Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 280



92 II 280

42. Arrêt de la le Cour civile du 28 juin 1966 dans la cause Schmiedlin
contre Sel-Rex SA Regeste

    Erfindungspatent, Teilnichtigkeit, Einschränkung.

    1.  Vom Richter ausgesprochene Teilnichtigkeit bei Klage auf gänzliche
Nichtigerklärung des Patents; Art. 27 Abs. 1 PatG (Erw. I/2).

    2.  Einschränkung des Patents durch Zusammenlegung des Patentanspruchs
mit einem Unteranspruch; Art. 27 und 24 Abs. 1 lit. b PatG (Erw. I/3).

    3.  Anforderungen an die Definition der Erfindung im Patentgesuch;
Art. 50/51 PatG (Erw. I/4).

    4.  Neuheit und Erfindungshöhe einer Erfindung betreffend die
Zubereitung eines galvanoplastischen Bades zur Erlangung einer aus dem
Niederschlag von Gold und Silber gebildeten Plattierung (Erw. I/5).

    5.  Nachahmung des geschützten Verfahrens (Erw. II).

Sachverhalt

    A.- Sel-Rex SA, à Genève, est titulaire du brevet suisse no 326 573,
enregistré le 31 décembre 1957 selon demande du 20 février 1954 et qui a
pour objet un "procédé pour l'obtention de dépôts galvaniques d'alliage
or-argent". La demande de brevet contenait une revendication accompagnée
de six sousrevendications et d'une description.

    La revendication était ainsi rédigée:

    "Procédé pour l'obtention de dépôts galvaniques d'alliage orargent dur
et de surface brillante, au moyen d'un bain électrolytique contenant de
l'aurocyanure de potassium, du cyanure de potassium libre et du cyanure
d'argent et de potassium, caractérisé en ce que l'on opère en maintenant
le bain à une température ne dépassant pas 26o."

    La sous-revendication 2 avait la teneur suivante:

    "Procédé selon la revendication, caractérisé en ce que le bain contient
de 6 à 48 gr d'aurocyanure de potassium, de 45 à 200 gr de cyanure de
potassium et de 0,08 gr à 0,4 gr de cyanure d'argent et de potassium par
litre de solution."

    La description renfermait des indications plus détaillées sur la
composition et la température du bain, ainsi que l'exemple d'une formule
utilisable pour constituer l'électrolyte dans la cellule capable de former
de l'"or brillant".

    Sel-Rex SA a mis sur le marché une solution offerte sous le nom de
"bain Sel-Rex 18 K", qui dérive de l'idée exprimée dans le brevet et qui
est destinée à servir d'électrolyte pour la préparation de placages d'or
de couleur jaune.

    B.- A une date qui n'a pas été précisée, mais qui doit être postérieure
au dépôt du brevet, la société en commandite Philippi & Co. K.G., à
Pforzheim (République fédérale d'Allemagne), a fabriqué et mis sur le
marché une solution offerte sous le nom de "bain Philico 201", également
destinée à servir d'électrolyte pour la préparation de placages d'or de
couleur jaune. Son représentant Aimé Schmiedlin a mis en vente le "bain
Philico 201" sur le marché suisse.

    Confectionnés en partie au moyen de sels différents, les deux bains
présentent, à dire d'expert, une différence sensible dans leur préparation;
cependant, après 24 heures'ils constituent une composition à peu près
identique; les différences touchant la concentration des constituants
sont trop faibles pour entraîner des conséquences appréciables quant au
fonctionnement du bain.

    C.- Le 11 juillet 1962, Sel-Rex SA a intenté action à Schmiedlin devant
le Tribunal cantonal neuchâtelois en prenant les conclusions suivantes:

    "1.  Prononcer que le bain de placage Philico 201 tombe sous le
coup du brevet suisse No 326 573 dont il constitue une contrefaçon ou
une imitation.

    2.  Interdire à Aimé Schmiedlin de vendre, mettre en vente directement
ou indirectement le bain de placage Philico 201 sous menace des peines
de l'article 292 CP (arrêts ou amende).

