Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 I 178



89 I 178

28. Extrait de l'arrêt du 8 mal 1963 dans la cause Chambre vaudoise
immobillère et consorts contre Grand Conseil du canton de Vaud. Regeste

    Derogatorische Kraft des Bundesrechts. Art. 2 Ueb.-Best. der BV.

    Der Verfassungszusatz vom 24. März 1960 über die Weiterführung
befristeter Preiskontrollmassnahmen, der Bundesbeschluss vom 21. Dezember
1960 über Mietzinse für Immobilien und die bundesrätliche Verordnung vom
11. April 1961 über Mietzinse und Kündigungsbeschränkung enthalten eine
abschliessende Ordnung der staatlichen Eingriffe in die Beziehungen
zwischen Hauseigentümer und Mieter, soweit es um die Festsetzung
des Mietzinses und um das Kündigungsrecht geht. Sie schliessen daher
jede Ordnung des gleichen Gegenstandes durch die Kantone aus. Dagegen
hindern sie die Kantone nicht, den Liegenschaftseigentümern andere
öffentlich-rechtliche Beschränkungen insbesondere zur Bekämpfung der
Wohnungsnot aufzuerlegen (wie z.B. das Verbot, gewisse Häuser ohne
behördliche Bewilligung abzureissen).

Sachverhalt

    A.- Le 5 décembre 1962, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté
un décret valable jusqu'au 31 décembre 1964 et concernant la démolition
et la transformation de maisons d'habitation (en abrégé, le décret). Ce
décret dispose notamment:

    "Article premier. - Dans les communes où sévit la pénurie de logements,
la démolition totale ou partielle de maisons d'habitation est soumise à
une autorisation de l'Office cantonal du logement ... Il en est de même
de la transformation ou de l'utilisation de logements à d'autres fins
que l'habitation ...

    Le Conseil d'Etat arrête la liste des communes ... où sévit la pénurie
de logements.

    Art. 2. - En règle générale, l'autorisation est refusée lorsque
l'immeuble en cause comprend des logements d'une catégorie où sévit
la pénurie.

    Art. 3. - L'autorisation est accordée lorsque la démolition apparaît
indispensable pour des motifs de sécurité, de salubrité ou d'intérêt
général; elle peut l'être à titre exceptionnel, si d'autres circonstances
le commandent impérativement.

    Art. 4. - Lorsqu'une construction nouvelle ou la transformation d'un
bâtiment existant rendent nécessaire la démolition de locaux d'habitation,
le permis de construire prévu par la loi sur la police des constructions
ne peut être délivré avant que le requérant ait obtenu l'autorisation
exigée par le présent décret.

    Art. 11. - Les démolitions et transformations de maisons d'habitation
pour lesquelles une demande d'autorisation est pendante en vertu de la
loi sur la police des constructions sont soumises au présent décret et
à ses dispositions d'application."

    Pour le surplus, le décret règle la procédure et prévoit les sanctions
pénales à infliger à ceux qui contreviennent à ses dispositions.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la Chambre
vaudoise immobilière, Jules Giesser et Claude Nicod requièrent le Tribunal
fédéral d'annuler le décret, qui, selon eux, viole l'art. 4 Cst., ainsi
que la garantie de la propriété et le principe de la force dérogatoire
du droit fédéral.

    L'Etat de Vaud, représenté par son Conseil d'Etat, conclut au rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Selon les recourants, le décret attaqué empiète sur un domaine
que la Confédération a réglé par l'additif constitutionnel du 24 mars
1960 sur le maintien de mesures temporaires en matière de contrôle des
prix, par l'arrêté fédéral du 21 décembre 1960 sur les loyers des biens
immobiliers et la caisse de compensation des prix du lait et des produits
laitiers ainsi que par l'ordonnance du Conseil fédéral du 11 avril 1961
concernant les loyers et la limitation du droit de résiliation. A leur
avis, le décret est dès lors contraire au principe de la force dérogatoire
du droit fédéral.

    a) Le Tribunal fédéral a déjà jugé que ces trois actes législatifs
appartenaient au droit public fédéral (RO 88 I 170). Quant au décret
litigieux, il vise essentiellement à lutter contre la pénurie de
logements. Il a dès lors été édicté principalement dans l'intérêt public.
L'observation de ses dispositions est d'ailleurs garantie par le moyen
de la contrainte administrative (art. 10) et par des sanctions pénales
(art. 9). Il fait donc partie du droit public cantonal (RO 85 I 21,
88 I 170).

