Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 430



88 II 430

61. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 novembre 1962 dans
la cause La Concorde SA, compagnie d'assurances, contre Ritschard et Cie
SA Regeste

    1.  Anwendbarkeit der Auftragsbestimmungen auf die Haftung des
Spediteurs für einen Schaden, der vor der Weiterversendung der ihm
übergegebenen Ware eingetreten ist. Adäquater Kausalzusammenhang zwischen
dem Verschulden des Spediteurs und dem Schaden (Erw. 1).

    2.  Schweres oder leichtes Verschulden der Organe und Hilfspersonen
des Spediteurs? (Erw. 2).

    3.  Die Subrogationswirkung bei Entschädigungsleistung durch den
Versicherer untersteht dem auf den Versicherungsvertrag anwendbaren Recht
(Bestätigung der Rechtsprechung (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- L'agence de transports Ritschard et Cie SA (en abrégé: Ritschard),
place Cornavin, à Genève, s'occupe entre autres de transports d'or pour
le compte d'établissements bancaires. Elle prend notamment en charge
des lingots d'or expédiés par avion à l'aéroport de Cointrin. Elle a
organisé à cet effet un service particulier, placé sous la direction
d'un chef qualifié et disposant d'un camion muni d'un dispositif de
sécurité, dont le chauffeur et son aide sont armés d'un pistolet et
d'une matraque. Cependant, il arrive aussi très souvent que le chauffeur
Charles Saladin transporte de l'or dans sa camionnette, parfois sans
être accompagné. En principe, il ne doit prendre en charge des valeurs
à l'aéroport de Cointrin que sur ordre exprès du bureau de Cornavin. Il
a reçu pour instruction de ne jamais abandonner son véhicule chargé d'or.

    L'une des clientes de Ritschard est l'Union de banques suisses
(en abrégé: UBS). Leurs relations contractuelles sont régies par les
"conditions générales arrêtées par l'association suisse des maisons
d'expédition" des 30 mars 1922/29 janvier 1932 (en abrégé: conditions
générales) complétées, pour les transports de valeurs, par des conditions
spéciales du 8 octobre 1953 limitant la responsabilité de Ritschard
à 72 fr. suisses le kilo brut, qui se réfèrent aux dispositions de la
convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport
aérien international conclue à Varsovie le 12 octobre 1929 (en abrégé:
convention de Varsovie).

    Jusqu'en 1956, les vols d'or n'étaient pas très fréquents. L'UBS avait
toutefois attiré l'attention de Ritschard, par une lettre du 21 octobre
1954, à la suite d'un vol commis à Londres, sur les gros risques courus
spécialement au cours des opérations de chargement et de déchargement.

    B.- Le 19 janvier 1956, vers 15 heures, Ritschard, qui n'avait pas été
prévenue, reçut à l'aéroport de Cointrin 8 caisses contenant 200 lingots
d'or pour le compte de l'UBS. Elle devait envoyer 6 de ces caisses par
chemin de fer à l'agence de la banque à Chiasso.

    Suivant les instructions qu'il requit par téléphone, l'employé de
Ritschard à l'aéroport fit dédouaner l'envoi sur place par l'apprenti
Mahler. Cette opération faite, constatant la présence de la camionnette de
Ritschard, Mahler remit les 8 caisses d'or au chauffeur Saladin. Celui-ci
effectua le transport seul à bord de la camionnette, dont la cabine du
conducteur est séparée de la cabine de charge. Il arriva vers 16 heures
20 devant le siège de Ritschard à la place Cornavin. Il gara son véhicule
à l'endroit réservé aux voitures de l'agence, l'arrière dirigé contre le
trottoir, vis-à-vis de la porte du bureau. Il enleva la clé de contact
et se rendit dans les bureaux du premier étage pour déposer les documents
et prendre des instructions. Il ne ferma pas à clé les portes à glissière
donnant accès à la cabine du conducteur, mais repoussa celle qu'il avait
ouverte pour descendre du véhicule. La porte de la cabine de charge était
fermée à clé.

    Lorsque Saladin, après une absence de 2 à 5 minutes, ressortit du
bâtiment, la camionnette avait disparu. Elle fut retrouvée le soir dans
la banlieue de Genève, délestée des lingots d'or, qui sont perdus.

