Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 I 13



92 I 13

4. Arrêt du 16 février 1966 dans la cause Daouchi contre Conseil d'Etat
du canton de Vaud. Regeste

    Art. 88 OG. Art. 4 BV. Formelle Rechtsverweigerung.

    1.  Der Ausländer ist zur staatsrechtlichen Beschwerde wegen Verletzung
des aus Art. 4 BV folgenden Rechts, die im Gesetz vorgesehenen Rechtsmittel
zu ergreifen, legitimiert, und zwar selbst dann, wenn ihm in der Sache
selbst die Legitimation abgeht (Erw. 1).

    2.  Auf dem Gebiet des Prozessrechts stellt der Formalismus eine
formelle Rechtsverweigerung dar, wenn er übertrieben wird, d.h. wenn
er sich durch kein schutzwürdiges Interesse rechtfertigen lässt und
die Durchführung des materiellen Rechts in unhaltbarer Weise erschwert
(Erw. 2).

    3.  Einen solchen Formalismus begeht die kantonale Rechtsmittelinstanz,
die auf ein Rechtsmittel mangels Einreichung der nach Gesetz erforderlichen
Vollmacht des Anwalts nicht eintritt, undzwar ohne dem Rekurrenten eine
kurze Frist zur Behebung des Mangels zu setzen, obwohl das Rechtsmittel am
zweiten Tag der Frist bei der Rechtsmittelinstanz einging und der Mangel
hätte behoben werden können (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Dlle Messaouda Daouchi est ressortissante française. Le 12 novembre
1965, elle fut l'objet d'une décision d'expulsion du territoire suisse
prise par le Département de justice et police du canton de Vaud. Elle
en reçut notification le 18 novembre 1965. Le lendemain, l'avocat Pierre
de Chastonay, à Sierre, déclarant agir au nom de dlle Daouchi, recourut
contre cette décision au Conseil d'Etat du canton de Vaud. Il ne joignit
point de procuration au recours. Le 3 décembre 1965, le Conseil d'Etat
écarta celui-ci préjudiciellement en bref par les motifs suivants:

    En vertu de l'art. 4 al. 2 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 15
septembre 1952 fixant la procédure pour les recours administratifs
(APRA), le recours "est signé par le recourant ou par son mandataire,
lequel doit joindre sa procuration au recours". En l'espèce, l'avocat de
Chastonay n'a pas joint sa procuration au recours et il ne l'a pas envoyée
séparément avant l'expiration du délai de recours. Il est vrai qu'en vertu
de l'art. 4 al. 3 APRA, "les avocats pratiquant dans le canton peuvent
signer les recours sans procuration, sauf à justifier de leurs pouvoirs,
s'ils en sont requis". Toutefois, cette disposition n'est pas applicable
en l'espèce, puisque l'avocat de Chastonay a son étude à Sierre et ne
figure pas sur la liste des avocats d'autres cantons admis à pratiquer
régulièrement dans le canton de Vaud.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, dlle Daouchi
requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat. Elle
invoque l'art. 4 Cst.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence, l'étranger a qualité pour former un recours
de droit public fondé sur une violation de l'art. 4 Cst. lorsqu'il se
plaint d'un déni de justice consistant en une atteinte à des droits que
l'art. 4 Cst. confère au particulier sans égard à sa nationalité (RO 91
I 49). L'art. 4 Cst. donne au plaideur le droit notamment de déposer
les recours prévus par la loi. Le Tribunal fédéral l'a jugé à propos des
recours du prévenu en matière pénale (RO 47 I 230, 49 I 226); mais ce
principe est également applicable aux recours en matière administrative;
il interdit à la juridiction de recours de refuser l'entrée en matière
par des motifs incompatibles avec l'art. 4 Cst.; il s'applique à tout
justiciable, sans égard à sa nationalité. En l'espèce, c'est précisément
la violation de ce droit qu'allègue la recourante, car elle reproche au
Conseil d'Etat d'avoir basé sa décision d'irrecevabilité sur des règles
de procédure inadmissibles au regard de l'art. 4 Cst. Elle a dès lors
qualité pour recourir, bien qu'elle soit étrangère.

    Il est vrai que, sur le fond, il s'agit d'une affaire d'expulsion régie
par la loi fédérale du 26 mars 1931, sur le séjour et l'établissement des
étrangers, et que, conformément à la jurisprudence, la recourante n'aurait
pas qualité pour former un recours de droit public fondé sur l'application
arbitraire de cette loi (RO 91 I 49/50). Or le Tribunal fédéral a déjà
jugé à plusieurs reprises que celui qui n'a pas qualité quant au fond n'a
pas qualité non plus pour se plaindre d'irrégularités de procédure (RO
74 I 168, 89 I 209 et 279). Toutefois, selon l'opinion la plus récente
du Tribunal fédéral, cette dernière jurisprudence n'est pas applicable
lorsque l'irrégularité de procédure a pour objet un droit découlant
directement de l'art. 4 Cst., tel le droit des parties d'être jugées par
une autorité régulièrement constituée, de participer à l'administration
d'une preuve ou d'être traitées dans le procès de manière égale (RO 90
I 66, 91 I 91). En l'espèce, l'irrégularité de procédure alléguée a pour
objet le droit de former les recours prévus par la loi, c'est-à-dire un
droit découlant directement de l'art. 4 Cst. La recourante a donc qualité
pour agir, alors même qu'elle ne serait pas autorisée à former un recours
de droit public contrela décision d'expulsion.