    b) D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit public
fédéral prime d'emblée et toujours le droit public cantonal. Lorsque,
dans un domaine du droit public, le législateur fédéral a fait usage
d'une compétence qui lui est attribuée par la constitution et qu'il a
posé des règles exhaustives, les cantons ne peuvent plus légiférer en la
même matière, du moins en adoptant des règles différentes (RO 88 I 170
et 291). Pour décider si cette règle a été violée et si, par conséquent,
il y a eu atteinte au principe de la force dérogatoire du droit fédéral,
il faut déterminer la portée respective des règles fédérales et cantonales
qui, selon les recourants, s'affrontent en l'espèce.

    c) C'est l'additif constitutionnel du 24 mars 1960 qui est à la
base de ces règles fédérales. Comme son titre l'indique, il a pour
objet "le maintien de mesures temporaires en matière de contrôle des
prix". Il donne tout d'abord à la Confédération le pouvoir d'édicter des
"prescriptions sur les loyers" (art. 1er al. 1). Ainsi que cela ressort
du message du Conseil fédéral relatif au maintien du contrôle des prix
(message qui accompagnait le projet d'additif), ces prescriptions doivent
avant tout permettre à la Confédération de contrôler les prix des loyers,
de façon à éviter des hausses démesurées qui augmenteraient le coût de
la vie et risqueraient d'une part de troubler l'équilibre monétaire et
de porter préjudice à l'économie nationale en diminuant sa capacité de
concurrence à l'égard des produits étrangers, d'autre part d'avoir des
répercussions trop rigoureuses sur le plan social (FF 1959 II 475; cf. le
texte de l'art. 2 al. 2 de l'additif). A côté des prescriptions sur les
loyers, l'additif constitutionnel autorise la Confédération à édicter
"des prescriptions sur la protection des locataires". Celles-ci sont
considérées comme le complément indispensable d'un contrôle efficace des
loyers et n'ont de raison d'être qu'en rapport avec ce contrôle. Elles
doivent restreindre le droit de résiliation du bailleur afin d'empêcher
ce dernier d'éluder les règles auxquelles il est soumis en congédiant des
locataires qui refusent de payer un loyer illicite (cf. Message précité,
FF 1959 II 483). L'Assemblée fédérale a fait usage des pouvoirs qui lui
ont été ainsi conférés en adoptant l'arrêté fédéral du 21 décembre 1960
sur les loyers des biens immobiliers et la caisse de compensation des prix
du lait et des produits laitiers. Cet arrêté institue le contrôle et la
surveillance des loyers, qui se caractérisent tous deux par un pouvoir
conféré à l'autorité d'intervenir dans les rapports entre bailleur et
locataire pour fixer le prix du loyer. Il charge en outre le Conseil
fédéral d'édicter les prescriptions d'exécution ainsi que les règles
qui doivent limiter le droit de résiliation pour assurer l'efficacité
du contrôle des loyers. Le Conseil fédéral a utilisé cette délégation de
compétence par son ordonnance du 11 avril 1961 concernant les loyers et
la limitation du droit de résiliation.

    En ce qui concerne la fixation du loyer et la limitation du droit
de résiliation, ces diverses règles fédérales forment un tout cohérent
et sans lacunes. Si, sur des points déterminés (questions de procédure
et d'exécution surtout), elles laissent subsister les compétences des
cantons (cf. notamment art. 1er al. 3 de l'additif constitutionnel,
art. 3 al. 3, 6 al. 1, 13 al. 1, 25 de l'arrêté fédéral, art. 31, 41, 60,
65 de l'ordonnance), elles ont pour le surplus un caractère exhaustif
(cf. au sujet du droit de résiliation RO 88 I 169 ss.). Elles excluent
donc toute réglementation cantonale en la même matière.

    Le décret adopté par le Grand Conseil vise à lutter contre la
pénurie de logements, plus spécialement d'appartements dont le loyer
est en rapport avec les ressources de la majorité des familles. Cela
ressort non seulement de l'exposé des motifs qui accompagnait le projet
(BGC, automne 1962, p. 714 ss.) et des déclarations faites lors des
débats parlementaires (BGC, automne 1962, p. 804/805), mais du texte
même du décret. Ce dernier prévoit en effet qu'il est applicable dans
les communes où sévit la pénurie de logements (art. 1er) et qu'en règle
générale le permis de démolir sera refusé "lorsque l'immeuble en cause
comprend des logements d'une catégorie où sévit la pénurie". En outre, il
ne touche le propriétaire que dans son droit de démolir ou de transformer
un bâtiment et de reconstruire un immeuble neuf à la place de l'ancien.

