Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 299



88 II 299

41. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 6 juillet 1962 dans la
cause Chardonnens et consorts contre La Zurich. Regeste

    Halter und berechtigter Lenker eines Motorfahrzeuges, die beide, der
eine obligatorisch, der andere freiwillig, bei der gleichen Gesellschaft
haftpflichtversichert sind. Tod des Lenkers und zweier Mitfahrer,
Verletzung des Sohnes des Lenkers.

    1.  Ansprüche gegenüber dem Versicherer (des Halters oder des Lenkers).

    -  Begriff der zivilrechtlichen Haftung.

    - Klausel der allgemeinen Bedingungen (AB), wonach die Ansprüche
bestimmter Verwandter des Versicherten von der Versicherung ausgeschlossen
sind.

    - Begriff des Geschädigten i.S. von Art. 37 Abs. 2 MFG (Erw. 3).

    2.  Berufung des Versicherers auf die Subrogation (gemäss Art. 72 VVG
und den AB) in die Rückgriffsrechte (Art. 51 Abs. 2 OR) des Halters gegen
den ebenfalls versicherten Lenker. Verhältnis von Art. 14 VVG zu den AB
unter dem Gesichtspunkt des Art. 98 VVG. Die Klausel, wonach "Ansprüche
des Ehegatten, sowie der Blutsverwandten in auf- und absteigender Linie"
ausgeschlossen sind, ist gleich auszulegen wie Art. 48 Abs. 3 MFG (Erw. 4).

    3.  Haftung der Erben für die Erbschaftsschulden. Begriff der
"offenkundigen" Zahlungsunfähigkeit des Erblassers im Zeitpunkt seines
Todes (Art. 566 Abs. 2 ZGB) (Erw. 5).

    4.  Vereinigung, Art. 118 OR. Identität der Schuld (Erw. 6 a).

    5.  Verrechnung, Art. 125 Abs. 2 OR. Verpflichtungen, deren
besondere Natur die tatsächliche Erfüllung an den Gläubiger verlangt
(Versorgerschaden, Heilungskosten) (Erw. 6 b).

Sachverhalt

    A.- 1) Le 22 décembre 1954, vers 18 h., Germain Chardonnens, conducteur
de trolleybus à Fribourg, emprunta la voiture du laitier Savary. Le
véhicule était en assez bon état, sauf les pneus. Accompagné de son
fils Bernard, de son gendre Léonard Introzzi et de son ami Roger Dévaud,
Germain Chardonnens se mit au volant et se rendit à Gletterens chez des
parents, pour y prendre livraison d'eau-de-vie. Au retour, sous une pluie
battante, vers 22 h. 45, la voiture fit une embardée, empiéta sur la
banquette de droite, puis sur la bordure de gauche, traversa une seconde
fois la chaussée et s'écrasa contre un arbre. Seul Bernard Chardonnens,
bien que blessé, survécut à l'accident. Aucune trace de dérapage ou de
freinage ne fut découverte sur la route.

    2) Le 13 août 1956, les hoirs de Germain Chardonnens requirent du
président du Tribunal de la Sarine la fixation d'un délai pour demander
le bénéfice d'inventaire. Leur requête fut rejetée le 27 août; la Cour
civile du Tribunal cantonal refusa, le 17 octobre, d'entrer en matière
sur un recours formé contre cette décision. Priée de se déterminer,
Marthe Chardonnens opta pour l'usufruit de la moitié de la succession de
son mari défunt.

    3) Germain Chardonnens et Roger Dévaud étaient assurés contre les
accidents auprès de la Caisse nationale, à Lucerne. Celle-ci prit en charge
le sinistre dans la mesure où il avait privé la veuve de Chardonnens et
ses enfants mineurs de leur soutien. Elle réduisit ses prestations de
10% en raison de la faute grave du conducteur (art. 98 al. 3 LAMA). Sa
décision fut confirmée en dernière instance par le Tribunal fédéral des
assurances. Elle accorda en outre des rentes de survivants aux hoirs
Dévaud et fut, de ce fait, subrogée dans leurs droits contre le détenteur
et son assureur.

    La Zurich, compagnie générale d'assurances, assurait Savary, en
sa qualité de détenteur responsable, et le conducteur du véhicule, à
concurrence de 50 000 fr. par victime et de 100 000 fr. par sinistre. Aux
termes de l'art. 3 litt. c des conditions générales, sont exclues de
l'assurance:

    "les réclamations du conjoint du détenteur, ainsi que celles de ses
ascendants et descendants; en outre, les réclamations formulées contre le
conducteur du véhicule par son conjoint et ses parents au degré précité.
Lorsque le détenteur est actionné par le conjoint du conducteur ou un
de ses parents au degré précité et que la Compagnie est tenue de verser
une indemnité, elle a un droit de recours contre le conducteur fautif;
il en est de même lorsque la Compagnie est actionnée directement;"

    Par accord avec la Caisse nationale et les hoirs Dévaud, La Zurich
versa 50 000 fr. en raison de la mort de Dévaud, somme répartie entre
les héritiers et la caisse. Une demande des premiers tendante au
paiement supplémentaire d'intérêts et des frais d'avocat fut rejetée
le 30 juillet 1959 par le Tribunal civil de l'arrondissement judiciaire
de la Sarine, qui les a en même temps déboutés d'une action intentée à
Savary et à la succession de Chardonnens pour le motif que le dommage
subi était entièrement couvert par les versements de La Zurich et
de la Caisse nationale. Le même jour encore, ce tribunal a également
rejeté une réclamation de Savary en tant qu'elle était dirigée contre
Marthe Chardonnens mais a condamné les enfants de celle-ci, Bernard et
Jacqueline, à payer au demandeur une somme de 2800 fr., élevée à 4000
fr. le 18 décembre 1961 par la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg.

