Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 II 183



91 II 183

28. Arrêt de la IIe Cour civile du 1er juillet 1965 dans la cause Commune
municipale de Porrentruy contre Masse en faillite Siegfried Käch. Regeste

    Schädigung des Fischbestandes einer Fischzuchtanlage durch Abwässer
aus Kanalisationsröhren, die in ein die Beckenjener Anlage speisendes
öffentliches Gewässer münden.

    1. Haftpflicht des Gemeinwesens, in dessen Eigentum der von der
Kanalisation durchflossene Boden steht. Art. 679 ZGB. (Erw. 1).

    2.  Die Zuleitung verschmutzten, der Tierwelt verderblichen Wassers
lässt sich nicht durch den öffentlichrechtlichen Zweck der Kanalisation
rechtfertigen; sie verstösst gegen das öffentliche Bundesrecht (Gesetz
über den Schutz der Gewässer gegen Verunreinigung, vom 16. März 1955)
und gegen das kantonale bernische Recht (Gesetz über die Nutzung des
Wassers, vom 3. Dezember 1950) sowie gegen die Regeln des Nachbarrechts
(Art. 684 ZGB). (Erw. 2 a und b).

    3.  Wird die Gemeinde gehörig unterrichtet von der missbräuchlichen
Benutzung ihrer Kanalisation durch gewisse Anstösser und unterlässt sie
es gleichwohl, der Zuleitung giftiger Stoffe ein Ende zu machen oder die
verschmutzten Gewässer zu reinigen, so trifft sie ein ihre Haftpflicht
nach Art. 41 ff. OR begründendes Verschulden. (Erw. 2 c).

    4. Ursächlicher Zusammenhang zwischen der Vergiftung des Wasserlaufes
und der Schädigung einer daraus gespiesenen Fischzuchtanlage. Tat-
und Rechtsfrage. (Erw. 3).

    5. Begriff des Nachbars im Sinne der Art. 679 und 684 ZGB im Falle
der Verschmutzung eines öffentlichen Flusses. (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Siegfried Käch a exploité, depuis 1948, à Courtemaîche (Jura
bernois) une pisciculture qu'il avait installée sur l'immeuble dont il
était propriétaire. Il élevait des truites et les vendait.

    Les bassins de la pisciculture, à l'exception de l'incubatoire, étaient
alimentés exclusivement par l'eau de l'Allaine, petite rivière au cours peu
rapide et en outre d'un faible débit par temps sec. Käch était au bénéfice
d'une concession délivrée par le canton de Berne l'autorisant à prélever
l'eau de l'Allaine nécessaire à son exploitation. Pour l'incubatoire,
il utilisait l'eau potable de Courtemaîche et un appareil à oxygène.

    Il avait établi des grilles séparant la rivière et la pisciculture;
en les fermant il pouvait couper complètement l'arrivée de l'eau
de l'Allaine dans les bassins. De plus, un dispositif d'alarme lui
permettait d'intervenir lorsque les poissons manifestaient des signes
d'empoisonnement.

    En amont de Courtemaîche, l'Allaine traverse Porrentruy. Les égouts
de cette ville, qui ne possède pas de station d'épuration des eaux,
se déversent dans la rivière.

    De nombreux cas d'empoisonnement de l'Allaine se sont produits: un
en 1949, trois entre 1950 et 1953, un en 1956, un en 1957, deux en 1959,
quatre en 1960. La plupart de ces empoisonnements ont été causés par le
cyanure. Ils débutaient à proximité de l'endroit où les eaux des égouts
de Porrentruy s'écoulent dans la rivière. Dans deux cas cependant, ceux
des 22/23 janvier et 24/25 juin 1960, l'empoisonnement n'a été constaté
que dans les bassins du concurrent de Käch, le pisciculteur Fernand
Choulat à Grandgourt. Pour ces deux empoisonnements, Käch fut condamné,
par arrêt de la Cour suprême bernoise du 9 octobre 1962, à une peine de
dix-huit mois d'emprisonnement et au paiement de 30 990 fr. à Choulat,
à titre de dommages-intérêts.