    3.  Ordonner la publication du jugement dans dix journaux et revues
au choix de la demanderesse, aux frais du défendeur, selon les modalités
que le juge fixera.

    4.  Condamner Aimé Schmiedlin à payer à la demanderesse fr. 250 000.--
portant intérêt à 5 % dès le 9 mars 1962, à titre de dommages et intérêts."

    Schmiedlin a proposé dans sa réponse le rejet de la demande et conclu
reconventionnellement à ce qu'il plût au tribunal saisi:

    "1.  Déclarer nul et de nul effet le brevet No 326 573 dont Sel-Rex
SA est titulaire.

    2.  Interdire à Sel-Rex SA de vendre, mettre en vente directement ou
indirectement les bains de placage composés selon les données du brevet No
326 573 sous l'indication fallacieuse "Sel-Rex 18 K" et cela sous menace
des peines de l'article 292 du CP.

    3.  Autoriser Aimé Schmiedlin à publier le jugement aux frais de
Sel-Rex SA, en fixant les modalités et le moment de la publication."

    Le défendeur estimait que l'invention prétendue n'était pas nouvelle et
que le procédé, objet du brevet, ne constituait pas un progrès technique.

    En réplique, la demanderesse a conclu au rejet des conclusions
reconventionnelles de sa partie adverse et, subsidiairement, requis le
tribunal de:

    "1.  Limiter le brevet No 326 573, soit:

    a) réunir la revendication et la sous-revendication 2.

    b) supprimer la sous-revendication 1.

    c) faire figurer sous chiffres 1 à 4 les sous-revendications 3 à 6.

    2.  Constater que le bain de placage Philico 201 tombe sous le coup
du brevet ainsi limité dont il constitue une contrefaçon ou une imitation."

    Le défendeur a conclu au rejet de ces conclusions nouvelles. En cours
de procès, Sel-Rex SA s'est désistée de la conclusion 4 de sa demande,
puis des conclusions subsidiaires de sa réplique.

    La juridiction cantonale a chargé M. Jean-Pierre Renaud, attaché au
Laboratoire suisse de recherches horlogères, à Neuchâtel, d'une expertise,
après le dépôt de laquelle elle lui a demandé un rapport complémentaire.

    Estimant que, vu l'attitude prise par les parties et les déclarations
de l'expert, il fallait envisager l'hypothèse d'une limitation du brevet
en combinant, pour définir l'invention, la revendication principale et
la sous-revendication 2, le juge instructeur a rendu le 13 décembre 1965
une ordonnance invitant les parties et le Bureau fédéral de la propriété
intellectuelle à formuler, le cas échéant, leurs observations sur une
rédaction éventuelle du brevet ainsi limité (art. 27 LBI). Les parties
se sont déterminées sur le texte soumis à leur examen. Le Bureau fédéral
de la propriété intellectuelle a fait savoir au juge instructeur qu'il
n'avait aucune objection à formuler.

    D. - Le 10 janvier 1966, le Tribunal cantonal neuchâtelois a rendu
un jugement aux termes duquel il:

    "1.  Déclare la demande reconventionnelle partiellement bien fondée
et limite le brevet suisse no 326 573 comme suit:

    a)  la revendication aura la teneur suivante: "Procédé pour l'obtention
de dépôts galvaniques d'alliage or-argent, de surface brillante, au moyen
d'un bain électrolytique, caractérisé en ce que le bain contient de 6 à
48 g d'aurocyanure de potassium, de 45 à 200 g de cyanure de potassium, de
0,08 g à 0,4 g de cyanure d'argent et de potassium par litre de solution,
et en ce qu'on opère en maintenant le bain à une température ne dépassant
pas 26o".

    b)  la sous-revendication 2 est supprimée; les anciennes
sousrevendications 1, 3, 4, 5 et 6 porteront les numéros 1, 2, 3, 4 et 5.