    Ainsi, le décret vaudois vise à lutter contre la pénurie de logements
comme telle, tandis que le droit fédéral ne tend à combattre qu'un des
effets de celle-ci, la hausse des loyers. Le droit vaudois prévoit des
mesures destinées à accroître de façon générale le nombre des logements
disponibles, alors que le droit fédéral cherche à assurer le contrôle
des prix sans favoriser la construction d'immeubles nouveaux ou empêcher
la démolition de maisons anciennes, mais encore utilisables. Le décret
du Grand Conseil ne concerne directement que le propriétaire. Il ne
se préoccupe pas du locataire. Ce dernier n'est même pas partie à la
procédure relative à l'octroi du permis. En particulier, il ne peut pas
recourir contre une décision autorisant la démolition (BGC, automne 1962,
p. 804/805). En revanche, le droit fédéral intervient dans les rapports
entre propriétaire et locataire.

    Le décret attaqué diffère donc de l'additif constitutionnel du 24
mars 1960 et de ses dispositions d'exécution par son but, son objet et
les moyens qu'il utilise. Il ne porte dès lors pas atteinte au principe
de la force dérogatoire du droit fédéral.

    d) Il est vrai que les règles du droit fédéral permettent aux
locataires d'un immeuble d'empêcher la démolition de celui-ci. En vertu
de l'OCL, les autorités cantonales peuvent en effet, sans tomber dans
l'arbitraire, considérer comme injustifié un congé donné pour cause de
démolition lorsque celle-ci est entreprise à seule fin d'augmenter les
revenus du propriétaire et que le bâtiment visé se trouve dans un état
acceptable et possède un rendement convenable (cf. RO 87 I 514 rendu à
propos de l'art. 31 OCL 1956, mais applicable à la disposition analogue
de l'art. 34 OCL 1961). Dans cette mesure, les règles du droit fédéral
ont des effets voisins de ceux du décret.

    Assurément aussi, ce dernier protège les locataires de l'immeuble,
même mieux à certains égards que le droit fédéral, car il subordonne la
démolition à des conditions plus étroites. D'une part, le propriétaire
qui n'obtiendra pas l'autorisation de démolir n'aura plus de raison de
congédier ses locataires. D'autre part, le refus de l'autorisation de
démolir permettra aux locataires de s'opposer plus efficacement, dans
le cadre des règles du droit fédéral, à un congé donné pour cause de
démolition. En effet, un tel refus empêchera le propriétaire d'obtenir
le permis de construire (art. 4 du décret), que les autorités cantonales
peuvent exiger de lui pour valider le congé (RO 87 I 514). Le décret a
donc aussi des effets connexes à ceux du droit fédéral.

    Toutefois, si les règles de l'OCL fournissent un moyen d'empêcher la
démolition d'un immeuble, c'est principalement parce que cette démolition
vise à soustraire un bâtiment au contrôle des loyers. Du même coup, sans
doute, le nombre des logements disponibles est maintenu, comme le veut le
décret vaudois. Mais cet effet est secondaire par rapport à la conséquence
essentielle de la réglementation fédérale. La protection que le décret
vaudois assure aux locataires est purement accessoire aussi. En effet,
il est applicable même si la maison d'habitation n'est pas soumise au
contrôle des loyers, n'est pas louée ou si tous les locataires ont accepté
la résiliation. Du reste, d'autres règles de droit cantonal protègent
indirectement les locataires. Ainsi en va-t-il des règles de police des
constructions, car leur inobservation s'oppose à la délivrance du permis
de construire et empêche par conséquent le propriétaire d'obtenir la
validation du congé. Il ne s'ensuit pas pour autant que ces prescriptions
sont incompatibles avec le droit fédéral. Ce qui est décisif à cet
égard, c'est que le droit fédéral ne règle de manière exhaustive que les
interventions de l'Etat dans les rapports entre propriétaire et locataire
touchant la fixation du loyer et le droit de résiliation. Il ne prescrit
ni explicitement ni implicitement que les propriétaires immobiliers ne
pourront pas être soumis à d'autres restrictions de droit public destinées
notamment à lutter contre la pénurie de logement. Le pouvoir des cantons
d'édicter de telles prescriptions subsiste donc. Le passage de l'arrêt
Falk (RO 88 I 76), selon lequel les cantons ne sont pas autorisés à
prohiber la transformation de locaux d'habitation en locaux commerciaux,
ne conduit pas à une conclusion différente, car il se rapporte uniquement
aux règles de droit fédéral limitant le droit de résiliation.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.