Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 I 86



88 I 86

14. Extralt de l'arrêt du 23 mai 1962 dans la cause Rossier contre Cour
de justice du canton de Genève. Regeste

    Art. 2 Üb. Best. der BV. Solange der Bund von der ihm durch die BV
verliehenen Befugmis zur Gesetzgebung auf einem Gebiet keinen Gebrauch
gemacht hat, sind die Kantone weiterhin zur Gesetzgebung befugt.

    Art. 125 lit. b OG. Der Bundesrat entscheidet über Beschwerden wegen
Verletzung bundesrechtlicher Vorschriften über die Schiffahrt, auch wenn
der Beschwerdeführer Missachtung der derogatorischen Kraft des Bundesrechts
rügt (Erw. 3).

    Art. 84 Abs. 1 lit. c OG. Nach dieser Bestimmung kann wegen Verletzung
polizeilicher Bestimmungen von Staatsverträgen des Bundes mit dem Ausland
staatsrechtliche Beschwerde erhoben werden (Erw. 4 a).

    Wann werden die Staatsverträge des Bundes mit dem Ausland und die
sie ausführenden Bestimmungen als Bundesrecht verbindlich? (Erw. 4 b).

    Die Art. 36 und 53 der interkantonalen Verordnung betreffend
die Schiffahrtspolizei auf dem Genfersee usw. stellen keine
Ausführungsbestimmungen zu Art. 39 des schweizerisch/französischen
Übereinkommens betreffend die Schiffahrt auf dem Lemansee vom 10. September
1902 dar und verstossen auch nicht gegen diesen Art. 39 (Erw. 4 c, d'e).

Sachverhalt

    A.- Rossier est loueur de bateaux à Genève. Il met en particulier
à la disposition de ses clients des canots munis d'un moteur hors-bord,
dont la vitesse atteint 15 km/h au maximum et qui circulent ordinairement
entre 8 et 12 km/h.

    Jusqu'en 1961, il a exercé librement cette activité et prétend y
avoir engagé des sommes assez considérables. Au début de l'année 1961,
le sous-brigadier de gendarmerie, chargé de la surveillance des loueurs
de bateaux, l'informa qu'il lui était interdit de louer les canots visés
ci-dessus à des clients non munis d'un permis de conduire pour cette
catégorie d'embarcations.

    Rossier n'observa pas cette interdiction et, le 2 avril 1961, la police
constata une contravention. Le 29 juin suivant, le Tribunal de police de
Genève le libéra des fins de la poursuite, considérant que l'art. 53 du
règlement intercantonal concernant la police de la navigation sur le lac
Léman, etc. (en abrégé: le Règlement) auquel Rossier avait contrevenu
était incompatible avec l'art. 39 de la convention du 10 septembre 1902
entre la Suisse et la France concernant la police de la navigation sur
le lac Léman (en abrégé: la Convention).

    Sur appel du Procureur général, la Cour de justice de Genève, statuant
le 11 septembre 1961, cassa le jugement du Tribunal de police et condamna
le recourant à une amende de 20 fr., considérant que la contradiction
relevée par le Tribunal de police entre l'art. 53 du Règlement et l'art. 39
de la Convention n'existait pas.

    B.- Contre cet arrêt, Rossier s'est pourvu en nullité, mais, statuant
le 28 novembre 1961, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral
déclara le recours irrecevable (RO 87 IV 164).

    C.- En même temps, Rossier avait formé un recours de droit public,
contre le même arrêt, dont il demandait l'annulation. Ce recours invoque
la force dérogatoire du droit fédéral, la violation de l'art. 1er CP et
le principe de la liberté du commerce.

    D.- Le Procureur général et la Cour de justice de Genève concluent
au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les art. 37 à 40 de la Convention réglementent le louage de
bateaux. L'art. 39 interdit aux loueurs de confier une embarcation aux
jeunes gens de moins de seize ans, "ainsi qu'à toute personne qui n'aurait
pas l'expérience nécessaire pour la conduire".

    Le Règlement, qui a été approuvé par le Département fédéral des postes
et des chemins de fer, et est entré en vigueur en 1960, subordonne à
l'obtention d'un permis spécial la conduite de tout bateau à moteur ou
à voiles (art. 35); pour les bateaux à moteur, il fait une exception
lorsqu'ils sont propulsés par un moteur hors-bord et que leur vitesse ne
peut dépasser 15 km/h, mais il précise que le permis est exigé, même dans
ce cas, pour les bateaux de louage (art. 36 et 53).

