Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 31



91 I 31

7. Arrêt du 31 mars 1965 dans la cause Gris contre Ministère public du
canton de Vaud. Regeste

    1.  Verhältnis zwischen der Nichtigkeitsbeschwerde in Strafsachen
und der staatsrechtlichen Beschwerde (Erw. 1).

    2.  Bestrafung eines angetrunkenen Fahrers nach Art. 91 Abs. 3 SVG,
weil er sich der Blutprobe widersetzte. Gesetzmässigkeit der angeordneten
Blutprobe in casu.

    a) Art. 55 Abs. 1 SVG bildet eine hinreichende gesetzliche Grundlage,
um im Einzelfall eine Blutprobe anzuordnen, sofern dies durch die Behörde
geschieht, die vom kantonalen Recht, so wie es ohne Willkür ausgelegt
werden kann, als hiefür zuständig bezeichnet wird (Erw. 2 a).

    b) Nach waadtländischem Recht ist, wie ohne Willkür angenommen
werden kann, die Kriminalpolizei auch ohne besondere Ermächtigung des
Untersuchungsrichters befugt, einen der Angetrunkenheit verdächtigen
Fahrer aufzufordern, sich einer Blutprobe zu unterziehen (Erw. 2 b).

    3.  Bei Willkürbeschwerden kann das Bundesgericht anstelle der
dem angefochtenen Entscheid zugrunde liegenden Motive andere Gründe
substituieren, sofern diese nicht von der kantonalen Behörde ausdrücklich
abgelehnt worden sind und nicht an der äussersten Grenze der Willkür liegen
(Erw. 2 b).

Sachverhalt

    A.- En vertu de l'art. 55 al. 1 LCR, "les conducteurs de véhicules
et les personnes impliquées dans un accident seront soumis à un examen
approprié lorsque des indices permettent de conclure qu'ils sont pris de
boisson. La prise de sang peut être imposée". L'art. 55 al. 2 LCR laisse au
droit cantonal le soin de désigner "les organes compétents pour ordonner
ces mesures". L'art. 91 al. 3 LCR punit d'emprisonnement pour six mois
au plus ou d'amende "celui qui, intentionnellement, se sera opposé ou
dérobé à une prise de sang ou à un examen médical complémentaire ordonnés
par l'autorité".

    Le législateur vaudois n'a pas édicté de disposition nouvelle indiquant
l'autorité compétente pour prescrire la prise de sang. Le code de procédure
pénale (PP) contient toutefois les dispositions suivants:

    "Art. 85 al. 1. - La police judiciaire recherche les infractions,
rassemble les moyens de preuve et livre au juge les personnes présumées
auteurs, instigateurs ou complices.

    Art. 88. - La police judiciaire prend les mesures conservatoires
indispensables à la sauvegarde des preuves, puis adresse au juge un
rapport sur les résultats des premières constatations.

    Art. 91. - La police judiciaire a qualité pour procéder, par
délégation spéciale du juge instructeur..., à une visite domiciliaire,
à une inspection locale, à un séquestre, à une levée de cadavre ou à
une audition.

    Art. 92 al. 1. - La délégation doit être écrite; elle porte
l'indication précise de son objet, la date de l'ordre, la signature et
le sceau du magistrat.

    Art. 131. - Lorsque les faits incriminés nécessitent des constatations
immédiates (état des lieux, traces, taches, empreintes, objets abandonnés,
etc.), le premier soin du juge est d'y procéder, éventuellement avec le
concours d'experts ou de la police judiciaire, ou bien d'y faire procéder
par délégation conformément aux art. 91 à 93."

    B.- Dans la nuit du 19 au 20 novembre 1963, à Lausanne, aux environs
de 2 heures du matin, Georges Gris, qui était au volant de sa voiture,
fut appréhendé par des agents de police. Ceux-ci le soupçonnaient
d'ébriété. Ils l'amenèrent à la caserne de police et l'invitèrent à se
soumettre à une prise de sang ainsi qu'à l'épreuve de l'éthylomètre. Gris
refusa. A 5 heures du matin, le Juge informateur de l'arrondissement
de Lausanne en fut informé par un sous-officier de la police judiciaire
municipale. Il ordonna que Gris fût maintenu à sa disposition dans les
locaux de l'office.