    2.  Constate que le bain Philico 201 vendu par Aimé Schmiedlin est
une imitation du brevet suisse no 326 573 ainsi limité.

    3.  Interdit à Aimé Schmiedlin, pendant la durée de validité du brevet
suisse no 326 573, de vendre ou de mettre en vente, personnellement ou
par personne interposée, le bain vendu actuellement sous le nom Philico
201, soit un bain permettant d'obtenir des dépôts galvaniques d'alliage
or-argent et contenant de l'aurocyanure de potassium, un sel d'argent
et une quantité de cyanure de potassium suffisante pour rendre le bain
nettement alcalin (pH 12) avec une température de bain ne dépassant pas
26o et dit qu'en cas d'inexécution il sera passible d'une peine d'arrêts
jusqu'à trois mois ou d'amende jusqu'à deux mille francs, les deux peines
pouvant être cumulées (art. 292 CP).

    4.  Rejette toutes autres ou plus amples conclusions."

    Se fondant sur les rapports de l'expert, l'autorité cantonale a jugé
que la revendication du brevet litigieux ne définissait pas une invention;
elle ne mentionnait ni expressément, ni par allusion, l'élément principal
de l'idée inventive, à savoir la haute teneur en cyanure de potassium
libre, qui provoque un pH nettement alcalin. En revanche, jointe à la
sous-revendication 2, la revendication principale renferme, de l'avis des
juges neuchâtelois, tous les éléments caractéristiques de l'invention
telle qu'elle a été définie par l'expert. Aussi le brevet doit-il être
maintenu dans cette limite restreinte.

    La juridication cantonale a estimé que le bain Philico 201 était
une imitation du brevet ainsi limité. Elle a donc interdit la vente
de ce produit par le défendeur. Elle a considéré que la publication du
jugement ne se justifiait pas au regard de l'art. 70 al. 1 LBI et des
faits allégués et prouvés par les parties.

    E.- Schmiedlin recourt en réforme au Tribunal fédéral.  Il conclut
principalement au rejet de la demande et, reconventionnellement,
à la nullité du brevet no 326 573 dont Sel-Rex SA est titulaire.
Subsidiairement, il requiert la juridiction fédérale de prononcer que
le bain Philico 201 ne constitue pas une imitation illicite du brevet no
326 573 limité.

    L'intimée Sel-Rex SA conclut au rejet du recours et à la confirmation
du jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    I. - Sur la validité du brevet no 326 573 1. - Selon l'art. 113
al. 1 de la loi fédérale sur les brevets d'invention du 25 juin 1954,
qui abrogé celle du 21 juin 1907 sur le même objet, les dispositions
des titres premier à troisième de la loi nouvelle sont applicables aux
demandes de brevet déjà pendantes au moment de son entrée en vigueur,
le 1er janvier 1956. Le brevet litigieux a été demandé le 20 février
1954 et enregistré le 31 décembre 1957. C'est donc à la lumière de la
loi nouvelle qu'il faut examiner le mérite des conclusions du recourant
tendant à la nullité du brevet dont l'intimée est titulaire.

Erwägung 2

    2.- Le litige ne porte plus sur la validité du brevet original,
mais sur celle du brevet limité par le jugement entrepris. Le recourant
la conteste. Il prétend que la revendication adoptée par la juridication
cantonale est nulle, à défaut de nouveauté et de niveau inventif. A
son avis, l'élément essentiel de ce qui aurait pu être une invention,
à savoir la présence d'un pH élevé nettement alcalin, n'a pas été formulé
par l'auteur de la demande de brevet, mais par l'expert.

