont
pas justifiées par des motifs de police; du moins le Conseil d'Etat
n'en a-t-il pas apporté la démonstration. Elles doivent dès lors être
considérées comme contraires à l'art. 31 Cst. et, partant, annulées.

    e) Comme l'art. 1er ch. 2 de la loi du 13 décembre 1966 viole la
liberté du commerce et de l'industrie, il est inutile de statuer sur le
caractère prétendument arbitraire de cette disposition.

Erwägung 5

    5.- Non seulement le Conseil d'Etat n'a pas établi que l'examen prévu
par la loi attaquée se justifie par des raisons de police, mais divers
indices plaident en faveur de la thèse des recourants.

    a) Ce sont d'abord les arguments tirés de la LFFP. En effet, la loi
vaudoise soumet à un examen les porteurs du diplôme ETS, c'est-à-dire les
personnes qui ont subi avec succès l'examen final d'une école technique
supérieure reconnue par la Confédération (art. 46 LFFP). Pour être
reconnue par la Confédération, une telle école doit donner à ses élèves -
par un enseignement scientifique et, s'il y a lieu, au moyen d'exercices de
construction et de laboratoire - les connaissances théoriques et pratiques
nécessaires pour exercer une profession technique supérieure selon les
règles de l'art (art. 45 LFFP). Ainsi, dans l'esprit du législateur
fédéral, les diplômés de telles écoles sont censés être aptes à exercer
leur profession de façon satisfaisante. Certes, on l'a vu, la LFFP
n'empêche pas les cantons de réglementer l'exercice des professions
techniques en question; ils ne sont pas liés par les déductions qui
résultent des art. 45 et 46 de cette loi. Cependant, s'ils s'écartent de
ces déductions, on peut attendre d'eux qu'ils s'efforcent d'en établir
l'inexactitude. Or le Conseil d'Etat ne l'a pas fait dans sa réponse
au recours; il n'a pas rendu vraisemblable que la formation donnée aux
architectes-techniciens par les écoles techniques supérieures reconnues
par la Confédération est insuffisante à garantir la sécurité du public.

    b) Le projet de règlement du 19 décembre 1966, bien qu'il ne soit pas
en cause puisqu'il n'a pas encore été adopté par l'autorité compétente,
éclaire néanmoins dans une certaine mesure l'intention des autorités
vaudoises.

    Ce projet prévoit deux sortes d'épreuves pour les
architectestechniciens ETS: des épreuves orales et une épreuve
pratique. Les épreuves orales, éliminatoires, comportent deux branches
obligatoires (l'histoire de l'architecture et le droit usuel en
matière de constructions) et des branches complémentaires auxquelles
peuvent être assujettis des candidats suivant le diplôme dont ils sont
porteurs. L'épreuve pratique consiste en l'établissement d'un avant-projet
de construction, pour lequel le candidat dispose de deux semaines.

    Une première constatation s'impose: les épreuves orales et pratique
auxquelles sont soumis obligatoirement tous les candidats portent sur des
matières qui figurent au programme d'enseignement et d'examen des écoles
techniques supérieures, en tout cas de trois d'entre elles (Genève,
Bienne, Berthoud), dont les programmes se trouvent au dossier. Or la
loi soumet à un examen tous les architectes-techniciens ETS, et non
seulement ceux qui sortiraient d'écoles dont le programme ne prévoirait
pas l'enseignement de branches sur lesquelles porte l'examen vaudois, -
si tant est que de telles écoles techniques supérieures existent. Ainsi
le projet de règlement va - tout au moins pour les diplômés des trois
écoles techniques citées plus haut - plus loin que la loi elle-même,
qui ne soumet les architectes-techniciens ETS à des épreuves que "sur
les disciplines où leur capacité n'est pas attestée par leur diplôme".

    Cette constatation, qui ne joue pas de rôle direct sur le sort du
recours - ce dernier ne pouvant s'en prendre au projet de règlement -,
amène cependant la cour de céans à se demander s'il existe vraiment
des disciplines, nécessaires à la sécurité du public, qui ne soient pas
prévues dans l'enseignement donné aux architectes-techniciens par les
écoles techniques supérieures reconnues par la Confédération. Le Conseil
d'Etat n'en a en tout cas pas apporté la démonstration; sa réponse
au recours et le projet de règlement indiquent au contraire que son
intention est surtout de contrôler, au moyen des épreuves envisagées,
le niveau de culture générale des architectes-techniciens ETS. Or, on
l'a vu (consid. 4 b), ce n'est pas là une raison suffisante qui puisse
justifier des restrictions à la liberté du commerce et de l'industrie.

