Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 IV 188



91 IV 188

49. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 décembre 1965
dans la cause Ministère public du canton de Vaud contre Grumbach. Regeste

    Art. 110 Ziff. 5 und 251 StGB.

    1.  Obschon sie nicht vorgeschrieben sind durch die Art. 957 ff. OR,
sind die Buchhaltung und die Bilanz der einfachen Gesellschaft Urkunden
im Sinne von Art. 110 Ziff. 5 StGB; dies gilt auch für die Bestandteile
ihrer Buchhaltung (Erw. 4).

    2.  Die zum Zwecke der Steuerhinterziehung vorgenommene Fälschung
einer Buchhaltung (Fälschung im weitesten Sinne, die Falschbeurkundung
inbegriffen) ist als Urkundenfälschung nach Art. 251 StGB strafbar
(Erw. 5).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Le 6 juillet 1949, Moser et Grumbach constituèrent une société
simple aux fins d'exploiter un immeuble sis à Lausanne, inscrit au registre
foncier comme étant la propriété de Moser. Grumbach était chargé de la
comptabilité courante; il disposait du compte de chèques postaux de la
société. Tous deux se plaignaient de payer trop d'impôts et désiraient
frauder le fisc. Aussi Grumbach demanda-t-il aux maîtres d'état Godel,
Bregger, Ghirlanda et Pedroli de lui remettre des factures fictives
pour des travaux non exécutés. En été 1959, il fit porter ces factures
acquittées d'un montant total de 15 000 fr. dans le compte d'exploitation
arrêté au 31 décembre 1958.

    A la même époque, il fit inscrire par Rappo au bilan de la société
simple une créance fictive de 15 000 fr. en faveur de la Manufacture de
vêtements SA dont son frère était adminis trateur.

    De 1957 à 1960, il préleva 9150 fr. sur le compte de chèques postaux
de la société simple. Il garda ces fonds par devers lui, à l'insu de son
associé, et se proposait de les utiliser à des fins personnelles. Pour
dissimuler ces prélèvements, dont certains ne furent pas comptabilisés,
il se fit remettre des factures fictives acquittées par Godel, Mercier et
Ghirlanda; ces factures furent passées dans les comptes; lui-même ajouta
100 fr. sur une facture acquittée le 4 septembre 1959 par Godel.

    B.- Le 6 juillet 1965, le Tribunal de police correctionnelle
du district de Lausanne a condamné notamment Grumbach à six mois
d'emprisonnement, avec sursis pendant trois ans, pour instigation à faux
dans les titres, faux dans les titres, usage de faux et abus de confiance.

    C.- Statuant le 25 août 1965 sur le recours du condamné, la Cour
vaudoise de cassation pénale a renvoyé la cause devant le Tribunal de
police correctionnelle du district de Morges pour nouvelle instruction
et nouveau jugement. Son arrêt est motivé en bref comme il suit:

    En tant qu'ils étaient destinés à frauder le fisc, les faux imputés au
prévenu sont réprimés par la loi vaudoise sur les impôts directs cantonaux;
aussi échappent-ils au droit pénal ordinaire. Comme il n'appartient pas à
la Cour cantonale de prononcer sur des infractions fiscales, Grumbach doit
être libéré dans cette mesure. Cependant, les constatations des premiers
juges ne permettent pas de délimiter les actes réprimés par le droit
fiscal de ceux qui tombent sous le coup de la loi pénale; un autre tribunal
devra par conséquent statuer à nouveau, après nouvelle instruction.

    D.- Contre cet arrêt, le Ministère public du canton de Vaud s'est
pourvu en nullité au Tribunal fédéral. Il a conclu au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale afin que Grumbach, notamment, fût condamné
conformément au jugement de première instance.