    a) Aux termes de l'art. 27 al. 1 LBI, "lorsque seule une partie de
l'invention brevetée est entachée de nullité, le juge limitera le brevet en
conséquence". Sous l'empire de l'ancienne loi (cf. art. 16 LBI de 1907),
une controverse s'était élevée sur le point de savoir si le juge saisi
d'une action en nullité totale avait le pouvoir de prononcer d'office,
en vertu du droit fédéral, la nullité partielle du brevet litigieux ou
s'il devait se borner à statuer sur les conclusions expresses des parties
(cf. RO 65 II ?72 ss., 69 II 200 s.). Cependant, on admettait généralement,
alors déjà, que la conclusion en nullité totale renferme une conclusion
en nullité partielle, à moins de circonstances particulières (MATTER,
Aktuelle Fragen aus dem Gebiet des Patent- und Patentprozessrechtes,
RDS 1944 p. 106 a n. 146). La loi nouvelle confie au juge le soin de
rédiger, en cas de nullité partielle, la nouvelle revendication; elle
l'oblige à recueillir au préalable la détermination des parties et lui
laisse la faculté de solliciter l'avis du Bureau fédéral de la propriété
intellectuelle (art. 27 al. 1 et 2 LBI). Il s'agit certes d'une tâche
d'ordre tehnique avant tout, mais le juge a la possibilité de faire
appel à des experts (Message du Conseil fédéral du 25 avril 1950, ad
art. 27 du projet de loi, p. 50 ou FF 1950 I 982). Cette réglementation
n'atteint son but que si l'on reconnaît au juge saisi d'une action en
nullité totale le pouvoir de modifier la revendication de son propre chef
en prononçant la nullité partielle du brevet (cf. dans ce sens TROLLER,
Immaterialgüterrecht, I, p. 553 n. 20). Le juge peut s'en tenir au texte de
la revendication nouvelle qu'il a soumis aux parties, même si celles-ci ne
sont pas d'accord avec sa proposition (BLUM/PEDRAZZINI, Das schweizerische
Patentrecht, vol. II, p. 231, n. 3 principio ad art. 27 LBI).

    b) Le recourant estime qu'en se désistant de la conclusion subsidiaire
en limitation du brevet qu'elle avait prise dans sa réplique, l'intimée
a renoncé à demander la protection de l'invention prétendue qui serait
définie par la réunion de la revendication et de la sous-revendication
2. La portée de ce désistement relève au premier chef de la procédure
civile neuchâteloise. Le jugement attaqué l'a considéré comme la révocation
d'un acquiescement conditionnel et partiel à la demande reconventionnelle
en nullité totale du brevet. Ce point de procédure civile neuchâteloise
échappe à la censure de la juridiction fédérale de réforme (art. 43
al. 1 et 55 al. 1 lettre c OJ). Quoi qu'il en soit, l'intimée a proposé
ensuite, dans sa détermination recueillie conformément à l'art. 27 al. 2
LBI, un texte de revendication dans le sens d'une limitation du brevet.
En instance fédérale, elle n'a pas recouru contre le jugement cantonal qui
limite son brevet; elle en a même demandé expressément la confirmation.
Dèslors, elle ne s'oppose pas à la limitation du brevet telle qu'elle
résulte de la décision attaquée.

Erwägung 3

    3.- a) La loi ne précise pas de quelle manière le juge doit
procéder pour limiter un brevet. La nullité partielle conduit à un
résultat semblable à celui de la renonciation partielle au breve que
le titulaire peut déclarer de son propre chef au Bureau fédéral de la
propriété intellectuelle (art. 24 LBI). On appliquera donc par analogie
les règles que l'art. 24 LBI énonce à propos de la renonciation partielle
(cf. dans ce sens BLUM/PEDRAZZINI, op.cit., vol. II, p. 231, n. 3 ch. 7 ad
art. 27 LBI). Le juge pourra, en particulier, limiter une revendication
en y réunissant une ou plusieurs sous-revendications (art. 24 al. 1
lettre b LBI). Les sous-revendications, qui exposent les formes spéciales
d'exécution de l'invention (art. 55 al. 1 LBI), servent précisément à
compléter la revendication, si elle se révèle entachée de nullité, de
telle sorte qu'elle définisse une invention susceptible d'être protégée
(cf. art. 12 al. 1 des règlements d'exécution I du 14 décembre 1959 et
II du 8 septembre 1959, ROLF 1959, p. 766 et 2048; Message, ad art. 63 du
projet de loi, p. 72 ou FF 1950 p. 1004). En revanche, le juge ne saurait,
pas plus que le titulaire du brevet en cas de renonciation partielle,
substituer à la revendication frappée de nullité partielle une nouvelle
revendication qui définirait une invention non mentionnée dans l'exposé
d'invention visé à l'art. 63 LBI (cf. RO 92 II 56 consid. 6 lettre a
in fine). La revendication modifiée, composée d'éléments tirés de la
revendication et des sous-revendications originales, donne une nouvelle
définition de l'invention, qui remplace celle que le requérant avait
présentée dans sa demande de brevet; elle doit être considérée comme un
tout; on examinera la brevetabilité de l'invention et les formes spéciales
d'exécution définies dans la revendication modifiée comme si elles avaient,
dès l'origine, constitué l'objet du brevet dans cette formulation (RO 86
II 106 s.).

