Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 I 82



92 I 82

15. Extrait de l'arrêt du 29 juin 1966 dans la cause B contre A et Cour
d'appel du canton de Berne. Regeste

    Beweisabnahme, Stellung des Richters, Verhältnis zwischen
eidgenössischem und kantonalem Recht. Anthropologisch-erbbiologische
Expertise.

    1.  Befugnis der Kantone zur Bestimmung, in welcher Form und in welchem
Zeitpunkt die Beweisanträge zu stellen sind. Einschlägige Bestimmungen
des bernischen Rechts. Überspitzter Formalismus? (Erw. 1).

    2.  Kantonale Bestimmung, wonach der Richter die ihm notwendig
erscheinenden Beweisverfügungen von Amtes wegen zu treffen hat. Pflicht,
von Amtes wegen eine anthropologisch-erbbiologische Expertise anzuordnen,
die verspätet verlangt wurde? (Erw. 2).

Sachverhalt

    Le 8 avril 1963, Madeleine A a mis au monde une fille illégitime,
qu'elle a nommée Michèle. Elle a désigné François B comme le père de
l'enfant. B contestant sa paternité, Madeleine A et sa fille Michèle ont
ouvert contre lui une action en paternité tendant exclusivement à des
prestations pécuniaires. B a conclu au rejet de la demande. Il affirmait
n'avoir jamais cohabité avec demoiselle A et invoquait au demeurant
l'exceptio plurium et l'inconduite de la demanderesse no 1 à l'époque
de la conception. Le Tribunal de première instance puis, par arrêt du
2 décembre 1965, la Cour d'appel du canton de Berne ont alloué leurs
conclusions aux demanderesses.

    L'expertise des sangs ordonnée par les premiers juges n'excluant pas
la paternité du défendeur, celui-ci avait déposé une demande d'expertise
anthropobiologique à l'audience de jugement, avant qu'il soit passé
aux plaidoiries des parties. Ecartée en première instance pour cause de
tardiveté, cette requête fut réitérée en instance d'appel. La Cour jugea
cependant que cette requête avait été rejetée à bon droit. D'autre part,
elle renonça à ordonner cette expertise d'office, au motif "qu'il résulte
de l'administration des preuves que X n'a pas eu de relations intimes
avec Madeleine A durant la période critique et qu'en outre le défendeur
n'a nullement rendu vraisemblable que la demanderesse ait cohabité durant
la période critique avec un autre que lui-même".

    B forme contre l'arrêt de la Cour d'appel du canton de Berne le présent
recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst. Il estime qu'en
rejetant sa demande d'expertise comme tardive, la juridiction cantonale a
fait preuve d'un formalisme excessif. Il soutient d'autre part en substance
qu'elle a fait une application arbitraire de l'art. 89 CPC en s'abstenant
d'ordonner cette expertise d'office.

    Madeleine et Michèle A concluent au rejet du recours. La Cour d'appel
du canton de Berne s'en rapporte à son arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les cantons déterminent en principe librement selon quelles
formes et à quel stade de la procédure les offres de preuves doivent
être formulées. Dès lors, au cas de rejet d'une telle offre pour cause de
tardiveté, le Tribunal fédéral ne peut intervenir que si les dispositions
légales applicables ont été arbitrairement appliquées (cf. arrêt non publié
du 30 mai 1951 en la cause dame Wyss c. Danielewicz, et la jurisprudence
citée).

    a) Si le recourant prétend qu'en écartant comme tardive sa requête
d'expertise anthropobiologique, la juridiction cantonale a violé l'art. 4
Cst., il ne soutient pas sérieusement que cette décision n'était pas
conforme aux dispositions du CPC bernois. C'est avec raison. Selon
l'art. 92 CPC, les parties sont tenues de produire simultanément tous
leurs moyens d'attaque et de défense; il leur est permis de les compléter
ou de les rectifier jusqu'aux plaidoiries inclusivement. Passé ce moment,
de nouveaux moyens d'attaque ou de défense ne sont pris en considération
que si les parties justifient n'avoir pu les produire plus tôt, ou si le
juge les retient d'office, en vertu du pouvoir que lui confère l'art. 89
(art. 93 al. 1 CPC). Par "plaidoiries" au sens de l'art. 92, il faut
entendre exclusivement les exposés (ou "premières plaidoiries") prévus par
l'art. 188 (cf., dans ce sens: LEUCH, Kommentar, 3e éd., n. 1 ad art. 93),
par opposition aux "plaidoiries finales" de l'art. 200.