    Sur un point cependant, les épreuves prévues portent sur une matière
où les écoles techniques existantes ne dispensent vraisemblablement pas
d'enseignement à leurs élèves: le droit vaudois des constructions. Mais les
architectes de formation universitaire n'ont pas non plus à subir d'épreuve
sur cette branche pour être reconnus par le Conseil d'Etat, même s'ils
ont fréquenté une école qui ne leur a pas dispensé un telenseignement. Il
serait dès lors contraire au principe de l'égalité de traitement d'exiger
des architectes-techniciens ETS des connaissances qui ne sont pas requises
des universitaires. Au reste, il est douteux qu'un examen sur le droit
vaudois des constructions, avec lequel un technicien peut se familiariser
rapidement, réponde aux fins de police qui seules permettent aux cantons
d'apporter des restrictions à la liberté du commerce et de l'industrie.

    c) Les recourants ont joint à leur recours une abondante documentation,
dont il ressort qu'aucun autre canton, sauf Neuchâtel, ne soumet les
diplômés ETS à des épreuves cantonales supplémentaires. Il s'agit non
seulement des cantons où la profession d'architecte est libre, comme
c'est le cas en Suisse allemande, mais aussi des cantons qui prévoient un
examen cantonal d'architecte, tels Genève et Fribourg. Dans ces cantons,
les architectes-techniciens ETS n'ont pas à passer un nouvel examen pour
être admis à établir les plans de constructions soumises à l'obligation
du permis, mais doivent acquérir, pendant une période de 3 à 5 ans,
en sus des connaissances pratiques que leurs études leur ont procurées,
l'expérience et les capacités pratiques nécessaires à l'exercice de leur
profession; il n'y a pas lieu d'examiner si ces exigences sont compatibles
avec la liberté du commerce et de l'industrie, une telle période d'attente
n'étant pas prévue par le droit vaudois.

    Assurément, le fait que la presque totalité des cantons suisses
ne soumettent les architectes-techniciens ETS à aucun examen cantonal
supplémentaire n'empêche pas en principe un canton de prévoir néanmoins
un tel examen. Mais il faut alors qu'il le justifie par un but de police;
il faut qu'il établisse que la formation reçue par les diplômés de ces
écoles est insuffisante à assurer la sécurité du public en matière de
construction. Or le Conseil d'Etat vaudois n'a pas apporté une telle
démonstration. Tout au plus a-t-il essayé de défendre sa position,
différente de celle des autres cantons, par le motif que dans le canton
de Vaud les permis de bâtir sont accordés par les municipalités et que
celles-ci ne sont pas toujours à même d'apprécier la qualité des plans
présentés. Cela ne suffit pas à justifier les exigences supplémentaires
du droit vaudois, d'autant moins qu'en vertu de l'art. 78 bis de la loi
sur les constructions et l'aménagement du territoire, le Département
des travaux publics peut formuler des observations et une opposition
aux demandes de permis, même après la clôture de l'enquête publique,
et qu'en vertu de l'art. 108 du règlement d'application de ladite loi,
la municipalité doit, la veille de l'ouverture de l'enquête, remettre
un dossier complet ou un avis détaillé au voyer, lequel fait suivre les
dossiers importants au Département des travaux publics.

Erwägung 6

    6.- Les recourants critiquent enfin l'art. 2 de la loi cantonale, qui
permet d'assimiler à un architecte, en vue d'une construction déterminée,
une personne notoirement qualifiée. Cette disposition a pour but de
soustraire à tout examen les architectes qui ont acquis leur renommée
sans être porteurs d'un grade universitaire. Elle ne peut en elle-même
être qualifiée d'arbitraire, malgré sa teneur imprécise. Les recourants
ont d'autant moins lieu de s'en plaindre qu'elle peut profiter à un
architecte-technicien ETS et que, si elle entraîne des décisions abusives,
ils ont la faculté de les attaquer.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement le recours, en ce sens qu'il annule la dernière
partie de l'art. 1er ch. 2 de la loi vaudoise du 13 décembre 1966 sur
la profession d'architecte, à savoir les mots "ayant subi avec succès
les épreuves instituées par le règlement cantonal et portant sur les
disciplines où leur capacité n'est pas attestée par leur diplôme";

    2. Rejette le recours pour le surplus, dans la mesure où il est
recevable.