    Käch a protesté à plusieurs reprises contre les empoisonnements de
l'Allaine auprès de la commune de Porrentruy. La Direction cantonale
des forêts en a fait de même. Ces interventions n'ont cependant pas eu
d'effets. L'autorité communale de Porrentruy est restée passive: elle
n'a pris aucune mesure de sécurité ni établi de surveillance à l'égard
des entreprises utilisant des matières nocives; elle n'a pas édicté de
prescriptions de police ni procédé à des contrôles, en sorte que, lors
des empoisonnements, l'entreprise responsable n'a pu être découverte.

    Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1961, un nouvel empoisonnement de
l'Allaine se produisit; tous les poissons se trouvant dans les bassins
des piscicultures de Käch et Choulat périrent.

    Informé par un habitant de Courchavon, le 1er septembre 1961 dans
l'après-midi, qu'une vague empoisonnée descendait la rivière, Käch
installa son dispositif d'alarme. Ce dispositif fonctionna et, vers 22 h.
15-22 h. 30, alerta Käch qui se rendit immédiatement à sa pisciculture,
coupa l'amenée d'eau à la grille d'entrée et ouvrit l'écluse pour empêcher
l'eau polluée de pénétrer dans les bassins. Après une vingtaine de minutes,
estimant que la vague empoisonnée avait passé et constatant d'autre
part que les poissons commençaient à présenter des signes d'asphyxie,
il rouvrit la vanne d'entrée. Ce fut la catastrophe: tout son poisson
périt empoisonné. Le même désastre se produisit quelques heures après
dans la pisciculture de Choulat.

    Le lendemain, en présence de la police, 4323 kg de poissons péris
furent retirés des bassins de Käch et 2384 kg de ceux de Choulat.

    Dans l'enquête, qui fut ouverte par le Juge d'instruction du district
de Porrentruy, il fut établi, avec le concours d'experts:

    - que l'empoisonnement avait commencé à la sortie des égouts de
Porrentruy;

    - qu'il était dû au cyanure de cuivre, dont la nocivité avait été
encore augmentée par la présence d'ammoniaque dans l'eau;

    - que l'eau contenant du cyanure de cuivre provenait d'une ou plusieurs
entreprises de galvanoplastie exploitées dans la ville de Porrentruy;

    - qu'il était techniquement possible que, par suite d'un accident
ou d'une négligence dans un atelier de galvanoplastie de Porrentruy,
un empoisonnement de l'Allaine tel que celui du 1er septembre 1961 se
produisît.

    Käch fut mis hors de cause.

    L'enquête n'ayant pas permis de découvrir le responsable, la procédure
pénale fut suspendue.

    B.- Par demande du 21 novembre 1962, Käch introduisit une action
en dommages-intérêts contre la commune de Porrentruy. Il fut déclaré en
faillite le 6 mai 1963. La masse poursuivit le procès.

    La défenderesse conclut à libération des fins de la demande. Statuant
le 5 novembre 1964, la Deuxième Chambre civile de la Cour d'appel du canton
de Berne condamna la commune de Porrentruy à payer à la masse en faillite
Siegfried Käch la somme de 85 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er janvier
1962. Elle considéra que la défenderesse répondait, en vertu des art.
679 et 684 CC, du dommage que l'empoisonnement de l'Allaine par les eaux
provenant de ses égouts avait causé à Käch. La Cour cantonale releva que
la commune avait commis une négligence grave, de sorte qu'elle aurait aussi
pu être recherchée sur la base des art. 41 ss CO. Pour calculer le dommage,
les juges bernois se sont fondés sur les avis de plusieurs experts.

    C.- Contre ce jugement, la commune de Porrentruy recourt en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement au rejet de l'action de
sa partie adverse et subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour compléter l'instruction et rendre une nouvelle décision
dans le sens des motifs de l'arrêt fédéral.

