Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 82



92 II 82

14. Arrêt de la IIe Cour civile du 7 juillet 1966 dans la cause F. contre
M. et A. P. Regeste

    Vaterschaftsklage auf Vermögensleistungen. Gerichtsstand in
internationaler Beziehung.

    Weder das Haager Übereinkommen vom 24. Oktober 1956 über das auf
Unterhaltsverpflichtungen gegenüber Kindern anzuwendende Recht noch
das Haager Übereinkommen vom 15. April 1958 über die Anerkennung und
Vollstreckung von Entscheidungen auf dem Gebiet der Unterhaltspflicht
gegenüber Kindern (AS 1964 S. 1277 ff.) enthalten Regeln über die
gerichtliche Zuständigkeit, welche dem internen Recht der Vertragsstaaten
vorgingen.

Sachverhalt

    A.- M. P. de nationalité italienne, née le 6 mars 1937, a pris domicile
à Fribourg au mois d'avril 1963. Elle travaille comme employée de maison
dans cette ville, où elle a conservé son domicile.

    Le 12 août 1964, dlle P. a mis au monde, à Fribourg, un enfant du sexe
masculin, auquel on a donné le prénom d'A. Elle a attribué la paternité
de cet enfant à B. F. de nationalité française, né le 20 juin 1938, qui
a travaillé à Fribourg jusqu'au 23 décembre 1964. F. a quitté Fribourg
pour rentrer en France.

    Dlle P. a conduit son enfant en Italie à Noël 1964. Elle l'a confié
à sa mère qui l'élève. L'enfant a sa résidence habituelle en Italie,
où sa grand-mère maternelle est domiciliée.

    B.- Par demande du 22 février 1965, M. P. et son enfant A. au nom
duquel agit son curateur, le tuteur général de la ville de Fribourg,
ont introduit une action contre B. F. devant le Tribunal civil de
l'arrondissement de la Sarine, à Fribourg. Se fondant sur l'art. 317 CC,
la mère a réclamé le paiement de ses frais de couches et d'hospitalisation
durant la grossesse, de ses dépenses de layette et d'une indemnité pour
son entretien quatre semaines avant et quatre semaines après la naissance,
au total 1817 fr. 50. Quant à l'enfant, il a requis une pension alimentaire
en vertu de l'art. 319 CC, savoir 100 fr. par mois de sa naissance à l'âge
de six ans révolus, puis 130 fr. par mois jusqu'à douze ans révolus et
160 fr. par mois jusqu'à dix-huit ans révolus. Les demandeurs, domiciliés
à Fribourg lors de la naissance de l'enfant, fondaient la compétence du
tribunal saisi sur l'art. 312 al. 1 CC et la jurisprudence du Tribunal
fédéral; ils se référaient en particulier aux arrêts publiés au RO 84 II
605 consid. 2, 85 II 319 consid. 1 et 89 II 113 ss.

    Dans sa réponse du 24 mars 1965, le défendeur a décliné la
compétence ratione loci du Tribunal civil de l'arrondissement de la
Sarine. Il invoquait les conventions de La Haye du 24 octobre 1956
sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants
(en abrégé: convention sur la loi applicable) et du 15 avril 1958,
concernant la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
d'obligations alimentaires envers les enfants (en abrégé: convention sur
la reconnaissance). A son avis, ces conventions, auxquelles la Suisse a
adhéré, excluent le for du domicile de la partie demanderesse au temps
de la naissance.

    Statuant le 14 octobre 1965, le Tribunal civil de l'arrondissement
de la Sarine a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur.

    Par arrêt du 7 février 1966, la Cour civile du Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg a rejeté le recours de F. et confirmé le jugement
sur déclinatoire.

    C.- Contre cet arrêt, F. recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il
conclut derechef à l'incompétence du Tribunal civil de l'arrondissement
de la Sarine.

    Les intimés M. et A. P. concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1. -...(recevabilité).