    E.- Grumbach a conclu au rejet du pourvoi. La Cour de cassation pénale
l'a admis partiellement.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- Le Tribunal fédéral a déjà jugé que la comptabilité commerciale
et ses éléments étaient des titres au sens de l'art. 110 ch. 5 CP (RO 79
IV 163, 82 IV 141; cf. aussi 91 IV 7). Ces arrêts visent la comptabilité
prescrite par la loi (art. 957 ss. CO). Ne pouvant être inscrite au
registre du commerce (RO 79 I 181), la société simple constituée par
Moser et Grumbach n'était pas astreinte à tenir des livres. Aussi sa
comptabilité ne saurait-elle être qualifiée de commerciale au sens du
titre 32e du CO. Mais cette circonstance n'empêche pas la qualification
de titre au sens de l'art. 110 ch. 5 CP, qui vise la comptabilité et ses
éléments. En effet, la nature des livres ne dépend pas de leur caractère
obligatoire ou facultatif. Une comptabilité non commerciale peut être
tenue de la même manière qu'une comptabilité commerciale et révéler
comme elle la situation financière de l'entreprise, l'état des dettes
et créances se rattachant à l'exploitation, ainsi que le résultat des
exercices annuels (cf. HIS, n. 3 ss. ad art. 957 CO). Elle aussi est donc
à la fois destinée et propre à prouver des faits ayant une portée juridique
(cf. par exemple, dans les rapports entre associés dans la société simple,
art. 541 CO et BECKER, n. 5 ad art. cité). Sans doute l'art. 963 CO ne
lui est-il pas applicable. Mais l'obligation de produire ces livres peut
découler de lois de procédure. Selon l'art. 50 al. 1 LPC, chaque partie
est tenue de produire en justice les titres qu'elle détient. Le message
du Conseil fédéral précise que l'on considère comme titres en procédure
civile les écrits, soit l'expression de pensées par l'écriture, et tout
objet qui incorpore une pensée (FF 1947 I 1027). Il en résulte que les
livres comptables d'une entreprise non inscrite au registre du commerce
peuvent servir de preuve dans un procès civil. Certes, s'ils ne sont
pas tenus de manière à révéler la situation financière de l'entreprise,
son chef n'encourra pas les sanctions des art. 325 et 166 CP. Mais cette
différence, qui ne touche pas à la fonction des livres comptables, n'influe
ni sur leur aptitude ni sur leur destination à servir de moyens de preuve.

    On ne saurait objecter que si un commerçant ou un artisan tient une
comptabilité sans être soumis aux art. 957 ss. CO, rien ne l'oblige à y
inscrire telle recette et que, partant, il ne saurait tomber, en raison
des faits qu'elle constate inexactement, sous le coup de l'art. 251 CP. Du
moment qu'il fait ses écritures non par jeu, mais pour établir la situation
financière de l'entreprise et disposer, à cet égard, d'un moyen de preuve,
il doit, de par la nature même et la destination des livres comptables,
les tenir de façon véridique.

    Ainsi, bien que non prescrites par les art. 957 ss. CO, la comptabilité
d'une société simple et ses éléments constituent des titres au sens de
l'art. 110 ch. 5 CP. Il en est de même du bilan. Qu'on le regarde comme une
partie intégrante de la comptabilité ou, suivant l'avis de L. BURCKHARDT
(RPS 1960 p. 95), comme un extrait de celle-ci, il est destiné à servir
de preuve au sujet de l'actif et du passif de l'entreprise (RO 81 IV 240).

Erwägung 5

    5.- En l'espèce, Pierre Grumbach a omis volontairement d'inscrire dans
le carnet ad hoc certains prélèvements sur le compte de chèques postaux
de la société simple; il a fait porter dans les comptes de cette société
des factures fictives acquittées et inscrire au bilan une dette fictive
de 15 000 fr. Il se proposait d'éluder les impôts, c'est-à-dire de se
procurer un avantage illicite. La Cour cantonale n'exclut pas qu'il ait
aussi voulu tromper son associé Moser. Elle a renvoyé la cause au Tribunal
de police correctionnelle du district de Morges pour élucider la question.

    Les éléments du faux intellectuel, réprimé par l'art. 251 CP, sont
réunis. La juridiction vaudoise a cependant libéré Pierre Grumbach de
l'accusation de faux dans les titres dans la mesure où ses actes visaient
uniquement à frauder le fisc. Sur ce point, son arrêt est erroné.

