Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 I 277



92 I 277

48. Extrait de l'arrêt du 28 septembre 1966 dans la cause Gross et consorts
contre Conseil d'Etat du canton de Vand. Regeste

    Eigentumsgarantie. Gesetzliche Grundlage. Öffentliches Interesse.

    1.  Gesetzliche Grundlage für die Schaffung von Grünzonen; sie ist im
waadtländischen Recht vorhanden (Art. 25 der Loi sur les constructions
et l'aménagement du territoire) (Erw. 1).

    2.  Grundstücke, die in einem früheren, nicht angefochtenen Plan einer
Grünzone zugewiesen worden sind; der heutige Eigentümer ist befugt, einen
neuen Plan anzufechten, der die Grundstücke wiederum dieser Zone zuweist
(Erw. 2).

    3.  Zone für öffentliche Bauten: Erfordernis einer klaren und
eindeutigen gesetzlichen Grundlage; an einer solchen fehlt es im
waadtländischen Recht (Erw. 3 b).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- L'art. 25 de la loi vaudoise du 5 février 1941 sur les
constructions et l'aménagement du territoire (LCAT), dans la teneur que
lui a donnée la novelle du 26 février 1964, dispose ce qui suit:

    "Les règlements communaux peuvent fixer les règles et conditions
relatives:

    1. aux zones instituées sur le territoire communal, telles que zones
d'habitation, zone industrielle, zone de verdure, zone agricole;

    2. aux alignements le long, en retrait et en dehors des voies publiques
et privées existantes et à créer;

    3. à l'ordre des constructions (contigu ou non contigu);

    4. au profil des voies nouvelles ou des voies à modifier;

    5. à la création et à l'entretien d'espaces verts entre les bâtiments
et les voies de communication;

    6. à la création d'emplacements de jeux pour les enfants;

    7. à la création de garages et de places de stationnement;

    8. à la création de pistes de ski;

    9. au mode de clôture des propriétés;

    10. aux autres conditions relatives aux constructions, notamment
l'implantation, les dimensions, le nombre d'étages, l'architecture,
la couleur des façades, l'emploi des divers matériaux.

    Les communes peuvent fixer ces règles et ces conditions par des
plans ou par des règlements proprement dits concernant soit l'ensemble du
territoire communal, soit des zones, des quartiers ou des rues déterminés."

    La commune de Jouxtens-Mézery a adopté en 1965 un nouveau "Règlement
sur le plan d'extension et la police des constructions" (RPE) ainsi qu'un
nouveau plan de zones, destinés à remplacer ceux qui avaient été établis
en 1951. Les nouveaux règlement et plan ont été approuvés par le Conseil
d'Etat le 4 mars 1966. Ils divisent le territoire communal en trois zones:
la zone du village, la zone des villas et la zone de verdure et forêts.

    Le nouveau règlement contient les dispositions suivantes au sujet de
la zone de verdure et forêts:

    "Art. 33: La zone de verdure est destinée à sauvegarder les sites,
à créer des îlots de verdure et à aménager des places de jeux et de
sport. Elle est caractérisée par l'interdiction de bâtir.

    Art. 34: Dans cette zone, la Municipalité peut autoriser l'édification
de bâtiments d'utilité publique.

    Art. 35: Toutes les parties boisées de cette zone (forêts, rideaux
d'arbres, haies, etc.) sont soumises à la loi forestière. Elles sont
caractérisées par l'interdiction de déboiser et de bâtir.

    Art. 36: Aucun arbre ne peut être enlevé sans autorisation de la
Municipalité. Les arbres doivent être remplacés au für et à mesure de
leur abattage.

    Art. 37: Les zones de verdure sur domaine privé doivent être maintenues
en bon état, par leur propriétaire. Dans le cas où l'entretien d'une
de ces zones est négligé à tel point que l'esthétique d'une rue, d'un
quartier ou d'un site s'en trouve compromis, la Municipalité peut les
faire remettre en état aux frais du propriétaire après mise en demeure
préalable fixant un délai d'exécution pour les travaux nécessaires."

