Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 I 460



89 I 460

66. Extrait de l'arrêt du 20 novembre 1963 dans la cause Société
immobilière Rue du Puits-St-Pierre 2 contre Conseil d'Etat du canton
de Genève. Regeste

    1.  Eigentumsgarantie. Öffentliches Interesse. Materielle Enteignung.

    a)  Ein kantonales Gesetz, das die Behörde ermächtigt, den Abbruch oder
den Umbau von Wohnhäusern zu verbieten, um die Wohnungsnot zu bekämpfen,
liegt (aus dem Gesichtswinkel der Willkür betrachtet) im öffentlichen
Interesse.

    b)  Eine öffentlich-rechtliche Eigentumsbeschränkung, die an sich
keine materielle Enteignung bedeutet, kann den Charakter einer solchen
wegen ihrer Dauer annehmen. Hat das erwähnte Gesetz, das seit ungefähr
einem Jahr anwendbar ist, eine materielle Enteignung zur Folge? Unter
welchen Voraussetzungen könnte seine Anwendung im Einzelfall eine solche
Enteignung bedeuten?

    2.  Willkür.

    Eine kantonale Bestimmung, nach welcher eine Behörde Ausnahmen von
einer bestimmten Regelung bewilligen "kann", ist an sich nicht willkürlich.

Auszug aus den Erwägungen:

    La loi genevoise du 17 octobre 1962 restreignant les démolitions
et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie
de logements, résumée dans l'arrêt Nouveaux Grands Magasins SA contre
Conseil d'Etat du canton de Genève (RO 89 I 431), a fait l'objet pour
elle-même d'un recours de droit public formé par la Société immobilière
Rue du Puits-St-Pierre 2 pour arbitraire et violation de la garantie
de la propriété. Le Tribunal fédéral a déclaré le grief recevable,
conformément à la jurisprudence (RO 88 I 265), mais il l'a rejeté pour
les motifs suivants:

    a) Les interdictions qui découlent de la loi du 17 octobre 1962
sont des restrictions de droit public à la propriété foncière au sens de
l'art. 702 CC. Les restrictions de ce genre sont admissibles à la condition
qu'elles reposent sur une base légale, qu'elles soient dans l'intérêt
public et que, lorsqu'elles équivalent à un véritable expropriation,
elles donnent lieu au paiement d'une indemnité (RO 89 I 104; 88 I 83/84,
175). Le Tribunal fédéral a déjà jugé que le problème du logement est
une affaire d'intérêt public (RO 88 I 170 et 254). L'existence et le
degré de la pénurie de logements dans une région déterminée est surtout
une question de fait. En conséquence, le Tribunal fédéral interviendra
sous l'angle de l'arbitraire seulement (RO 88 I 252 et 294). Quant à
l'expropriation matérielle, elle est admise, en règle générale, soit
lorsque le propriétaire se voit interdire l'usage qu'il était en droit
de faire jusqu'alors de sa chose ou l'utilité économique qu'il avait le
pouvoir d'en tirer, soit quand l'interdiction restreint l'utilisation
de la chose d'une manière particulièrement sensible et qu'elle frappe
un propriétaire unique ou quelques propriétaires seulement, et cela dans
une mesure telle que, s'ils ne recevaient pas d'indemnité, ils devraient
supporter un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité
(arrêt du 6 novembre 1963 dans la cause Chappuis contre Conseil d'Etat du
canton de Vaud, RO 89 I 385). Le caractère particulièrement sensible de
l'atteinte portée à l'utilisation de la chose peut résulter non seulement
de la restriction prise en elle-même, mais de sa durée.

    En l'espèce, la recourante ne dénie pas à la loi du 17 octobre 1962
le caractère de base légale. Elle en conteste l'intérêt public et se
prétend victime d'une expropriation matérielle.