Erwägung 2

    2.- Dans les conventions et les traités conclus par la Suisse au sujet
de la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des jugements
étrangers, on distingue deux catégories (GULDENER, Das internationale
und interkantonale Zivilprozessrecht der Schweiz, p. 118 ss).

    a) Il y a des accords qui délimitent la compétence juridictionnelle
respective des Etats contractants, si ce n'est d'une façon générale du
moins pour certaines actions déterminées. Les règles de for instituées par
le traité remplacent alors les dispositions du droit interne de chaque Etat
contractant. Le traité doit être appliqué par le juge appelé à connaître
d'un procès qui entre dans le domaine visé. S'il n'est pas compétent au
regard des dispositions conventionnelles, le tribunal saisi d'une action
ne peut entrer en matière. S'il est compétent, le jugement qu'il rendra
quant au fond sera reconnu et exécuté dans l'autre Etat contractant.

    b) D'autres conventions ou traités ont seulement pour objet la
reconnaissance et l'exécution des jugements; ils déterminent les conditions
auxquelles les jugements rendus par les tribunaux d'un Etat seront reconnus
et exécutés dans l'autre Etat. Ces accords n'établissent pas de règles de
compétence judiciaire communes aux Etats contractants, qui primeraient les
dispositions de leur droit interne en ce domaine. Les Etats contractants
demeurent libres de régler le for comme ils l'entendent. Leurs tribunaux
décideront à la lumière du droit interne, lorsqu'ils sont saisis d'une
action, s'ils entrent en matière ou s'ils déclinent leur compétence.
D'autre part, chaque Etat contractant ne s'oblige pas à reconnaître et
à exécuter tout jugement rendu dans l'autre Etat, mais seulement les
décisions qui remplissent les conditions prévues par le traité. L'une
de ces conditions est que le jugement dont l'exécution est requise ait
été rendu par un tribunal compétent au regard de la convention. Mais les
règles de compétence instituées par le traité n'ont pas une portée plus
étendue. Elles n'empêchent en aucune manière un tribunal incompétent
selon le traité de se saisir d'une action et de statuer quant au fond,
s'il est compétent en vertu du droit interne. La seule conséquence de son
incompétence au regard du traité sera que le jugement ne pourra pas être
exécuté dans l'autre Etat contractant.

    Parmi les conventions bilatérales conclues par la Suisse au sujet
de la reconnaissance et de l'exécution des décisions judiciaires, celle
qui a été passée avec la France en 1869 institue en outre des règles de
compétence communes aux deux Etats; les autres, passées en 1896 avec
l'Espagne, en 1926 avec la Tchécoslovaquie, en 1927 avec l'Autriche
(remplacée en 1960 par une nouvelle convention), en 1929 avec l'Allemagne,
en 1933 avec l'Italie, en 1936 avec la Suède et en 1959 avec la Belgique,
font abstraction de toutes normes communes de juridiction (cf. Message du
Conseil fédéral du 31 juillet 1959 concernant la convention belgo-suisse,
FF 1959 II p. 302; au sujet de la convention italo-suisse, cf. RO 88 II
10 et 84 II 63).

Erwägung 3

    3.- La convention de La Haye sur l'exécution vise, selon son préambule,
à "établir des dispositions communes pour régler la reconnaissance et
l'exécution des décisions en matière d'obligations alimentaires envers les
enfants" (ROLF 1964 p. 1290). L'art. 1er dispose qu'elle "a pour objet
d'assurer la reconnaissance et l'exécution réciproques, par les Etats
contractants, des décisions rendues à l'occasion de demandes, à caractère
national ou interne, portant sur la réclamation d'aliments par un enfant
légitime, non légitime ou adoptif, non marié et âgé de moins de 21 ans
accomplis". L'art. 2 détermine les conditions auxquelles "les décisions
rendues en matière d'aliments dans un des Etats contractants devront être
reconnues et déclarées exécutoires, sans révision au fond, dans les autres
Etats contractants". Le ch. 1er du même article exige, en particulier,
que l'autorité qui a statué - c'est-à-dire accueilli la demande d'aliments
de l'enfant - soit compétente en vertu de la convention. Les règles de
compétence sont énoncées à l'art. 3, qui a la teneur suivante:

