Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 455



88 II 455

64. Arrêt de la Ire Cour civile du 13 novembre 1962 dans la cause Gulllod
et Marzetti contre Bottelli et La Générale de Berne. Regeste

    Unfall infolge Oeffnens der Türe eines Motorfahrzeugs.

    1.  Begriff des Betriebs eines Motorfahrzeugs (Erw. 1).

    2.  Wer eine Türe gegen die Fahrbahn zu offen lässt, handelt grob
schuldhaft. Mitverschulden des Opfers (übersetzte Geschwindigkeit)
und seinem Fahrzeug innewohnende Betriebsgefahr. (Erw. 2).

    3.  Berechnung des Schadenersatzes (Erw. 3-5).

Sachverhalt

    A.- Le 18 novembre 1959, vers 6 h. 45, alors qu'il faisait encore
nuit, Ernest Guillod circulait - comme chaque matin - en direction de
Lausanne, à 60 km. h. au moins, sur l'avenue Général Guisan'au volant
d'une motocyclette lourde et puissante dont les pneus étaient usés. La
chaussée était large de 9 m. et bien éclairée, mais humide et recouverte
par endroits d'une légère couche de verglas.

    Léopold Bottelli, qui habite le no 10 de l'avenue, venait de sortir
sa voiture marque Alfa Romeo Julietta Sprint du garage et de la ranger,
prête à partir vers Lausanne, à 50 cm. du trottoir nord, devant un signal
d'interdiction de stationner. Laissant le moteur tourner et les feux de
position enclenchés, il la quitta un instant. La portière gauche - très
large - resta entrouverte, dépassant la carrosserie - vers l'arrière -
de 25 cm. environ. A cet endroit, le trottoir est étroit, sauf devant la
propriété, et ne sert guère à l'usage des piétons.

    Buttant contre la portière, qu'il n'avait pas vue, Guillod fut
déporté sur la gauche et vint s'écraser sous le train routier de Pierre
Louis arrivant en sens inverse, conduit par Simon Derbigny. Le camion
roulait à 40 km/h. environ; ses freins n'agirent pas normalement sur le
sol glissant.

    Le 30 mai 1960, le Tribunal de police correctionnelle du district de
Lausanne condamna Bottelli pour avoir laissé sa voiture en stationnement
à 50 cm. du bord du trottoir.

    Bottelli était assuré pour sa responsabilité civile auprès de La
Générale de Berne, qui versa un acompte de 5000 fr. Cette compagnie se
considère comme liée par une déclaration de mai 1938 selon laquelle,
dans les rapports internes avec les assurés, l'emploi du véhicule doit
être défini plus largement que ne le fait le Tribunal fédéral.

    Guillod vivait à Grandvaux avec sa femme Klara-Josefina et ses
beaux-parents Emile-Joseph Marzetti, né en 1882, et son épouse Klara,
née en 1895. Il avait un fils, Michel-Patrice, né le 28 février 1957. Il
logeait chez les Marzetti, dont seule l'épouse travaillait encore un peu
au dehors.

    B.- Le 18 novembre 1960, dame Guillod, son enfant et les époux
Marzetti ont actionné solidairement Bottelli et son assureur (ce dernier
à concurrence de la somme assurée) pour les contraindre à payer, sous
déduction de l'acompte déjà versé, 2900 fr. aux héritiers de la victime
et, respectivement pour la perte de soutien et le tort moral subis:

    à sa veuve,                   52 000  et      5000 fr.,

    à son enfant,                         16 500  et       4000 fr.,

    à Emile-Joseph Marzetti,      3 000           et      750 fr.,

    à Klara Marzetti,                     5 000           et      750 fr.

    Après avoir évoqué à garantie Pierre Louis, les défendeurs ont répondu
qu'ils offraient de verser 15 000 fr. (acompte compris) et concluaient
à libération. Pierre Louis a refusé de prendre à sa charge ce qu'ils
pourraient être appelés à payer en sus du montant offert.