    Le transport de 6 caisses d'or appartenant à l'UBS était couvert par
une assurance-abonnement contractée en Belgique par la Banque de Bruxelles
SA "pour le compte de ses correspondants étrangers" auprès de compagnies
d'assurances belges, dont La Concorde SA Le contrat prévoit la compétence
exclusive des juridictions belges et se réfère aux "Grandes conditions
de la police maritime d'Anvers de 1859/1931".

    Le 19 mars 1956, les assureurs payèrent à la Banque de Bruxelles SA la
somme de 228 000 dollars USA, représentant la valeur de l'or disparu. Par
acte écrit du même jour, La Concorde obtint des autres assureurs la cession
de tous leurs droits contre "Ritschard et Cie SA ... ainsi que contre
ses administrateurs, directeurs, fondés de pouvoirs ou employés ...".
Le 20 septembre 1956, l'UBS céda également à La Concorde tous ses droits
contre Ritschard "en raison du règlement effectué par les assureurs".

    C.- Par exploit du 20 novembre 1956, La Concorde SA fit assigner
solidairement Ritschard, l'administrateur Antoinette Ritschard, le
directeur Jean Raetz et le chauffeur Charles Saladin en paiement de 977
550 fr. plus intérêt à 5% dès le 19 janvier 1956, somme représentant la
valeur des lingots volés. Le 17 septembre 1959, la demanderesse porta
ses conclusions à 982 680 fr., en invoquant une hausse du cours du dollar.

    Confirmant le jugement du Tribunal de première instance, la Cour
de justice de Genève, qui statua le 4 mai 1962, condamna Ritschard à
payer à La Concorde SA 14 400 fr. plus intérêt à 5% dès le 20 novembre
1956. Elle rejeta la demande pour le surplus. Elle considéra, en bref,
que l'assureur était subrogé dans les droits de la banque assurée contre
l'agent de transport, mais que la responsabilité de celui-ci n'était
engagée que par une faute légère et limitée dès lors à 72 fr. par kilo
d'or transporté, conformément au contrat passé avec l'UBS.

    D.- La Concorde SA recourt en réforme contre cet arrêt. Elle maintient
sa demande contre Ritschard. Elle abandonne en revanche ses conclusions
dirigées contre Antoinette Ritschard, Jean Raetz et Charles Saladin.

    L'intimée Ritschard a déposé un recours joint, qui tend à sa libération
totale.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les parties ne contestent pas, avec raison, que les relations
contractuelles nouées entre l'UBS et Ritschard sont régies par le
droit suisse. L'intimée a agi en qualité d'agent de transport au sens de
l'art. 439 CO. Elle était chargée de prendre livraison de la marchandise,
puis de la réexpédier. Le dommage s'est produit au cours des opérations
préliminaires qu'elle devait exécuter avant la réexpédition. La loi
assimile dans ce cas la responsabilité de l'agent de transport à celle du
commissionnaire, qui est régie par les règles du mandat, selon le renvoi
de l'art. 425 al. 2 CO (OSER/SCHÖNENBERGER, n. 20/21 ad art. 439 CO).

    En vertu de l'art. 398 al. 2 CO, l'intimée est responsable de la
bonne et fidèle exécution du mandat. Elle répond notamment de la remise en
main de l'expéditeur des lingots d'or qu'elle devait réexpédier. Pour se
libérer, elle doit établir qu'aucune faute ne lui est imputable (art. 97
CO), ni à ses auxiliaires (art. 101 CO). Or elle n'a pas rapporté cette
preuve. Au contraire, elle admet elle-même que le chauffeur Saladin,
son auxiliaire, a commis une faute. En effet, celui-ci n'a pas suivi
les instructions reçues, qui lui interdisaient de charger de l'or sans
l'ordre exprès du responsable du transport des valeurs et de laisser
sans surveillance son véhicule avec un chargement précieux. En outre,
il aurait dû fermer à clé la cabine du conducteur.

    Si elle admet la faute de son auxiliaire, l'intimée nie, en revanche,
la relation de cause à effet entre cette faute et le dommage. La
causalité naturelle est un point de fait, que la Cour cantonale a résolu
définitivement par l'affirmative. Le Tribunal fédéral ne peut revoir
que le caractère adéquat du lien causal, qui est une question de droit
(RO 83 II 411). Pour la trancher, il faut rechercher si, selon le cours
ordinaire des choses, l'absence de précautions de la part de l'intimée
était de nature à provoquer le dommage, c'est-à-dire si le préjudice
apparaissait comme possible selon une prévision objective. La solution
découle des mesures ordinairement prises: chargement de l'or seulement sur
l'ordre exprès d'un responsable, utilisation d'un véhicule spécial conduit
par un chauffeur et un aide armés, interdiction de laisser stationner la
voiture sans surveillance. Toutes ces précautions démontrent que l'intimée
estimait nécessaire de se prémunir contre le risque de vol. Celui-ci ne
sortait donc pas des prévisions raisonnables. Sans doute les vols d'or
étaient-ils moins fréquents à l'époque qu'aujourd'hui. Le risque n'en
existait pas moins. L'omission des mesures de sécurité prescrites était
propre à en faciliter la réalisation. Elle est dès lors en relation de
causalité adéquate avec le dommage et engage en principe la responsabilité
de l'intimée.