    La masse en faillite Siegfried Käch, intimée, conclut au rejet
du recours.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence, la collectivité publique est responsable
en vertu de l'art. 679 CC, à défaut d'une réglementation adéquate de droit
public fédéral ou cantonal, du dommage causé par un usage contraire au
droit du domaine public; dans ce cas, l'art. 684 CC est applicable aux
rapports de voisinage (RO 61 II 326 ss., consid. 3 et 4; 70 II 88 ss.;
75 II 118 ss.; 76 II 131 ss.; 79 I 202/3; 83 II 543). En particulier, la
commune répond du préjudice que subit le titulaire du droit de pêche à la
suite de l'empoisonnement des poissons par les eaux qu'un égout communal
évacue dans une rivière, même si les eaux nocives ont été déversées dans
l'égout par un usager autorisé (RO 75 II 118 ss.; 76 II 131 ss.).

    La recourante conteste l'assimilation de ses égouts à des
immeubles. Mais elle se prévaut à tort de l'absence d'inscription au
registre foncier. L'art. 944 CC dispense en effet de l'inscription, à
certaines conditions, les immeubles qui servent à l'usage public. De même,
la recourante objecte en vain que les égouts n'emprunteraient pas dans
leur majeure partie les fonds communaux. La Cour cantonale a constaté en
fait qu'en l'espèce "les canaux d'égouts se trouvent installés dans le
terrain communal". Cette constatation lie le Tribunal fédéral (art. 63
al. 2 OJ). Il en résulte, en droit, que les égouts forment, sinon l'objet
indépendant d'une propriété immobilière, du moins une partie intégrante
du domaine communal dans lequel ils sont installés (RO 75 II 119).

Erwägung 2

    2.- S'il est vrai que l'écoulement des eaux usées dans une rivière est
le but de droit public des égouts, le déversement d'eaux polluées faisant
périr la faune n'est toutefois pas justifié par cette fin. Il se heurte à
la fois aux prescriptions de police statuées par le droit public et aux
règles sur les rapports de voisinage du droit privé (cf. sur le cumul
des deux défenses contre les immissions excessives RO 87 I 363). Il est
dès lors illicite (cf. RO 82 II 28, 88 II 281).

    a) D'une part, la loi fédérale sur la protection des eaux contre
la pollution du 16 mars 1955 oblige à prendre les mesures nécessaires
pour préserver les eaux de la pollution afin, notamment, que la santé
de l'homme et des animaux soit protégée et que les poissons puissent
subsister (art. 2 al. 1); elle subordonne l'autorisation de déverser
des eaux usées à l'autorisation du canton, qui imposera, le cas échéant,
que ces eaux soient préalablement épurées ou rendues inoffensives (art. 3
al. 1 et 2); elle enjoint les cantons de prescrire l'exécution, dans un
délai convenable, des mesures nécessaires pour mettre fin à la pollution
existante (art. 3 al. 3 et 6). Le pouvoir accordé par la loi aux cantons
ne libère cependant pas le titulaire d'une entreprise de l'obligation de
faire tout ce qu'on peut attendre de lui pour mettre fin à l'évacuation
de résidus nocifs (RO 91 IV 45). Au surplus, l'art. 114 al. 1 de la loi
bernoise sur l'utilisation des eaux du 3 décembre 1950 interdit également
"de souiller les eaux, tant superficielles que souterraines"; l'art. 110
attribue aux communes l'aménagement des réseaux de distribution d'eau
et des installations d'épuration. Ces règles de police obligeaient la
recourante à empêcher l'écoulement d'eaux empoisonnées dans la rivière.

