Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 III 59



93 III 59

11. Arrêt du 16 octobre 1967 dans la cause Abetel. Regeste

    Konkurs. Kollokationsplan. Abtretung streitiger Ansprüche.

    1.  Wirkungen der gemäss Art. 260 SchKG und 756 Abs. 2 OR zwei
Gläubigern erteilten Abtretung der Verantwortlichkeitsansprüche gegen
einen Verwaltungsrat, auf deren Geltendmachung durch die Konkursmasse
selbst die Mehrheit der Gläubiger verzichtet hat (Erw. 1).

    2.  Darf die Konkursverwaltung, welche die eingegebenen Forderungen
prüft und den Kollokationsplan erstellt (Art. 244 ff. SchKG), eine
Forderung allein auf die mündlichen Erklärungen des Vertreters der
Gläubiger hin zulassen, um einen Kollokationsprozess zu vermeiden, zu
dessen Führung ihr mangels Aktiven die Mittel fehlen würden? (Erw. 2).

    3.  Legitimation des Gemeinschuldners zur Beschwerde auf Berichtigung
eines Kollokationsplans, in den eine nicht genügend belegte Forderung
aufgenommen wurde (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 2 février 1967, le Président du Tribunal du district de
Lausanne a prononcé la faillite de Raymond Abetel, domicilié à Lausanne,
qui s'était déclaré insolvable. Le failli était l'un des administrateurs
de l'Office de constructions et de comptabilité Stella SA (en abrégé:
Stella SA), à Servion. Cette société est également tombée en faillite.

    Willy Gall, à Morges, et Marius Badel, à Tolochenaz, ont produit le
18 février 1966 dans la faillite de Stella SA, le premier, une créance
de 28 640 fr., le second, une créance de 18 071 fr. A l'appui de leurs
productions, ils exposaient que la société faillie s'était engagée par un
contrat conclu avec chacun d'eux à édifier une villa sur leur terrain,
que les travaux n'avaient pas été éxécutés ou n'étaient pas terminés et
qu'ils avaient subi de ce fait un préjudice.

    Selon les indications données par Raymond Abetel dans son recours
à l'autorité cantonale, les créances produites par Willy Gall et Marius
Badel auraient été contestées par les administrateurs de Stella SA, mais
admises par l'administration de la faillite à concurrence de 20 644 fr. 40
pour le premier créancier et de 10 079 fr. pour le second.

    La masse en faillite de Stella SA a fait cession à Willy Gall et
Marius Badel, selon les art. 756 al. 2 CO et 260 LP, de la créance en
dommages-intérêts que la société faillie pourrait faire valoir contre
ses deux administrateurs Raymond Abetel et Joseph Dekumbis, lequel est
domicilié à Fribourg.

    B.- Fondés sur cette cession, Willy Gall et Marius Badel sont
intervenus conjointement dans la faillite personnelle de Raymond Abetel.
Ils ont produit une créance de 50 000 fr. à titre de dommages-intérêts
consécutifs à la mauvaise gestion du prénommé, qui aurait engagé sa
responsabilité en sa qualité d'administrateur de Stella SA Ils ont réservé
leurs droits contre Joseph Dekumbis. Le failli a contesté cette production.
Le 10 mars 1967, l'office des faillites de Lausanne a invité les deux
créanciers à produire toutes les pièces justificatives, notamment un
décompte de construction. Le 17 mars, les créanciers ont produit une
copie de leurs interventions dans la faillite de Stella SA, qui renferment
le décompte en question, en précisant que celui-ci n'épuisait pas leurs
prétentions. Par décision du 30 mars 1967, l'office a écarté la production
en indiquant comme motif du rejet: "Il n'est rien dû". Toutefois, le 6
avril 1967, l'office a modifié l'état de collocation et admis la créance
en cinquième classe, mais pour le montant de 10 000 fr. seulement.

    C.- Le 8 avril 1967, Raymond Abetel a porté plainte contre cette
décision. Il demandait que la créance fût écartée et les créanciers Willy
Gall et Marius Badel renvoyés à intenter à la masse en faillite une action
en contestation de l'état de collocation.