    "Aux termes de la présente Convention, sont compétentes pour rendre
des décisions en matière d'aliments...:

    1. Les autorités de l'Etat sur le territoire duquel le débiteur
d'aliments avait sa résidence habituelle au moment où l'instance a été
introduite;

    2. Les autorités de l'Etat sur le territoire duquel le créancier
d'aliments avait sa résidence habituelle au moment où l'instance a été
introduite;

    3. L'autorité à la compétence de laquelle le débiteur d'aliments s'est
soumis soit expressément, soit en s'expliquant sur le fond sans réserves
touchant la compétence."

    De ces textes, il résulte sans conteste que la convention sur
l'exécution relève de la seconde catégorie, définie au consid. 2 lettre b)
ci-dessus. Elle n'institue pas des règles de compétence juridictionnelle
communes aux Etats contractants, qui primeraient leurs dispositions
internes sur le for. Elle ne traite de la compétence que dans la mesure
où celle-ci est une condition de la reconnaissance et de l'exécution
d'une décision par les autres Etats contractants. Le Conseil fédéral
l'a du reste précisé en termes exprès dans son message du 9 mars 1964
concernant l'approbation des deux conventions de La Haye. On y lit en
effet: "La convention étant uniquement une convention d'exécution, elle
ne traite de la compétence des autorités que pour indiquer les cas où
cette compétence doit être reconnue par les autres Etats contractants"
(FF 1964 I p. 523).

    Quant à la convention sur la loi applicable, elle se borne à
établir, selon son préambule, "des dispositions communes concernant la
loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants" (ROLF
1964 p. 1287). L'art. 1er al. 1 pose la règle selon laquelle "la loi
de la résidence habituelle de l'enfant détermine si, dans quelle mesure
et à qui l'enfant peut réclamer des aliments". D'autres dispositions
prévoient des dérogations. Aucune d'elles ne traite de la compétence
juridictionnelle des autorités des Etats contractants.

    La Cour cantonale a dès lors admis avec raison que ni l'une ni l'autre
des deux conventions conclues à La Haye ne faisait échec à la règle de
l'art. 312 al. 1 CC qui fixe le for de l'action en recherche de paternité
au domicile de la partie demanderesse au temps de la naissance.

Erwägung 4

    4.- Les arguments invoqués à l'appui du recours ne sauraient infirmer
cette conclusion.

    a) L'art. 3 de la convention sur l'exécution détermine uniquement la
compétence des autorités en tant qu'elle est érigée en une condition de
la reconnaissance et de l'exécution des décisions par les autres Etats
contractants. Comme on l'a vu, une pareille disposition n'institue pas une
règle commune sur le for, qui l'emporterait sur les dispositions du droit
interne. Elle n'empêche en aucune manière le juge compétent en vertu du
droit interne de statuer sur la demande dont il a été saisi.

    b) En adhérant à la convention sur l'exécution, un Etat ne s'oblige
pas à renoncer à l'application des règles du droit interne sur le for. Il
s'engage seulement à reconnaître et exécuter les décisions rendues dans
les autres Etats contractants qui remplissent les conditions prévues dans
l'accord, notamment la condition relative à la compétence.