    b) En l'espèce, les juges cantonaux n'ont introduit dans la
revendication modifiée aucun élément nouveau qui ne figurait pas dans
le brevet original. Les seules différences consistent dans l'abandon de
l'adjectif "dur" qui qualifiait les dépôts galvaniques d'alliage or-argent
et de l'adjectif "libre" qui qualifiait le cyanure de potassium contenu
dans le bain électrolytique.

    Selon les constatations de la juridiction cantonale, la dureté du
dépôt galvanique, c'est-à-dire du résultat de l'invention, n'est pas une
particularité de l'invention elle-même, mais une propriété connue que l'on
peut obtenir en ajoutant au bain un agent durcisseur, comme l'indiquait
l'ancienne sous-revendication 4.

    Quant à l'adjectif "libre", qualifiant un bain chimique, il n'a
pas d'autre sens que de préciser que le sel en question (ici le cyanure
de potassium) est utilisé dans sa forme pure et non pas sous la forme
d'un complexe tel que, par exemple, du ferrocyanure de potassium. Du
moment quela revendication modifiée, reprenant les éléments de l'ancienne
sous-revendication 2, indique les composantes du bain avec les quantités
précises des divers sels, l'adjectif "libre" devenait superfétatoire. En
effet, l'homme du métier prenant connaissance du brevet utilisera
naturellement du cyanure de potassium pur, si aucun autre complexe n'est
prescrit.

    Il s'ensuit que l'absence des deux qualificatifs précités dans
la nouvelle revendication ne constitue pas une extension prohibée de
l'invention.

    c) Le recourant affirme cependant que le pH élevé, nettement
alcalin, dans lequel le Tribunal cantonal, se fondant sur l'opinion
de l'expert, a vu l'une des caractéristiques de l'invention, n'est
mentionné ni expressément, ni même par allusion dans le brevet original
et encore moins dans la nouvelle revendication; il ajoute que l'intimée
aurait toujours considéré ce point comme un élément accessoire de
l'invention. Toutefois, le pH alcalin ne participe en rien à l'idée
inventive. Il qualifie simplement la nature du bain composé des éléments
prévus par l'inventeur. Il apparaît comme une conséquence naturelle de
la haute teneur en cyanure de potassium. Ce sont les différents sels
composant le bain breveté qui, administrés dans les proportions fixées
par la revendication, provoquent automatiquement un bain avec un pH
nettement alcalin. Or la composition du bain est clairement définie par
la nouvelle revendication.

    La teneur élevée en cyanure de potassium (libre), relevée dans les
constatations de l'autorité cantonale, résulte des proportions qui entrent
dans la composition du bain (45 à 200 g par litre de solution). L'inventeur
l'a indiquée dans la description et dans la sous-revendication 2 originale.
On ne se trouve donc pas en présence d'un élément nouveau, qui serait
étranger au brevet.

