Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 II 113



89 II 113

19. Arrêt de la IIe Cour civile du 7 juin 1963 dans la cause Fraundorfer
contre Kirks et Lacruz. Regeste

    Vaterschaftsklage auf Vermögensleistungen.

    Örtliche Zuständigkeit für die Klage gegen einen im Auslande wohnenden
Ausländer, wenn die Parteien zur Zeit der Empfängnis weder durch Wohnsitz
noch durch Staatsangehörigkeit mit der Schweiz verbunden waren (Art. 312
Abs. 1 ZGB).

Sachverhalt

    A.- Maria de los Angeles Lacruz Fernandez, de nationalité espagnole,
est devenue enceinte des oeuvres d'Hubert Fraundorfer, ressortissant
allemand qu'elle a connu à Madrid au printemps 1959. Venue en Suisse
pour y travailler, en septembre 1959, elle résida d'abord à Genève,
puis à Fribourg, où elle accoucha le 7 mars 1960 d'une fille, Anna Maria.
Quittant cette ville en août 1960, elle se rendit à Bienne, puis s'établit
à Genève, où elle aurait épousé après l'ouverture du procès un Allemand,
Dieter Kirks.

    B.- Maria Kirks, née Lacruz, et sa fille Anna Maria - représentée par
son curateur, le tuteur général de Fribourg - introduisirent devant le
Tribunal de la Sarine une action en paternité tendante à des prestations
pécuniaires contre Hubert Fraundorfer, actuellement à Stockholm.
Le défendeur déclina la compétence du juge saisi.

    Statuant en seconde instance le 14 janvier 1963, la Cour civile du
Tribunal cantonal fribourgeois rejeta le déclinatoire.

    C.- Hubert Fraundorfer recourt en réforme au Tribunal fédéral
contre cet arrêt. Il conclut à l'incompétence des autorités judiciaires
fribourgeoises. D'une part, il conteste que Maria Kirks, née Lacruz, ait
apporté la preuve de son domicile à Fribourg. D'autre part, il soutient
que les tribunaux suisses ne sont pas compétents pour statuer sur l'action
en paternité tendante à l'octroi de prestations pécuniaires lorsque les
relations intimes ont eu lieu à l'étranger entre des personnes n'ayant
pas la nationalité suisse et que le défendeur n'a jamais été domicilié
en Suisse.

    Les intimées Maria Kirks, née Lacruz, et Anna Maria Lacruz concluent
au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1. - Selon l'art. 312 al. 1 CC et la jurisprudence, l'action en
paternité tendante à des prestations pécuniaires peut être portée devant le
juge du domicile suisse de la partie demanderesse au temps de la naissance,
même si le défendeur est un étranger domicilié à l'étranger (RO 85 II 319,
consid. 1, et références citées). La question du domicile suisse au sens
de cette disposition doit être résolue à la lumière du droit civil fédéral
(ibidem).

    L'art. 23 al. 1 CC dispose que "le domicile de toute personne est au
lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir". Il ressort de l'arrêt
attaqué que la résidence de Maria Kirks, née Lacruz, à Fribourg au moment
de la naissance de sa fille n'est ni contestable ni contestée. Quant
au second élément requis par la loi, les juges cantonaux ont constaté,
en bref, que la demanderesse susnommée s'était rendue en Suisse pour y
excercer une activité lucrative; elle a été rejointe à Fribourg par sa
mère, laquelle vit séparée de son mari; invitée par la police fribourgeoise
à quitter le canton, elle a été suivie par sa mère dans ses déplacements en
Suisse; elle n'a déclaré à aucun de ses employeurs qu'elle voulait rentrer
en Espagne à bref délai; son permis de séjour a été prolongé à une année,
durée maximum applicable aux étrangers entrant pour la première fois en
Suisse en vue d'y travailler. De ces circonstances, la Cour cantonale
a déduit qu'à l'époque de la naissance, Maria Kirks, née Lacruz, avait
l'intention de faire de Fribourg le centre de ses relations et de ses
intérêts personnels. Ce sont là des constatations de fait (RO 85 II
322). Le recourant ne prétend pas, avec raison, que l'autorité inférieure
aurait violé une règle fédérale de preuve ou commis une inadvertance
manifeste. Ses critiques, qui concernent l'appréciation des preuves,
sont dès lors irrecevables (art. 55 al. 1 litt. c et 63 al. 2 OJ).

    Même si l'on tenait l'intention de s'établir dans un lieu déterminé
pour une condition objective du domicile (RO 85 II 322), la solution de
la Cour cantonale devrait être maintenue. Elle repose en effet sur des
motifs pertinents et concluants.