    Dans sa détermination du 26 avril 1967, le préposé à l'office des
faillites de Lausanne a notamment exposé que, pendant le délai d'opposition
et avant qu'un procès n'ait été intenté à la masse, le 6 avril 1967, il
avait eu un entretien à l'office avec le mandataire des créanciers. Les
explications complémentaires données à cette occasion l'avaient amené
à modifier sa première décision. Il avait acquis la conviction que
les intervenants avaient été les victimes du failli et le montant de
la production avait été réduit à 10 000 fr. Il avait dès lors modifié
l'état de collocation conformément à l'art. 65 OOF. Il précisait que la
masse en faillite n'avait aucun actif; la procédure de faillite suivait
son cours grâce à l'avance de frais de 600 fr. que Raymond Abetel avait
fournie avant de déposer son bilan; la masse n'avait donc pas les moyens
de soutenir un procès.

    Statuant le 5 mai 1967 en sa qualité d'autorité inférieure de
surveillance, le Président du Tribunal du district de Lausanne a rejeté
la plainte. Il a considéré que les griefs articulés ne visaient ni
l'imprécision ou l'inintelligibilité de l'état de collocation, ni un
vice de forme, ni l'inobservation des prescriptions réglant la procédure,
mais que le failli contestait la créance admise par l'administration. Or
cette contestation ne pouvait pas faire l'objet d'une plainte, mais devait
être vidée par une action judiciaire, voie qui n'est toutefois pas ouverte
au failli.

    D.- Raymond Abetel a recouru à l'autorité cantonale supérieure. Il a
produit une "déclaration de garantie" souscrite le 25 mai 1967 par son
épouse séparée de biens Micheline Abetel, née Rossetti, maîtresse de
travaux à l'aiguille, qui se déclare propriétaire de biens mobiliers et
immobiliers sis dans le canton de Vaud et qui donne la garantie qu'elle
assumera tous les frais du procès que la masse en faillite de son mari
pourrait avoir à soutenir dans le litige qui l'oppose à Willy Gall et
Marius Badel.

    Le 26 juin 1967, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours.

    E.- Contre cet arrêt, Raymond Abetel recourt au Tribunal fédéral
et conclut:

    "1. Le prononcé de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois, rendu le 26 juin 1967, est annulé.

    2. L'office des faillites de Lausanne est invité à fixer le délai
prévu à l'art. 250 L.P. aux créanciers Gall et Badel.

    3. L'existence de dommages étant établie à satisfaction de droit,
les productions Gall et Badel feront l'objet d'une production personnelle
et individuelle.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 260 LP, si la masse en faillite renonce à exercer
elle-même un droit du failli, elle en fait cession aux créanciers qui
le demandent. Cette cession est une institution sui generis relevant
du droit de la poursuite pour dettes et de la procédure. Les actes
juridiques du droit civil qui s'en rapprochent le plus sont la cession
des créances (art. 164 ss. CO) et le mandat (art. 394 ss. CO). Cependant
les règles qui régissent ces actes ne sont en principe applicables à
la cession de l'art. 260 LP que sous certaines réserves, c'est-à-dire
dans la mesure où elles sont compatibles avec le sens et le but de cette
institution particulière (RO 84 III 43; cf. J. FLACHSMANN, Die Abtretung
der Rechtsansprüche nach Art. 260 SchKG, thèse Zurich 1926, p. 6 ss.;
F. GUISAN, Note au JdT 1932 II 29 ss.; M. BRIDEL, Contribution à l'étude de
l'art. 260 LP, JdT 1939 II 98 ss., qui préfère la théorie de la saisie dans
la faillite à celle du mandat d'un caractère particulier). Le bénéficiaire
de la cession prévue à l'art. 260 LP est autorisé par l'administration
de la faillite à poursuivre la réalisation du droit litigieux ou douteux
"en lieu et place de la masse, en son propre nom, pour son compte et à
ses risques et périls" (formule no 7 à l'usage des offices de faillite;
RO 86 III 158 consid. 1) et à utiliser le montant obtenu pour couvrir
sa créance, y compris les frais; l'excédent éventuel doit être versé à
la masse (formule No 7, ch. 3 des "conditions" de l'autorisation). Le
créancier cessionnaire peut faire valoir la créance cédée en justice ou
par voie amiable et même transiger (cf. RO 43 III 164 ss., 49 III 124,
50 III 22; M. BRIDEL, loc.cit., p. 111, no 23).