    Le fait que le bain breveté produit un dépôt sous la forme d'un
alliage or-argent résulte du titre même du brevet. L'absence de cuivre
a été relevée par l'expert à la seule fin de souligner la différence du
procédé de l'intimée par rapport aux bains usuels que l'on trouvait sur
le marché, lesquels contiennent du cuivre. L'absence de ce métal se déduit
de la simple lecture des formules chimiques des divers sels qui composent
le bain breveté. Elle est reconnaissable même par un laïque. Dès lors,
le recourant se trompe lorsqu'il lui attache un rôle déterminant dans la
définition de l'invention contestée.

    Des deux autres propriétés du bain de l'intimée, l'une - l'électrolyse
à une température ordinaire - a toujours été considérée par l'inventeur
comme le facteur essentiel de son procédé et l'autre - l'utilisation de
durcisseurs sous la forme de cyanure double de nickel et de potassium
n'entrant pas dans l'alliage - a fait l'objet d'une sous-revendication
que le recourant ne met pas en cause.

    La revendication nouvelle formulée par le tribunal cantonal étant
composée uniquement d'éléments tirés du brevet initial, l'invention ainsi
définie est formellement brevetable.

Erwägung 4

    4.- Quant au fond, le recourant soutient en premier lieu que l'autorité
cantonale aurait méconnu le principe jurisprudentiel en vertu duquel
il appartient au déposant de définir avec précision l'invention pour
laquelle il demande la protection du brevet (RO 85 II 136). Il estime
qu'en l'espèce, l'invention prétendue n'a pas été décrite par le déposant,
mais qu'elle devrait être déduite par un expert en galvanoplastie des
indications contenues dans la description.

    a) L'art. 26 al. 1 ch. 3 LBI dispose que le juge prononce la nullité
du brevet, sur demande, lorsque l'invention n'est pas décrite, dans
l'exposé d'invention, de manière à pouvoir être exécutée par l'homme du
métier. Le législateur entend en effet mettre l'invention à la portée de
l'homme du métier ayant une bonne formation professionnelle (cf. art. 50
LBI; cf. RO 86 II 139). Dans le cas particulier, il faut prendre en
considération non pas l'expert en galvanoplastie, mais le spécialiste
de la branche qui s'occupe de galvanoplastie en vue de placages d'or et
d'argent. La juridiction cantonale a constaté, en se fondant sur ces
principes et sur l'expertise, que, sur le vu de l'exposé d'invention,
un homme du métier était à même de dégager le principe protégé par le
brevet et de l'appliquer sans effort inventif. S'agissant de protéger
un bain utilisé en galvanoplastie et défini par les divers sels qui le
composent, il était inutile de décrire de façon plus détaillée un procédé
classique parfaitement connu et d'application courante: le fonctionnement
de l'électrolyse est exposé dans les ouvrages de technique élémentaire.

    b) L'art. 26 al. 1 ch. 4 LBI permet au juge de prononcer la nullité
du brevet lorsque la revendication, même interprétée à la lumière de
la description, ne donne pas une définition claire de l'invention. La
définition de l'invention qui, selon l'art. 51 LBI, doit figurer dans
la revendication, s'entend de l'énoncé des qualités propres au procédé
à breveter, c'est-à-dire les qualités qui se rapportent à la nature, à
la fonction du procédé et à la chose qui doit être protégée (cf. TROLLER,
op.cit., vol. II, p. 717 s.; BLUM-PEDRAZZINI, op.cit., vol. II p. 125 ss.,
n. 9 ad art. 26 LBI). En l'espèce, le titre même de l'exposé d'invention
et la nouvelle revendication, interprétée à l'aide de la description
(cf. art. 50 LBI), ne laissent subsister aucune équivoque au sujet de
la nature de l'invention. Les passages isolés du rapport d'expertise
que le recourant invoque dans son mémoire ne concernent pas la nouvelle
revendication, qui seule doit être examinée, mais l'ancienne revendication
principale. Peu importe que le déposant ait vu les caractéristiques de
son idée inventive ailleurs que là où elles se trouvent effectivement. Il
suffit que la revendication et la description interprétées objectivement
et selon les règles de la bonne foi (RO 64 II 393, 83 II 228, 85 II 136)
contiennent les éléments d'une véritable invention.