    Le 30 mars 1962, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a alloué

    1) à la veuve, le 50% de sa perte de soutien (23 000 fr.), 2500 fr. en
réparation du tort moral et la moitié du dommage matériel et des frais
(1335 fr. 85),

    2) à l'enfant, le 50% de sa perte de soutien (12 750 fr.).

    Elle a en outre admis les conclusions libératoires de l'évoqué
à garantie.

    C.- Les demandeurs saisissent le Tribunal fédéral, par la voie du
recours en réforme; ils lui demandent de supprimer la réduction de moitié
des prétentions de la veuve, d'allouer à l'enfant 16 500 fr. pour la perte
de son soutien et 4000 fr. pour le tort moral subi, d'accorder enfin à
Emile-Joseph Marzetti et à son épouse respectivement 1000 et 2000 fr.

    Les défendeurs et intimés ont, par recours joint, conclu à libération
des fins de la demande et, dans leur réponse, au rejet du recours
principal.

    Emile-Joseph Marzetti est décédé le 3 mai 1962.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- De par l'art. 37 al. 1 LA (applicable en l'espèce), la
responsabilité civile du détenteur - et par conséquent de son assureur -
découle de l'emploi d'un véhicule automobile. Un rapport de causalité
adéquate doit exister entre cette utilisation et le dommage (RO 82 II 47).

    L'emploi suppose la réalisation du danger spécial que crée la
circulation des véhicules automobiles. L'accident, considéré dans son
ensemble, doit avoir pour cause le risque provoqué par le fonctionnement
de leurs organes proprement mécaniques (RO 81 II 557; 63 II 269 ss.;
64 II 240; 72 II 220 consid. 2; 78 II 163), notamment du moteur ou des
phares (éblouissement: RO 63 II 342). Ainsi le véhicule à l'arrêt (déjà
avant les manoeuvres conduisant à l'accident) et ne représentant comme
obstacle que sa masse n'est pas en emploi. De même, le préjudice subi
parce qu'un passager, en fermant la portière, écrase les doigts d'un
compagnon n'a pas pour cause l'emploi de la voiture.

    Vu ces principes, il est évident que l'accident survenu à Guillod
n'est pas dû à l'emploi de la voiture de Bottelli. Il n'y a pas lieu de
modifier ce point de vue en raison d'une convention interne des assureurs
ou de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la circulation routière
du 19 décembre 1958 et des opinions qui ont été émises lors de son
élaboration. L'adjonction constituée par l'art. 58 al. 2 LCR milite
du reste plutôt en faveur du maintien de l'interprétation actuelle
(cf. contra: YUNG, La responsabilité civile d'après la loi sur la
circulation routière, vol. 15 des mémoires publiés par la Faculté de droit
de Genève, p. 9). Quant à la jurisprudence allemande, qui en diffère,
elle n'apporte pas toute clarté (MÜLLER, Strassenverkehrsrecht, 21e éd.,
1959 p. 135 ss., spéc. 135 al. 3, alinéa B ad § 1).

    Il suit de là que l'assureur n'est pas responsable et que Bottelli
répond de ses actes illicites (art. 41 ss. CO). On doit cependant donner
acte aux demandeurs de l'offre des défendeurs.

Erwägung 2

    2.- Le juge pouvant réduire les dommages-intérêts, ou même n'en
point allouer, lorsque des faits dont le lésé répond ont contribué à
créer le dommage (art. 44 al. 1 CO), il faut fixer et comparer les fautes
respectives de Bottelli et de Guillod (le conducteur et le détenteur du
camion n'en ayant commis aucune qui soit en rapport de causalité adéquate
avec l'accident).