    Il est vrai que, dans un arrêt Küffer, le Tribunal fédéral a jugé
l'art. 251 CP inapplicable à l'employeur qui remet à son employée des
attestations mentionnant un salaire inférieur à celui qu'elle a touché
et l'invite à déclarer au fisc le gain moins élevé qu'il avait indiqué
(RO 81 IV 168/9). Il a considéré que ce faux dans les titres relevait
exclusivement des dispositions pénales édictées par les cantons pour
assurer l'observation du droit cantonal en matière fiscale (art. 335
ch. 2 CP); il a exclu l'application, même subsidiaire, du droit pénal
ordinaire. Le recourant estime que cette interprétation de l'art. 335
ch. 2 CP "ne répond plus à la situation sociale, économique et politique
du pays"; il serait conforme au but de la loi que des faux grossiers,
créés et utilisés en vue d'éluder l'impôt, soient réprimés en vertu du
droit commun. On ne voit pas, cependant, en quoi l'arrêt Küffer, rendu
en 1955, serait moins adapté aujourd'hui qu'alors à la situation du pays
(ce critère supposé valable). D'autre part, la distinction entre les faux
grossiers et les autres ne trouve aucun appui à l'art. 335 ch. 2 CP. Mais
cela n'est pas décisif.

    La jurisprudence ultérieure a précisé, en effet, que le principe
posé dans l'arrêt Küffer ne signifiait pas que les dispositions pénales
du droit fiscal cantonal s'appliquaient seules lorsqu'un acte punissable
en vertu du droit fédéral était commis dans le dessein d'enfreindre les
prescriptions cantonales en matière d'impôt. Ainsi la falsification d'un
titre par le moyen de laquelle un impôt est éludé ou qui est perpétrée
à cette fin n'échappe à la répression fondée sur l'art. 251 CP que si
le titre faux était destiné uniquement à un but fiscal (arrêt Frank,
RO 84 IV 166/7). Si la mention dans le contrat de vente d'immeuble d'une
partie du prix avait pour seul but de tromper le fisc, l'acte authentique
lui-même n'en avait pas moins été dressé à d'autres fins (RO 84 IV 167,
dernier al.), tandis que les attestations de salaire établies par Küffer
étaient uniquement destinées aux autorités fiscales.

    De même qu'un contrat de vente immobilière, la comptabilité
d'une entreprise n'est pas établie pour éluder les impôts. Elle est
objectivement destinée par la loi (comptabilité commerciale) ou par sa
nature (comptabilité privée d'une entreprise qui n'est pas astreinte à
tenir des livres) à servir de preuve; cette destination ne dépend ni du
moment auquel le chef d'entreprise se propose de l'utiliser comme moyen
de preuve ni du but de cette utilisation (RO 91 IV 7).

    Sans doute peut-on concevoir - éventualité non réalisée en l'espèce,
mais qui se produit effectivement - qu'une comptabilité entière soit créée
en vue de frauder le fisc. N'étant pas destinée à révéler la situation
réelle de l'entreprise, puisqu'une autre comptabilité est tenue à cet
effet, elle est comparable aux attestations de salaire dont par le l'arrêt
Küffer. Les faux intellectuels qu'elle contient nécessairement - ils sont
sa raison d'être - seront soustraits au droit pénal ordinaire. Inversement
une attestation de salaire établie à l'intention des autorités fiscales
peut servir à d'autres fins; l'employé peut l'utiliser par exemple
pour louer un appartement dans un immeuble subventionné, alors que ses
revenus ne lui en donneraient pas le droit. Cependant, à la différence
de la comptabilité et du contrat de vente immobilière, l'attestation
de salaire visée est confectionnée uniquement pour induire le fisc
en erreur. Si l'employé la détourne de son but, il devra être puni
conformément à l'art. 251 CP (les éléments subjectifs supposés réunis)
pour cet usage imprévu. En revanche, cette disposition ne s'appliquera pas
à l'employeur. Certes, en remettant l'attestation de salaire à l'employé,
il a créé le risque d'une utilisation non fiscale. Mais s'il ne l'a ni
envisagé ni accepté, il ne peut être condamné que sur la base du droit
fiscal. La distinction faite ou, du moins, esquissée par l'arrêt Frank
doit donc être maintenue. Il en résulte que la falsification (au sens
large, comprenant le faux intellectuel) d'une comptabilité, perpétrée
dans un intérêt fiscal, est saisie par l'art. 251 CP.