    En appel, la Cour peut ordonner l'administration de nouvelles
preuves, soit d'office, en application des art. 89 et 214 (art. 347),
soit à la requête des parties, pourvu, dans ce dernier cas, que soient
remplies les conditions de l'art. 93 (art. 93 al. 1; cf. LEUCH, op.cit.,
n. 2 ad art. 346; ZUMBÜHL, Die Appellation im Rechtsmittelsystem der
bernischen Zivilprozessordnung, p. 73; FEHR, Das Novenrecht, p. 82).

    Dans la présente espèce, il n'est pas contesté que la demande
d'expertise a été formulée après les "premières plaidoiries". Le recourant
ne prétend pas non plus qu'il était dans le cas d'invoquer l'art. 93
al. 1. Dans ces conditions, ni les premiers juges, ni la Cour d'appel du
canton de Berne n'ont violé les dispositions topiques de la procédure
bernoise en déclarant tardive la requête dont s'agit, et en l'écartant
pour cette raison.

    b) Le recourant prétend cependant qu'en lui faisant une stricte
application de ces dispositions, la juridiction cantonale s'est montrée
excessivement formaliste.

    A l'appui de cette thèse, il fait valoir tout d'abord qu'il y
aurait formalisme excessif à refuser une offre de preuve comme tardive,
alors que la loi donne aujuge le pouvoir, et lui fait même un devoir,
de l'ordonner d'office, et en tout état de cause. Cet argument est sans
valeur. Les pouvoirs que l'art. 89 confère au juge doivent lui permettre
(dans une mesure, du reste, limitée) de contribuer, par son intervention,
à faire éclater la vérité. Il n'en reste pas moins que c'est aux parties
qu'il appartient, au premier chef, d'indiquer leurs moyens de preuves;
l'art. 89 n'a ni pour but, ni pour effet de les décharger de ce soin; une
intervention du juge en vertu de cette disposition ne peut être envisagée
qu'à titre subsidiaire (cf. LEUCH, op.cit., n. 1 ad art. 89). Si l'on
admettait la thèse du recourant, l'art. 92 perdrait toute raison d'être,
la partie négligente pouvant toujours tirer prétexte des pouvoirs conférés
au juge par l'art. 89 pour se plaindre d'un "formalisme excessif".

    Le recourant soutient ensuite qu'en rejetant comme tardive sa
demande d'expertise, la juridiction cantonale n'a fait que prétexter une
informalité de procédure et que sa décision a été inspirée en réalité par
la méconnaissance de la jurisprudence fédérale la plus récente en matière
d'expertise anthropobiologique, et par la méfiance à l'égard d'un nouveau
mode de preuve. Cet argument n'est pas fondé non plus. La juridiction
cantonale a statué distinctement sur les deux questions; elle a constaté
tout d'abord que la demande d'expertise, ayant été formulée tardivement,
avait été écartée à bon droit; puis elle a considéré qu'il n'y avait
pas lieu d'ordonner cette expertise d'office (art. 347 et 89 combinés),
et les motifs qu'elle a donnés à l'appui de cette solution n'ont rien à
voir avec la tardiveté de la requête formulée par le recourant.

    Le recourant estime en outre que sa requête, même tardive, ne retardait
nullement la procédure puisque, de toute manière, l'expertise n'aurait pu
être faite avant le 8 avril 1966; or, dit-il la ratio legis des art. 92
et 93 est justement d'éviter que l'une des parties puisse faire traîner
un procès en longueur; ce risque n'existant pas dans le cas particulier,
une application rigoureuse des art. 92 et 93 ne correspond à aucun
intérêt légitime et doit être taxée de formalisme excessif. Le recourant
perd de vue que des règles telles que celles des art. 92 et 93 ont pour
mission d'assurer le déroulement ordonné du procès et contribuent ainsi,
en dernière analyse, au bon fonctionnement de la justice; il s'y attache
donc un intérêt considérable. Or, si l'on suivait la théorie du recourant,
c'en serait fait de règles comme celles-ci. Sans doute peuvent-elles avoir
parfois des conséquences rigoureuses; mais le législateur y a pourvu en
édictant l'art. 93 al. 1, qui donne au juge assez de latitude pour remédier
à ce que l'art. 92 aurait de trop rigide. Le législateur a donc procédé
à la balance des intérêts préconisée par le recourant et il a exigé qu'on
ne pût déroger à l'art. 92 sans raison valable. Dans le cas particulier,
le juge n'a fait qu'appliquer les art. 92 et 93 à une requête qui aurait
parfaitement pu être présentée en temps utile. Il ne saurait, dès lors,
être question de formalisme excessif.

