Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 I 289



88 I 289

45. Extrait de l'arrêt du 12 décembre 1962 dans la cause Cordonier contre
Tribunal cantonal vaudois. Regeste

    Art. 2 Üb.-Best. der BV. Derogatorische Kraft des eidgenössischen
öffentlichen Rechts. Weder die Verordnung des Bundesrates vom 4. Dezember
1933 über die Arbeits- und Ruhezeit der berufsmässigen Motorfahrzeugführer
(welche nur die Verkehrssicherheit gewährleisten will) noch eine andere
Bestimmung des Bundesrechts verbietet den Kantonen, die Gesundheit der
berufsmässigen Motorfahrzeugführer durch Beschränkung ihrer Arbeitszeit
zu schützen.

Sachverhalt

    A.- Louis Cordonier exploite une entreprise de transports par
autocars à Montreux. Dès le 21 mai 1961, il occupa Henri Gabriel en
qualité de chauffeur, moyennant un salaire mensuel de 700 fr. Gabriel
quitta son emploi le 31 juillet 1961, après avoir donné régulièrement
son congé. Ultérieurement, il assigna Cordonier devant le Tribunal
des prud'hommes de Montreux en paiement d'un certain nombre d'heures
supplémentaires. Le 30 juillet 1962, le Tribunal lui alloua de ce chef
360 fr. (90 heures à 4 fr. l'heure). Le 18 septembre 1962, le Tribunal
cantonal vaudois, saisi d'un recours de Cordonier, confirma ce jugement,
en bref pour les motifs suivants:

    La contestation ne doit pas être jugée d'après les règles contenues
dans l'ordonnance du Conseil fédéral du 4 décembre 1933 réglant la durée du
travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles
(RS 8 p. 199 ss.; ci-après: ODT). Cette ordonnance ne tend en effet qu'à
assurer la sécurité de la route. Elle ne règle pas les relations entre
employeurs et employés. En l'espèce, il faut appliquer la loi vaudoise du
20 décembre 1944 sur le travail (LT), dont aucune des causes d'exclusion
n'est réalisée (cf. art. 3 LT). En vertu de l'art. 8 LT, la durée du
travail est au maximum de 48 heures par semaine, de sorte qu'au vu des
décomptes des parties, le nombre des heures supplémentaires accomplies
par Gabriel doit être fixé à 90. Compte tenu d'un salaire mensuel de 700
fr., le gain horaire était approximativement de 3 fr. 37. Toutefois,
ce montant ne comprend pas le supplément de salaire de 25% qui est dû
pour toute heure supplémentaire, conformément à l'art. 12 LT. D'après
cette dernière disposition, le Tribunal des prud'hommes aurait pu fixer
le prix des heures supplémentaires à 4 fr. 20. Cordonier ne saurait dès
lors se plaindre du prix arrêté à 4 fr.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, Cordonier a
requis le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal. Il a
été débouté.

Auszug aus den Erwägungen:

Motifs:

    Le recourant expose que la durée du travail des chauffeurs
professionnels est réglée exhaustivement par le droit fédéral, c'est-à-dire
par l'art. 3 ODT. Il en déduit que la loi vaudoise sur le travail est
inapplicable et qu'en affirmant le contraire, la juridiction cantonale
a violé le principe de la force dérogatoire du droit fédéral.

    a) L'art. 37 bis al. 1 Cst. autorise la Confédération à édicter "des
prescriptions concernant les automobiles et les cycles". Fondé sur cette
disposition constitutionnelle, l'art. 17 al. 2 et 3 LA prévoit:

    "La sécurité de la circulation ne doit pas être compromise par le
surmenage du conducteur ou par toute autre circonstance qui le priverait
de la maîtrise du véhicule.

    Jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi fédérale dans ce domaine,
un arrêté du Conseil fédéral assurera un repos convenable à tous les
conducteurs professionnels; il fixera, quant à la durée de travail et de
présence, des prescriptions conformes aux conditions de l'exploitation,
pour les conducteurs d'entreprises de transports professionnels de
personnes... Il sera soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale."

    En exécution de cette disposition, le Conseil fédéral a édicté son
ordonnance du 4 décembre 1933 réglant la durée du travail et du repos
des conducteurs professionnels de véhicules automobiles. Celle-ci a
principalement en vue l'intérêt public. Les prescriptions qu'elle contient
sont impératives et leur inobservation est sanctionnée par l'amende
(art. 9 ODT). Elles constituent donc des règles de droit public fédéral
(RO 88 I 170). La loi vaudoise sur le travail a, elle aussi, été promulguée
principalement en vue de l'intérêt public et les infractions qui peuvent
être commises aux règles qu'elle contient sont également punissables
d'amende. Ladite loi fait donc partie du droit public cantonal.

    b) Ainsi que l'a déjà jugé le Tribunal fédéral (RO 88 I 170 et arrêts
cités), le droit public fédéral prime d'emblée et toujours le droit public
cantonal. Si, dans un domaine du droit public, le législateur fédéral a
fait usage d'une compétence qui lui est attribuée par la constitution et
qu'il a posé des règles exhaustives, les cantons ne peuvent plus légiférer
en la même matière, du moins pour édicter des règles différentes.

    c) Dans son message du 4 décembre 1933, par lequel il a soumis l'ODT
à l'approbation de l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral explique
clairement ce qu'il a voulu. "Les dispositions réglant la durée du travail
et du repos ont, dit-il, en premier lieu pour but d'assurer la sécurité de
la circulation sur route, en empêchant le surmenage des conducteurs. Elles
concernent la circulation et non la législation sociale, bien qu'elles
aient des répercussions importantes dans l'ordre social. Nous avons donc dû
nous borner à rechercher ce qu'exige la sécurité de la circulation et non
pas ce qui est nécessaire au travaileur au point de vue social... Comme
il ne s'agit que d'une réglementation touchant la circulation, on doit
se rendre compte d'emblée que la présente ordonnance ne peut compendre
une série de dispositions qui auraient leur place dans la législation
sociale, telles des dispositions relatives aux indemnités pour les heures
supplémentaires, au samedi après-midi libre, aux vacances, etc." (FF 1933
II 835/836). L'ODT vise donc à protéger la sécurité de la circulation en
fixant le maximum des heures de travail et de présence des conducteurs
professionnels, de manière que ceux-ci ne soient pas surm enés et ne
risquent pas de mettre en danger les autres usagg rs de la route. Le but
ainsi poursuivi est exactement celui fixé par l'art. 17 al. 2 LA ("La
surité de la circulation ne doit pas être compromise par le surmenage
du conducteur...").

    La loi vaudoise sur le travail n'a pas été dictée par des
préoccupations tenant à la sécurité de la circulation. En tant
qu'elle réglemente la durée du travail, elle vise à sauvegarder la
santé des travailleurs et leur droit à un repos suffisant. Or aucune
règle exhaustive de droit fédéral n'interdit à un canton de protéger
la santé des conducteurs professionnels en limitant la durée de leur
travail. L'ODT en particulier ne s'y oppose pas, puisqu'elle poursuit un
but différent relevant d'un autre domaine du droit public, celui de la
sécurité routière. A cet égard, le grief tiré d'une violation du principe
de la force dérogatoire du droit fédéral n'est donc pas fondé.