Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 IV 132



89 IV 132

27. Arrêt de la cour de cassation pénale du 10 mai 1963 dans la cause
Rey contre Ministère public du canton du Valais. Regeste

    Art. 204 StGB. Unzüchtige Veröffentlichungen, Vernichtung der
unzüchtigen Gegenstände.

    1.  Die "Veröffentlichung" besteht darin, dass der unzüchtige
Gegenstand einem unbeschränkten Personenkreis zugänglich gemacht wird
(Erw. 4).

    2.  Der Beschuldigte kann sich nicht mit dem Hinweis verteidigen,
dass in andern Fällen das Gesetz falsch oder überhaupt nicht angewendet
werde (Erw. 5).

    3.  Sofern ein - an sich unzüchtiger - Gegenstand wissenschaftliches
oder künstlerisches Interesse bietet, so reichen, um der in Art. 204
Ziff. 3 StGB vorgesehenen Vernichtung. zu genügen, Massnahmen aus, die
den Zugang der breiten Öffentlichkeit verhindern, ohne den beschränkten
Kreis ernsthafter Kenner auszuschliessen (Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 2 novembre 1960, la Direction générale des douanes soumit
au Ministère public fédéral neuf reliefs d'ivoire encadrés, ainsi que
56 estampes, le tout d'origine japonaise. Ces objets provenaient d'un
colis envoyé par la galerie Rosen, Berlin, à Rey, antiquaire, à Sion.
Selon la lettre d'accompagnement, l'expéditeur, qui n'avait pu les vendre,
les renvoyait à leur propriétaire.

    Considérant que sept des reliefs et 35 des estampes étaient immoraux
selon l'art. 36 al. 4 LD et 55 RED, le Ministère public fédéral les fit
séquestrer. Considérant en outre qu'ils étaient obscènes selon l'art. 204
CP, le même office saisit les autorités pénales du canton du Valais.

    Le 13 décembre 1960, le Juge d'instruction de Sion ouvrit une procédure
pénale, au cours de laquelle Rey allégua que les objets séquestrés étaient
des oeuvres classiques de l'art japonais du XVIIIe siècle, qu'il avait
acquises pour sa collection.

    B.- Le 12 juin 1961, le Tribunal de Sion a condamné Rey à 300
fr. d'amende pour publications obscènes, l'inscription au casier judiciaire
devant être rayée à l'expiration d'un délai d'épreuve de trois ans. Le
juge a ordonné en outre la destruction de 30 estampes et de sept reliefs
d'ivoire, tenus pour obscènes.

    C.- Rey a interjeté appel en concluant à libération. Le 28 juin 1962,
le Tribunal cantonal valaisan a confirmé le jugement de première instance.

    D.- Rey s'est pourvu en nullité. Il conclut derechef à libération.

    E. - Le Ministère public valaisan conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- ...

Erwägung 2

    2.- (Définition de l'objet obscène).

Erwägung 3

    3.- (Démonstration du caractère obscène des objets séquestrés).

Erwägung 4

    4.- Pour que l'art. 204 CP soit applicable, il faut, de plus, qu'il y
ait eu publication de l'objet obscène. Cela s'explique déjà par la nature
du bien protégé, qui est le sens de la morale sexuelle, non d'un individu
déterminé, mais bien de l'observateur moyen dans un milieu de civilisation
donné. De même que, selon l'art. 203 CP, un acte contraire à la pudeur
n'est accompli publiquement que lorsqu'il l'est dans des circonstances qui
permettent à des tiers quelconques de le surprendre, de même l'art. 204
ne s'applique que lorsque l'objet obscène est publié, c'est-à-dire rendu
accessible à un cercle indéterminé de personnes ou tout au moins fabriqué,
détenu, importé, transporté, exporté ou autrement mis en circulation en
vue de le publier. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, l'acte
n'est pas punissable. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que, pour ne
pas tomber sous le coup de la loi pénale, l'éditeur d'un livre obscène
mais utile à certains spécialistes doit prendre les mesures nécessaires
pour que ce livre ne soit vendu qu'au cercle restreint de personnes qui
justifient d'un intérêt culturel suffisant pour n'être pas choquées dans
leur sens de la morale sexuelle et dont on peut attendre qu'elles ne
feront de l'objet qu'un usage légitime (RO 87 IV 83, consid. 5 et 6).