    Le plan de 1951 avait classé en zone de verdure une partie des
immeubles suivants qui appartiennent maintenant à Camille Gross: le parc
du domaine de Beau-Cèdre (parcelle 145), les terrains situés au nord
de la ferme de ce domaine (parcelles 187 et 191) et le Pré de l'Oche
(parcelle 49). Le nouveau plan attribue ces fonds à la même zone; il
fait entrer en plus dans la zone verte une fraction de la propriété "Les
Marronniers" (parcelle 52), dont Jean Luzuy, Daphné Luzuy et Walter Lang
sont copropriétaires, ainsi qu'une partie de champs situés à proximité
(parcelle 187) et appartenant à Camille Gross.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public pour arbitraire,
violation de la garantie de la propriété et inégalité de traitement,
Camille Gross, Jean Luzuy, Daphné Luzuy et Walter Lang demandent au
Tribunal fédéral d'annuler: 1) le plan de zones dans la mesure où il
prévoit une zone de verdure sur la propriété "Les Marronniers" et sur
les parties non cadastrées comme bois de la propriété "Beau-Cèdre"; 2)
les art. 34, 35, 36 et 37 du règlement. Les recourants développent les
moyens suivants à l'appui de leurs conclusions:

    La délimitation de la zone de verdure n'est pas justifiée. Le
motif invoqué en 1951 pour placer en cette zone une partie du domaine
de Beau-Cèdre (empêcher la construction d'une ferme modèle par la
Confédération, qui en était propriétaire) n'existe plus actuellement,
le domaine ayant changé de mains. La Commune n'a pas indiqué les raisons
qu'elle a de maintenir malgré tout ces fonds en zone verte. Il est
possible qu'elle l'ait fait dans l'idée d'y bâtir un jour des édifices
d'intérêt public tels que collège ou église, ainsi qu'elle en avait exprimé
l'intention dans une lettre adressée à Camille Gross le 29 avril 1961. Mais
une mesure prise à de telles fins serait, faute de reposer sur une base
légale et d'être motivée par un intérêt public, arbitraire et contraire
à la garantie de la propriété. La Commune est d'ailleurs propriétaire
d'autres terrains, sur lesquels il lui serait loisible d'exécuter les
projets envisagés. Quant à la zone de verdure frappant la propriété des
Marronniers, elle ne se fonde sur aucune raison objective: elle netient
pascomptedes limites des terrains frappés ni ne s'intègre dans un plan
d'aménagement général.

    En ce qui concerne le règlement, plusieurs dispositions en sont
critiquables, aux dires des recourants. L'art. 34, autorisant la
construction de bâtiments d'utilité publique dans la zone de verdure,
est incompatible avec la notion même d'une telle zone; favorisant
le détournement de pouvoir, il est entaché d'arbitraire; avantageant
indûment les autorités publiques par rapport aux propriétaires privés,
il transgresse le principe d'égalité; enfin, dépourvu de base légale et
dépassant le but d'intérêt public visé par la Commune, il ne respecte
pas la garantie de la propriété. Dans la mesure où il soumet les haies
à la loi forestière vaudoise du 12 mai 1959, l'art. 35 est contraire à
cette dernière, qui exclut expressément les haies vives de son champ
d'application. L'art. 36, relatif à l'abattage des arbres et à leur
remplacement, sort du cadre des compétences communales, la loi forestière
réglant ces mesures d'une manière exhaustive et efficace. Enfin, la
base légale fait défaut pour l'art 37, qui contraint le propriétaire
à entretenir les zones de verdure et autorise la Municipalité à les
remettre en état aux frais de l'obligé en cas de négligence compromettant
l'esthétique d'une rue, d'un quartier ou d'un site; le Tribunal fédéral
doit se prononcer librement sur la restriction prévue, qui est grave
et inhabituelle.

    C.- Le Conseil d'Etat et la commune de Jouxtens-Mézery concluent au
rejet du recours...

    D.- Une délégation du Tribunal fédéral a visité les lieux. Les
membres de la Cour ont en outre pu prendre connaissance d'une maquette
du territoire communal, déposée au Tribunal huit jours avant la séance.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) L'art. 34 RPE, en vertu duquel la Municipalité peut autoriser
en zone de verdure l'édification de bâtiments d'utilité publique, échappe
à la critique. Il ne serait arbitraire que s'il était dénué de toute
justification, en particulier si l'autorisation prévue était absolument
incompatible avec l'existence d'une zone de verdure. Tel n'est cependant
pas le cas. La présence d'un bâtiment dans une zone de verdure ne la
dénature pas nécessairement. Par exemple, la construction d'un musée,
d'un temple ou même d'un hôtel judiciaire dans un vaste parc n'en modifie
pas forcément l'aspect général ou la destination principale. Sans doute
pourrait-il en être autrement si un collège ou un bâtiment administratif
ouvert chaque jour à de nombreux visiteurs s'élevait dans une étroite zone
de verdure. Mais une disposition réglementaire ne peut être annulée pour le
seul motif qu'elle est susceptible d'être interprétée extensivement. Dès
lors, il suffit que l'application de l'art. 34 puisse se concilier avec
le but d'une zone verte pour que cette disposition soit à l'abri du grief
d'arbitraire. Il appartient aux intéressés de se défendre, de cas en cas,
contre les mesures abusives. Selon les circonstances, ils pourront recourir
contre la création d'une zone de verdure qui ne répond pas à ses fins, ou
bien s'opposer aux projets de construction qui altèrent une telle zone,
ou encore, à l'occasion d'une expropriation, contester l'intérêt public
de cette mesure.