Erwägung 2

    2.- L'art. 4 Cst. n'interdit pas, en matière de procédure, un certain
formalisme, dans la mesure nécessaire pour assurer le déroulement régulier
de l'instance et garantir la sécurité du droit matériel. Cependant la
procédure n'est pas une fin en soi. Elle tend à permettre d'appliquer le
droit matériel. Elle ne saurait par le jeu de ses propres règles aboutir
à rendre cette application difficile à l'excès, voire à l'empêcher. C'est
pourquoi le Tribunal fédéral a jugé à maintes reprises déjà qu'en matière
de procédure, un formalisme excessif, que la protection d'aucun intérêt
ne justifie et qui complique d'une manière insoutenable l'application du
droit matériel, équivaut à un déni de justice formel condamné par l'art. 4
Cst. (RO 81 I 118, 85 I 209, 86 I 9/10, 87 I 9).

    En l'espèce, la recourante soutient que le Conseil d'Etat ne pouvait,
sans violer l'art. 4 Cst., "interdire d'emblée" à son mandataire "de
signer le recours interjeté sans procuration". Selon toute vraisemblance,
elle entend dire ainsi que l'art. 4 Cst. obligerait l'autorité cantonale,
avant de déclarer le recours irrecevable, à fixer à l'avocat un délai
pour corriger l'informalité commise.

    L'art. 4 al. 2 APRA prescrit au mandataire de joindre sa procuration au
recours. Le Conseil d'Etat considère ce texte comme une règle de procédure
essentielle et il sanctionne son inobservation par l'irrecevabilité du
recours. En soi, l'exigence de la procuration est légitime. La juridiction
de recours doit en effet pouvoir vérifier que le signataire du mémoire
est autorisé à agir. Or elle ne le peut sans avoir en main le document
qui constate l'existence du contrat de mandat. En revanche, il est très
douteux que le système consistant à exiger le dépôt de la procuration
avec le recours et à sanctionner la violation de cette règle par une
décision d'irrecevabilité prononcée sans autre formalité soit conforme
à l'art. 4 Cst. Le contrôle, nécessaire sans doute, des pouvoirs du
mandataire n'exige pas une solution aussi rigoureuse. Si, dans une affaire
donnée, le Conseil d'Etat estime devoir procéder à une telle vérification,
il lui suffit d'inviter le mandataire qui n'aurait pas encore envoyé sa
procuration à la produire dans un bref délai sous peine d'irrecevabilité
du recours. Point n'est besoin cependant de trancher définitivement la
question et d'affirmer aujourd'hui déjà que la sanction de l'irrecevabilité
ne peut jamais être prononcée sans fixation préalable d'un délai; car les
circonstances de la présente espèce sont telles que, même si le système
de l'art. 4 al. 2 APRA pouvait être admis dans certaines hypothèses,
il n'en serait pas moins indéfendable dans le cas particulier.

    En effet, la recourante a reçu notification de la décision
d'expulsion le 18 novembre 1965. Elle avait un délai de recours de dix
jours (art. 4 al. 1 APRA)), qui commençait à courir le 19 novembre 1965
et expirait le 29 novembre 1965. Son mandataire a agi le premier jour
du délai et le mémoire est parvenu au Conseil d'Etat le lendemain. La
plus grande partie du délai restait donc à courir. En outre, dans la
décision attaquée et dans sa réponse, le Conseil d'Etat laisse clairement
entendre que, conformément à sa pratique, il n'aurait pas déclaré le
recours irrecevable si la procuration avait été produite au moins durant
le délai de recours. Le conseil de la recourante aurait eu ainsi tout le
temps de corriger l'irrégularité qu'il avait commise. En ne l'en informant
pas, fût-ce par un simple appel téléphonique de l'un de ses employés, le
Conseil d'Etat a violé l'art. 4 Cst. En effet - les principes découlant
de cette disposition l'exigent - si une informalité propre à entraîner
l'irrecevabilité d'un recours administratif est commise, mais qu'elle
peut encore valablement être corrigée, l'administration est tenue d'en
informer le justiciable. En demeurant passive puis en prenant prétexte
de l'irrégularité pour déclarer le recours irrecevable, elle fait preuve
d'un formalisme inutile. De plus, sans raisons suffisantes, elle rend une
décision qui revient en réalité à priver l'administré du droit de former
les recours prévus par la loi; car ce droit comprend celui d'exiger que
le recours soit examiné quant au fond lorsque sont remplies les conditions
de recevabilité que l'art. 4 Cst. permet de poser.

Erwägung 3

    3.- Le recours doit être admis déjà par les motifs qui précèdent. Il
est inutile dès lors de rechercher s'il devrait l'être aussi en raison de
l'inégalité de traitement que l'art. 4 al. 3 APRA crée entre les avocats
pratiquant dans le canton de Vaud et ceux qui exercent leur profession
ailleurs.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée.