Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 II 483



90 II 483

55. Arrêt de la Ie Cour civile du 24 novembre 1964 dans la cause Gossweiler
contre Veuve Henri Duvoisin & Cie. Regeste

    Dienstvertrag, Art. 319, 330, 333 Abs. 2 OR.

    Merkmale des Dienstvertrages (Erw. 1).

    Teilweise Entlöhnung auf Provisionsbasis. Tragweite der
Vertragsbestimmung, dass dem Angestellten ein Provisionsanspruch zustehe
"auf allen durchgeführten Verkäufen" (Erw. 2).

    Frage der Anwendbarkeit von Art. 333 Abs. 2 OR auf suspensiv bedingte
Lohnforderungen (Erw. 2 d).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 6 mars 1955, la fabrique d'horlogerie Veuve Henri
Duvoisin & Cie, aux Geneveys sur Coffrane, a engagé Jean Gossweiler, à
Genève, comme directeur commercial. Celui-ci, qui est entré en fonctions
le 15 mars 1955, avait droit, en plus d'un salaire mensuel fixe de 1000
fr., à une prime ou provision de 3%, payable chaque mois, "sur toutes
les ventes réalisées".

    Pendant le contrat, Jean Gossweiler a reçu cette provision au für
et à mesure des versements faits mensuellement par les clients. Il
établissait lui-même les décomptes nécessaires à cet effet, sous le
contrôle de la maison d'horlogerie. En décembre 1960, il a prétendu
obtenir le paiement des provisions non plus au moment des encaissements,
mais lors de la livraison des commandes déjà. Il a renoncé cependant à
cette revendication et les parties ont passé le 15 février 1961 l'accord
complémentaire suivant:

    "La prime sur les ventes réalisées, payable tous les mois, aux termes
du contrat du 6 mars 1955, s'entend sur les encaissements faits pendant
le mois.

    Son terme est fixé au 10 du mois suivant et, faute de présentation
du décompte jusqu'à cette date, elle devient exigible 5 jours après la
présentation de ce décompte."

    Conclu pour une durée de 7 ans, le contrat du 6 mars 1955 a été
résilié par la fabrique d'horlogerie, en temps utile, pour le 15 mars 1962.

    B. - Le 30 août 1962, Jean Gossweiler a actionné la société Veuve
Henri Duvoisin & Cie en paiement de 17 846 fr. 25 à titre de provisions,
plus intérêts et frais de poursuite. Il a fondé sa réclamation sur
trois décomptes s'élevant respectivement à 14 879 fr. 50 (décompte no
1), à 2929 fr. 85 (décompte no 2) et à 400 fr. (décompte no 3); du total
obtenu, il a admis la déduction de 363 fr. 10 versés le 11 mai 1962 par la
défenderesse. En outre, il a réservé ses droits pour toutes les affaires
réalisées par la fabrique et qui lui auraient été cachées.

    La maison Veuve Henri Duvoisin & Cie a conclu au rejet de l'action, en
soutenant notamment que Jean Gossweiler n'avait droit à aucune provision
sur les encaissements postérieurs au 15 mars 1962, même si les contrats
de vente avaient été signés avant cette date.

    Commis en cours de procédure, un expert a constaté ce qui suit au sujet
des provisions exigées par le demandeur: toutes les provisions du décompte
no 1 se rapportent à des commandes acquittées après le 15 mars 1962;

    les provisions du décompte no 2, non encore payées au demandeur et
relatives de façon sûre à des encaissements antérieurs au 15 mars 1962,
représentent 16 fr. 35; celles du même décompte qui concernent des
encaissements dont la date est incertaine se montent à 31 fr. 95;

    toutes les provisions du décompte no 3 sont incluses dans un précédent
décompte, déjà liquidé, de février 1962.

    Par jugement du 4 mai 1964, le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel
a alloué seulement 30 fr. à Jean Gossweiler, somme qui comprend d'une
part les 16 fr. 35 précités, d'autre part la moitié environ des 31 fr. 95.

    En droit, la juridiction cantonale considère que le demandeur ne peut
réclamer une provision que sur les encaissements intervenus avant le 15
mars 1962. Elle invoque l'art. 333 al. 2 CO, selon lequel le salaire est,
en tout cas, exigible à la fin du contrat.

    C.- Jean Gossweiler recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut
principalement à ce que la défenderesse soit reconnue sa débitrice de 15
693 fr. 05, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité
cantonale pour une nouvelle décision.