Erwägung 5

    5.- Le recourant dénie au procédé qui fait l'objet du brevet litigieux
le caractère d'une invention parce que le niveau inventif et la nouveauté
feraient défaut. L'invention n'est pas définie par la loi. Selon la
jurisprudence, l'invention implique une idée créatrice qui dépasse ce
qui était à la portée d'un homme du métier ayant une bonne formation;
pour juger du niveau inventif, on se fondera sur l'état de la technique,
considéré dans son ensemble, tel qu'il se présentait au moment du premier
dépôt de la demande de brevet (RO 85 II 138, 513, 89 II 109). En l'espèce,
l'invention consiste dans la préparation d'un bain de galvanoplastie en
vue d'obtenir un placage de dépôt d'or et d'argent, de couleur jaune,
de surface brillante et polie. Le procédé breveté consiste lui-même dans
la composition inédite d'un bain de sels minéraux servant d'électrolyte
à une température donnée.

    Fondés sur l'expertise, les juges cantonaux ont examiné et résolu par
l'affirmative les questions de la nouveauté et du niveau inventif. Quant
à la nouveauté, l'expert a reconnu que le procédé ne paraissait pas très
nouveau, si l'on examinait chaque point séparément, mais admis que toutes
les particularités du bain ne se trouvaient pas réalisées simultanément
dans un bain de placage au moment où le procédé de Sel-Rex SA a été
lancé. Sur l'état de la technique lors de l'invention, l'expert a donné
pour certain qu'avant 1953, on savait déjà déposer des couches d'or jaune
n'exigeant pas d'avivage intermédiaire, "mais on ne se trouvait pas dans
des conditions particulièrement favorables de croissance cristalline et
les bains utilisés étaient beaucoup moins stables". Au sujet du niveau
de l'invention, l'expert s'est exprimé ainsi:

    "A moins d'un hasard, un praticien de la branche ne trouvera
pas sans de longs tâtonnements les conditions les meilleures de
fonctionnement d'un bain. Les paramètres qu'il s'agit d'harmoniser sont
trop nombreux. L'élaboration et la mise sur le marché d'un nouveau bain
exigent des connaissances qu'on ne trouve pas, d'ordinaire, chez les chefs
d'atelier du domaine galvanotechnique (Expertise I p. 15, no 4). Sel-Rex
s'est écarté des chemins battus. Au moment où son bain a été mis sur le
marché, la tendance était plutôt aux bains renfermant du cuivre avec une
faible teneur en cyanures libres et un pH voisin de la neutralité. Le bain
Sel-Rex ne contient pas de cuivre. Il est très riche en cyanure et a un
pH nettement alcalin (Expertise I p. 16, no 5). L'inventeur est... sorti
assez nettement des chemins battus, et cela même exige des connaissances
et des mises au point qui assurent un certain niveau inventif. On est
évidemment toujours dans le domaine des placages en bains de cyanures qui
étaient étudiés par d'innombrables chercheurs. Il était très difficile
de trouver une solution nouvelle qui ne se rapproche pas sur un point ou
un autre d'un procédé déjà connu (Expertise I p. 21, no 6).

    D'autres chercheurs ont mis au point un procédé donnant des dépôts
brillants d'or, d'argent et de cuivre... qui correspondent aussi à
des conditions de croissance cristalline particulièrement favorables,
mais il s'agit cette fois d'un dépôt rose... Les tentatives faites
pour obtenir un dépôt jaune dans le même genre de bain ont conduit
à de grandes difficultés, car on s'écartait des conditions optimales
de cristallisation. Actuellement, ces difficultés ne sont pas encore
entièrement surmontées. Il n'est donc pas possible de retrouver pour tous
les genres de bains des conditions favorables de croissance cristalline et
c'est dans ce sens que la mise au point de Sel-Rex a un caractère original
(Expertise II p. 4, no 4).

    La solution proposée par Sel-Rex sortait passablement des chemins
battus et différait sensiblement des nombreux types de plaqués jaunes
qu'on trouvait sur le marché (Expertise II p. 6)."