    L'art. 34 n'entraîne pas non plus une inégalité inadmissible entre les
autorités publiques et les propriétaires privés. Il n'est pas contraire
au principe d'égalité d'autoriser des bâtiments d'utilité publique là où
des maisons particulières sont interdites. La différence de destination
justifie celle de traitement. En outre, si certains édifices d'utilité
publique sont compatibles avec l'existence d'une zone de verdure, on ne
conçoit guère que des bätiments privés puissent s'élever sur une telle
zone sans la détourner de son but.

    En lui-même, l'art. 34 ne porte pas atteinte à la propriété privée
ni, partant, ne peut en violer la garantie. Les particuliers ne seront
touchés que si la collectivité publique exproprie leurs fonds. C'est
alors qu'il lui incombera d'établir l'existence d'une base légale et d'un
intérêt public.

    b) L'art. 35 RPE, qui soumet à la loi forestière les parties boisées
de la zone de verdure (forêts, rideaux d'arbres, haies, etc.), n'est
pas dépourvu de base légale. En prévoyant que les règlements communaux
peuvent fixer les règles et conditions relatives aux zones instituées
sur le territoire communal, l'art. 25 ch. 1 LCAT autorise les communes à
déterminer les modalités d'affectation, d'utilisation et d'entretien de
ces zones. Dès lors, l'art. 35 RPE n'est pas contraire à la législation
cantonale ni au principe de la séparation des pouvoirs. Si l'art. 2 al. 2
de la loi forestière exclut de son champ d'application les haies vives,
il n'empêche pas les communes d'user des compétences que leur attribue
l'art. 25 LCAT pour assujettir les haies au régime forestier.

    c) L'art. 36 RPE, qui subordonne l'enlèvement des arbres à
l'autorisation de la Municipalité et ordonne le remplacement des arbres
abattus, peut également s'appuyer sur l'art. 25 LCAT et ne viole pas
davantage la loi forestière. Les recourants reprochent au règlement
communal d'engendrer des complications et des frais inutiles, mais ils
ne s'efforcent pas de démontrer l'exactitude de cette allégation, qui ne
peut dès lors être prise en considération.

    d) L'art. 37 RPE oblige les propriétaires intéressés à maintenir
en état la zone verte et autorise la Municipalité à remédier à leur
carence si l'esthétique d'une rue, d'un quartier ou d'un site s'en trouve
compromise. Cette disposition repose elle aussi sur l'art. 25 LCAT, tel
qu'il vient d'être interprété. Même si la gravité de l'atteinte causée
requérait en l'espèce une base légaleclaire et nette, cette exigence
serait respectée.

Erwägung 2

    2.- a) La Commune de Jouxtens-Mézery soutient que Camille Gross est à
tard pour recourir contre l'attribution de ses fonds à la zone de verdure:
sous réserve d'une petite partie de la parcelle 187, les autres terrains
du recourant y avaient été placés par le plan de 1951 déjà, contre lequel
il n'y a pas eu de recours; le plan de 1965 n'a fait que les y maintenir,
de sorte qu'il ne peut pas être attaqué sur ce point.

    L'exception soulevée par la Commune est mal fondée.  Selon
l'art. 84 al. 1 lettre a OJ, le recours de droit public est recevable
contre une décision ou un arrêté cantonal pour violation de droits
constitutionnels. Même si un tel acte reprend le contenu d'un autre,
il n'en est pas moins sujet à recours. C'est dire que la passivité des
propriétaires à l'égard du plan de 1951 ne les empêche pas, eux ou leurs
successeurs, de s'en prendre au plan de 1965.

    b) La Commune dénie au surplus à Camille Gross un intérêt actuel au
recours pour le parc de Beau-Cèdre. Une telle exception est également mal
fondée: supposé que le recourant tienne à conserver ce parc et les arbres
qui s'y trouvent, cela ne signifie pas qu'il ait renoncé à disposer de
ses biens dans une mesure incompatible avec leur classement en zone de
verdure. Son intérêt à recourir n'est au surplus pas douteux pour les
autres parcelles attribuées à la zone de verdure.