    b) D'autre part, l'art. 684 al. 2 CC interdit les immissions qui ont
un effet dommageable et qui excèdent les limites de la tolérance que se
doivent les voisins. Selon cette disposition Iégale, la collectivité
publique agit contrairement au droit non seulement lorsqu'elle viole
une prescription formulée dans une loi spéciale, mais aussi lorsqu'elle
use d'une installation du domaine public au mépris des égards dus aux
voisins et leur cause ainsi un dommage qu'elle aurait pu éviter sans frais
excessifs et sans compromettre l'exécution de la tâche d'intérêt public à
laquelle sert l'installation en question (cf. LIVER, Die nachbarrechtliche
Haftung des Gemeinwesens, RJB 99 (1963) p. 241 ss., 260; MEIER-HAYOZ,
n. 72 ss. ad art. 679 CC; OFTINGER, Schweizerisches Haftpflichtrecht
II/2 p. 517 ss.).

    En tolérant que des usagers autorisés déversent dans les égouts
communaux des eaux polluées par du cyanure de cuivre, qui se sont écoulées
dans l'Allaine et qui ont fait périr par empoisonnement, notamment,
les poissons élevés dans la pisciculture de Käch, la recourante a excédé
son droit de propriétaire des égouts. Elle pouvait en effet, sans frais
excessifs, prendre à l'égard des entreprises utilisant du cyanure de cuivre
les mesures de police nécessaires pour que ces entreprises ne vident pas
les eaux polluées par cette substance dans les canalisations publiques
ou les épurent auparavant, en exerçant un contrôle sur l'application des
mesures qu'elle aurait prescrites. Or elle s'en est abstenue.

    c) La passivité de la recourante constitue en outre une faute. La
Cour cantonale a constaté en effet qu'à la suite des empoisonnements
de l'Allaine qui ont précédé l'événement dommageable, de nombreuses
réclamations avaient été présentées à la commune de Porrentruy, non
seulement par des particuliers lésés, mais aussi par les autorités
cantonales. Ainsi avertie des abus commis par certains usagers, la
collectivité publique devait prendre les mesures nécessaires pour y
mettre fin. Sa négligence à cet égard engage sa responsabilité en vertu
des art. 41 ss. CO.

Erwägung 3

    3.- La recourante s'élève vainement contre les constatations de la
Cour cantonale selon lesquelles le déversement d'eaux polluées par les
usagers des égouts communaux est en relation de causalité naturelle
avec le dommage subi par Käch. Ce point de fait ne peut être revu par
la juridiction de réforme (RO 87 II 126 b, 89 II 249). En droit, la
causalité est adéquate. En effet, selon le cours ordinaire des choses,
le déversement d'une substance nocive dans une rivière était de nature
à causer un dommage tel que celui qui s'est produit dans la pisciculture
du lésé.

    Peu importe que l'usager ou les usagers des égouts qui ont provoqué
l'empoisonnement de la rivière ne puissent être découverts, comme l'a
relevé la juridiction cantonale, ou que le droit de recours de la commune
contre les auteurs du dommage soit dépourvu d'effet pratique. Ce risque
demeure en effet à la charge de la collectivité propriétaire des égouts
(RO 76 II 134).

Erwägung 4

    4.- Est un voisin, au sens des art. 679 et 684 CC, celui qui utilise
l'eau d'une rivière en vertu d'une concession et qui subit un préjudice
du fait que le propriétaire d'un immeuble sis en amont a excédé son droit
en polluant les eaux de la rivière (RO 55 II 246, 62 I 12, 79 I 204, 81
II 443). En l'espèce, Käch utilisait les eaux de l'Allaine, en vertu
d'une concession délivrée par le canton pour alimenter les bassins de
la pisciculture aménagée sur un immeuble qui lui appartenait. Lui-même,
respectivement sa masse en faillite, avait dès lors qualité pour intenter
l'action fondée sur les art. 679 et 684 CC. Au surplus, il était en droit
de réclamer à la commune de Porrentruy la réparation du dommage qu'elle
lui avait causé d'une manière illicite et par sa faute (art. 41 ss. CO).