    Contrairement à l'avis du recourant, on ne saurait tirer aucun argument
contraire du passage dans lequel le Conseil fédéral déclare qu'en dépit
des retenues manifestées par certains Etats, il est judicieux d'admettre
le for de la résidence habituelle du demandeur au moment où l'instance a
été introduite, prévu à l'art. 3 ch. 2 de la convention sur l'exécution
(FF 1964 I p. 523).

    c) Peu importe, quant à la nature de la convention, qu'elle s'applique
à tous les jugements rendus en matière civile ou commerciale, comme les
accords bilatéraux cités plus haut, ou seulement aux décisions concernant
une matière déterminée, comme les deux conventions de La Haye.

    d) En dépit de l'avis contraire du recourant, il n'y a rien de choquant
à ce qu'un enfant italien, résidant en Italie au moment de l'introduction
de l'instance, ouvre une action en paternité seul ou conjointement avec la
mère, devant le juge suisse du lieu où il avait son domicile au temps de sa
naissance, sur la base de l'art. 312 al. 1 CC, contre un Italien habitant
l'Italie ou un Français domicilié en France: si le demandeur préfère agir
en Suisse, pour des motifs qui lui sont propres et sur lesquels le juge du
lieu du domicile au temps de la naissance n'a pas à exercer de censure,
ce juge ne saurait refuser de se saisir, quand bien même son jugement
ne serait pas susceptible d'être exécuté à l'étranger. Comme le Tribunal
fédéral l'a jugé (RO 77 II 122, 79 II 350, 82 II 575/576), en l'absence
d'une disposition du droit suisse subordonnant la compétence du juge suisse
à la reconnaissance du jugement par la loi ou la jurisprudence étrangères,
le juge suisse compétent en vertu du droit suisse n'a pas à s'occuper de
la question de savoir si le jugement sera ou non susceptible d'exécution
à l'étranger. Il n'y a aucun motif de revenir sur cette jurisprudence. Le
juge suisse ne saurait décliner sa compétence, au mépris du droit interne
en vigueur, afin d'obliger le demandeur à agir devant une autorité dont la
décision serait susceptible d'exécution même à l'étranger. Et le recourant,
défendeur à l'action, est fort mal placé pour se préoccuper de l'intérêt
des parties demanderesses. Il le reconnaît du reste.

    e) Assurément, ni la convention sur la loi applicable, ni la convention
sur l'exécution ne concernent l'action de la mère. Cette action relève
indubitablement de la juridiction compétente en vertu de l'art. 312 al. 1
CC et le droit suisse lui est applicable (RO 84 II 605 ss.). Quant à
l'action de l'enfant, le recourant affirme qu'elle est soumise au droit
italien en vertu de l'art. 1er de la convention sur la loi applicable, du
moment que l'intimé A. P. a sa résidence habituelle en Italie. Il déplore
cette dualité et souligne le risque de deux jugements contradictoires. Il
en déduit qu'il serait opportun de renvoyer l'enfant à agir en Italie ou
en France.

    Point n'est besoin de rechercher, en l'état de la cause, quel est le
droit applicable à l'action de l'enfant A. P. Supposé que ce soit la loi
italienne, le juge suisse rendra son jugement au fond en appliquant cette
loi, tandis que l'action de la mère demeurera soumise au droit suisse. La
question du droit applicable n'exerce aucune influence sur la détermination
de la compétence. De même, le risque de solutions différentes données à
l'action de l'enfant et à celle de la mère est dépourvu de pertinence à
cet égard.

    f) Le recourant estime que l'action de la mère tendant à l'allocation
des prestations visées à l'art. 317 CC est accessoire par rapport
à celle de l'enfant qui réclame une pension alimentaire en vertu de
l'art. 319 CC. Il se trompe. Les deux actions sont indépendantes, quand
bien même elles reposent l'une et l'autre sur le même fondement, qui est
la paternité du défendeur. Rien n'empêche la mère de rechercher le père
présumé si l'enfant y renonce, et vice-versa (EGGER, n. 10 ad art. 307 CC).
L'incompétence du juge saisi de l'action de l'enfant, fût-elle admise,
n'entraînerait donc pas nécessairement son incompétence pour statuer sur
la demande de la mère.

    5. -...(domicile des intimés à Fribourg lors de la naissance).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.