    a) Le lésé a commis une imprudence. Avant le lever du jour, sur une
route humide et verglacée par endroits, sa vitesse était exagérée, vu
l'usure des pneus de son véhicule et le fait que ses feux de croisement,
selon le jugement attaqué, ne lui assuraient une visibilité que sur trente
mètres environ. Cette vitesse explique peut-être que la victime n'ait
pas vu à temps la portière entrouverte ou qu'elle n'ait pu l'éviter. On
ne saurait en tout cas admettre que Guillod n'avait pas à envisager un
obstacle imprévisible et pouvait penser que la largeur de la voiture était
exactement signalée par les feux (cf. RO 84 IV 106 et les citations). On
énerverait ainsi les règles simples et si possible peu nombreuses qui
doivent ordonner une circulation de plus en plus dense. Il n'est du reste
pas si rare qu'un véhicule stationne au bord de la route sans respecter
les règles de stationnement ou que, pour diverses raisons, quelque chose
dépasse le gabarit normal.

    Ainsi caractérisée, la faute de Guillod est cependant légère. Doit-on
y ajouter le risque inhérent propre à sa motocyclette? D'ordinaire (sous
l'angle de l'art. 39 LA), on compare des risques réciproques. En l'espèce
toutefois, celui du camion de Louis ne paraît avoir joué aucun rôle: si
Guillod avait heurté une voiture ou une motocyclette, un tel véhicule
aurait aussi pu l'écraser et le tuer. Quant à la voiture de Bottelli,
elle n'a pas réalisé un danger spécifique de la circulation, n'étant pas
en emploi (die Betriebsgefahr des Motorfahrzeuges besteht bekanntlich
darin, dass es durch die Möglichkeit rascher, selbständiger Fortbewegung
seines beträchtlichen Eigengewichts mit Hilfe motorischer Kräfte eine
Gefährdung sowohl der übrigen Strassenbenützer, wie auch seiner Insassen
mit sich bringt: RO 85 II 519). L'eût-elle été que la comparaison des
fautes fût vraisemblablement restée l'élément déterminant, vu la tendance
à considérer comme égaux les risques d'une voiture et d'une puissante
motocyclette (v. RO 82 II 539). Celle-ci, il est vrai, représente en
soi un risque certain par sa masse, sa puissance, son instabilité et la
faible protection de son conducteur. Ce risque a peut-être contribué à
aggraver les conséquences de la collision. Or l'un des faits dont le lésé
répond ("Umstände, für die er einstehen muss"; art. 44 al. 1 CO), c'est
précisément le danger auquel son propre véhicule l'expose (RO 85 II 520;
pour le cas de l'art. 37 al. 2 et 3 LA: VOYAME, De la détermination des
risques inhérents aux véhicules automobiles, JdT 1959 I 78/9).

    b) Ce qui fut toutefois décisif, en l'espèce, c'est la faute initiale,
lourde et prépondérante de Bottelli. Si elle ne fut pas exclusive au point
d'être la seule cause de l'accident et de ses suites, comme dans le cas
Kuhn contre Gross (RO 85 II 521), elle rejette néanmoins au second plan
le comportement de la victime et les risques inhérents à la motocyclette,
et la réduction de moitié opérée par la juridiction cantonale sur les
indemnités pour frais, perte de soutien et tort moral allouées apparaît
nettement exagérée; le tribunal la fixe à 30% seulement.

    Bottelli, en effet, connaissait parfaitement les lieux, sis devant
son habitation, et la route de grand trafic qu'il empruntait chaque
jour. Il connaissait, comme Guillod, les circonstances existant le matin
de l'accident. Or il n'a pas hésité à enfreindre l'art. 49 al. 1 RA,
arrêtant sa voiture à 50 cm. du bord de la route, au-delà de la tolérance
usuelle de 10 à 20 cm. (RO 81 IV 179). Bien plus, il a arrêté sa voiture
devant le disque même qui, près de sa maison, lui interdisait de le faire;
il créa ainsi un obstacle là où, vu le signal réglementaire, les usagers
ont coutume de n'en point attendre.

