Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 II 437



89 II 437

58. Arrêt de la IIe Cour civile du 5 décembre 1963 dans la cause de
Sandol-Roy contre de Chambrier et Borel. Regeste

    1.  Kann eine testamentarisch angeordnete Familienstiftung, die
als sog. Unterhaltsstiftung ungültig ist, in eine Nacherbeneinsetzung
umgedeutet werden (Erw. 1 und 2)?

    2.  Die privatorische Klausel, wonach ein das Testament anfechtender
Erbe von der Erbschaft ausgeschlossen wird, hindert nicht die gerichtliche
Anfechtung einer rechtswidrigen Verfügung von Todes wegen: Der obsiegende
Kläger erlangt seinen gesetzlichen Erbanspruch (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Second fils d'une famille de six enfants, HenriGolval de Sandol-Roy
vécut célibataire dans son domaine du Marais, à Couvet, et décéda à Nice,
où il séjournait le 15 janvier 1961. Il laissa comme héritiers légaux les
descendants d'une soeur, à savoir dame Simone de Chambrier, née Mercier,
ainsi que Claude, Yves et Dominique Borel, d'une part, et son frère Jean
de Sandol-Roy, d'autre part.

    Désireux de maintenir aussi longtemps que possible le nom de sa famille
et de lui conserver un certain lustre, le défunt avait créé par testament
du 29 septembre 1933 une "Caisse de famille de Sandol-Roy" qu'il institua
héritière de tous ses biens. Il désigna comme exécuteurs testamentaires
"Messieurs Wavre, notaires à Neuchâtel, ensemble ou séparément". Il
compléta et modifia ses dispositions de dernière volonté par sept
codicilles rédigés entre le 4 décembre 1943 et le 9 octobre 1959. Il
ordonna notamment quelques legs. Il inséra dans son testament une clause
punitive frappant d'exhérédation quiconque attaquerait la disposition pour
cause de mort. A son décès, sa fortune fut estimée à 2 750 000 fr. environ,
les immeubles étant comptés à leur valeur cadastrale.

    Les statuts de la caisse de famille mentionnent comme but de "subvenir
aux dépenses d'éducation, d'assistance et d'entretien des membres de la
famille et leur procurer un lieu de villégiature ou de convalescence". Les
organes de la fondation devaient vouer un soin particulier aux orphelins
mineurs. Les revenus nets de la fortune devaient être affectés chaque
année, dans une proportion fixée, aux tâches suivantes: augmenter le
capital, verser des fonds à des oeuvres de bienfaisance, acquérir des
livres destinés à la bibliothèque et faire exécuter les portraits des
représentants mâles de la famille de Sandol-Roy, payer des subventions
servant à l'éducation et à l'assistance des membres de la famille. Les
bénéficiaires, énumérés limitativement, étaient:

    1o les mâles majeurs, orphelins de père, descendants légitimes d'Alfred
de Sandol-Roy et de sa femme Ida née van den Bosch et les mâles mineurs,
orphelins de père et de mère;

    2o les veuves qui portent le nom de Sandol-Roy pendant leur veuvage;

    3o Madame Arthur Mercier née Elisabeth de Sandol-Roy et, à sa mort,
ses filles, pour une part d'un cinquième, portée à un tiers par le second
codicille, du 6 décembre 1947.

    Les bénéficiaires devaient jouir des prestations de la fondation en
suivant l'ordre de primogéniture.

    La fondation avait une durée illimitée. Elle devait être dissoute à
défaut de descendants mâles d'Alfred de Sandol-Roy et si aucun descendant
par la ligne féminine n'obtenait le droit de relever le nom et les armes
de la famille éteinte quant aux mâles. Le domaine du Marais serait alors
acquis à l'Etat de Neuchâtel ou une commune, de préférence celle de Couvet,
et la fortune mobilière répartie selon les instructions du testateur.

    Dans son troisième codicille, du 22 septembre 1951, Henri-Golval
de Sandol-Roy a soumis sa succession au droit de son canton d'origine,
Neuchâtel, qui a supprimé la réserve des frères et soeurs (art. 472 CC
et 48 de la loi neuchâteloise d'introduction au CC).

    B.- Par demande du 30 décembre 1961, dame Simone de Chambrier,
née Mercier, ainsi qu'Yves, Claude et Dominique Borel, intentèrent à
la Caisse de famille de Sandol-Roy, à Jean de Sandol-Roy, de même qu'à
Frédéric, Jacques et Denis Wavre, notaires à Neuchâtel, en leur qualité
d'exécuteurs testamentaires de feu Henri-Golval de Sandol-Roy, une action
tendant à l'annulation du testament et des codicilles du défunt dans la
mesure où ils concernent la fondation. Les demandeurs requirent en outre
que la succession du défunt fût partagée selon les règles applicables
aux successions ab intestat.

