Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 IV 259



90 IV 259

55. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 novembre 1964 dans la
cause Procureur général du canton de Berne contre Billieux. Regeste

    Art. 41 Ziff. 1 Abs. 2 StGB, Art. 91 Abs. 1 SVG.

    Gründe, die es im allgemeinen rechtfertigen, dem wegen Fahrens
in angetrunkenem Zustande Verurteilten den bedingten Strafvollzug zu
verweigern.

Sachverhalt

    A.- Le 29 décembre 1963, vers 10 h. 30, Billieux se rendit en
automobile dans un café, où il but un apéritif et quelques verres de vin
blanc. Peu après midi, toujours dans son automobile, il se rendit, en
compagnie d'un ami, dans un autre café, où il but à nouveau du vin blanc
sans avoir rien mangé. Vers une heure et demie, conduisant son automobile
à une vitesse de 50 km/h environ, il voulut changer de vitesse avant un
parcours verglacé, mais son véhicule se mit à déraper; il en perdit la
maîtrise et heurta tout d'abord une femme, qui fut grièvement blessée,
puis un mur et enfin une barrière de bois, qu'il traversa pour finir
sa course dans un pré. Une analyse du sang révéla chez Billieux une
concentration d'alcool de 1,3 g é.

    B.- Le 11 février 1964, le président du Tribunal du district de
Courtelary condamna Billieux pour avoir, étant pris de boisson, conduit un
véhicule automobile, circulé à une vitesse excessive et perdu la maîtrise
de sa voiture et pour lésions corporelles par négligence à quinze jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à 300 fr. d'amende avec
délai d'épreuve de deux ans.

    Le Ministère public ayant interjeté appel, la Première Chambre pénale
de la Cour suprême du canton de Berne a, sauf pour l'amende qu'elle a
supprimée, prononcé la même condamnation et refusé de faire droit aux
conclusions de l'appelant, qui tendaient principalement au refus du sursis.

    C.- Le Ministère public du canton de Berne s'est pourvu en nullité
contre cet arrêt. Il demande derechef que le sursis soit refusé à Billieux
pour la peine d'emprisonnement qui lui a été infligée.

    D.- Billieux conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence constante, celui qui, étant pris de
boisson, conduit un véhicule à moteur, témoigne en général d'un mépris
de la sécurité, voire de la vie d'autrui qui interdit de bien augurer des
effets d'un éventuel sursis à l'exécution de la peine et commande le refus
de cette mesure de faveur. Exceptionnellement, certaines circonstances
spéciales permettront d'admettre que l'infraction n'est pas le fait du
manque de scrupules et d'égards qui caractérise en général le conducteur
pris de boisson; ainsi lorsque l'auteur ne s'est décidé à se mettre au
volant que sous l'influence de l'alcool ou a été poussé à son acte par
l'insistance pressante de tiers (RO 88 IV 7 et les arrêts cités). Même si,
au nombre de ces circonstances, on compte non pas uniquement celles qui
constituent la matérialité de l'acte (ainsi que la cour de céans l'avait
précédemment admis: RO 79 IV 68), mais aussi celles qui touchent à la
personnalité de l'auteur - par exemple les antécédents et le caractère -
ces dernières circonstances, à elles seules, ne sauraient justifier le
sursis (RO 88 IV 7). Les deux genres de facteurs à la fois doivent fonder
la conclusion qu'il s'agit, dans l'espèce considérée, d'une aberration
unique et non pas de la manifestation d'un défaut de caractère; dans ce
cas, le sursis peut être envisagé.

    Dans son arrêt du 25 mars 1964 en la cause Procureur général du
canton de Berne contre Migy (non publié), le Tribunal fédéral a dit qu'il
entendait maintenir cette jurisprudence, nonobstant les objections qu'elle
avait suscitées en doctrine. Il ne peut que le répéter aujourd'hui.

    La Cour suprême du canton de Berne objecte en vain que la présomption
établie par la jurisprudence précitée "n'apparaît pas compatible avec le
sens de la loi, surtout lorsque les circonstances permettant de la réfuter
sont circonscrites dans des limites aussi étroites"; qu'en effet, le Code
pénal adapte la répression à la personnalité de l'auteur et s'oppose à
toute règle stricte, qui empêcherait de tenir compte de la totalité des
éléments d'appréciation tenant à cette personnalité; que la nouvelle loi
sur la circulation routière n'a apporté aucun tempérament à ce principe,
s'agissant d'un conducteur pris de boisson; qu'il faut donc, dans ce
cas aussi, considérer toutes les circonstances qui permettent de prévoir
l'effet favorable d'une condamnation avec sursis.

