Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 I 69



90 I 69

13. Arrêt du 29 avril 1964 dans la cause Couchepin contre Grand Conseil
du canton du Valais. Regeste

    1.  Zulässigkeit einer staatsrechtlichen Beschwerde, erhoben gegen
die Anordnung eine Volksabstimmung und eingereicht nach der Abstimmung,
aber innert 30 Tagen seit der Veröffentlichung der angefochtenen Anordnung
(Erw. 1).

    2.  Das Stimmrecht umfasst die Stimmfreiheit, d.h. das Recht des
Bürgers, seine Stimme geheim, von aussen unbeeinflusst und gemäss seinem
wirklichen Willen abzugeben (Erw. 2 a).

    3.  Aus dem Recht des Bürgers, seine Stimme gemäss seinem wirklichen
Willen abzugeben, folgt für das Gebiet des Finanzreferendums, dass die
dem Bürger vorgelegte Frage sich grundsätzlich nur auf einen Gegenstand
beziehen darf, es sei denn, dass zwei Gegenstände voneinander abhängen
oder einen gemeinsamen Zweck haben, der sie objektiv betrachtet als eng
zusammengehörend erscheinen lässt (Erw. 2 b und c).

    4.  Die Kredite für die Vergrösserung eines Spitals einerseits und
für den Bau und Umbau verschiedener Schulgebäude anderseits müssen dem
Volke getrennt zur Abstimmung unterbreitet werden (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 14 novembre 1963, le Grand Conseil du canton du Valais adopta
un décret ainsi conçu:

    "Article premier.  Il est mis à la disposition du Conseil d'Etat un
crédit de 30 millions de francs, réparti comme suit:

    a)  treize millions cinq cent mille francs pour la transformation et
l'agrandissement du collège de Brigue;

    b)  cinq millions cent mille francs pour la construction des écoles
professionnelles de Brigue, Martigny et Monthey;

    c)  deux millions huit cent mille francs pour l'agrandissement et la
réfection de l'école d'agriculture de Châteauneuf;

    d)  huit millions deux cent mille francs pour l'agrandissement
de l'hôpital et la construction de cliniques pour enfants déficients
à Malévoz.

    Le montant du devis sera augmenté en proportion de la hausse du
coût de construction déterminé par l'index admis pour les constructions
fédérales (index de Zurich). Les crédits supplémentaires résultant de
l'index sont mis à la disposition du Conseil d'Etat sans un nouveau
décret. Ils figureront séparément au budget.

    Art. 2. Les emprunts seront contractés par le Conseil d'Etat, au für
et à mesure des besoins.

    Art. 3. Le Conseil d'Etat veillera à conclure ces emprunts aux
meilleures conditions. Un amortissement minimum de 5% sera prévu
annuellement au budget de l'Etat.

    Art. 4. A la commission des constructions présidée par l'architecte
cantonal sera adjointe une délégation du Grand Conseil dans laquelle tous
les groupes seront représentés.

    Art. 5. Le présent décret est soumis à la votation populaire."

    Par arrêté du 7 février 1964, le Conseil d'Etat du canton du Valais
convoqua les assemblées primaires pour le 15 mars 1964, "à l'effet de se
prononcer sur l'acceptation ou le rejet du décret du 14 novembre 1963".
L'art. 2 de cet arrêté dispose que "la votation aura lieu au bulletin
secret, par le dépôt d'un bulletin imprimé sur lequel on inscrira un oui
pour l'acceptation ou un non pour le rejet".

    Le décret et l'arrêté furent publiés dans le bulletin officiel du 14
février 1964. Le décret fut accepté par le peuple le 15 mars 1964.

    B.- Par acte mis à la poste le 16 mars 1964, François Couchepin, à
Martigny-Ville, a formé un recours de droit public dans lequel il requiert
le Tribunal fédéral d'annuler le décret du 14 novembre 1963, l'arrêté du 7
février 1964 et la votation du 15 mars 1964. Il se plaint d'une violation
de l'art. 30 ch. 4 Cst. val. selon lequel le peuple doit être appelé à
se prononcer sur "toute décision du Grand Conseil entraînant une dépense
extraordinaire de fr. 200 000, si cette dépense ne peut être couverte par
les recettes ordinaires du budget". Il soutient que les diverses dépenses
prévues par le décret du 14 novembre 1963 auraient dû être soumises
séparément au peuple. Selon lui, la votation unique organisée en l'espèce
était de nature à porter atteinte à la liberté de vote des électeurs.