    Le recourant soutient enfin que s'il n'a pas réclamé plus tôt cette
expertise, c'est par souci "d'économie des moyens" - ce mode de preuve
étant relativement onéreux - et ce d'autant plus qu'il est au bénéfice
de l'assistance judiciaire; que cependant cette dernière circonstance ne
saurait le priver du droit d'administrer cette preuve. Cet argument est
sans pertinence: rien n'empêchait le recourant de réclamer cette expertise
en temps utile, mais à titre subsidiaire, pour le cas où ses autres moyens
de preuve auraient échoué, en invoquant précisément ces circonstances.

    Le moyen tiré du formalisme excessif dans l'application des règles
de procédure civile bernoise s'avère ainsi entièrement mal fondé.

Erwägung 2

    2.- Le recourant semble vouloir reprocher également à la juridiction
cantonale une application arbitraire de l'art. 89 CPC. Il soutient en
effet qu'en écartant sa demande d'expertise au motif "... que X n'a pas
eu de relations intimes avec Madeleine A pendant la période critique
et qu'en outre le défendeur n'a nullement rendu vraisemblable que la
demanderesse ait cohabité durant la période critique avec un autre que
lui-même...", la Cour cantonale a méconnu les principes posés par la
jurisprudence fédérale en matière d'expertise anthropobiologique. Il se
réfère expressément à l'arrêt RO 91 II 159.

    Cet arrêt a sans doute posé en principe que le juge, saisi d'une
demande d'expertise anthropobiologique par l'une des parties à un procès
en paternité, ne pouvait faire dépendre l'admission de cette requête de
l'existence d'indices d'une cohabitation du défendeur avec la demanderesse,
ou de celle-ci avec des tiers. Il a expliqué que ce nouveau mode de preuve
faisait éclater le système des présomptions posées par les art. 314
ss. CC, parce qu'il permettait d'établir ou d'exclure directement un
lien de paternité. Mais le recourant se méprend sur la portée de cette
jurisprudence: elle a entendu trancher uniquement un problème de droit à
la preuve (art. 8 CC), et pour le seul cas où l'offre de preuve avait été
formulée conformément aux règles cantonales de procédure (cf. également
arrêt non publié du 18 juin 1965, en la cause S. c. G.).

    La question dont s'agit ici est toute différente: il faut déterminer
le rôle respectif du juge, d'une part, et des parties, de l'autre, dans
l'appointement et l'administration des preuves; en particulier, il faut
définir la mesure de l'obligation incombant au juge de faire administrer
des preuves d'office. Tous ces points ressortissent au droit cantonal,
et l'on ne peut rien tirer à ce propos de la jurisprudence invoquée par
le recourant.

    L'art. 89 CPC fait obligation aujuge d'ordonner l'administration des
preuves qui lui paraissent nécessaires "pour établir dans leur intégrité
et leur vérité les faits sur lesquels reposent les droits et prétentions
des parties". En l'espèce, la juridiction cantonale a jugé cette expertise
inutile, faute d'indices d'une cohabitation de la demanderesse avec un
tiers durant la période critique. Sans doute cette motivation n'est-elle
pas conforme à la jurisprudence citée par le recourant. Mais, s'agissant
d'interpréter une disposition cantonale qui, tout en ordonnant au juge
de faire administrer d'office les preuves nécessaires, lui laisse à
cet égard un très large pouvoir d'appréciation, et compte tenu du fait
que le juge n'intervient qu'à titre subsidiaire, les parties demeurant
responsables au premier chef du rassemblement des preuves (cf. consid. 1
ci-dessus), on conçoit fort bien que l'expertise anthropobiologique,
si elle n'a pas été régulièrement requise, ne soit ordonnée d'office
qu'à certaines conditions. Celles qu'a posées la juridiction cantonale
dans la présente espèce apparaissent sans doute peu compatibles avec le
nouveau mode de preuve; mais elles ne sont en tout cas pas arbitraires. On
ne peut pas dire non plus que la juridiction cantonale a abusé de son
pouvoir d'appréciation: c'est au contraire après une discussion très
approfondie des preuves administrées que, jugeant sa conviction faite,
elle a renoncé à ordonner l'expertise requise par le recourant.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.