    Le 17 novembre 1964, le Tribunal de simple police du district de
Lausanne, devant lequel Gris avait été renvoyé pour ivresse au volant et
refus de la prise de sang, le libéra du chef de la première infraction,
mais le condamna, pour la seconde, à 500 fr. d'amende. Saisie d'un recours
en réforme de Gris, la Cour de cassation pénale vaudoise confirma ce
jugement par un arrêt du 21 décembre 1964 considérant notamment ce
qui suit:

    Gris soutient qu'il n'existe pas dans le canton de Vaud d'autorité
compétente pour ordonner une prise de sang. Toutefois, celle-ci est
une mesure d'instruction au sens de l'art. 131 PP. Elle est dès lors
dans la compétence du juge instructeur, qui peut y faire procéder par
délégation spéciale. En l'espèce, la prise de sang a été ordonné par
des agents de police judiciaire agissant sur délégation du juge. Il est
vrai que cette délégation était orale, contrairement à l'art. 92 PP. Elle
n'en est pas moins admissible, l'art. 92 PP n'étant qu'une prescription
d'ordre. D'ailleurs, l'informalité commise n'a pu induire Gris en erreur
sur son devoir de se soumettre à une prise de sang. C'est dès lors à bon
droit qu'il a été condamné en vertu de l'art. 91 al. 3 LCR.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Gris requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 21 décembre 1964 et de le libérer
de toute peine et de tous frais. Il se plaint d'un acte arbitraire, d'une
atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et d'une violation de
sa liberté individuelle.

    La Cour de cassation se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 91 al. 3 LCR punit celui qui, intentionellement,
s'est opposé à une prise de sang. Le recourant conteste avoir agi
intentionellement. Il aborde ainsi un problème de droit pénal fédéral. Il
aurait pu le soumettre au Tribunal fédéral par un pourvoi en nullité. Il
ne saurait donc le présenter dans un recours de droit public, qui est un
moyen subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ). Il affirme également qu'au moment
d'agir, il n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses actes ni
de se déterminer en conséquence. Il soulève à cet égard une question
de fait. Or celle-ci a été tranchée par le Tribunal de simple police
et ne pouvait en principe être revue par la Cour de cassation cantonale
(cf. art. 428 al. 1 PP). C'est dès lors dans un recours de droit public
formé contre le jugement du Tribunal de simple police qu'elle aurait dû
être posée (cf. par analogie RO 81 I 148, 84 I 235, 87 I 65).

    Pour le surplus, le recourant se plaint de la violation de certains
de ses droits constitutionnels (application arbitraire du droit cantonal,
atteinte à la liberté individuelle et au principe de la séparation des
pouvoirs). Le contenu de ces droits n'est pas précisé par la législation
fédérale. Le recourant ne pouvait dès lors s'en prévaloir dans un pourvoi
en nullité (art. 269 al. 2 PPF; RO 81 IV 118). Il a le droit en revanche
de former sur ce point un recours de droit public. Par cette voie
cependant, il ne peut obtenir que l'annulation de l'arrêt attaqué. En
effet, la Chambre de céans n'est en principe qu'une cour de cassation
(RO 89 I 368, 391). Elle ne saurait dès lors le libérer de toute peine
et de tous frais.

Erwägung 2

    2.- Le recourant a été puni pour avoir refusé de se soumettre à une
prise de sang. Celle-ci constitue une atteinte à l'intégrité corporelle et,
partant, à la liberté individuelle (RO 89 I 98/99). La liberté individuelle
peut être limitée dans l'intérêt public. La restriction doit cependant
reposer sur une base légale et ne pas revenir à supprimer la liberté
individuelle ou à la vider de sa substance (RO 90 I 36/37). A l'égard
des conducteurs suspects d'ébriété, la prise de sang est dans l'intérêt
public. Elle ne revient ni à supprimer la liberté individuelle ni à la
vider de sa substance. Il reste à savoir si l'ordre donné au recourant de
se soumettre à une telle mesure pouvait se fonder sur la loi. Le Tribunal
fédéral ne tranchera pas cette question librement, mais sous l'angle
de l'arbitraire seulement, car la prise de sang n'est pas une atteinte
particulièrement grave à la liberté individuelle (RO 90 I 39). De plus, il
l'abordera sous deux aspects: d'une part celui de la légalité de la mesure
en elle-même, d'autre part celui de l'autorité compétente pour l'ordonner.