    Le Conseil d'Etat conclut principalement à l'irrecevabilité,
subsidiairement au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le présent recours a pour objet une question relative à
l'organisation de la votation. Cette question a été définitivement
tranchée par le décret du 14 novembre 1963 et l'arrêté du 7 février 1964,
publiés l'un et l'autre le 14 février 1964. Aucun de ces actes n'était
susceptible d'un recours cantonal. Le recours de droit public, mis à
la poste le dernier jour du délai à compter de cette publication, a été
formé ainsi en temps utile. Peu importe que ce dernier jour coïncide avec
le lendemain de la votation. Les délais de recours institués par l'OJ
sont à la disposition des plaideurs jusqu'à leur expiration (cf. RO 82
I 70/71). Le fait que les opérations électorales se sont déroulées avant
la fin du délai pour attaquer la décision qui les organisait n'entraîne
aucune dérogation à ce principe. L'arrêt Bühler cité par l'intimé (RO 74
I 18 ss.) ne conduit pas à une conclusion différente. Certes, il déclare
qu'un citoyen perd la possibilité de former un recours de droit public
concernant l'organisation de la votation lorsqu'il n'agit pas avant le
scrutin. Toutefois, il concerne un cas où le recours de droit public avait
été formé après l'expiration du délai de l'art. 89 OJ, calculé dès la
décision organisant la votation (idem dans RO 81 I 203 ss.). Il n'est dès
lors pas applicable en l'espèce où le recours a été formé dans ce délai.

Erwägung 2

    2.- Le décret du 14 novembre 1963 vise quatre crédits distincts. Le
premier concerne la transformation et l'agrandissement du collège de
Brigue, le second la construction d'écoles professionnelles à Brigue,
Martigny et Monthey, le troisième l'agrandissement et la réfection de
l'école d'agriculture de Châteauneuf et le quatrième l'agrandissement
de l'hôpital et la construction de cliniques pour enfants déficients à
Malévoz. Il s'agit de savoir si ces quatre crédits pouvaient être soumis
au peuple dans une seule votation ou s'ils devaient faire, chacun ou
certains d'entre eux, l'objet d'une votation séparée.

    a) Le droit de vote en matière politique est un droit constitutionnel
garanti par le droit fédéral. Il donne notamment au citoyen le droit
d'exiger que le résultat des élections ou des votations ne soit pas
reconnu, s'il n'est pas l'expression sûre et véritable de la libre volonté
du corps électoral (RO 89 I 443, 75 I 245). Il confère donc à l'électeur le
droit notamment de s'exprimer en pleine liberté, c'est-à-dire non seulement
de voter dans le secret et à l'abri de toute influence extérieure,
mais aussi de remplir son bulletin d'une manière conforme à sa volonté
réelle. Si ces principes sont violés, c'est le droit de vote lui-même
qui est atteint. Selon sa jurisprudence constante, le Tribunal fédéral
statue alors librement (RO 89 I 77. 85/86, 443, 453/454). Dans la mesure
où l'arrêt Deutsch (RO 57 I 184 ss.) dit le contraire, il est dépassé.

    b) Le droit de l'électeur de s'exprimer d'une manière correspondant
à sa volonté réelle implique, en matière de referendum financier,
que le peuple ne soit en principe appelé à voter que sur une question
à la fois. Il est vrai que cette opinion, assez largement répandue
en doctrine (GIACOMETTI, Staatsrecht der schw. Kantone, p. 424/425,
note 22; PICENONI, Die Kassation von Volkswahlen und Volksabstimmungen,
thèse Zurich 1945, p. 46/47; GEILINGER, Die Institutionen der direkten
Demokratie im Kanton Zürich, thèse Zurich 1947, p. 39, note 29 et p. 66,
note 104; KUHN, Das Prinzip der Einheit der Materie bei Volksinitiativen
auf Partialrevision der Bundesverfassung, thèse Zurich 1956, p. 80/81;
KLINGENBERG, Das Finanzreferendum im Kanton Schaffhausen, thèse Zurich
1957, p.11), n'a pas toujours été celle du Tribunal fédéral. En effet,
posant la question sur le terrain de la législation cantonale, et non
sur celui du droit de vote garanti par le droit fédéral, la Chambre de
droit public a jugé à plusieurs reprises que, dans la mesure où la loi
ne prévoit pas expressément le contraire et sauf le cas d'arbitraire,
l'électeur n'a aucun droit à ce que les questions soumises au peuple
par voie de referendum aient un objet unique (RO 57 I 188 ss.; arrêts
non publiés Béguin, du 7 juin 1940, résumé dans ZBl 1940, p. 364/365, et
Zimmermann, du 10 mars 1949). Cette jurisprudence ne tient toutefois pas
un compte suffisant de la liberté de l'électeur, telle qu'elle découle
du droit de vote garanti par le droit fédéral. C'est la nécessité de
sauvegarder cette liberté qui en principe l'emporte et oblige l'autorité
à organiser une votation pour chaque objet, même si la constitution ou
la loi cantonales ne contiennent aucune disposition à cet égard. Sinon
le citoyen, qui est favorable à l'un des projets, est obligé ou de le
repousser pour manifester son opposition à l'autre ou de l'accepter,
mais en faisant croire alors par son vote qu'il appuie le second.

    c) L'application rigoureuse de ce principe représenterait
cependant pour les autorités cantonales une contrainte inadmissible
et souvent contraire à l'intérêt général qu'elles ont pour mission de
promouvoir. Sans doute serait-il exclu de joindre en une même votation des
dépenses sans aucun rapport entre elles pour des raisons de pure tactique
électorale. C'est ainsi que, à seule fin de faire admettre au peuple une
dépense impopulaire, il ne saurait être question de lui présenter en même
temps une dépense qu'il envisage avec faveur. Il n'en reste pas moins
que, dans certaines hypothèses, les autorités cantonales doivent pouvoir
soumettre en même temps au peuple plus d'une dépense ayant un unique objet.