    b) L'art. 754 al. 1 CO institue notamment la responsabilité des
administrateurs à l'égard de la société anonyme, de même qu'envers chaque
actionnaire ou créancier social pour le dommage qu'ils leur causent
en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs.
Selon l'art. 755 CO, lorsque le dommage est éprouvé par la société
elle-même et subi d'une manière indirecte seulement par des actionnaires
ou des créanciers, ceux-ci ne peuvent actionner qu'en paiement des
dommages-intérêts dus à la société. L'art. 756 al. 1 CO dispose que,
dans la faillite de la société, les droits des créanciers sont exercés
en premier par l'administration de la faillite. Mais l'al. 2 ajoute:
"Si celle-ci y renonce, tout actionnaire ou créancier peut demander que
l'action en responsabilité lui soit cédée. Ce qu'il retire doit être
employé conformément aux dispositions de la loi fédérale sur la poursuite
pour dettes et la faillite". La cession du droit d'agir en justice
comprend aussi bien les créances de la masse, soit l'action de la société,
que celles des actionnaires ou créanciers en réparation du dommage qu'ils
subissent indirectement; en revanche, elle ne concerne pas les prétentions
d'autres actionnaires ou créanciers (RO 86 III 160 ss., consid. 3).

    c) La cession des droits de la masse selon les art. 260 LP et 756 al. 2
CO peut être faite à un seul créancier ou à plusieurs d'entre eux. Chaque
cessionnaire est alors habile à faire valoir individuellement la prétention
entière (RO 43 III 163 s., 49 III 124). Mais si plusieurs cessionnaires
se décident à agir, ils doivent procéder conjointement et ester en justice
comme consorts (RO 43 III 164; moins net RO 63 III 71, consid. l'qui admet
l'ouverture de procès séparés tout en relevant qu'en pareil cas la jonction
des causes prononcée d'office par l'autorité cantonale s'accorderait
mieux avec les instructions de la formule no 7, ch. 5; cf. aussi FAVRE,
Droit des poursuites, p. 344; FRITZSCHE, Schuldbetreibung, Konkurs und
Sanierung, tome II, p. 166; LEUCH, n. 2 ad art. 36 du Code de procédure
civile bernois, p. 71; GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht,
p. 269; cf. sur les inconvénients de procès séparés H. U. WALDER,
Probleme um Art. 260 SchKG und Versuch ihrer Behebung, BlSchK 1958 p. 65
ss.). En l'espèce, Willy Gall et Marius Badel ont agi conjointement;
ils sont intervenus ensemble dans la faillite de Raymond Abetel et ont
produit une créance de 50 000 fr. à titre de dommages-intérêts, en leur
qualité de cessionnaires des droits de la masse en faillite de Stella SA
Dans la mesure où elle admettait leur production, l'administration de la
masse en faillite de Raymond Abetel devait les colloquer conjointement
comme créanciers.

Erwägung 2

    2.- Il appartient à l'administration de la faillite de statuer sur
chaque production; elle n'est pas liée par les déclarations du failli
(art. 245 LP). Elle ne peut cependant admettre que les productions
qui sont suffisamment justifiées (art. 59 OOF). Elle doit procéder aux
vérifications nécessaires (art. 244 LP). C'est à la personne qui produit
une créance qu'il incombe de l'étayer en remettant à l'office les moyens
de preuve adéquats (art. 232 ch. 2 LP).

    a) En l'espèce, le préposé à l'office des faillites de Lausanne a tout
d'abord invité le mandataire de Willy Gall et Marius Badel à produire
des pièces justificatives à l'appui de l'intervention conjointe de ses
clients. Il s'est ainsi conformé à l'art. 59 al. 1 OOF. Il a reçu dudit
mandataire la copie des productions faites par chacun des créanciers
dans la faillite de Stella SA Ces productions renferment le décompte des
créances dont Willy Gall et Marius Badel se prétendent titulaires contre
ladite société. Sur le vu de ces pièces, le préposé a écarté la production
conjointe des prénommés dans la faillite de Raymond Abetel. Puis il a
modifié sa décision pendant le délai d'opposition à l'état de collocation,
en se fondant sur l'art. 65 OOF, et admis la créance pour le montant
réduit de 10 000 fr. A l'appui de cette nouvelle décision, il invoque un
entretien qu'il a eu le 6 avril 1967 avec le mandataire des intervenants,
au cours duquel il aurait acquis la conviction que ceux-ci avaient été
les victimes du failli.