    En l'espèce, le recourant, d'après les constatations souveraines de
l'autorité cantonale, a détenu les objets séquestrés, les a exportés et
les a fait exposer à la galerie Rosen, à Berlin. Il faut donc examiner
si, selon les principes rappelés plus haut, l'exposition a été publique;
c'est dans ce cas seulement que l'art. 204 CP serait applicable. Pour qu'il
ne le soit pas, il aurait fallu que Rey eût pris toutes les précautions
voulues pour s'assurer que seules les personnes justifiant d'un intérêt
artistique ou, en général, culturel suffisant (par exemple: amateurs
éclairés, historiens, sociologues, ethnologues) aient accès aux oeuvres
séquestrées, à l'exclusion du public en général.

    Tel n'a pas été le cas. Même si, dans les galeries d'art, les visiteurs
appartiennent, en général, à la catégorie des amateurs plus ou moins
éclairés, il ne se fait pas, ordinairement, de tri à l'entrée. Surtout
lorsqu'il s'agit de vendre - comme en l'espèce - on fait une certaine
publicité par annonces, affiches ou tout au moins par des invitations
personnelles, mais l'on n'exclut aucun de ceux qui se présentent, de sorte
que peuvent entrer de simples curieux ou même, lorsqu'il s'agit d'oeuvres
érotiques, des individus principalement poussés par une curiosité malsaine
ou qui, attirés par hasard sans être avertis, pourront être choqués ou
repoussés par le spectacle offert. L'autorité cantonale n'a rien constaté
qui permette de croire qu'il en ait été autrement de l'exposition organisée
à la galerie Rosen. De plus, Rey n'a jamais allégué avoir donné à Rosen
d'instructions propres à éloigner les simples curieux non avertis ou les
visiteurs aux intentions douteuses. Il apparaît dès lors que, même si
le public a été restreint, il n'a pas été sérieusement trié et que l'on
admettait aussi des personnes qui auraient dû être exclues. Il s'est donc
bien agi d'une publication au sens de l'art. 204 CP.

Erwägung 5

    5.- Le recourant allègue que les autorités ne seraient pas intervenues
pour réprimer la publication de certains périodiques licencieux et de
certains livres, notamment sur la sculpture érotique hindoue, illustrés
de photographies plus choquantes encore que les gravures et reliefs
séquestrés. Il se plaint donc ici d'une inégalité de traitement. Mais,
selon la jurisprudence constante, un justiciable ne saurait élever ce
grief du fait que, dans d'autres cas que le sien, la loi a reçu une
fausse application ou même n'a pas été appliquée du tout. Car il ne peut
se mettre au bénéfice d'erreurs précédemment commises par l'autorité.

Erwägung 6

    6.- La condamnation prononcée contre le recourant ne violant pas
le droit fédéral, la confiscation des sept reliefs d'ivoire et des 30
estampes s'impose de par l'art. 58 CP.

    Mais il faut examiner encore si ces objets doivent être détruits. En
effet, pour le cas de publications obscènes, l'art. 204 ch. 3 prévoit que
le juge "ordonnera" la destruction des objets. La forme impérative de cette
disposition spéciale apparaît plus clairement encore si on la compare à la
règle générale de l'art. 58 al. 2, selon laquelle le juge "pourra ordonner
que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits". Pour les
publications obscènes, la loi semble imposer la destruction matérielle pure
et simple et n'accorder au juge, sur ce point, aucune latitude. Toutefois,
la question se pose d'une façon particulière lorsque, comme en l'espèce,
les objets obscènes présentent en même temps un intérêt culturel certain.
Effectivement, si les estampes confisquées constituent des tirages de
planches gravées et ne sont pas apparemment des exemplaires uniques, il
s'agit cependant, comme l'autorité cantonale l'a constaté, d'accord avec
les experts, d'oeuvres d'art d'une valeur incontestable. Il en va de même,
du reste, des reliefs d'ivoire, même si cela n'est pas au même degré. De
leur point de vue, les experts ont en outre affirmé que la destruction
de ces oeuvres serait regrettable.