    L'expert rappelle expressément que le procédé litigieux forme un tout;
on ne saurait en dissocier une partie et prétendre que chaque point est
déjà réalisé (Expertise I p. 23, no 19).

    Les constatations d'ordre technique que le Tribunal cantonal
neuchâtelois a fondées sur ces déclarations de l'expert ne sont pas
critiquées comme telles par le recourant. Il n'y a aucune raison de douter
de leur exactitude. Ces constatations établissent de façon indiscutable
que le procédé décrit dans la revendication modifiée par la Cour cantonale
présente le caractère d'une in vention au sens de la jurisprudence.

    La conclusion principale du recours, qui tend à la nullité du brevet,
est dès lors mal fondée.

    II. - Sur la question de l'imitation

    L'art. 66 al. 1 lettre a LBI déclare passible de poursuites civiles,
notamment, celui qui utilise illicitement l'invention brevetée; l'imitation
est considérée comme une utilisation. La loi garantit de la sorte
l'invention brevetée non seulement contre les contrefaçons, mais aussi
contre les imitations. La disposition citée protège l'inventeur dans toute
la mesure où il a enrichi la technique et elle empêche les tiers d'utiliser
l'invention sous une forme modifiée (cf. RO 64 II 392). Le juge ne doit pas
s'en tenir aux termes mêmes de la revendication et se borner à examiner si
la prétendue imitation contient chacun des éléments de la revendication:
cela reviendrait à limiter son examen à la contrefaçon. Au contraire,
il dégagera de la revendication les caractères essentiels de l'invention
et recherchera s'ils ont été utilisés par celui à qui le demandeur impute
une imitation (arrêt non publié du 18 mars 1958 en la cause Le Coultre &
Cie SA et consort c. Ditisheim & Cie, consid. IV).

    Le recourant prétend que le bain "Sel-Rex 18 K" de l'intimée et son
propre bain "Philico 201" sont tous deux caractérisés par une teneur
assez forte (15-25%) en argent; il en déduit que l'un et l'autre se
distinguent nettement de la solution chimique faisant l'objet du brevet
litigieux. Son argumentation est erronée. Il n'importe pas de savoir
si le bain mis sur le marché par le recourant est une imitation du bain
"Sel-Rex 18 K", mais de juger si le bain "Philico 201" est une imitation
du bain protégé par le brevet modifié no 326 573.

    Adoptant les conclusions de l'expertise technique - admises par les
parties -, la juridiction neuchâteloise a constaté en fait que le bain
"Philico 201" appliquait intégralement le principe général à la base
du brevet. Les seules modifications apportées par la maison Philippi &
Co. K.G. sont des mesures d'application. La possibilité d'augmenter la
teneur en argent était déjà indiquée dans la description de l'invention,
avec les effets techniques qu'elle comporte. Du reste, selon le jugement
attaqué, étayé sur l'expertise, la portée de l'invention ne réside pas
essentiellement dans la faible teneur du bain en cyanure d'argent, mais
surtout dans la haute teneur en cyanure de potassium excédentaire. C'est
précisément ce sel qui a pour effet de provoquer une solution nettement
alcaline.

    L'appréciation des faits d'ordre technique donnée par l'autorité
cantonale repose sur une notion juridique exacte de l'imitation et sur les
conclusions de l'expert, que le recourant ne prétend pas inexactes et que
la juridiction de réforme n'a aucun motif de mettre en doute. Il s'ensuit
que le Tribunal cantonal neuchâtelois a conclu à bon droit que le bain
"Philico 201" était une imitation du bain décrit dans la revendication
modifiée du brevet dont l'intimée est titulaire et qu'il a ordonné avec
raison au recourant de mettre fin à l'utilisation illicite du procédé
breveté (cf. art. 72 LBI).

    La conclusion subsidiaire du recours est dès lors elle aussi mal
fondée.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 10 janvier 1966
par le Tribunal cantonal neuchâtelois.