    Les défendeurs conclurent au rejet de la demande et,
reconventionnellement, à la conversion de la fondation critiquée en une
substitution fidéicommissaire universelle dont Jean de Sandol-Roy serait le
grevé et son fils Roland l'appelé, avec substitution vulgaire en faveur
des autres bénéficiaires désignés subsidiairement par le défunt. Ils
requirent également que les demandeurs fussent déclarés déchus de tous
leurs droits successoraux et que les biens laissés par le défunt fussent
délivrés à Jean de Sandol-Roy.

    Statuant le 1er juillet 1963, le Tribunal cantonal neuchâtelois a
annulé la fondation dite "Caisse de famille de Sandol-Roy", le testament
olographe d'Henri-Golval de Sandol-Roy du 23 septembre 1933 dans la
mesure où il concerne ladite fondation, ainsi que les codicilles no
1 du 4 décembre 1943 et no 2 du 6 décembre 1947 qui s'y rapportaient
également. Le tribunal a prononcé en outre que la succession du défunt
serait partagée selon les règles de la succession ab intestat.

    C.- Le défendeur Jean de Sandol-Roy recourt en réforme au
Tribunal fédéral en reprenant la demande de conversion en substitution
fidéicommissaire. Il requiert derechef la délivrance des biens laissés
par le défunt.

    Les demandeurs, intimés dans l'instance de réforme, concluent au
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recours ne tend pas à critiquer le jugement cantonal dans la
mesure où il déclare nulle, parce qu'illicite au regard de l'art. 335 CC,
la fondation de famille créée par feu Henri-Golval de Sandol-Roy. Le
but fixé par le défunt, à savoir procurer des subsides d'entretien
aux membres désignés de sa famille, sans que les prestations soient
subordonnées à l'existence d'un besoin chez les bénéficiaires, est en
effet inconciliable avec la disposition légale citée (RO 73 II 86, 75
II 24 et 90). Le recourant ne demande pas non plus la conversion en une
fondation ordinaire, à laquelle manquerait le but spécial exigé par la
loi. En revanche, il persiste à soutenir que la fondation instituée par le
testateur, nulle comme telle, devrait être convertie en une substitution
fidéicommissaire.

Erwägung 2

    2.- Selon la doctrine et la jurisprudence, lorsqu'un acte nul remplit
les conditions d'un autre acte juridique, ce dernier est valable s'il a
un but et produit un résultat semblables à ceux du premier et s'il faut
admettre que telle aurait été la volonté des parties dans le cas où elles
auraient eu connaissance de cette nullité; toutefois, l'acte substitué
ne saurait évidemment aller au-delà de celui qui était voulu par les
parties et imposer à l'une ou l'autre d'entre elles des obligations
plus strictes (RO 80 II 86 et références citées, notamment RO 76 II
13 consid. 5; VON TUHR/SIEGWART, Allgemeiner Teil des schweiz. OR, I,
p. 217; OSER/SCHÖNENBERGER, n. 35 ad art. 11 CO). La conversion des actes
juridiques se justifie d'autant plus en matière successorale que la règle
du favor testamenti commande de choisir, entre deux interprétations
possibles d'une disposition pour cause de mort, celle qui permet de
maintenir la disposition (RO 75 II 92 in fine).

    En l'espèce, le testament du 29 septembre 1933 satisfait à la forme
requise pour ordonner une substitution fidéicommissaire. La capacité du
testateur obéit aux mêmes règles, que la disposition pour cause de mort
institue une fondation de famille ou une substitution fidéicommissaire. Il
reste à examiner si les deux modes de disposer tendent au même but, d'une
part, et s'il était conforme à la volonté du défunt d'atteindre ce but
par le second mode, dans le cas où le premier se révélerait impraticable,
d'autre part.

    a) La Caisse de famille de Sandol-Roy avait pour but de "subvenir
aux dépenses d'éducation, d'assistance et d'entretien des membres de la
famille et leur procurer un lieu de villégiature ou de convalescence".
La désignation des bénéficiaires révèle que le disposant était animé par
le souci de maintenir le plus longtemps possible le nom de la famille
de Sandol-Roy, en lui procurant un certain éclat grâce à la fortune
considérable qu'il laissait à sa mort. Les prestations de la fondation
étaient en effet destinées aux descendants mâles légitimes d'Alfred de
Sandol-Roy, aux veuves portant ce nom pendant leur veuvage, à une soeur
du testateur, puis ses filles et leurs enfants, mais seulement pour un
tiers; à défaut de descendants mâles de la famille de Sandol-Roy, les
bénéficiaires devaient être les descendants mâles par la ligne féminine,
à la condition toutefois qu'ils obtiennent le droit de relever le nom
et les armes de la famille; l'ordre dans lequel ils profiteraient des
prestations était soigneusement fixé; si les descendants en question ne
voulaient ou ne pouvaient relever le nom de Sandol-Roy dans les deux ans
suivant le décès du dernier mâle qui l'avait porté, la caisse de famille
devait être dissoute et la fortune répartie, selon des règles précises
énoncées dans le testament, entre le dernier descendant mâle (ou le
descendant en ligne féminine qui aurait relevé le nom et n'aurait pas
de descendant ou son dernier descendant mâle) et l'Etat de Neuchâtel ou
une commune de ce canton, de préférence la commune de Couvet. Le défunt
n'a donc pas voulu gratifier ses frères comme tels (lors de la rédaction
du testament, il n'avait pas encore de neveux mâles) ni par opposition à
ses soeurs, mais bien comme porteurs du nom de famille de Sandol-Roy. La
mention des veuves portant le même nom confirme cette interprétation.

