Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 II 79



90 II 79

11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 24 mars 1964 dans la
cause Dénéréaz contre Béchir. Regeste

    1.  Genugtuung (Art. 47 OR). Erhöhung der Genugtuungssumme, die Kindern
für den Verlust ihres Vaters infolge eines Verkehrsunfalles zugesprochen
worden ist (Erw. 2).

    2.  Versorgerschaden (Art. 45 Abs. 3 OR). Das kantonale Urteil muss
alle zur Festsetzung der Entschädigung erforderlichen Tatbestandselemente
enthalten (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Frank Dénéréaz, né le 22 octobre 1911, avait épousé en premières
noces Marguerite Elise Ramuz, décédée le 15 décembre 1956, dont il a eu
sept enfants, à savoir:

    - Jean-Pierre, né le 30 août 1942,

    - René Frank, né le 27 septembre 1944,

    - Eric Roland, né le 30 juin 1946,

    - Alain Gérard, né le 1er octobre 1950,

    - Roger Marcel, né le 18 octobre 1951,

    - Daisy Marguerite, née le 4 février 1954,

    - Gaston, né le 3 août 1955.

    Le 15 mars 1958, Dénéréaz s'est remarié avec Lucy Guignard, née le
16 mars 1916, qui s'est attachée aux enfants de son mari et leur est
extrêmement dévouée. Le ménage était très uni.

    Le 14 juillet 1961, vers 23 heures, Dénéréaz circulait à bicyclette,
à côté de son épouse, au lieu dit "La petite Linière", commune de Gland,
sur la route cantonale Lausanne-Genève. Il se trouvait à mi-distance de
la ligne médiane et du bord droit de la chaussée, que sa femme serrait
de près. Roulant derrière lui à 80 km/h environ, au volant de sa voiture
Fiat 1100, Serge Béchir, qui avait enclenché ses feux de croisement parce
qu'une file de véhicules venait en sens inverse, l'aperçut à une distance
de 20 m seulement, trop tard pour l'éviter. Voulant dépasser le cycliste,
Béchir le happa au passage. Dénéréaz fut tué sur le coup.

    Le conducteur de l'automobile était sous l'influence de l'alcool. Il
fut condamné par le Tribunal de police correctionnelle de Nyon, le
13 novembre 1961, à 2 mois d'emprisonnement et 500 fr. d'amende, pour
homicide par négligence et ivresse au volant.

    Lorsque s'est produit l'accident, la chaussée était mouillée et
il pleuvait.

    La veuve et les enfants du défunt, qui travaillait aux Ateliers de
Sécheron, à Genève, ont reçu des rentes de la Caisse nationale suisse
d'assurances en cas d'accidents. Celle-ci a exercé son droit de recours
contre l'assureur en responsabilité civile de Béchir, la compagnie
Helvetia-Accidents. Les deux assurances ont conclu une transaction.

    Dame Dénéréaz n'exerce pas d'activité lucrative. Elle tient son
ménage et s'occupe des enfants de son mari. L'aîné, Jean-Pierre,
a terminé son apprentissage en août 1962 et travaille comme ouvrier
mécanicien-électricien aux Ateliers de Sécheron. Le second fils, René
Frank, a fait un apprentissage de banque. Le troisième, Eric Roland,
est apprenti aux Ateliers de Sécheron depuis septembre 1962. Alain suit
l'école primaire supérieure. Les trois derniers enfants sont à l'école
primaire. Daisy est une très bonne élève.

    B.- Par demande du 29 octobre 1962, dame Lucy Dénéréaz et les sept
enfants de Frank Dénéréaz - les mineurs représentés par leur tuteur Roger
Blanc - ont assigné Béchir devant la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois en paiement d'indemnités pour frais funéraires, perte de soutien
et tort moral, dans la mesure où le préjudice n'était pas réparé par les
prestations de la Caisse nationale.

    Dans sa réponse, le défendeur a offert une somme modique à chacune
de ses parties adverses; au bénéfice de cette déclaration, il a conclu
à libération des fins de la demande.