    Aucune pièce, ni aucun autre moyen de preuve n'établissent le
bien-fondé de la production de Willy Gall et Marius Badel. Le préposé aux
faillites se réfère uniquement aux explications orales du mandataire des
intervenants. Or le dossier ne fournit aucune précision à cet égard. On
ne saurait voir dans les déclarations faites verbalement par le mandataire
d'une partie les moyens de preuve exigés par la loi. De plus, la décision
à prendre sur l'admission ou le rejet de la production ne dépend pas
de la conviction que les intervenants ont été les victimes du failli,
mais du point de savoir si, en sa qualité d'administrateur de Stella
SA, Raymond Abetel a manqué intentionnellement ou par négligence à ses
devoirs et causé par là un dommage à ladite société et, indirectement,
à ses créanciers (cf. art. 754 al. 1 CO). La production d'une créance
en dommages-intérêts par Willy Gall et Marius Badel n'est dès lors pas
suffisamment justifiée pour être admise à l'état de collocation.

    b) Le fait que la masse en faillite de Raymond Abetel n'a aucun
actif et n'est donc pas en mesure de soutenir un procès en contestation de
l'état de collocation ne saurait motiver une décision contraire. Sans doute
plusieurs auteurs estiment-ils que la commission de surveillance désignée
par l'assemblée des créanciers pourrait, en vertu de l'art. 237 al.
3 ch. 1 LP, admettre une créance rejetée par l'administration, si cette
mesure correspondait à son avis à l'intérêt des créanciers; tel serait le
cas, par exemple, lorsque le rejet d'une prétention douteuse exposerait
la masse à un procès dont les frais seraient hors de proportion avec le
dividende afférent à la prétention dont il s'agit (JAEGER, n. 5 ad art. 247
LP; FAVRE, op cit., p. 333; FRITZSCHE, op.cit. p. 140). Fût-elle admissible
pour la commission de surveillance - la question demeure indécise -
cette considération ne vaudrait en tout cas pas pour l'administration,
qui doit procéder objectivement, c'est-à-dire statuer suivant le résultat
de ses investigations, sans égard au fait que sa décision est avantageuse
pour la masse ou non; elle doit tenir compte aussi de l'intérêt du failli
et ne peut admettre à l'état de collocation que les productions dont les
auteurs sont réellement créanciers (cf. RO 25 I 594 ss., consid. 3 et A. DE
GOUMOENS, De la procédure de collocation..., thèse, Lausanne, 1913, p. 70).

    Au surplus, l'épouse du failli a souscrit une déclaration par laquelle
elle s'est engagée formellement à fournir à l'office des faillites l'avance
des frais présumés du procès en contestation de l'état de collocation
que Willy Gall et Marius Badel pourraient intenter à la masse en vue de
faire reconnaître le bien-fondé de leur production conjointe.

Erwägung 3

    3.- En admettant à concurrence de 10 000 fr. la créance produite
par Willy Gall et Marius Badel, alors que cette production n'était pas
suffisamment justifiée, l'administration de la faillite de Raymond Abetel
n'a pas observé les prescriptions relatives à l'établissement de l'état de
collocation (art. 244, 232 ch. 2, respectivement 231 al. 3 LP; 59 OOF). La
plainte du failli est dès lors recevable (JAEGER, n. 2 b ad art. 249 LP;
FAVRE, op.cit., p. 337), de même que son recours à l'autorité cantonale
supérieure de surveillance et au Tribunal fédéral. Le recours est fondé
dans la mesure où il tend à faire redresser l'irrégularité commise par
l'administration. La production de Willy Gall et Marius Badel doit être
écartée, du moment qu'elle n'est pas suffisamment justifiée. L'état de
collocation rectifié en conséquence sera déposé à nouveau et le dépôt
sera publié conformément à l'art. 249 LP (FAVRE, op.cit., p. 337). La
voie de l'action en contestation de l'état de collocation reste ouverte
aux deux intervenants conjoints dont la production est écartée.

Entscheid:

Par ces motifs, la Chambre des poursuites et des faillites:

    Admet le recours et réforme la décision rendue le 26 juin 1967 par la
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en ce sens
que la production de Willy Gall et Marius Badel est écartée de l'état de
collocation dressé dans la faillite de Raymond Abetel.