    2. - Dans l'arrêt publié au RO 77 II 120, le Tribunal fédéral a admis
que le juge du domicile de la partie demanderesse - suisse ou étrangère
- au moment de la naissance est compétent pour connaître d'une action en
paternité tendante à des prestations pécuniaires, conformément à l'art. 312
al. 1 CC, même si l'action est dirigée contre un défendeur étranger qui
n'a jamais été domicilié en Suisse. Deux ans plus tard (RO 79 II 345),
il a statué dans le même sens, en relevant que cette règle valait tout
au moins dans le cas où la mère était une Suissesse déjà domiciliée en
Suisse lors des relations intimes. Il a déclaré que, s'agissant d'une
action fondée sur le droit de famille et non sur un acte illicite, le
pays où les relations intimes avaient eu lieu était sans importance. Dans
un arrêt ultérieur (RO 82 II 570), le Tribunal fédéral a confirmé la
compétence du juge du domicile en Suisse, même lorsque la demanderesse
est de nationalité étrangère. En outre, modifiant sa jurisprudence, il
a déclaré le droit suisse applicable quant au fond. Ces règles ont été
confirmées récemment (RO 84 II 605, consid. 2; 85 II 82 et 319). Il n'y
a aucune raison de les modifier.

    Les arrêts cités ne disent pas si la juridiction suisse est aussi
admise lorsque les parties n'avaient, à l'époque de la conception,
aucun point de rattachement avec la Suisse, que ce soit le domicile ou la
nationalité. La question est expressément réservée au RO 79 II 349. Elle
doit être résolue en l'espèce, car la demanderesse Maria Kirks, née Lacruz,
qui est espagnole, avait son domicile en Espagne lors de la conception,
tandis que le défendeur est allemand et n'a jamais été domicilié en Suisse.

    L'art. 312 al. 1 CC prévoit comme for, notamment, le domicile de la
partie demanderesse au moment de la naissance. Les travaux préparatoires
montrent que le législateur a renoncé expressément à se fonder sur le
lieu de la conception. En effet, l'exposé des motifs de l'avant-projet
du Département fédéral de justice et police du 15 novembre 1900 -
dont l'art. 339 proposait la compétence du juge du domicile de l'une ou
l'autre des parties - précise à ce propos: "Le projet ne tient compte ni
du lieu de la conception, ni de celui de l'accouchement". Par la suite,
le rattachement du domicile au temps de la naissance a été introduit à
l'art. 320 du projet du 28 mai 1904, devenu sans nouvelle modification
l'art. 312 al. 1 CC en vigueur. En revanche, le législateur a continué
d'ignorer le lieu de la conception et même le domicile de la mère au
moment de la conception. Comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé dans
l'arrêt publié au RO 77 II 120, les prestations pécuniaires prévues par
les art. 317 et 319 CC en faveur de la mère et de l'enfant n'ont pas pour
cause un acte illicite que le défendeur aurait commis en ayant des rapports
sexuels hors mariage avec la mère de l'enfant; ces prestations sont
fondées sur les liens de parenté naturelle créés par la naissance entre
le père, la mère et l'enfant. Dès lors, le domicile suisse de la partie
demanderesse, c'est-à-dire celui de la mère au temps de la naissance,
constitue une attache suffisante pour admettre la juridiction suisse (cf.,
dans le même sens, PFENNINGER, RSJ 53 (1957), p. 320; AUBERT, loc.cit.,
p. 356 no 3). Il suffira d'examiner strictement les conditions requises
afin de constituer un domicile en Suisse pour éviter, le cas échéant,
l'affiux dans ce pays de femmes étrangères non mariées et enceintes,
que redoute le recourant (RO 84 II 613).

    3. - Dans le cas particulier, le rejet de la compétence des autorités
judiciaires fribourgeoises serait au surplus contraire à la convention
d'établissement conclue entre la Suisse et l'Espagne le 14 novembre 1879
(RS 11 p. 597). L'art. 1er de ce traité garantit en effet aux Espagnols
le même traitement qu'aux Suisses "relativement à leurs personnes et
à leurs propriétés". Or une demanderesse de nationalité suisse serait
admise à procéder devant le juge de son domicile en Suisse au moment de
la naissance, même si elle avait été domiciliée à l'étranger lors de la
conception (RO 84 II 605, consid. 2). Cette faculté devrait donc être
reconnue à Maria Kirks, née Lacruz, vu sa nationalité espagnole.

    Le traité germano-suisse du 31 octobre 1910 accordant aux
ressortissants allemands en Suisse la même égalité de traitement qu'aux
Espagnols, il est superflu de rechercher si Maria Kirks, née Lacruz,
serait fondée à l'invoquer, du fait qu'elle aurait acquis la nationalité
allemande par son mariage, après l'ouverture du procès.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.