Erwägung 3

    3.- Il y a lieu maintenant de statuer sur le sort de chacun des fonds
litigieux. Dans la mesure où les recourants prétendent que l'attribution
de leurs parcelles à la zone de verdure n'est motivée par aucun intérêt
public, ils soulèvent une question qui relève principalement du fait
et que le Tribunal fédéral examinera sous le seul angle de l'arbitraire
(RO 91 I 335 et les arrêts cités).

    a) Le parc du domaine de Beau-Cèdre n'en est pas seulement l'ornement,
mais il contribue à embellir la région environnante. Son attribution
à la zone de verdure se justifie pour des raisons évidentes d'intérêt
public. Lors de la visite des lieux, Camille Gross l'a admis en principe.

    Le classement du parc en zone verte ne sera contestable que si
la maison de maître vient un jour à disparaître et si, de ce fait,
le domaine perd son caractère de grande propriété (cf. RO 90 I 355
s.). Il n'est cependant pas vraisemblable que cette hypothèse se réalisera
prochainement. Au surplus. la législation cantonale donne à tout intéressé
le droit de demander, après dix ans, la modification ou l'abandon d'un plan
(art. 26 LCAT).

    b) La Commune de Jouxtens-Mézery ne dissimule pas les motifs pour
lesquels elle a attribué à la zone verte les terrains situés au nord
de la ferme de Beau-Cèdre. Aux termes de sa réponse, "... il s'agit
de terrains sur lesquels la Commune prévoit le développement du centre
de la Commune. Jouxtens n'a pas encore d'église (une association s'est
fondée en 1965 en vue de la construction d'une église à Jouxtens); il
faudra construire une école plus grande. En classant la quasi-totalité
de son territoire en zone constructible, la Commune s'expose à voir
la population augmenter au cours des prochaines années. Elle doit donc
prévoir l'extension du centre de la Commune et réserver des terrains à
cet effet. Ces terrains sont tout naturellement ceux qui sont à proximité
immédiate du centre civique actuel de la Commune... En classant ces
terrains en zone de verdure dès 1951, la Commune a entendu interdire
des constructions privées en vue de l'aménagement futur du centre de la
localité (église, école, maison de commune). La zone de verdure emportant
interdiction de bâtir, ce but est atteint par le classement dans cette
zone, qui a sa base légale à l'art. 25 LCAT". Ainsi la Commune entend,
par le classement de ces terrains en zone de verdure, y interdire
toute construction privée avant que des bâtiments d'utilité publique
n'y soient élevés. Loin de vouloir ménager de façon durable un espace de
verdure, elle a cherché à réserver un emplacement propice à ses projets de
construction. En somme, sous le couvert d'une zone de verdure, qu'elle a
détournée de son but, elle a créé une zone d'édifices publics. Il importe
dès lors d'examiner si la création d'une telle zone repose sur une base
légale. Comme tout bâtiment privé est prohibé sur un territoire étendu,
le Tribunal fédéral exigera, suivant sa jurisprudence traditionnelle,
une base légale claire et nette (RO 74 I 156, 76 I 336, 77 I 218, 78 I
428, 81 I 29, 84 I 173, 85 I 231, 89 I 104, 191, 91 I 125). En effet,
lorsqu'une grave atteinte est portée à la propriété, il convient de
s'assurer qu'elle répond à la volonté du législateur.

    Or, si l'art. 25 al. 1 LCAT prévoit l'institution de zones
d'habitation, de zones industrielles, de zones de verdure et de zones
agricoles (ch. 1), ainsi que la création d'emplacements de jeux (ch. 6),
de places de stationnement (ch. 7) et de pistes de ski (ch. 8), il n'y
est pas question d'une zone d'édifices publics.

    Il s'ensuit que, dans la mesure où il frappe les terrains situés
au nord de la ferme de Beau-Cèdre, le plan de zones de la Commune de
Jouxtens-Mézery manque d'une base légale claire et nette. Violant la
garantie de la propriété, il doit être annulé en ce qui concerne ces
fonds...

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement le recours et annule le plan de zones de la
Commune de Jouxtens-Mézery dans la mesure où il place en zone de verdure:
a) les parcelles 49, 187 et 191 appartenant au recourant Camille Gross;

    b) la parcelle 52 appartenant en copropriété aux recourants Jean Luzuy,
Daphné Luzuy et Walter Lang, à l'exception des deux parties boisées;

    2. Rejette le recours pour le surplus.