    Tel est le cas non seulement lorsque deux dépenses sont
interdépendantes de telle manière que l'une ne peut être faite sans
l'autre, mais aussi lorsque les dépenses soumises en même temps au
peuple ont un but commun, qui les réunit étroitement par un lien réel et
objectif. Ainsi les autorités d'un canton peuvent demander au citoyen de
dire, par un seul oui ou un seul non, s'il accepte ou refuse un ensemble
de crédits particuliers concernant tous par exemple la construction de
bâtiments scolaires, ou l'amélioration du réseau routier ou encore le
développement d'installations hospitalières. Certes, il se pourra que
l'électeur se trouve ainsi obligé d'accepter un crédit auquel il est opposé
pour pouvoir se prononcer en faveur de l'octroi des autres; sans doute
aussi, sa liberté de vote sera de la sorte restreinte. Toutefois, lorsque
les diverses dépenses présentées ensemble sont reliées entre elles par le
but commun défini ci-dessus, le citoyen est appelé à se prononcer non pas
tant sur chacun des crédits que sur ce but même. Cela permet d'exiger de
lui qu'il se détache, dans une certaine mesure, de l'opinion qu'il peut
avoir sur telle ou telle dépense particulière, qu'il envisage et apprécie
dans son ensemble la tâche que les autorités estiment devoir entreprendre
et qu'il exprime sur elle un jugement global. Si les gouvernements et
les parlements cantonaux ne pouvaient pas présenter ensemble au peuple
des dépenses poursuivant le même but, ils risqueraient d'être empêchés,
dans un domaine déterminé, de faire participer toutes les régions du
canton et toutes les couches de la population d'une manière égale à la
prospérité commune.

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, les divers crédits litigieux peuvent être
répartis en deux catégories bien distinctes. Les uns concernent le
collège de Brigue, l'école d'agriculture de Châteauneuf ainsi que les
écoles professionnelles de Brigue, Martigny et Monthey; ils relèvent
de l'instruction publique au sens large. Les autres ont pour objet
l'hôpital de Malévoz; ils ressortissent à la santé publique. Ces deux
catégories de crédits n'ont pas de but commun. Elles ont trait à des
tâches étatiques nettement distinctes. Rien ne servirait d'objecter que
les travaux envisagés à Malévoz comprennent notamment la construction
de cliniques pour enfants déficients. Sans doute, de telles cliniques
sont destinées, comme les écoles, à la jeunesse. Il n'empêche que l'Etat
envisage de les construire dans le cadre de son obligation de sauvegarder
la santé publique, obligation entièrement distincte du devoir d'assurer
l'instruction publique. Le crédit de 8 200 000 fr. relatif à l'hôpital
de Malévoz devait donc être présenté séparément au peuple. Dans cette
mesure, le recours est fondé. En revanche, il ne l'est pas en tant qu'il
vise à obtenir une votation distincte pour chacun des autres crédits. Les
dépenses concernant les écoles professionnelles de Brigue, Martigny et
Monthey ainsi que l'école d'agriculture de Châteauneuf ont toutes pour
but la formation professionnelle de la jeunesse. Le lien qui les unit est
suffisamment étroit pour qu'elles puissent faire l'objet d'une votation
unique. On peut se demander, il est vrai, si celle-ci doit être étendue au
crédit de 13 500 000 fr. concernant la transformation et l'agrandissement
du collège de Brigue. Cette institution est en effet un établissement
d'instruction secondaire destiné à donner aux élèves non pas une formation
directement utile à l'exercice d'un métier, mais une culture générale
préparant surtout aux études supérieures. Néanmoins, comme les écoles
professionnelles, il est un des moyens qu'utilise l'Etat pour contribuer
à l'éducation et à la formation de la jeunesse. Ce but commun crée encore
entre les diverses dépenses scolaires prévues par l'art. 1er lettres a
à c du décret attaqué un lien suffisamment étroit pour considérer comme
admissible l'organisation d'une votation unique.

    En résumé, les autorités cantonales valaisannes devront à tout
le moins organiser deux votations, l'une pour le crédit de 8 200 000
fr. relatif à l'hôpital de Malévoz, l'autre pour les trois crédits
concernant le collège de Brigue, l'école de Châteauneuf et les écoles
professionnelles de Monthey, Martigny et Brigue. C'est dans ce sens qu'il
y a lieu d'admettre le recours.

Entscheid:

          Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

    Le recours est admis dans le sens des motifs. Sont en conséquence
annulés:

    a) le décret du Grand Conseil du 14 novembre 1963,

    b) l'arrêté du Conseil d'Etat du 7 février 1964,

    c) la votation du 15 mars 1964.