    Statuant le 3 décembre 1963, la Cour civile vaudoise a admis
partiellement les conclusions des demandeurs. Elle a jugé que le défendeur
était entièrement responsable des suites de l'accident. Elle l'a condamné à
payer à la veuve du défunt des indemnités de 1000 fr. pour frais divers,
4000 fr. pour perte de soutien et 12 000 fr. pour tort moral, ainsi
qu'un montant de 3000 fr. à chacun des sept enfants pour réparation du
tort moral. Elle a refusé aux enfants une indemnité pour perte de soutien,
estimant que le père n'aurait pu consacrer à chacun d'eux que des montants
minimes et qu'il était dès lors préférable d'augmenter quelque peu la
somme allouée de ce chef à la mère.

    C.- Les demandeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils
concluent à l'allocation d'une indemnité à chacun d'eux - celle de
la veuve étant augmentée - pour perte de soutien. Ils demandent en
outre que la réparation du tort moral allouée aux enfants soit portée à
6000 fr. pour chacun des cinq premiers et 7000 fr. pour chacun des deux
derniers. Ils ne critiquent pas, en revanche, la réparation du tort moral
accordée à la veuve, ni l'indemnité pour frais divers.

    L'intimé Béchir conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- ...

Erwägung 2

    2.- Les recourants ne critiquent pas le montant de l'indemnité pour
tort moral attribuée à la veuve, par 12 000 fr. En revanche, ils requièrent
une augmentation substantielle des montants alloués de ce chef aux enfants
du défunt.

    Selon l'art. 47 CO, auquel renvoie l'art. 62 al. 1 LCR, le juge peut,
en cas de circonstances particulières, accorder à la famille, en cas
de mort d'homme, une indemnité équitable à titre de réparation du tort
moral. Assurément, la fixation de l'indemnité relève essentiellement
de l'appréciation. Par sa nature même, le dommage à réparer ne se
réduit que difficilement à une simple somme d'argent. Son évaluation en
chiffres ne dépassera donc pas certaines limites. Il importe néanmoins
que la réparation soit conforme à l'équité. Son montant sera donc fixé en
proportion de la gravité de l'atteinte subie par le demandeur. Il ne doit
pas apparaître dérisoire. Cela implique, notamment, que le juge tienne
compte de la dépréciation de la monnaie (RO 89 II 25/6).

    Le chiffre arrêté par la Cour civile vaudoise - 3000 fr. par enfant
- est insuffisant au regard de ces principes. Le nombre des enfants ne
saurait justifier une sorte de réparation globale dont chacun d'eux ne
recevrait qu'une part. Le décès subit de leur père a été pour eux un deuil
d'autant plus cruel qu'ils sont déjà orphelins de mère. L'atteinte à la
vie affective et familiale est particulièrement sensible en l'espèce. La
famille était très unie, selon les constatations du jugement attaqué. Que
plusieurs enfants fussent encore jeunes le jour de l'accident, cela ne
les empêchait pas de ressentir douloureusement la disparition soudaine
de leur père. Sans doute les cadets ne réaliseront-ils que peu à peu,
à la différence des aînés, l'importance de la perte ainsi subie par la
famille. Il n'en reste pas moins qu'étant de condition modeste, tous
les enfants se heurteront durant leur adolescence. c'est-à-dire pendant
un temps plus ou moins long selon leur âge actuel, à des difficultés
matérielles accrues, qui se joindront à leurs soucis moraux. Surtout,
le défunt n'a commis aucune faute, tandis que l'auteur de l'accident est
gravement fautif. Si l'on tient compte de toutes ces circonstances, une
indemnité de 5000 fr. à chacun des sept enfants apparaît équitable. Le
jugement entrepris sera donc réformé dans ce sens.

Erwägung 3

    3.- Pour ce qui concerne la perte de soutien, la Cour civile vaudoise
s'est contentée d'allouer à la veuve une indemnité de 4000 fr., fixée par
appréciation et comprenant les montants, jugés minimes, que les enfants
seraient fondés à obtenir de ce chef. Elle a estimé qu'après déduction des
prestations de la Caisse nationale, "il est encore dû 1000 à 3000 fr. à
la mère et 800 à 1300 fr. à répartir entre quelques-uns des enfants, les
autres ayant déjà touché plus que leur dû". Elle n'indique pas clairement
sur quelles bases repose son calcul, d'ailleurs approximatif.

