Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 II 415



89 II 415

55. Arrêt de la Ire Cour civile du 15 octobre 1963 dans la cause Minot
et consorts contre Armbruster. Regeste

    Art. 44 MFG. Verjährung der Ansprüche gegen den Halter eines
Motorfahrzeuges.

    1.  Kenntnis vom Schaden (Erw. 1).

    2.  Wird die Verjährung gegenüber dem Haftpflichtversicherer durch
dessen Schuldanerkennung unterbrochen, so wirkt diese Unterbrechung
wahrscheinlich auch gegenüber dem Halter. Art. 83 Abs. 2 SVG (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Ernest Armbruster est un pianiste professionnel spécialisé dans
la musique légère; il collaborait avec son épouse à l'exploitation d'un
commerce de thé et d'une rôtisserie de café. Le soir du 1er janvier 1952,
le chauffeur de feue dame de Lancey-Minot l'emmena avec deux musiciens
amis, dans la voiture de sa maîtresse, au Manoir de Ban à Corsier. En
cours de route, la voiture heurta un mur et les musiciens furent blessés.

    Le dommage subi par Armbruster comprend essentiellement, outre des
frais médicaux, les suites d'une incapacité de travail. Celle-ci évolua de
manière déconcertante. Le patient vit son état s'améliorer sérieusement
jusqu'en août 1953. Il pouvait alors vaquer à ses occupations à la
rôtisserie et avait repris le piano, bien qu'avec difficulté. Mais le 6
janvier 1955, le Dr Kaufmann s'aperçut que la situation s'aggravait de
façon irréversible (invalidité de 30% pour la rôtisserie, de 50% pour le
piano). Depuis, elle ne fit qu'empirer. Le 19 janvier 1958, le médecin
constata une invalidité totale et définitive.

    Du 20 mars 1952 au 11 avril 1957, l'assureur de la responsabilité
civile du détenteur versa des acomptes; il libéra par la suite le montant
total de la garantie, sur la base d'une convention du 4 février 1959.

    B.- Le 6 février 1959, Armbruster a cité les héritiers de dame de
Lancey-Minot en vue d'une tentative de conciliation sur l'action qu'il
leur intenta après l'échec, le 4 juin suivant.

    Par une décision séparée du 4 septembre 1963, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'exception de prescription que les
défendeurs ont opposée à la demande fondée sur la responsabilité civile
du détenteur.

    C.- Les défendeurs prient le Tribunal fédéral de réformer ce jugement
et de constater que l'action est prescrite (art. 50 al. 1 OJ).

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- De par l'art. 44 LA (applicable selon l'art. 61 de l'ordonnance
sur la responsabilité civile et l'assurance en matière de circulation
routière), l'action contre le détenteur se prescrit par deux ans à compter
du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de
la personne qui en est l'auteur. La prescription plus longue applicable
lorsque les dommages-intérêts dérivent d'un acte punissable ne vise que le
cas où le défendeur lui-même l'a commis (RO 55 II 27/28). La connaissance
du dommage est une notion de droit fédéral, dont le juge de réforme peut
vérifier l'application (RO 74 II 36).

    a) En principe, le dommage doit être considéré comme un tout, non
comme la somme de divers préjudices distincts pour lesquels courraient
des délais de prescription différents (RO 74 II 370; v. en outre RO 43
II 319). Il suit de là, en l'espèce, que la Cour cantonale a examiné avec
raison les éléments de la demande dans leur ensemble.

    b) Selon la jurisprudence, le lésé connaît le dommage lorsqu'il
apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments essentiels, les
circonstances propres à fonder et à motiver, objectivement et sérieusement,
une demande en justice. Si l'ampleur du préjudice résulte d'une situation
qui évolue, de manière irréversible ou non - régulière ou irrégulière,
la prescription ne saurait courir avant le terme de l'évolution; et
encore faut-il que le lésé puisse, par luimême ou avec l'aide d'autrui,
apprécier le déroulement des conséquences du fait dommageable et l'état
définitif du dommage. Il en est ainsi notamment en cas de traitement
médical ou d'incapacité de travail, passagère ou permanente (RO 74 II 33,
79 II 436 consid. 3 et 82 II 44, ainsi que les arrêts cités; arrêt non
publié Ryser c. Jäggi, du 22 décembre 1959).