    Toutefois, ainsi que cela ressort de son article premier et des
explications fournies par le Conseil d'Etat, la loi du 17 octobre 1962 vise
à lutter contre la pénurie de logements. Celle-ci est surtout sensible -
du moins n'est-ce pas arbitraire de l'admettre - en ce qui concerne les
appartements à loyer modeste, c'est-à-dire les seuls logements dont le coût
est en rapport avec les ressources de la majorité de la population. Or de
tels appartements existent non seulement dans les habitations dites à loyer
modéré, édifiées souvent récemment avec l'aide des pouvoirs publics, mais
aussi dans les maisons anciennes, soumises au contrôle des prix. Celles-ci
présentent d'ailleurs très souvent, par rapport aux constructions modernes,
l'avantage de comporter de grands appartements indispensables pour les
ménages nombreux. Ainsi, l'existence des immeubles anciens - et c'est
ceux-là surtout que leurs propriétaires cherchent à faire disparaître
- permet de lutter efficacement contre la pénurie de logements. Le
législateur genevois pouvait donc, sans tomber dans l'arbitraire, estimer
que l'intérêt public commandait d'en éviter la démolition.

    De plus, la loi du 17 octobre 1962 n'empêche pas les propriétaires de
continuer à utiliser leurs immeubles comme ils le faisaient jusqu'alors. La
recourante, par exemple, pourra renouveler le bail qui la lie à l'Etat de
Genève; elle aura même la faculté de chercher de nouveaux locataires pour
les appartements actuellement vacants. En outre, la loi du 17 octobre
1962 atteint tous les propriétaires de maisons d'habitation et non pas
seulement certains d'entre eux, et si elle les touche gravement, on ne
saurait aller jusqu'à dire actuellement qu'elle les lèse d'une manière
particulièrement sensible. Certes, à la différence du règlement vaudois
sur le même objet, dont la validité était limitée à une durée déterminée
(cf. art. 5 dudit règlement, reproduit dans l'arrêt RO 88 I 174), la
loi genevoise du 17 octobre 1962 est destinée à sortir ses effets aussi
longtemps que durera la pénurie de logements (cf. art. 1er LD). Il n'est
pas nécessaire, pour statuer sur le présent recours, de savoir si cette
absence d'une limitation précise dans le temps fait apparaître l'atteinte
que subissent les propriétaires comme particulièrement sensible. En
effet, aujourd'hui en tout cas, la restriction n'a pas encore duré
suffisamment pour revêtir le caractère de spéciale gravité exigé par la
jurisprudence. Le Tribunal fédéral ne dira pas maintenant déjà après quel
laps de temps ceux auxquels une autorisation de démolir leur immeuble
est refusée pourront se plaindre d'être victimes d'une expropropriation
matérielle. La solution de cette question dépendra des circonstances
de chaque cas particulier. L'autorité cantonale déterminera notamment
les effets que l'interdiction aura eus sur la situation économique de
l'intéressé, telle qu'elle peut être fixée à l'aide de tous les facteurs
qu'il est usuel de prendre en considération. Elle tiendra compte aussi
des mesures que le propriétaire aura adoptées ou aurait dû raisonnablement
prendre pour remédier aux inconvénients découlant de la prohibition. Si,
au regard de toutes les circonstances, il s'avère que la personne visée
doit faire seule ou presque seule un sacrifice par trop considérable,
l'autorisation de démolir ne pourra pas lui être refusée plus longtemps
sans indemnité.

    b) L'art. 3 LD prévoit que, dans certains cas, "le département
peut ... accorder des dérogations". La recourante estime que cette
disposition livre les administrés au bon plaisir de l'Etat et qu'elle est
ainsi arbitraire. Toutefois, les législations fédérale et cantonales
contiennent de multiples prescriptions du même genre. Si de telles
dispositions confèrent à l'administration un pouvoir d'appréciation
souvent très étendu, l'autorité qui les applique n'en reste pas moins
tenue de respecter les principes généraux qui s'imposent à elle, comme
l'interdiction de l'arbitraire ou de l'inégalité de traitement, le principe
de la bonne foi ou celui de la proportionnalité des actes administratifs.
Ainsi, le département ne pourrait pas accorder une autorisation de démolir
dans un cas et la refuser dans un autre, pourtant semblable. Il ne saurait
davantage interdire une démolition qui s'imposerait absolument.