Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 IV 159



91 IV 159

43. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 juillet 1965 dans la cause
Ministère public du canton de Neuchâtel contre Mermoud. Regeste

    Art. 20, Art. 2 Abs. 1 lit. b und Abs. 2 der Verordnung des Bundesrates
über Ausverkäufe und änliche Veranstaltungen (Ausverkaufsverordnung; A O)
vom 16. April 1947; Art. 20 StGB.

    1.  Ein Verkauf unter Gewährung ausserordentlicher Rabatte, allenfalls
ein Teilausverkauf liegt vor, wenn Bücher, die vom Herausgeber schon
bereit gestellt sind, mit der Ankündigung verkauft werden, der Preis
werde nach Ablauf einer bestimmten Zeitspanne erhöht (Erw. 1 bis 6).

    2.  Strafbefreiung wegen Rechtsirrtums auf Grund des Umstandes, dass
der Beschuldigte vorgängig durch ein in Rechtskraft erwachsenes Urteil
wegen einer ähnlichen Handlung freigesprochen worden ist (Erw. 7).

Sachverhalt

    A.- Albert Mermoud, directeur de la Guilde du livre, société
coopérative dont le siège est à Lausanne, a fait insérer, dans la Feuille
d'avis de Neuchâtel du 27 juin 1964, une annonce qui contient les formules
suivantes: "Notre quinzième campagne d'été" ... "7 nouvelles publications
à des prix ahurissants". Suivaient les titres de sept ouvrages avec
leurs prix, soit pour les six premiers 5 fr. 90, mais avec l'adjonction:
"Dès le 1er oct. 7.80", et 12 fr. 70 pour le dernier, mais de même: "Dès
le 1er oct. 17.50". Au-dessous figurait un "Bulletin de souscription",
que l'acheteur pouvait découper et remplir pour faire sa commande;
il portait l'engagement de payer sur un compte de chèques postaux et
précisait: "pour les non-membres, ajouter un droit d'inscription de Fr.
3.-". Enfin l'annonce indiquait, sans donner d'autres renseignements à
ce sujet, huit adresses, dans diverses villes.

    B.- Le Ministère public du canton de Neuchâtel a renvoyé Mermoud devant
le juge pour contravention aux art. 17 LCD, 1er, 2 al. 2 et 19 ou 20 de
l'ordonnance du Conseil fédéral du 16 avril 1947 sur les liquidations et
opérations analogues (en abrégé: OL).

    Le 3 novembre 1964, le Tribunal de police du district de Neuchâtel
a prononcé l'acquittement.

    Le 27 janvier 1965, la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel
a rejeté un pourvoi formé par le Ministère public contre ce jugement.

    C.- Le Ministère public du canton de Neuchâtel s'est pourvu en
nullité. Il déclare renoncer à requérir l'application de l'art. 19 OL et
conclut à la condamnation de par l'art. 20 al. 1 lit. a OL.

    D.- Mermoud conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 20 al. 1 lit. a OL punit des arrêts ou de l'amende celui
qui, avec intention, annonce publiquement "une vente non autorisée bien
que soumise à la présente ordonnance". Le recourant estime que la vente,
objet de l'annonce du 27 juin 1964, constitue une vente dite "au rabais",
c'est-à-dire une opération analogue à une liquidation et aurait dû être
préalablement autorisée selon l'art. 2 al. 2 OL.

    L'art. 17 LCD soumet à une autorisation préalable l'annonce ou
l'exécution publiques de toute liquidation ou opération analogue
tendant à accorder temporairement des avantages particuliers aux
acheteurs (al. 1). Il fixe quelques règles générales (al. 2 et 3) et
charge pour le surplus le Conseil fédéral d'édicter les dispositions
d'exécution nécessaires. L'art. 18 al. 1 LCD sanctionne les infractions
les plus graves aux règles du droit fédéral sur les liquidations et
punit de l'emprisonnement ou de l'amende, en particulier celui qui,
intentionnellement, viole ces règles par des annonces inexactes ou
fallacieuses destinées à lui procurer ou à procurer à autrui un avantage
illicite (lit. a). Selon l'art. 18 al. 2, les autres infractions au
droit fédéral seront réprimées par l'ordonnance visée à l'art. 17 al. 4,
laquelle pourra prévoir la peine des arrêts ou de l'amende et s'appliquer,
même en cas de négligence. C'est sur ces dispositions qu'est fondé l'arrêté
du Conseil fédéral du 16 avril 1947, qui s'applique en leur lieu et place.