    Bottelli, toutefois, a commis une faute bien plus impardonnable
en laissant la portière gauche de sa voiture ouverte vers l'intérieur
de la chaussée, dans le sens le plus dangereux pour les véhicules qui
dépassent. La portière, dans la voiture de sport Julietta Sprint,
est grande et s'ouvre très largement. Un rien peut en accentuer
l'angle d'ouverture; l'obstacle représenté par la voiture en est alors
considérablement agrandi, sans signalisation supplémentaire. Cette
négligence fut la cause première de l'accident. Elle était d'autant plus
grave que Bottelli, quittant sa voiture vide, ne pouvait plus intervenir
à temps au besoin (il n'était en outre pas descendu du côté opposé à
la circulation, comme le lui prescrivait l'art. 49 al. 1 in fine RA;
mais cette faute ne paraît pas avoir joué de rôle en l'espèce; RO 79 IV
135 ss.).

Erwägung 3

    3.- Vu ce qui précède, l'indemnité pour perte de soutien doit être
fixée, respectivement pour la veuve et l'enfant, à 32 200 et 17 850 fr. (le
70% de 46 000 et 25 500 fr.); l'enfant ne réclamant que 16 500 fr., on ne
saurait toutefois aller au-delà de sa demande. Les frais et le dommage
matériel, fixés à 2671 fr. 70, subissant aussi une réduction de 30%,
le tribunal alloue une indemnité de 1870 fr. 20.

    La Cour cantonale admet implicitement, avec raison, qu'au tort moral
subi par la veuve correspond une indemnité de 5000 fr. (cf. RO 60 II 325;
84 II 299 et 300). En revanche, vu la gravité de la faute de Bottelli
comparée à celle - minime - de Guillod, une réduction de moitié ne se
justifie pas (RO 63 II 346 consid. 4; 82 II 35 et les citations). La
mort de la victime, en pleine force de l'âge, fut tragique pour sa
veuve, désormais seule avec un petit enfant. Aussi un montant de 4000
fr. paraît-il mieux correspondre aux circonstances du cas.

Erwägung 4

    4.- D'après le jugement attaqué, le fils de la victime était
trop jeune au moment de l'accident pour ressentir douloureusement la
mort de son père. Il ne s'ensuit pas, cependant, qu'il n'y a pas lieu à
réparation d'un tort moral. Peu importe en effet que le tort soit sensible
à tel moment plutôt qu'à tel autre. Selon sa jurisprudence constante, le
tribunal alloue aussi une indemnité pour tort moral à des enfants en bas
âge (RO 72 II 170 consid. 9; 58 II 248 consid. 2; 56 II 127 consid. 7;
OFTINGER, Haftpflichtrecht, 2e éd., p. 266). Il a même comparé parfois
leur situation à celle de la veuve (RO 56 II 127). En l'espèce, une
indemnité de 3000 fr. paraît adaptée aux circonstances du cas.

Erwägung 5

    5.- Le jugement attaqué rejette les demandes des époux Marzetti. Dans
la mesure où celle du mari vise la réparation d'un tort moral, elle a
passé à ses héritiers, car il avait fait valoir son droit avant sa mort
(RO 81 II 385 ss.).

    Pour refuser une indemnité à titre de perte de soutien, la Cour
cantonale constate souverainement (art. 63 al. 2 OJ) que la part de
l'entretien assuré par Guillod à ses beaux-parents était compensée par
l'activité lucrative de la belle-mère et par la mise à la disposition
de la victime de la maison de Grandvaux; elle ajoute que le beau-fils
n'aurait pas à l'avenir, s'il avait survécu, assisté les époux Marzetti
dans une mesure excédant notablement leurs propres prestations. Ces faits
entraînent le rejet des demandes.

    En ce qui concerne le tort moral, le jugement attaqué relate que
l'instruction n'a pas établi des liens spécialement étroits entre les
beaux-parents et la victime. S'agissant de parenté par alliance, cette
constatation, bien qu'un peu brève, suffit pour justifier le refus de
toute indemnité.