    Pour interpréter justement l'art. 204 ch. 3 CP, il faut considérer
qu'en ordonnant la destruction, le législateur a pensé uniquement au cas
le plus fréquent: la publication d'objets purement pornographiques. Il
n'a pas envisagé celui d'oeuvres obscènes, mais qui proviennent d'une
civilisation étrangère à l'occident et possèdent en outre une valeur
culturelle certaine. Cela ressort nettement, par exemple, du procès-verbal
de la 2e commission d'experts, du 22 avril 1913 (p. 264 ss.). En discutant
la définition de l'obscénité, elle a, il est vrai, tenu compte du rôle
que peut y jouer le caractère artistique ou scientifique de l'objet,
mais elle n'a pas examiné si la règle de la destruction, qui s'applique
sans conteste aux objets purement pornographiques, vise également et
sans réserve les oeuvres obscènes qui présentent un intérêt artistique
ou scientifique considérable. Elle a recherché tout d'abord s'il fallait
confisquer et détruire les objets obscènes dans tous les cas ou seulement
lorsqu'ils étaient entre les mains de l'auteur (p. 269, 272 et 274). Alors
que l'un de ses membres (Gautier, p. 267) considérait la destruction
complète comme allant de soi, un autre estimait que l'on pouvait conserver
exceptionnellement quelques exemplaires pour des musées de criminologie
(Kronauer, p. 204). Ce dernier avis montre qu'alors déjà, certains
pénalistes tout au moins étaient d'avis que la règle de la destruction,
inscrite aujourd'hui à l'art. 204 CP, ne devait pas être absolue.

    L'art. 204 tout entier a du reste pour but - cela est clair - de
protéger la morale publique, même dans le domaine des beaux-arts (RO 77
IV 20; 83 IV 20; 86 IV 19). Il faut tenir compte de ce facteur décisif
dans les applications que l'on fait du texte légal.

    De plus, la destruction constitue une mesure, non une peine; comme
telle, elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour atteindre le
but visé. Ainsi, l'internement d'un délinquant irresponsable doit prendre
fin avec l'état qui le justifie (art. 17 ch. 2 al. 2). Le même principe
s'applique à toutes les mesures du droit pénal, et en particulier à la
confiscation et à la destruction prévue par l'art. 204 ch. 3 CP. C'est
pourquoi, si le juge est tenu de prendre la mesure que prévoit cette
disposition, il ne doit cependant pas aller plus loin que le but de la
loi le lui commande. En d'autres termes, la "destruction", telle que
la prévoit l'art. 204 ch. 3 CP, doit assurer la protection de la morale
publique, mais ne pas outrepasser ce que justifie cette exigence.

    Dans le cas le plus fréquent, celui des publications pornographiques
dénuées de valeur artistique, littéraire ou scientifique, la
destruction sera matérielle et irréversible. Ce n'est pas seulement à
cause de l'absence de toute valeur culturelle, mais aussi parce qu'en
général, seul ce mode de faire peut vraiment, d'une façon suffisante et
définitive, garantir le public des dangers que lui font courir les objets
confisqués. C'est pourquoi la cour de céans a admis la destruction de la
traduction (et non de l'original) d'un roman chinois obscène, y compris
le manuscrit et la composition (RO 87 IV 83); cette mesure ne supprimait
pas un objet d'une valeur culturelle irremplaçable.