    D'après lui, l'accord du 15 février 1961 n'aurait fixé que la date
d'exigibilité des provisions; en revanche, le droit à ces dernières
prendrait naissance au moment de la passation des contrats de vente,
et non lors des encaissements. La juridiction cantonale aurait à tort
estimé que le droit du demandeur aux provisions et l'exigibilité de
celles-ci s'étaient éteints le 15 mars 1962, car l'art. 333 al. 2 CO
avancerait seulement l'exigibilité des provisions, en laissant intactes
les prétentions mêmes.

    Se fondant sur le rapport d'expertise, Jean Gossweiler déclare que les
provisions réclamées par lui sur les ventes réalisées au sens du contrat
s'élèvent au total à 15 693 fr. 05. L'intimée conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La juridiction cantonale admet à juste titre que les parties
étaient liées par un contrat de travail. En effet, selon l'art. 319 CO,
l'élément essentiel de ce type de contrat - abstraction faite du salaire
- réside dans le temps pour lequel il est conclu. Celui qui promet ses
services à autrui pour une durée déterminée ou indéterminée est un employé
(RO 73 I 420). Or, en l'espèce, Gossweiler s'est précisément engagé pendant
sept ans, sous réserve de prorogation, à réorganiser le secteur commercial
de l'intimée et à rechercher de nouveaux débouchés. Au surplus, le rapport
de subordination qui caractérise également le contrat de travail découlait
du fait que Gossweiler exerçait son activité sous la surveillance de la
société Veuve Henri Duvoisin & Cie. Celui-ci avait ainsi sans conteste
la qualité d'un employé.

Erwägung 2

    2.- En plus d'un salaire fixe mensuel de 1000 fr., le recourant
touchait, en vertu d'une clause contractuelle, une prime de 3% sur toutes
les ventes réalisées. Une telle provision, usuelle pour les voyageurs de
commerce et les agents, est aussi allouée conventionnellement à certains
directeurs (cf. BECKER, art. 330 n.29 ss., OSER/SCHÖNENBERGER, art. 330
n.16 ss.; cf. également RO 81 II 145). Le présent litige porte uniquement
sur l'interprétation de ladite clause, interprétation que le Tribunal
fédéral peut revoir librement, conformément à l'art. 63 al. 3 OJ.

    En cas de rémunération par provision, il y a lieu de distinguer
quatre éléments, savoir: l'objet de la provision, soit l'opération
commerciale qui y donne droit; la naissance de la prétention, soit la date
à partir de laquelle existe le droit à la provision; le calcul, soit la
détermination du chiffre sur lequel s'établit la quotité de la provision
et l'exigibilité, soit la date à laquelle la provision est payable.

    a) En l'occurrence, l'objet de la provision est constitué selon le
contrat par "toutes les ventes réalisées". L'ambiguïté de ces termes
réside dans le fait que l'on ignore s'ils visent les ventes conclues ou
seulement celles qui ont abouti à un paiement.

    Cette question paraît avoir été résolue par l'accord du 15 février
1961 d'après lequel, en confirmation de la pratique suivie jusqu'alors, "la
prime ... s'entend sur les encaissements faits pendant le mois". L'autorité
cantonale, dont le jugement est quelque peu équivoque sur ce point,
semble déduire de cette clause complémentaire que la provision est due
sur les encaissements.

    On ne saurait partager cette opinion que contredit l'interprétation
concordante des parties, suivant lesquelles l'objet de la provision
consiste dans les ventes conclues. Ainsi, dans son acte de recours, Jean
Gossweiler déclare que "le droit à la prime prend en effet naissance
au moment de la réalisation d'un contrat de vente, soit au moment de la
conclusion du contrat de vente...". De son côté, l'intimée reconnaît dans
sa réponse au recours que "la conclusion donnait naissance au droit à la
prime, dont l'exigibilité était soumise à la condition suspensive de la
réalisation, c'est-à-dire à la clôture définitive de l'affaire par le
paiement du client". Même si le Tribunal fédéral n'est pas lié par les
motifs qu'invoquent les parties (art. 63 al. 1 OJ), il n'y a cependant
pas lieu de s'écarter en l'espèce de la manière de voir adoptée par toutes
deux et qui doit révéler leur réelle et commune intention, seule décisive
sur ce point (art. 18 CO).

    b) Si la provision est due sur les ventes conclues, la créance naît
lors de la passation de chaque vente, conformément à l'avis des parties
elles-mêmes (cf. par analogie art. 10 al. 2 1e phrase LEVC et 418 g
al. 3 CO).

    c) Selon les règles de la bonne foi, il faut admettre que, pour
calculer la provision, les parties sont convenues de se fonder sur les
encaissements intervenus, ce qui éliminait dans la mesure du possible le
risque de ventes conclues non sérieusement par l'employé. Ainsi le droit
à la provision constituait une créance conditionnelle, soit subordonnée à
la condition suspensive que l'acheteur payât à la maison intimée le prix
de vente des produits faisant l'objet du marché. En d'autres termes, cette
créance ne subsistait que si la vente avait donné lieu à un encaissement
effectif et c'est en ce sens que l'accord du 15 février 1961 doit être
compris.