    D'après la jurisprudence, les éléments de la perte de soutien
doivent être appréciés dans chaque cas particulier. Il s'agit notamment
de l'âge de la victime et des personnes qu'elle aurait assistées, de
son gain futur, de la part qu'elle en aurait soustraite pour assurer le
soutien des bénéficiaires, dans la mesure où ceux-ci auraient eu besoin
de son aide. Tous ces éléments relèvent essentiellement de la question de
fait. Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, ne revoit donc la
décision attaquée à cet égard que si les juges cantonaux se sont fondés,
pour estimer le cours futur prévisible des choses, sur des prémisses
erronées en droit ou s'ils se sont laissés guider par des considérations
qu'ils ne justifient pas en l'espèce et qui sont en contradiction avec
l'expérience générale de la vie (RO 72 II 166/7; 196/7; 79 II 355; 81 II
42; 89 II 398). Les faits passés et présents, en revanche, sont pour lui
constants, sous réserve d'une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ).

    Lorsque la victime était assurée à la Caisse nationale, celle-ci est
subrogée, pour le montant de ses prestations, aux droits de l'assuré contre
tout tiers responsable de l'accident (art. 100 LAMA). Dans cette mesure,
les recourants ne peuvent donc réclamer la réparation de leur préjudice
à l'intimé, qui en est civilement responsable. Pour que ces règles soient
applicables, il suffit que les prestations servies aux lésés par la Caisse
nationale couvrent des dommages de la même espèce, sans qu'ils coïncident
nécessairement (RO 85 II 258, 88 II 112/113). La perte de soutien devait
donc être calculée, en l'espèce, sur la base du gain total de la victime,
puis capitalisée selon le mode usuel. Du capital ainsi obtenu, il aurait
fallu déduire la rente capitalisée de la Caisse nationale, afin d'arrêter
le montant de l'indemnité revenant à chacun des recourants. Tous ces
calculs devaient être faits au jour de l'accident (RO 84 II 300).

    La Cour cantonale a renoncé à capitaliser des rentes sur trois têtes
et plus; elle a fixé l'indemnité par une simple estimation. Elle a fondé
son opinion sur une remarque de STAUFFER/SCHAETZLE (Barwerttafeln, 2e éd.,
p. 21 ch. 5). Mais ces auteurs, s'ils envisagent bien une estimation,
laissent entendre qu'elle doit reposer sur des bases sûres; ils citent
en effet la méthode utilisée par la Caisse nationale, qui alloue des
rentes temporaires, aussi longtemps qu'une réduction doit être opérée,
puis des rentes différées sur une ou deux têtes.

    Le jugement attaqué donne les indications de fait nécessaires au
sujet de l'âge des personnes en cause, du gain futur du défunt et
de la durée du soutien. En revanche, il présente des lacunes en ce
qui concerne la quote-part du soutien revenant, pour chaque période
à considérer, à la veuve et à chacun des enfants. On sait seulement
qu'ils auraient été assistés, la première, jusqu'à la fin de ses jours,
les seconds, jusqu'à leur majorité. Mais on ne voit pas dans quelle
mesure la cessation progressive du soutien de l'un des enfants aurait
accru la part des autres, voire celle de la veuve. De plus, le jugement
ne fournit pas les renseignements nécessaires sur les prestations de la
Caisse nationale. Seuls le gain assuré et la valeur capitalisée des rentes
sont indiqués. On ignore cependant comment la capitalisation a été opérée.

    Les lacunes relevées ne permettent pas au Tribunal fédéral de vérifier
l'application du droit, ni partant de réformer la décision cantonale
dans la mesure où elle apparaîtrait erronée. La cause doit dès lors être
renvoyée à la Cour civile vaudoise pour qu'elle complète ses constatations
de fait et rende un nouveau jugement, dans le sens des motifs exposés
ci-dessus, concernant l'indemnité pour perte de soutien (art. 64 OJ).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    1. Admet le recours et annule le jugement rendu le 2 décembre 1963
par la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois;

    2. Dit que l'intimé Serge-Julien Béchir est le débiteur de chacun des
enfants d'Edouard Dénéréaz, à savoir Jean-Pierre, René Frank, Eric Roland,
Alain Gérard, Roger Marcel, Daisy et Gaston, de la somme de 5000 fr.,
avec intérêt à 5% l'an dès le 14 juillet 1961, à titre de réparation du
tort moral;

    3. Renvoie la cause pour le surplus à la juridiction cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des motifs.