Erwägung 2

    2.- En fait, il est constant que Rossier a loué à une personne non
titulaire d'un permis de conduire un bateau muni d'un moteur hors-bord,
mais dont la vitesse ne pouvait dépasser 15 km/h.

Erwägung 3

    3.- Le premier moyen soulevé par le recourant se résume comme il suit:

    Les art. 36 et 53 du Règlement sont de droit cantonal. Selon
l'art. 24 ter Cst., la législation sur la navigation relève de la
Confédération. C'est pourquoi les cantons ne peuvent édicter de règles
dans ce domaine, notamment de règles semblables à celles que portent les
art. 36 et 53 du Règlement.

    L'art. 24 ter Cst., tout d'abord, ne fait que donner à la Confédération
le pouvoir de légiférer en matière de navigation. Dans de tels cas, aussi
longtemps que la Confédération ne légifère pas elle-même, les cantons
conservent leur compétence législative. C'est seulement lorsque et dans la
mesure où la Confédération a fait usage de son pouvoir constitutionnel
qu'intervient le principe de la force dérogatoire du droit fédéral
(BURCKHARDT, Le Droit fédéral suisse, trad. Bovet, t. I, no 288 II et
t. III, no 1242; FLEINER-GIACOMETTI, Schweizerisches Staatsrecht, p. 98
s.). C'est pourquoi il ne saurait y avoir conflit entre le Règlement et
l'art. 24 ter Cst., lui-même, mais seulement entre le Règlement et les
prescriptions de droit fédéral édictées en vertu de l'art. 24 ter Cst.

    De telles prescriptions existent. Mais il s'agit là de lois
administratives ou de police. Or, selon l'art. 125 al. 1 litt. b OJ, c'est
le Conseil fédéral qui connaît des recours formés contre les décisions
cantonales de dernière instance pour violation de telles lois (RO 76 I 312
s.; 70 I 7). Saisi d'une telle cause, il se prononce aussi, par attraction
de compétence, sur la violation de l'art. 2 Disp. trans. Cst. (BIRCHMEIER,
Handbuch des BG über die Organisation der Bundesrechtspflege, p. 484 s.).
C'est pourquoi le présent recours est irrecevable dans la mesure où il
allègue la violation de l'art. 24 ter Cst.

    Le dossier de la présente affaire devra être transmis au Conseil
fédéral, qui est compétent pour connaître du moyen (art. 96 et 130 al. 1
i.f. OJ).

Erwägung 4

    4.- Le recourant allègue en outre que les art. 37 ss. de la Convention
sont assimilables à des dispositions de droit fédéral, qu'ils règlent
complètement la location de bateaux sur le lac Léman et ne laissent aucune
place pour des dispositions cantonales complémentaires, nonobstant les art.
40 et 77. Toute disposition de ce genre - et notamment les art. 36 et
53 du Règlement, qui sont de droit cantonal - violerait donc l'art. 39
précité et se heurterait à la force dérogatoire du droit fédéral.

    a) L'art. 84 al. 1 litt. c OJ ouvre la voie du recours de droit
public contre les décisions ou arrêtés cantonaux pour violation des
traités internationaux, sauf s'il s'agit de la violation d'une de leurs
dispositions de droit civil ou de droit pénal et sous réserve, en outre,
du recours au Conseil fédéral selon l'art. 125 al. 1 litt. c OJ. L'art. 39
de la Convention, dont il s'agit en l'espèce, est une règle de police;
en cette matière, les dispositions précitées ne réservent aucune autre
compétence que celle du Tribunal fédéral, saisi par la voie du recours de
droit public. Le grief soulevé est donc recevable et la cour de céans
examine librement le fait et le droit (RO 81 I 142; 86 I 36 et les
arrêts cités).

    b) Selon les principes du droit des gens, un traité international
engage les puissances contractantes dès l'échange des instruments de
ratification. Lorsqu'il s'agit d'un traité conclu par la Confédération et
qui crée des règles de droit, il devient, à ce moment aussi, obligatoire
de plein droit pour les autorités et les citoyens, pourvu qu'il soit
directement applicable. Il s'incorpore en même temps au droit fédéral;
point n'est besoin, à cet effet, de lui donner la forme d'une loi
fédérale. A l'égal d'une telle loi, il constitue une source du droit
fédéral (FLEINER-GIACOMETTI, Bundesstaatsrecht, p. 829 s.).