    La question se pose tout autrement lorsqu'un objet constitue, comme
c'est le cas en l'espèce, une oeuvre d'art irremplaçable ou presque. Il
y a alors collision de deux intérêts antagonistes, mais tous deux
importants du point de vue de la civilisation à laquelle participe la
Suisse: l'intérêt moral et l'intérêt culturel. Le législateur et le juge
doivent, dans ce cas, trouver un moyen de les concilier. Aussi bien la
cour de céans a-t-elle déjà jugé que, dans l'application de l'art. 204,
il faut toujours considérer à la fois que la création artistique, elle
aussi, est soumise à certaines limitations imposées par la morale publique,
mais doit néanmoins demeurer libre (RO 86 IV 19; 87 IV 82). Appliquant ces
principes fondamentaux au roman chinois mentionné plus haut et visant aussi
l'art. 204 ch. 3 CP, elle a dit que l'oeuvre ne devait pas être rendue
accessible au grand public. Sans doute a-t-elle approuvé la destruction
matérielle du manuscrit, de la composition et du tirage, parce que le but
fixé par le législateur ne pouvait être atteint autrement, mais elle n'en a
pas moins constaté que, du point de vue de l'art. 204 ch. 3, il suffisait
de soustraire l'oeuvre obscène à l'atteinte des personnes pour lesquelles
son intérêt culturel ne serait pas prédominant. Il appartient donc au juge
d'examiner dans chaque espèce et sur le vu de toutes les circonstances si
la destruction matérielle de l'objet est indispensable ou si une mesure
moins grave suffit déjà. Ainsi l'ordre impératif formulé par l'art. 204
ch. 3 sera respecté pourvu que l'on ordonne la destruction matérielle de
l'objet obscène dénué de toute valeur culturelle et que, lorsque l'objet
présente un intérêt culturel certain, l'on prenne des mesures pour le
soustraire efficacement au public et pour n'y donner accès qu'à un cercle
défini de spécialistes sérieux. Cela peut se faire, la cour de céans l'a
dit dans son arrêt Wiesner (RO 87 IV 83, consid. 5 et 6), notamment par des
conditions strictes auxquelles on subordonnera l'achat et qui garantiront
les qualités que doit présenter l'acheteur. Ces précautions étant prises,
l'art. 204 CP ne sera pas applicable aux objets en eux-mêmes obscènes, mais
qui présentent un véritable intérêt culturel. Il faut ainsi distinguer ces
objets de ceux qui sont purement pornographiques. L'intérêt culturel qui
s'attache à la chose n'en supprime pas, il est vrai, l'obscénité. Mais il a
pour effet d'obliger le juge à rechercher avec un soin particulier quelles
sont les mesures indispensables pour la soustraire au public en général,
tout en y donnant accès à un cercle bien déterminé d'amateurs sérieux;
on satisfera de la sorte aux exigences de l'art. 204 ch. 3 CP, qui, on
l'a montré, ne prévoit la destruction que comme une mesure dont les effets
doivent être proportionnés au but visé (v., en faveur d'une interprétation
analogue de l'art. 204 ch. 3: WAIBLINGER, RJB, 1954, p. 446, ch. 8).

    Dans la présente espèce, point n'est besoin de détruire matériellement
les sept reliefs d'ivoire et les 30 estampes confisqués. Cette destruction
n'est pas désirable, car il s'agit là d'originaux uniques ou difficilement
remplaçables, dont la suppression pure et simple serait une perte certaine
pour l'art et l'histoire de l'art, même pour le milieu de civilisation
auquel appartient la Suisse. Pour les soustraire au public en général,
pour les "détruire", il suffit de les remettre à un musée, dont le
conservateur sera tenu de ne les mettre à la disposition que d'un cercle
restreint de spécialistes sérieux (sinologues, historiens de l'art, experts
en matière d'art, sociologues, etc.), susceptibles de s'intéresser, non
pas à la représentation choquante du point de vue de la morale sexuelle,
mais uniquement à l'aspect artistique ou culturel des oeuvres.

    Il appartiendra à l'autorité cantonale d'ordonner ce dépôt dans tel
musée, en Suisse, et d'en fixer les conditions comme on vient de le dire.
Entrerait par exemple en considération le musée Rietberg, à Zurich, qui,
d'après les informations prises par la cour de céans, accepterait, le
cas échéant, après avoir pris connaissance des oeuvres confisquées, de
les conserver et présenterait les garanties voulues pour prévenir toute
nouvelle violation de l'art. 204 CP. Serait aussi apte, en principe,
à recevoir le dépôt, la collection d'estampes de l'Ecole polytechnique
fédérale, à Zurich.

Entscheid:

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale

    admet partiellement le pourvoi en ce sens que le ch. 3 du dispositif
de l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale
pour que celle-ci confie à un musée pour y être conservés comme il est
dit dans les motifs du présent arrêt les sept reliefs d'ivoire et les
trente estampes confisqués.