    Cette solution s'impose pour le motif que la fabrique d'horlogerie
n'avait un intérêt qu'aux ventes suivies d'un paiement, car seules
elles lui permettaient d'atteindre les succès économiques escomptés
lors de l'engagement du recourant. Le droit à la provision naissant au
moment de la passation des contrats, il importe peu que les versements
aient été faits après le 15 mars 1962. Le recourant peut donc réclamer
la provision sur toutes les ventes conclues avant le 15 mars 1962, même
si l'encaissement n'a eu lieu qu'après cette date.

    d) Le droit à la provision ne saurait devenir exigible avant
l'accomplissement de la condition suspensive, soit avant le paiement.
Aussi, pendant le contrat de travail et notamment après l'accord du 15
février 1961, les parties n'ont-elles calculé les provisions que sur
les contrats exécutés par les acheteurs; bien plus, l'exigibilité de la
provision a été reportée au 10 du mois suivant. L'expiration du contrat de
travail survenue le 15 mars 1962 n'a pas eu pour conséquence d'avancer à
cette date l'échéance des provisions sur les ventes dont le prix n'avait
pas encore été acquitté. Le droit à la provision est resté conditionnel
et, les parties n'ayant pas manifesté une intention contraire (art. 151
al. 2 CO), le recourant n'a pas pu le faire valoir avant le versement du
prix de vente.

    L'art. 333 al. 2 CO ne s'applique pas en l'espèce, car il ne régit
que les cas dans lesquels la prétention au salaire est inconditionnelle,
mais n'est pas encore exigible selon les échéances fixées à l'al. 1 de
cette disposition. Ainsi, l'al. 2 limite l'al. 1 de l'art. 333 CO; en
revanche, il ne concerne pas les salaires encore soumis à une condition
suspensive. On aboutirait autrement à ce résultat inacceptable: à cause
de la résiliation du contrat de travail, l'employeur serait tenu de
payer immédiatement à son employé un salaire, bien qu'il ne fût alors
pas certain de le devoir définitivement par suite de l'avènement de la
condition. Celle-ci viendrait-elle à défaillir, l'employeur ne pourrait
souvent pas répéter le salaire versé, en raison de l'insolvabilité de
l'employé.

    En réalité, la dénonciation du contrat transformerait la condition
suspensive en une condition résolutoire. Or, l'art. 333 al. 2 CO ne
saurait avoir une telle signification.

    Cela étant, les prétentions du recourant aux provisions dues sur
chaque affaire conclue sont devenues exigibles au für et à mesure que les
clients ont effectué les paiements en main de l'intimée. C'est depuis
chacun de ces paiements seulement que cette dernière s'est trouvée en
retard pour la provision correspondante et que les intérêts moratoires
doivent par conséquent courir (art. 104 CO). Quant aux ventes passées
avant le 15 mars 1962 et que les acheteurs n'ont pas encore exécutées,
elles ne peuvent pour le moment justifier le versement de provisions.

Erwägung 3

    3.- En résumé, le recourant a le droit de réclamer des provisions,
avec intérêts moratoires, sur toutes les ventes conclues avant le 15
mars 1962 et qui ont été suivies de paiements, même si ceux-ci sont
intervenus après cette date. En admettant que le droit à la provision
s'est éteint le 15 mars 1962 pour les ventes dont le prix n'avait pas
alors été encaissé, la juridiction cantonale a donc faussement appliqué
la loi et mal interprété les conventions signées par les parties.

    Comme l'état de fait du jugement attaqué ne permet pas de calculer les
provisions dues au recourant et qu'il n'incombe pas au Tribunal fédéral
d'examiner à cet effet les rapports de l'expert, il y a lieu d'admettre
les conclusions subsidiaires de l'acte de recours, d'annuler ce jugement
et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal neuchâtelois, en l'invitant
à statuer de nouveau dans le sens des considérants.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Annule le jugement rendu le 4 mai 1964 par le Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel et renvoie la cause à cette autorité pour nouvelle
décision dans le sens des motifs.