Erwägung 2

    2.- Mermoud a été renvoyé devant le juge de répression comme prévenu
d'avoir enfreint les art. 19 et 20 OL. Le présent pourvoi renonce
à attaquer l'acquittement sur le premier de ces deux chefs, qui est
ainsi hors de cause; il se borne à prétendre que l'arrêt entrepris viole
l'art. 20 OL et que la condamnation s'impose sur ce point. Il faut donc
examiner si Mermoud a annoncé publiquement une vente non autorisée alors
qu'elle aurait dû l'être (art. 277 bis al. l'première phrase, PPF).

Erwägung 3

    3.- L'art. 2 al. 2 OL soumet à l'autorisation préalable, lorsque
les conditions de l'art. 1er sont remplies, les ventes dites au rabais,
c'est-à-dire celles qui, contrairement aux liquidations, n'ont pas
pour but ou pour but exclusif l'écoulement complet de certains stocks
déterminés de marchandises. Il s'agit d'une telle vente, en l'espèce. Comme
l'autorité cantonale l'a constaté souverainement et aux dires de Mermoud
lui-même, si la souscription, sous la forme qui lui était donnée,
tendait à l'écoulement, au moins partiel, des livres offerts, elle
devait aussi permettre à l'éditeur "de surmonter ainsi ses difficultés de
trésorerie". Du reste, même s'il ne s'était agi que d'écouler entièrement
le stock constitué par les sept ouvrages mis en vente, l'autorisation
aurait aussi été nécessaire sous les mêmes conditions. Car il se serait
alors agi d'une liquidation partielle (art. 2 al. 1 lit. b et 1er
al. 1 OL).

Erwägung 4

    4.- L'art. 1er al. 1, comme l'art. 20 OL, exige tout d'abord que
l'offre soit faite par une annonce publique. L'art. 1er al. 2 attribue
ce caractère aux annonces faites par la voie de la presse. Celle dont il
s'agit a effectivement paru dans un quotidien. Elle s'adressait du reste au
public en général, puisque même les personnes non inscrites comme membres
de la Guilde du livre pouvaient passer commande sous la seule condition
qu'elles paient un supplément de 3 fr., dit "droit d'inscription".

Erwägung 5

    5.- Il s'agissait en outre d'une vente au détail selon l'art.  1er
al. 1 OL. Car l'offre s'adressait manifestement aux lecteurs, c'est-à-dire
aux consommateurs, sans qu'à vrai dire les revendeurs fussent exclus,
en principe. Peu importe que le bulletin de souscription inséré dans
l'annonce indique que la vente pouvait s'opérer par correspondance. Ce
caractère n'exclut nullement celui de vente au détail; cela ressort
manifestement de l'art. 4 al. 1 OL.

Erwägung 6

    6.- L'art. 1er al. 1 OL exige, de plus, que l'offre comporte, pour
les acheteurs, des avantages momentanés que le vendeur ne leur accorderait
pas ordinairement (texte allemand: "besondere, vom Verkäufer sonst nicht
gewährte Vergünstigungen"). C'est au point de vue de l'impression que
l'annonce éveille effectivement dans le public qu'il faut juger si ces
conditions sont réalisées.

    a) Le Tribunal fédéral a jugé que les avantages offerts à l'acheteur
devaient, quelle que soit leur forme, entraîner en définitive une réduction
du prix de vente. Il en a conclu qu'un éditeur ne consent pas un avantage
au sens de l'art. 1er al. 1 OL lorsqu'il offre un prix, dit de faveur,
à ceux qui souscrivent un ouvrage avant sa parution. Car, a-t-il dit, la
réduction du prix n'est alors qu'une prestation en retour du risque assumé
par l'acheteur qui commande un livre sans avoir pu l'examiner, sur la foi
d'une annonce et, partant, sans connaître tous les aspects essentiels de
l'édition (arrêt du 31 mai 1960 en la cause Rimli, non publié).