    Ces motifs méconnaissent les particularités sociales du délit que
réprime l'art. 91 al. 1 LCR. De très nombreuses informations, émanant
des sources les plus autorisées, ont été publiées pour mettre en garde
contre les dangers extrêmement graves que le conducteur pris de boisson
fait courir non seulement aux biens, mais encore et surtout à l'intégrité
corporelle et à la vie d'autrui. Le titulaire d'un permis de conduire
surtout n'en saurait ignorer l'existence. Il sait ainsi que, dans la
mesure où il consomme de l'alcool alors qu'il veut conduire ensuite
un véhicule automobile, il se charge d'une responsabilité humaine
exceptionnelle. Il sait en outre, par son expérience générale de la
vie, d'une part qu'il risque d'autant plus de tomber dans l'excès qu'au
für et à mesure qu'il boit, l'euphorie le gagne et son jugement moral
s'affaiblit, d'autre part que, loin de se heurter auprès du public,
comme pour les autres délits du droit commun, à une réprobation sans
équivoque dont la conscience contrecarre sa résolution et son action,
il trouvera la plupart du temps de l'indulgence voire une approbation
tacite. Il est donc doublement averti que seule une ferme résolution peut
le garantir des excès. En conséquence et du fait même qu'il a délibérément
assumé la qualité de conducteur d'un véhicule automobile, on peut et
doit exiger de lui qu'il s'impose, sinon l'abstinence totale, du moins
une grande modération à l'égard de l'alcool. S'il boit néanmoins trop,
c'est nécessairement qu'il n'a pris conscience ni de l'étendue de ses
responsabilités, ni du devoir de vigilance que lui dictent d'une part le
caractère insidieux de l'intoxication alcoolique, d'autre part la légèreté
du jugement public. Son acte manifeste donc effectivement une faiblesse de
caractère qui ne permet plus, sauf circonstances exceptionnelles, de bien
augurer des effets du sursis. Cette conclusion s'impose alors même que,
par ailleurs, ses scrupules moraux et sa sensibilité à la désapprobation
du milieu social l'auraient retenu de commettre des actes répréhensibles,
de sorte que ses antécédents seraient bons.

    Enfin il convient de rappeler ici le principe posé dans l'arrêt
Schönbrod (RO 88 IV 6): l'intérêt public peut commander, en matière de
sursis, de donner plus de poids a l'argument pris de la prévention générale
lorsque là fréquence et le caractère particulièrement dangereux d'un délit
exigent une sanction aggravée. Il en va ainsi pour le conducteur pris de
boisson. D'une part, l'infraction commise est extrêmement fréquente et,
dans un très grand nombre de cas, demeure impunie, soit qu'elle échappe
à tout contrôle, soit que ce contrôle (le plus souvent rapide en cas
de contravention constatée ou même d'accident peu grave) ne la révèle
pas. D'autre part, les dangers qu'elle suscite sont exceptionnels. Ces
deux facteurs appellent une sévérité particulière du juge lorsqu'il s'agit
d'apprécier le cas du point de vue de l'art. 41 ch. 1 al. 2 CP.

Erwägung 2

    2.- L'autorité cantonale a constaté souverainement en fait, que
Billieux a une bonne réputation, en général et comme automobiliste, qu'il
est sobre et même que, le jour de l'accident, il s'était livré pour la
première fois de sa vie à un excès alcoolique. On peut donc admettre que
ses antécédents n'excluraient pas le sursis.

    Il en va autrement des circontances de l'accident. Le 29 décembre,
aux environs de midi déjà, Billieux a bu jusqu'à l'ébriété. Il ne saurait
exciper de l'atmosphère de fête qui régnait à ce moment proche du nouvel
an. Un conducteur quelque peu scrupuleux aurait précisément estimé que
cette circonstance disposait à certaines faiblesses. Il aurait donc
jugé préférable de ne pas utiliser sa voiture pour aller rejoindre
des connaissances dans un café, avant le repas de midi. S'étant laissé
entraîner à boire un apéritif et trois décilitres de vin blanc à jeun, il
aurait dû être assez conscient de son état pour rentrer chez lui à pied,
ce qu'il aurait pu faire, ou tout au moins pour renoncer à se rendre
dans un autre café. Or il n'a pas agi de la sorte, mais a continué à
boire ailleurs, puis s'est mis au volant, alors qu'il était dans un état
fortement éthylique. En effet son alcoolémie atteignait 1,3 gé. Cet état,
d'après les constatations souveraines de l'autorité cantonale elle-même,
a joué un rôle causal décisif dans l'accident qui a failli coûter la vie
à la victime. Toute cette conduite était insensée. Les circonstances qui
l'ont occasionnée, bien loin de la justifier, la rendent au contraire
plus grave encore. Elle dénote un défaut très sensible du sens des
responsabilités. Aucun homme de 47 ans et expérimenté - tel qu'était
Billieux - ne pouvait avoir le moindre doute sur les conséquences possibles
d'un tel comportement. Il ne saurait s'agir là que d'un manque de jugement
et de caractère, non pas d'une aberration unique. L'attitude de l'inculpé
devant le juge de première instance le confirme du reste. Car, au lieu de
reconnaître son excès alcoolique, il l'a nié contre toute évidence. Peu
importe, dès lors, selon les principes jurisprudentiels rappelés plus
haut, que ses antécédents, comme automobiliste en particulier, soient
bons. La cour cantonale elle-même a reconnu, dans l'arrêt entrepris,
que si elle s'en était tenue à ces principes, elle aurait refusé le sursis.

Entscheid:

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué dans la mesure où il accorde
le sursis à Billieux et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour que
celle-ci se prononce à nouveau.