    a) L'art. 55 al. 1 LCR impose aux autorités cantonales l'obligation de
soumettre les conducteurs de véhicules et les personnes impliquées dans un
accident "à un examen approprié lorsque des indices permettent de conclure
qu'ils sont pris de boisson". Il ne précise pas en quoi doit consister
l'examen approprié. Il dispose simplement: "La prise de sang peut être
imposée". Toutefois, pris dans son ensemble, l'art. 55 al. 1 LCR signifie
que l'organe compétent pour ordonner, par exemple à un conducteur, de se
soumettre à un examen approprié peut lui imposer une prise de sang, quand
les circonstances du cas particulier le justifient. Ainsi, selon le système
de l'art. 55 al. 1 LCR, l'autorité chargée d'ordonner l'"examen approprié"
décide librement si, au regard des faits en cause, la prise de sang est
nécessaire ou non. Supposé qu'elle résolve la question affirmativement,
elle peut imposer la mesure au conducteur, sans qu'elle ait besoin d'y
être encore autorisée par une règle du droit cantonal. Il n'est pas
contesté qu'en l'espèce une prise de sang se justifiait. L'art. 55 al. 1
LCR constituait une base légale suffisante pour l'ordonner. Il est inutile
dès lors de rechercher si le droit vaudois l'autorise aussi.

    Il est vrai que l'un des députés chargés de rapporter au Conseil
national sur le projet de LCR a fait des déclarations dont on pourrait
inférer que l'art. 55 al. 1 LCR se borne à réserver aux cantons la
possibilité de prescrire la prise de sang (Bull. stén. CN 1957, p. 214 et
217). Dès lors, pour que la prise de sang ordonnée dans un cas déterminé
respecte la liberté individuelle, il faudrait encore qu'elle soit admise
par le droit cantonal. Toutefois, ces déclarations ne correspondent
pas aux idées exprimées par d'autres orateurs (cf. les interventions
du rapporteur allemand au Conseil des Etats, Bull.stén. CE 1957, p.
115, du conseiller fédéral Feldmann, Bull.stén. CN 1957, p. 217/218)
ni à l'opinion exposée dans le message (tirage à part, p. 44). Elles
ne sauraient dès lors avoir une importance décisive. D'ailleurs, si
le législateur avait voulu laisser aux cantons la liberté d'autoriser
ou d'interdire la prise de sang sur leur territoire, il l'aurait dit à
l'art. 55 al. 2 LCR, où il abandonnait déjà au droit cantonal le soin
de désigner "les organes compétents". A tout le moins, il eût rédigé
l'art. 55 al. 1 LCR différemment.

    b) Comme on vient de le voir, l'art. 55 al. 1 LCR autorise à lui
seul la prise de sang. En revanche, à son second alinéa, il s'en remet
aux cantons quant au choix de l'organe compétent pour ordonner une telle
mesure. A cet égard, il n'est qu'une base légale incomplète. Il convient
donc de rechercher si le droit vaudois, tel qu'il peut être interprété
sans arbitraire, a désigné cet organe. Point n'est besoin d'ailleurs
qu'il l'ait fait par une disposition nouvelle édictée spécialement en
vue de l'exécution de la LCR. Une règle déjà existante suffit, pourvu
qu'elle ne soit pas en contradiction avec le droit fédéral. Au surplus,
vu les termes très généraux utilisés par l'art. 55 al. 2 LCR, tant dans sa
version française que dans ses versions allemande et italienne, le texte
légal cantonal pourra désigner non seulement un juge, mais un organe
de police. L'art. 91 al. 3 LCR ne l'exclut pas. Le terme d'"autorité"
au sens de cette disposition possède une acception large, qui comprend
tout fonctionnaire de police.

    Selon l'arrêt attaqué, la prise de sang serait une mesure d'instruction
au sens de l'art. 131 PP; elle serait donc de la compétence du juge
instructeur; celui-ci serait autorisé à déléguer ses pouvoirs à la police
judiciaire, ce qu'il aurait fait ici; la prise de sang litigieuse aurait
dès lors été ordonnée régulièrement par l'autorité compétente. Cependant,
la délégation de pouvoirs prévue par les art. 131 et 91 à 93 PP doit -
cela est évident - précéder l'opération en vue de laquelle elle est
donnée. Sinon la police judiciaire risquerait, par exemple, d'être dans
l'incapacité de justifier ses pouvoirs, contrairement à l'art. 93 al. 2
PP. Or, en l'espèce, c'est vers 2 heures du matin que la police judiciaire
a invité le recourant à se soumettre à une prise de sang et que ce dernier
s'y est opposé. En revanche, c'est à 5 heures du matin seulement que la
police a alerté le juge, qui lui a donné d'ailleurs l'ordre non pas de
procéder à la prise de sang mais simplement de garder le recourant à sa
disposition. Par conséquent, lorsque Gris a refusé la prise de sang -
et seule la situation existant à ce moment-là est décisive pour juger
le mérite de la condamnation prononcée -, la police n'était au bénéfice
d'aucune délégation de pouvoirs. Si elle ne pouvait ordonner une prise de
sang qu'en vertu d'une telle délégation, l'injonction qu'elle a adressée
au recourant de se prêter à une telle mesure serait donc illégale. La
condamnation infligée au recourant au mépris des faits pourtant clairement
établis serait du même coup et de ce seul fait absolument insoutenable
et partant arbitraire, sans qu'il fût besoin de rechercher encore si la
prise de sang est une constatation au sens de l'art. 131 PP.