    Point n'est besoin de soumettre cette jurisprudence à un nouvel
examen: elle ne saurait s'appliquer en l'espèce. L'autorité cantonale
a constaté souverainement que lorsque l'annonce incriminée a paru, les
livres offerts étaient imprimés et prêts pour la vente, qui pouvait dès
lors avoir lieu trait pour trait. Il s'agissait donc, pour l'éditeur,
non pas de s'assurer des commandes avant la parution, mais d'écouler
le plus rapidement possible un stock par une réduction du prix, à
laquelle ne correspondait plus aucune prestation en retour, de la part
de l'acheteur. Car la marchandise était disponible et chacun pouvait,
en principe tout au moins, l'examiner avant de l'acquérir.

    Un avantage était du reste effectivement offert sous forme d'un
prix que l'annonce faisait apparaître comme réduit et qui devait inciter
à l'achat. Même les "non-membres" pouvaient en profiter, nonobstant le
"droit d'inscription" de 3 fr., mis à leur charge; ils devaient tenir
l'opération pour avantageuse, du moins s'ils achetaient plusieurs volumes.

    b) Les avantages visés par l'art. 1er al. 1 OL doivent être en
outre exceptionnels, le texte allemand le confirme, en ce sens que le
vendeur ne les accorde pas ordinairement. Tel est le cas lorsqu'ils
dérogent aux conditions de vente que l'entreprise est dans l'usage de
consentir à tous ses clients. Pour annoncer publiquement un avantage
qui n'a rien d'exceptionnel dans ce sens, le commerçant n'a pas besoin
d'une autorisation.

    Tel n'est pas le cas, en l'espèce. Sans doute l'annonce incriminée
précisait-elle qu'il s'agissait de la "quinzième vente d'été"; on savait
ainsi que la Guilde du livre avait, souvent déjà, consenti des avantages
semblables à la même époque de l'année. Mais la périodicité plus ou moins
régulière d'une opération ne lui enlève rien de son caractère exceptionnel.
L'annonce mettait ce caractère en évidence et en faisait la base même
de l'opération.

    Peu importe que ce système devente après parution soit plus ou moins
usuel ou même nécessaire dans le domaine de l'édition. Pour qu'il pût être
admis, il faudrait que la loi fît une exception en sa faveur. Au surplus,
l'intimé le justifie par les aléas particuliers à l'édition d'un livre
et par la nécessité où se trouve l'éditeur de rentrer le plus rapidement
possible dans les fonds qu'il engage. Mais, quoi qu'il en dise, les mêmes
risques et besoins affectent des opérations commerciales très diverses,
de sorte que la solution exceptionnelle qu'il suggère se justifierait
aussi dans un nombre imprévisible d'autres cas.

    c) Il faut enfin, selon l'art. 1er al. 1 OL, que les avantages
offerts soient "momentanés" (texte allemand: "vorübergehend"). L'art. 17
al. 1 LCD par le d'avantages accordés "temporairement" (texte allemand:
"vorübergehend", comme à l'art. 1er al. 1 OL). Peu importe qu'il y ait
quelques nuances dans le sens des termes qu'emploient les textes français
de la loi et de l'ordonnance. En tout cas, il s'agit d'avantages qui
ne sont accordés que pendant un certain temps, c'est-à-dire soumis à un
terme résolutoire certain ou incertain (par exemple: jusqu'à telle date ou
jusqu'à épuisement du stock; RO 78 IV 124). En l'espèce, la souscription
était ouverte jusqu'au 1er octobre 1964, date à partir de laquelle les
prix seraient augmentés. Les avantages offerts par l'annonce parue le 27
juin étaient donc accordés pour un peu plus de trois mois. L'arrêt attaqué
considère qu'une opération de cette durée ne peut plus être tenue pour
temporaire et en conclut que Mermoud n'a pas enfreint l'art. 20 OL. C'est
à tort. Pas plus que l'art. 17 al. 1 LCD l'art. 1er al. 1 OL ne fixe une
durée au-delà de laquelle l'offre cesserait d'être temporaire et l'on
ne voit pas qu'une telle limitation s'impose, nonobstant le texte de
l'art. 1er al. 1 OL, en raison de la volonté du législateur ou du sens
véritable de la loi (RO 90 IV 185, consid. 4 et 5). Peu importe, enfin,
que, comme l'allègue Mermoud, l'annonce offre, non pas un abattement
sur des prix antérieurs, mais un prix qui apparaît avantageux, parce
qu'il ne sera pas maintenu au-delà d'une date donnée. Ce qui attire le
public et ce que vise la loi, c'est l'avantage, sous toutes ses formes,
lorsqu'il est limité dans le temps. L'offre d'un prix qui sera augmenté
après une certaine période constitue bien un tel avantage.