    Selon les constatations de la Cour cantonale relatives à l'évolution
déconcertante de l'incapacité de travail de l'intimé, les conséquences de
l'accident de voiture étaient encore en voie de développement en février
1957, soit deux ans avant l'ouverture d'action. De 1955 à fin 1958, en
effet, l'état du patient s'aggravait constamment, le degré d'invalidité
passant de 30-50% à 100%. Tant que cette évolution se poursuivait,
le lésé ne connaissait pas le dommage au sens de la jurisprudence. Il
n'en ignorait plus, dès 1955, le caractère irréversible, mais il n'était
pas encore en mesure d'apprécier l'ampleur définitive de son invalidité
permanente et progressive.

    Les recourants objectent que le demandeur pouvait néanmoins ouvrir
action et plaider l'incapacité totale, quitte à réduire ses conclusions
en cours de procès. Mais tel n'est pas le sens de la jurisprudence
(RO 74 II 34). Le lésé n'est pas à même d'intenter une action sur
des bases objectives sérieuses tant qu'il ne connaît pas l'importance
réelle du dommage. On ne saurait faire courir la prescription dès que
son invalidité permanente est constatée, et le contraindre à supputer
d'avance les chances d'aggravation ou d'amélioration et à ouvrir action,
alors qu'il ignore l'ampleur du préjudice. Encore qu'il ne doive pas
attendre de savoir le chiffre exact de ses prétentions et, partant, le
taux précis de l'invalidité, on ne saurait soutenir qu'une différence de
50%, comme en l'espèce, soit secondaire.

    Il suit de là que l'action ouverte le 6 février 1959 n'est pas
prescrite, parce que le demandeur ne connaissait pas le dommage plus de
deux ans auparavant.

Erwägung 2

    2.- De par les art. 135 ch. 1 et 137 CO, un nouveau délai de
prescription paraît du reste avoir commencé à courir à chaque paiement
de l'assureur et, pour la dernière fois, le 4 février 1959. Interrompue
contre l'assureur de la responsabilité civile qui reconnaît sa dette,
la prescription l'est aussi vraisemblablement, en effet, contre le
détenteur. C'est la solution du nouveau droit (art. 83 al. 2 LCR),
lequel n'a rien changé aux principes de la loi actuelle en matière
de responsabilité (cf. notamment l'art. 65). Introduite par la
commission du Conseil des Etats (Bull. stén. CE 1958 p. 129), elle
paraît justifiée aussi sous l'empire de la loi du 15 mars 1932. On peut
en effet sérieusement se demander si les responsabilités du détenteur et
de l'assureur recherché directement, vu leur étroite connexité, ne sont
pas solidaires et ne tombent pas sous le coup de l'art. 136 al. 1 CO
(RO 55 II 313/4; exceptions: art. 593, 1071 CO).

    La doctrine et la jurisprudence distinguent avec raison la solidarité
dite parfaite entre plusieurs débiteurs et le simple concours de créances
d'un seul et même créancier contre plusieurs débiteurs (solidarité dite
imparfaite; contra: OFTINGER, Haftpflichtrecht, 2e éd., I p. 296/7). Ces
institutions diffèrent pratiquement sur deux points: l'art. 136 al. 1 CO
vise le seul débiteur solidaire et celui-ci est en principe subrogé aux
droits du créancier s'il paie et jouit d'un recours (art. 149 al. 1 CO);
la subrogation facilite l'action récursoire et met le subrogé au bénéfice
des sûretés garantissant la dette principale.