    Il convient toutefois de se demander si le code de procédure pénale
vaudois ne contient pas d'autres dispositions conférant à la police
judiciaire un pouvoir propre d'ordonner une prise de sang. Supposé que
tel soit le cas, le Tribunal fédéral pourrait maintenir l'arrêt attaqué
en se fondant sur ces textes, conformément à la jurisprudence autorisant
la substitution de motifs dans le cadre d'un recours pour arbitraire
(BIRCHMEIER, Handbuch, p. 352/353).

    D'après les art. 85 al. 1 et 88 PP, la police judiciaire "rassemble les
moyens de preuve" et "prend les mesures conservatoires indispensables à la
sauvegarde des preuves". Elle possède à cet égard un pouvoir indépendant
qu'elle exerce sans qu'une délégation du juge soit nécessaire. Au regard
de ces textes, il n'est pas arbitraire de considérer l'analyse du sang
comme une preuve et de voir, dans la prise de sang, aussi bien une
opération entreprise en vue de procurer un moyen de preuve aux organes
de la justice pénale qu'une mesure conservatoire indispensable à la
sauvegarde de cette preuve. Dans d'autres cantons, la police a le droit
d'ordonner des prises de sang en vertu de dispositions qui ne sont pas
plus précises que les art. 85 et 88 PP. A Zurich, elle se fonde sur le §
23 PP zur., aux termes duquel "Der Kriminalpolizei liegt im besonderen die
Aufgabe ob, bei Verbrechen oder Vergehen die ersten Erhebungen zu machen,
die Spuren festzustellen und zu sichern und alle Massregeln zu treffen,
die ohne Gefahr nicht verschoben werden können. ..". A Berne, elle
invoque le § 71 PP bern. qui dispose: "Les fonctionnaires et employés de
la police judiciaire ... prennent les mesures légales qui leur paraissent
indiquées pour découvrir le coupable. S'il s'agit d'établir des faits, ils
peuvent astreindre toutes personnes à leur fournir des renseignements. Ils
disposent en particulier des moyens d'investigation nécessaires (tels que
prise d'empreintes digitales ou autres moyens semblables). ..". Il s'ensuit
- du moins peut-on l'affirmer sans violer l'art. 4 Cst. - qu'en invitant
le recourant à se soumettre à une prise de sang, la police judiciaire a
agi en l'espèce dans les limites des pouvoirs que les art. 85 al. 1 et 88
PP lui confèrent directement. Son ordre repose donc sur une base légale,
qui complète l'art. 55 LCR et suffit à justifier l'atteinte portée à la
liberté individuelle. Fondé sur la loi, cet ordre ne comportait aucune
violation du principe de la séparation des pouvoirs. Il n'était pas non
plus en opposition avec le droit fédéral, puisque celui-ci permet aux
cantons de confier à un organe de police le soin d'ordonner une prise
de sang.

    Substituées aux motifs arbitraires du Tribunal cantonal, les
considérations qui précèdent permettent de maintenir l'arrêt attaqué. Il
est vrai qu'une telle substitution n'est pas admissible lorsque l'autorité
cantonale a écarté expressément les motifs à substituer ou que ceux-ci
confinent à l'arbitraire (BIRCHMEIER, loc.cit.). Toutefois, la première
éventualité n'est pas réalisée: la Cour de cassation vaudoise ne fait
aucune allusion aux art. 85 et 88 PP, qui lui ont peut-être échappé. La
seconde ne l'est pas davantage: les art. 85 al. 1 et 88 PP sont conçus
en termes si généraux que le sens qui leur est donné ci-dessus est
parfaitement soutenable. Il suffira d'observer que le Tribunal fédéral
les a interprétés sous l'angle de l'arbitraire. Son opinion ne lie donc
pas le Tribunal cantonal. Celui-ci aura toute latitude de se montrer à
l'avenir plus strict s'il l'estime opportun.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours en tant qu'il est recevable.