Erwägung 2

    2.- Le contrat passé avec l'UBS limite la responsabilité de l'intimée
à 72 fr. le kilo brut en se référant à la convention de Varsovie
(cf. art. 22 al. 2 et 4). Aux termes de l'art. 25 de cette convention,
"le transporteur n'aura pas le droit de se prévaloir des dispositions
... qui limitent sa responsabilité, si le dommage provient de son dol
ou d'une faute qui, d'après la loi du tribunal saisi, est considérée
comme équivalente au dol". Or le droit suisse assimile au dol la faute
grave commise par négligence (art. 100 al. 1 CO; cf. aussi art. 44 al.
2 CO). L'étendue de la responsabilité de l'intimée dépend donc du point
de savoir si la négligence retenue à sa charge est légère, comme l'a
admis la Cour cantonale, ou grave, comme le soutient la recourante.

    La jurisprudence définit la faute grave comme le comportement de celui
qui viole les règles les plus élémentaires de la prudence, négligeant
des précautions qui, dans les mêmes circonstances, se seraient imposées
à toute personne raisonnable (RO 64 II 241 et références citées). Selon
les faits constatés par la juridiction cantonale, qui lient le Tribunal
fédéral (art. 63 al. 2 OJ), les organes et les auxiliaires de Ritschard
ont commis trois sortes de manquements:

    a) La cause immédiate du vol réside dans le comportement du
chauffeur Saladin, qui a laissé la camionnette pendant 2 à 5 minutes sans
surveillance sur la voie publique, la cabine du conducteur n'étant pas
fermée à clé. Il lui eût été possible d'aviser de son arrivée le bureau
du rez-dechaussée, sans quitter son véhicule de vue, et d'attendre qu'un
autre employé vienne le surveiller, avant de s'en aller.

    b) Du moment que l'intimée utilisait aussi la camionnette pour
transporter de l'or, sans que le chauffeur fût accompagné, elle devait
munir cette voiture d'une fermeture sûre. Or la clé de contact, qui fermait
aussi la cabine, était d'un modèle usuel qu'on se procure facilement dans
n'importe quelle grande agence "Morris". La fermeture de la cabine était
donc insuffisante.

    c) Le bureau de Cornavin était habituellement avisé par téléphone
lorsque la camionnette quittait Cointrin avec un chargement d'or.
Cela permettait au personnel de l'agence d'attendre le véhicule
à son arrivée. La règle de l'avis n'était cependant pas suivie
rigoureusement. Elle ne fut pas appliquée le jour du vol.

    Ces manquements sont autant de négligences qui engagent la
responsabilité de l'intimée. Comme agent de transport professionnel,
qui se charge régulièrement de transporter des valeurs, elle devait en
effet prescrire à ses auxiliaires des mesures de sécurité adéquates et
veiller à leur application. De plus, l'UBS avait attiré son attention,
quelques mois auparavant, sur l'importance du risque de vol. Aucun des
faits relevés ne constitue toutefois une faute lourde assimilable au
dol. En effet, l'absence de fermeture spéciale n'aggravait le risque que
si Saladin quittait son véhicule, contrairement aux instructions reçues. La
passivité des agents du bureau de Cointrin est aussi une faute bénigne. Il
en va de même du comportement de Saladin. Le risque de voir des bandits
s'emparer non de l'or, qui était sous clé, mais de la camionnette, n'était
pas tel que tout homme raisonnable en eût certainement tenu compte. Le
véhicule n'a été abandonné que pendant quelques minutes. La clé de contact
avait été retirée. Le lieu de stationnement se trouvait en pleine ville,
sur une place particulièrement fréquentée à cette heure du jour, devant
les bureaux de l'agence donnant sur le trottoir à travers de grandes
vitrines. Le chargement précieux était occulte. Aucun vol d'une telle
audace n'avait encore été perpétré à Genève.