    C'est donc à tort que l'arrêt attaqué a libéré Mermoud du chef
d'infraction à l'art. 20 OL, considérant que les avantages offerts
n'étaient pas momentanés ou temporaires.

Erwägung 7

    7.- Il ne s'ensuit pas, cependant, que le pourvoi du Ministère public
doive être admis. Car la Cour de cassation neuchâteloise a ajouté que la
libération de Mermoud se justifiait aussi de par l'art. 20 CP. Il faut
donc examiner encore si, sur ce point, l'argumentation de l'arrêt attaqué
viole le droit fédéral.

    L'art. 20 CP permet au juge, soit d'atténuer librement la peine, soit
même de prononcer l'exemption de toute peine en faveur du prévenu qui a
commis un crime ou un délit alors qu'il avait des raisons suffisantes de
se croire en droit d'agir. Pour que cette disposition soit applicable,
il ne suffit pas que l'auteur ait eu des raisons de tenir son acte pour
non punissable; il faut, bien plus, que ces raisons l'excusent d'avoir
admis que son acte n'était en rien contraire à l'ordre juridique (RO 81
IV 196, consid. 3).

    La cour neuchâteloise a constaté en fait que Mermoud avait été
poursuivi pour sa "campagne d'été" de l'année 1962, très semblable
à celle de 1964, et acquitté par le Tribunal de police de Neuchâtel,
le 17 octobre 1963, mais que le Procureur général lui avait écrit, le
24 octobre suivant, que le Ministère public et le Département cantonal
de police étaient en complet désaccord avec le juge de police et que,
le cas échéant, de nouvelles poursuites pénales seraient ouvertes.

    L'arrêt attaqué conclut néanmoins que "Mermoud a pu penser de bonne
foi que ses campagnes d'été étaient licites". Cette affirmation relève
du fait dans la mesure où elle constate ce qu'a pensé le recourant, à
savoir que l'acte aujourd'hui retenu contre lui était licite. Elle relève
du droit dans la mesure où elle admet la bonne foi de l'intimé. Car s'il
a pu penser de bonne foi que ses actes étaient licites, c'est que des
raisons suffisantes l'excusent d'avoir cru que son acte n'était en rien
contraire à l'ordre juridique. Ce point de droit est soumis à la censure
de la cour de céans.

    Il est clair qu'un acquittement prononcé pour un acte semblable
justifiait pleinement, en principe, la créance que cet acte n'excédait
pas les limites de l'ordre juridique. Car le juge de répression était
seul compétent pour se prononcer à ce sujet. La solution qu'il avait
adoptée pouvait sans doute être controversée. Mais, après le prononcé
de première instance, seules les voies de recours légales permettaient
d'obtenir une solution certaine par un arrêt souverain. Mermoud, acquitté,
ne disposait pas de ces voies, qui étaient ouvertes, en revanche,
au Ministère public. Celui-ci n'a pas recouru. Quelles qu'en fussent
les raisons et eussent-elles relevé uniquement de la procédure, il n'en
restait pas moins que le jugement de première instance était passé en force
et faisait foi. Peu importe, dès lors, que le Ministère public ait, par
une lettre adressée à Mermoud, manifesté son désaccord avec ce jugement;
il ne s'agissait là que de l'expression d'une opinion divergente. Même
si elle pouvait susciter quelques doutes, elle n'excluait nullement que
l'auteur eût des raisons suffisantes de croire que, dans un cas semblable,
le juge saisi s'arrêterait à la même solution.

    La cour cantonale a donc, à juste titre, appliqué l'art. 20 CP à
Mermoud. Comme cette disposition le lui permettait, au lieu d'infliger
une peine librement atténuée, elle a prononcé la libération totale. Ce
choix dépendait essentiellement du pouvoir d'appréciation souverain que
la loi lui accorde. Le Tribunal fédéral ne pourrait donc intervenir que
si elle avait excédé les limites de ce pouvoir, violant ainsi le droit
fédéral. Mais il ne saurait en être question, vu les circonstances,
d'autant moins que la libération doit en général être préférée de par
le principe qui régit le Code pénal et selon lequel l'absence de faute
exclut toute peine (RO 70 IV 100, consid. 7).

Entscheid:

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Rejette le pourvoi.