    Une substitution fidéicommissaire dont le recourant Jean de
Sandol-Roy, frère du testateur, serait le grevé, et son fils Roland,
neveu du disposant, l'appelé, ne conduirait pas au résultat envisagé
par le défunt lorsqu'il a créé la fondation de famille. Celle-ci eût
été une personne morale, propriétaire des biens qu'elle eût reçus comme
héritière instituée. La fortune laissée par le testateur eût ainsi été
séparée de celle des membres de la famille. En revanche, si l'on admettait
la conversion de la disposition pour cause de mort en une substitution
fidéicommissaire, les biens dévolus au grevé ne seraient plus distincts
de son propre patrimoine et ils deviendraient finalement la propriété
de l'appelé. La faculté donnée à titre subsidiaire par le défunt aux
descendants par la ligne féminine de bénéficier de la fortune laissée à la
fondation en relevant le nom de la famille serait exclue. Pratiquement,
le respect de la volonté du disposant ne serait assuré que pour la
durée d'une génération. En outre, les droits des demandeurs et intimés
au recours seraient en partie compromis. Les héritiers de l'appelé
pourraient en effet demander l'annulation ou faire constater la nullité
des libéralités faites par le testateur à sa soeur et aux descendants
de celle-ci, transformées en legs, dans la mesure où elles lieraient
une troisième génération (cf. art. 488 al. 2 et 3 CC; TUOR, 2e éd., n.
9 ad art. 488 CC et ESCHER, 3e éd., n. 4 ibid., admettent l'annulation;
EGGER, 2e éd., n. 23 in fine ad art. 335 CC, se prononce en faveur de la
nullité absolue du fidéicommis de famille). En outre, l'acquisition par
des descendants d'Alfred de Sandol-Roy de la part des biens successoraux
qui n'irait pas à l'Etat ou à la commune en cas de dissolution de la
fondation serait exclue à jamais.

    b) Ni le contenu du testament, ni l'attitude générale de son auteur
ne permettent de dire que celui-ci aurait attribué ainsi toute sa fortune
à son frère et à son neveu, s'il avait connu la nullité de la fondation
de famille et l'impossibilité légale de transmettre ses biens à des
personnes choisies par lui au-delà de deux générations. Il résulte au
contraire des faits établis que l'intérêt du testateur allait aux porteurs
du nom de Sandol-Roy et non à des personnes déterminées. De plus, il
paraît invraisemblable que, placé devant l'échec total ou partiel de ses
projets tendant à assurer le maintien et l'éclat du nom de sa famille, feu
Henri-Golval de Sandol-Roy aurait exclu de sa succession sa soeur dame de
Chambrier, dont il avait augmenté la part initiale d'un quart indiquée dans
son testament à un tiers, selon le second codicille, la mettant ainsi sur
un pied d'égalité avec ses deux frères. On ignore comment le défunt aurait
disposé pour cause de mort, s'il avait connu la nullité de la fondation. La
conversion proposée par le recourant n'est dès lors pas admissible.

Erwägung 3

    3.- L'annulation du testament et des codicilles dans la mesure où
ils concernent la fondation de famille prohibée par la loi n'invalide pas
entièrement la clause punitive frappant d'exhérédation quiconque attaquera
le testament du défunt. Cette clause protège encore la désignation
des exécuteurs testamentaires, qui assureront le respect de la volonté
exprimée par le testateur dans les codicilles maintenus en vigueur. Elle
ne saurait toutefois priver les demandeurs et intimés au recours de leur
droit de succession ab intestat. Leur action était fondée en tant qu'elle
visait l'annulation de la fondation de famille illicite. S'ils ont pris
également des conclusions en annulation de la désignation des exécuteurs
testamentaires et de la clause punitive, c'est qu'ils les tenaient
pour des dispositions accessoires, dont le sort suivrait celui de la
fondation. Aussi bien n'ontils attaqué que les codicilles 1 et 2, tandis
qu'ils ont admis expressément la validité des codicilles 3 à 7. Ayant
obtenu gain de cause dans leur action en annulation du testament créant
la fondation et des codicilles se rapportant à celle-ci, ils recouvrent
leur droit de succession légal. La clause punitive ne peut en effet
mettre obstacle à l'introduction d'une action tendant à l'annulation
d'une disposition pour cause de mort dont l'objet est illicite, et que
le juge reconnaît fondée (RO 85 II 380). Le jugement entrepris échappe
donc à la critique sur ce point également.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 1er juillet 1963
par le Tribunal cantonal neuchâtelois.