    Il est vrai que les fautes commises successivement dans chaque
opération ne doivent pas être appréciées isolément. Partageant l'exécution
de ses obligations entre plusieurs personnes, l'intimée répond du fait de
l'ensemble de ses auxiliaires, comme si elle avait fourni personnellement
toutes ses prestations. On ne saurait en effet se montrer moins rigoureux
en déterminant la responsabilité du débiteur qui recourt à de nombreux
auxiliaires pour accomplir ses prestations qu'en jugeant celle de l'obligé
qui s'en charge lui-même ou n'emploie qu'un seul auxiliaire.

    Prises dans leur ensemble, les négligences commises par les auxiliaires
de l'intimée ne constitueraient une faute grave que si elles révélaient
une insouciance complète des obligations souscrites. Tel n'est pas le
cas. Comme l'a relevé pertinemment la Cour cantonale, c'est un concours
de négligences banales qui, à la suite d'une attaque particulièrement
audacieuse et par cela même peu probable, a causé indirectement un dommage
très élevé. Loin de négliger les risques inhérents aux transports d'or,
l'intimée avait institué à cet effet un service spécial placé sous la
direction d'une personne qualifiée.

    Enfin, l'arrivée inopinée des lingots, dont l'intimée n'avait pas
été avisée, n'est pas étrangère à la façon dont le transport a été
improvisé par des employés subalternes, en l'absence du chef de service
qui d'habitude ordonnait les précautions.

    L'intimée n'ayant commis qu'une faute légère, sa responsabilité
est limitée au montant fixé dans les "conditions spéciales" convenues
avec l'UBS.

    Le recours principal est dès lors mal fondé.

Erwägung 3

    3.- A l'appui de son recours joint, l'intimée soutient que l'effet
subrogatoire du paiement opéré par l'assureur est régi en l'espèce par
le droit suisse. Elle entend remettre en discussion la jurisprudence
confirmée et précisée récemment, après nouvel examen, par l'arrêt
du 22 septembre 1959 dans la cause Swissair contre La Concorde SA
(RO 85 II 271 consid. 3), qui est approuvée par la doctrine dominante
(SCHÖNENBERGER/JÄGGI, Allgemeine Einleitung, n. 383). Suivant l'opinion
exprimée par KELLER (RSJ 1960 p. 65), elle prétend que l'existence d'un
concours de responsabilités aurait échappé au Tribunal fédéral. Pareille
assertion est erronée. Cela ressort notamment du consid. 3 c de l'arrêt,
qui mentionne les art. 50 et 51 CO. Loin d'ignorer le problème du concours
des responsabilités, le Tribunal fédéral a refusé d'appliquer la clé de
répartition des art. 50 et 51 CO, lorsque toutes les prétentions ne sont
pas soumises au droit suisse. Il a donc résolu la question en optant pour
le droit régissant le contrat d'assurance, en l'occurrence le droit belge,
qui institue entre les responsables un ordre différent du droit suisse. La
loi applicable au contrat d'assurance détermine le contenu de l'obligation
de l'assureur et l'effet du paiement de l'indemnité d'assurance au lésé.
L'intimée, pour qui le contrat est une res inter alios acta, ne saurait
être affectée par la solution que le droit étranger donne à ces questions.

    Quant aux objections formulées par la Cour cantonale - qui s'incline
toutefois devant la jurisprudence du Tribunal fédéral - elles relèvent
de la politique économique et sont étrangères à l'application du droit
international privé par le juge suisse.

    Les arguments avancés ne justifient donc pas un nouvel examen de la
question de principe résolue par l'arrêt Swissair. Conformément à cette
jurisprudence, on doit admettre le droit de recours de l'assureur La
Concorde SA contre l'agence de transports Ritschard.

    Selon l'arrêt Swissair, les règles du droit étranger instituant
un recours de l'assureur ne doivent pas aggraver la situation du
débiteur. Ainsi que l'a relevé avec pertinence la Cour cantonale, cette
réserve signifie que l'application de la loi étrangère ne saurait mettre
le débiteur dans une position moins favorable que si le lésé avait agi
directement contre lui. En l'espèce, l'intimée ne voit sa responsabilité
recherchée et admise que dans les limites de ses obligations envers
l'UBS. Partant, sa position n'est pas aggravée.

Erwägung 4

    4.- ...

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours principal, ainsi que le recours joint et confirme
l'arrêt attaqué.