    Les conventions internationales qui contiennent ainsi des clauses
obligatoires pour le citoyen peuvent être complétées par des dispositions
d'exécution - applicables, naturellement, sur le seul territoire de l'Etat
contractant qui les a promulguées. Selon les principes qui les régissent,
ces dispositions ne peuvent être que secondaires, c'est-à-dire préciser
ou développer les clauses de la convention dans les limites assignées
par les buts généraux de l'accord. Elles ne sauraient contredire,
ni annuler les clauses convenues, mais seulement, selon la lettre et
l'esprit desdites clauses, les préciser en vue de leur application,
régler les points qu'elles n'éclaircissent pas ou en combler une lacune
(RO 45 I 67; 64 I 315; FLEINER-GIACOMETTI, Bundesstaatsrecht, p. 803 s.).

    c) L'art. 39 de la Convention crée une règle de droit obligatoire
pour les autorités et les citoyens de chacun des Etats contractants;
les instruments de ratification ayant été échangés, cette règle est
incorporée au droit fédéral.

    Mais il n'en reste pas moins qu'elle doit être explicitée et précisée
en vue de son application. .... Le recourant affirme donc à tort que, sur
la location de bateaux, la Convention contient une réglementation complète,
qui ne comporterait aucune lacune, ni omission et serait applicable sans
aucun complément.

    d) Le recourant allègue à titre subsidiaire qu'en tout cas les cantons
ne seraient pas compétents pour compléter l'art. 39 de la Convention par
des règles d'exécution.

    Les dispositions du Règlement, appliquées en l'espèce, ont été établies
par un accord conclu entre les gouvernements de plusieurs cantons: Vaud,
Valais, Genève, Neuchâtel, Fribourg et Berne. Cet accord ne lie pas
seulement les cantons eux-mêmes, qui l'ont souscrit; il contient, bien
plus, des règles qui s'appliquent directement aux citoyens soumis à la
souveraineté territoriale des Etats contractants, après approbation par
ceux-ci, ainsi que par le Département fédéral des postes et des chemins
de fer (art. 115 du Règlement) et, le cas échéant, après publication par
l'autorité cantonale. Il fait dès lors partie intégrante du droit cantonal
et doit être considéré comme tel.

    En effet, la Confédération a réglementé la navigation dans les eaux
suisses par une ordonnance du Conseil fédéral, du 19 décembre 1910. Cette
ordonnance s'applique aux entreprises de navigation qui sont titulaires
d'une concession délivrée par la Confédération et aussi à celles dont la
Confédération est propriétaire, pourvu que les conditions matérielles
de son application soient remplies. Son art. 96 prévoit expressément
qu'il appartient aux cantons, sous réserve des règles fixées par elle,
de réglementer la construction et le service des bateaux soumis à
leur contrôle (à savoir tous les bateaux qui n'appartiennent pas à la
Confédération et ne sont pas utilisés pour le transport de marchandises
et de personnes par des entreprises concessionnaires: art. 4 ch. 1 et 2),
ainsi que la navigation et la police des bateaux. L'art. 96 dispose en
outre que les règlements, sur ces divers points, doivent être uniformes
pour les eaux intercantonales, qu'ils doivent être approuvés par le
Département fédéral des postes et des chemins de fer et que, si les cantons
intéressés ne parviennent pas à s'entendre, le Conseil fédéral statue.

    Il est donc manifeste, d'une part, que les cantons participants
avaient, en principe, le pouvoir de réglementer, d'un commun accord,
la navigation dans les eaux intercantonales et, d'autre part, que cette
réglementation ne saurait être considérée comme un complément à la
Convention. A ce titre, du reste, elle n'aurait pu être édictée qu'avec
l'autorisation du Conseil fédéral; la simple approbation du Département
fédéral des postes et des chemins de fer n'aurait pas suffi. Il s'agit
donc d'un acte cantonal autonome, fondé sur une délégation de pouvoir.

    e) Il reste à savoir si, dans cet acte que constitue le Règlement,
les art. 36 et 53 sont contraires au droit fédéral, c'est-à-dire à
l'art. 39 de la Convention. Cette question appelle la négative. En effet,
la Convention fixe uniquement le minimum des exigences auxquelles doivent
satisfaire les embarcations pour avoir accès aux eaux nationales de l'un
des Etats contractants. Elle n'empêche pas chacun d'eux de soumettre à des
règles plus sévères la navigation sur les bateaux soumis à sa souveraineté
pour l'immatriculation. Elle exclut seulement l'application de ces règles
aux bateaux qui proviennent de l'autre puissance. Par conséquent, même
si les art. 36 et 53 du Règlement allaient au-delà de la Convention,
ils régiraient les embarcations immatriculées en Suisse et qui naviguent
dans les eaux où l'accord intercantonal s'applique. Y est donc soumis le
recourant, dont les canots à moteur hors-bord sont immatriculés à Genève.

    5 et 6. - .....

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.