Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 I 21



92 I 21

6. Arrêt du 23 février 1966 dans la cause Baatard contre Conseil d'Etat
du canton de Genève. Regeste

    Art. 45 Abs. 2 und 3 BV. Begriff der Niederlassung; Verlust des
Anspruchs auf Niederlassung und vorübergehender Aufenthalt.

Sachverhalt

    Gilbert Baatard est originaire du canton de Vaud. Il est domicilié à
Nyon (Vaud) depuis le mois d'août 1964. Dès cette époque, il travaille
à Genève. Il n'est pas au bénéfice d'un permis d'établissement ou de
séjour à Genève. Il a été condamné le 2 mai 1962 par le Tribunal de police
correctionnelle du district de Lausanne à trois ans d'emprisonnement et
cinq ans de privation des droits civiques pour incendies intentionnels
et escroqueries, et le 20 mais 1965 par la Cour correctionnelle de Genève
a trois mois d'emprisonnement pour vol.

    Le 15 septembre 1965, le Département de justice et police du canton de
Genève, se fondant sur les faits ci-dessus, a expulsé Baatard du territoire
genevois. Le 10 décembre 1965, le Conseil d'Etat dudit canton a rejeté
un recours dont Baatard l'avait saisi. Le 28 décembre 1965, ce dernier
a sollicité la délivrance d'un sauf-conduit qui devrait lui permettre
de continuer à travailler à Genève. Le 3 janvier 1966, le Département a
écarté sa requête, qu'il a considérée comme prématurée.

    Baatard a formé un recours de droit public contre la décision du
Conseil d'Etat du 10 décembre 1965. Il en demande l'annulation. Il se
plaint d'une violation de l'art. 45 Cst.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 45 al. 2 Cst. permet de refuser ou de retirer
l'établissement à celui qui, par suite d'un jugement pénal, ne jouit
pas de ses droits civiques. L'art. 45 al. 3 Cst. autorise le retrait
d'établissement à l'égard du citoyen qui a été puni à réitérées fois
pour des délits graves. Une personne est établie en un certain lieu non
seulement lorsqu'elle y demeure au bénéfice d'un permis d'établissement ou
de séjour régulièrement délivré, mais déjà quand elle y réside en fait sans
posséder un tel permis (arrêts non publiés Fehr, du 12 décembre 1964, et
Andreotti, du 12 mai 1954). Du point de vue des règles de l'art. 45 Cst.,
un citoyen doit être considéré comme résidant à un endroit déterminé non
seulement lorsqu'il y travaille et y loge, mais déjà quand il n'y vient que
la journée pour y travailler et qu'il habite ailleurs. Le but de l'art. 45
al. 2 et 3 Cst. impose cette manière de voir, du moins en ce qui concerne
les citoyens frappés d'une condamnation pénale. Cette disposition vise en
effet à donner aux cantons le moyen de se débarrasser de ceux que leurs
antécédents permettent de considérer comme indésirables. Elle serait
illusoire si elle était inapplicable aux personnes qui, tout en demeurant
hors du canton, y viennent chaque jour pour leur travail.

    Selon une jurisprudence constante, celui qui a perdu le droit à
l'établissement ne saurait non plus invoquer l'art. 45 Cst. pour prétendre
résider de manière passagère sur le territoire cantonal (RO 42 I 304;
arrêts non publiés Chevalier du 31 mars 1954, Widmer du 12 mai 1954,
Baur du 10 juin 1963). Il n'est protégé que par l'art. 4 Cst., en ce sens
qu'il peut attaquer une décision qui lui refuse arbitrairement un séjour
purement temporaire dans le canton (RO 42 I 305; arrêt Baur précité).

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, depuis l'été 1964, le recourant a son domicile à Nyon,
mais travaille à Genève où, de toute évidence et bien que cela ne résulte
pas expressément du dossier, il se rend au moins chaque jour ouvrable. Dès
cette époque, il est donc établi à Genève au sens de l'art. 45 Cst. Il
est privé de ses droits civiques pour cinq ans par le jugement du 2 mai
1962, de sorte qu'il pouvait se voir refuser ou retirer l'établissement en
vertu de l'art. 45 al. 2 Cst. De plus, il a été condamné à deux reprises
(la seconde fois alors qu'il était déjà établi à Genève, RO 83 I 13) pour
des délits graves (vol, c'est-à-dire infraction contre le patrimoine punie
par une peine de trois mois d'emprisonnement, donc largement supérieure
à trois ou quatre semaines, RO 80 I 237 ss., ainsi qu'incendies et
escroqueries réprimés par trois ans d'emprisonnement). Les autorités
genevoises étaient donc aussi fondées à lui retirer l'établissement en
vertu de l'art. 45 al. 3 Cst. Comme il a perdu le droit à l'établissement,
il ne peut prétendre non plus résider temporairement à Genève. Avec raison,
il n'allègue pas que le refus d'un sauf-conduit soit arbitraire.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.