    Il y a solidarité (au sens propre du terme) entre plusieurs débiteurs
lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier
chacun d'eux soit tenu pour le tout (art. 143 al. 1 CO). A défaut
de semblable convention, l'art. 143 al. 2 dispose que la solidarité
n'existe que dans les cas prévus par la loi. Dans le domaine de la
responsabilité extracontractuelle, celle-ci ne qualifie pas toujours
expressément une obligation comme solidaire. Le sont généralement, selon
une première approximation, celles qui se fondent sur une seule et même
cause juridique (OSER/SCHÖNENBERGER, Vorbem. 9 et sv. ad art. 143 à 150;
RO 69 II 168). Ce principe souffre des exceptions (art. 38 al. 1 LA,
60 LCR). Il repose sur la notion équivoque de cause, qui est précisée,
il est vrai, par les art. 50 et 51 CO: s'agissant de la réparation d'un
dommage, la cause serait l'acte illicite, le contrat ou la disposition
légale; le lésé peut se trouver simultanément en présence de plusieurs
causes, de même nature ou différentes (RO 69 II 168/9).

    La Cour de céans peut suivre jusque là l'arrêt rendu par la IIe Cour
civile dans la cause Dietrich c. Clerc et Helvetia (RO 69 II 162 sv.).
La suite du raisonnement, en revanche, n'emporte pas la conviction. Certes,
le détenteur répond en vertu de l'art. 37 LA et le droit direct du lésé
contre celui qui assure sa responsabilité civile spéciale se fonde sur
l'art. 49 LA. Mais, comme le dit l'arrêt cité, la responsabilité plurale
s'explique ici par l'adhésion de l'assureur à la dette du détenteur,
auquel il "succède" légalement. Il y a plus qu'un simple concours de
prétentions juridiquement distinctes et indépendantes, dont les débiteurs
s'ignorent avant l'exercice de l'action récursoire (art. 51 CO), laquelle
n'y change rien. Sur trois points, au contraire, ces prétentions revêtent
des aspects qui permettent de les qualifier comme solidaires.

    a) En premier lieu, les causes des deux obligations sont étroitement
connexes. La loi fonde la responsabilité directe de l'art. 49 LA sur la
déclaration par laquelle l'assureur atteste à l'autorité administrative, en
vue de la délivrance du permis de circulation, l'existence d'une assurance
responsabilité civile, qui est dès lors réputée valablement contractée
(COUCHEPIN, Travaux de l'Association Henri Capitant, tome II, Paris 1947,
p. 375). Cette attestation engendre l'obligation de réparer le dommage
dont viendrait à répondre le détenteur. Elle constitue une garantie de la
responsabilité civile encourue par celui-ci. Cette garantie n'est même
pas subsidiaire et l'assureur répond comme le détenteur, sous réserve du
maximum prévu dans la police.

    c) Il existe en second lieu entre les codébiteurs un lien avant
même qu'ils soient recherchés par le lésé. C'est le contrat d'assurance,
source première de l'engagement de l'assureur. Celui-ci ne paie pas une
dette personnelle tout à fait distincte, juridiquement, de l'action que
pour une autre cause le lésé a contre le détenteur. Il répare le dommage
parce qu'il a assuré le risque qui s'est réalisé. Il ne paie sa dette
que parce que la loi, en faveur du lésé, a institué l'action directe et
a déduit de l'attestation de l'assureur un engagement envers les tiers.

    c) Dans la pratique enfin, selon les conditions générales des contrats
d'assurance, c'est toujours l'assureur qui prend en main le règlement du
sinistre. Le détenteur doit s'en remettre à lui et ne saurait reconnaître
sa responsabilité. Inversement, on peut en déduire que l'assureur paie
avec le consentement du preneur et que, ce faisant, il reconnaît aussi
la dette du détenteur et interrompt la prescription contre lui.

    Pour ces trois raisons, on serait enclin à admettre que le détenteur
doit se laisser opposer les actes interruptifs de l'assureur, car il ne
saurait considérer que le lésé, en n'agissant pas directement contre lui,
a manifesté peu d'intérêt à sa prétention, ce qui est le fondement de
l'institution de la prescription. Il conviendrait donc de ne pas s'attacher
à la conception théorique et étroite de la solidarité parfaite, au critère
de l'identité de la cause juridique.

    Il n'est cependant pas nécessaire de trancher la question en l'espèce
(cf. consid. 1). Mais la Cour eût agréé la solution du nouveau droit.