    B.- Le 9 mars 1956, Marthe Chardonnens, son fils Bernard et sa
fille Jacqueline, actuellement dame Junta, ont assigné La Zurich, de par
l'art. 49 LA, en paiement des indemnités suivantes (après déduction des
rentes versées par la Caisse nationale):

    à Marthe Chardonnens, 8 347 fr. 25,

    à Bernard Chardonnens, 22 476 fr. 25,

    à Jacqueline Junta, 12 fr. 25, et, à tous, 9000 fr. à titre de
réparation du tort moral.

    Le même jour, Liliane Stucky, seconde fille de Germain Chardonnens et
veuve de Léonard Introzzi, a ouvert une seconde action contre La Zurich
en paiement de:

    48 857 fr. 75 à elle-même,

    55 170 fr. à son enfant Tristan Introzzi qu'elle représente légalement,
et

    8 000 fr. à tous deux, à titre de réparation morale.

    La Zurich a conclu au rejet des demandes; elle a réclamé
reconventionnellement aux héritiers du conducteur décédé 50 000 fr. payés
pour régler le cas Dévaud et le remboursement de ce qu'elle pourrait être
encore tenue de verser, notamment à l'enfant Introzzi. Elle a en outre
invoqué la compensation avec ce qu'elle leur doit.

    Les demandeurs ont conclu au rejet de la demande reconventionnelle;
ils s'opposent à la compensation.

    C.- Statuant en dernière instance le 18 décembre 1961, la Cour d'appel
du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rendu deux arrêts, bien
qu'elle ait joint les causes pour l'instruction. Modifiant les jugements
du 30 juillet 1959 du Tribunal civil de l'arrondissement judiciaire de
la Sarine, elle a

    -  rejeté les demandes de Marthe et Bernard Chardonnens, de Jacqueline
Junta et de Liliane Stucky,

    - admis celle de Tristan Introzzi à concurrence de 23 315 fr. en
capital,

    - condamné solidairement Bernard Chardonnens, Jacqueline Junta et
Liliane Stucky, héritiers de Germain Chardonnens, à rembourser à La Zurich:

    -  23 315 fr. versés à Tristan Introzzi,

    - une partie, fixée à 10 000 fr., de l'indemnité payée pour régler
le cas Dévaud (50 000 fr.).

    La Cour d'appel a en outre réservé les droits de La Zurich au
remboursement de sommes autres que celles qui sont en cause dans les deux
procès joints et jugés par elle.

    Ces arrêts sont motivés de manière identique:

    a) Sous l'empire d'une ivresse légère (1 é), Germain Chardonnens
circulait à très vive allure malgré de fortes bourrasques de neige et
de pluie. Il a complètement perdu la maîtrise du véhicule. Sa faute est
grave. La seule qui puisse être imputée au détenteur Savary, l'usure des
pneus, n'a joué aucun rôle dans l'accident; on n'a en effet constaté aucun
dérapage. Aussi, dans la mesure où elle tend à la réparation du dommage
consécutif au décès du conducteur, la première action doit être rejetée,
car la faute de ce dernier est opposable à ses héritiers, à ceux qu'il
soutenait et à sa famille moralement éprouvée.

    b) Le dommage subi directement par Bernard Chardonnens, fixé à
413 fr. 80, représente. des frais de traitement. Le lésé a avoué que
l'incapacité permanente de travail alléguée par lui n'existe pas.

    c) Tristan Introzzi a droit à une indemnité de 21 315 fr.  pour le
dommage matériel subi et à 2000 fr. à titre de réparation du tort moral.

    d) De par la clause 3 lettre c des conditions générales de l'assurance,
qui déroge licitement à l'art. 14 al. 1 à 3 LCA, La Zurich a, pour
cette somme, un droit de recours contre les trois enfants Chardonnens
qui, n'ayant pas répudié la succession, héritent de leur père, dont
l'insolvabilité n'était pas notoire (art. 566 al. 2 CC); elle peut
compenser cette prétention avec ce qu'elle leur doit comme assureur du
détenteur, car l'art. 125 ch. 2 CO ne s'applique pas.

    Pour cette raison, il est superflu de fixer la prétention de Liliane
Stucky, car la compensation éteint cette créance.

    Quant aux indemnités payées pour régler le cas Dévaud, le droit
de recours est régi par les art. 14 al. 2 LCA et 50 LA, le conducteur
Chardonnens étant assuré par le contrat passé avec le détenteur (RO 85 II
337). Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le recours est arrêté
au 20% des 50 000 fr. versés.

    D.- Les demandeurs et défendeurs reconventionnels recourent en réforme
auprès du Tribunal fédéral, dans la mesure où ils ont succombé. Bernard
Chardonnens, toutefois, ne réclame plus que 2820 fr. 25 pour le dommage
direct subi, sous réserve d'une incapacité éventuelle future.

    La Zurich propose le rejet des recours dans la mesure où ils sont
recevables.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Erwägung 3

    3.- Les recourants ne discutent pas les conséquences de la faute
grave du conducteur Germain Chardonnens sur leurs prétentions et le droit
de recours de l'intimée. Saisi régulièrement de la cause, le Tribunal
fédéral n'est toutefois pas lié par les motifs que les parties invoquent
(art. 63 al. 1 OJ); il recherche d'office, dans le cadre des conclusions,
si la décision attaquée repose sur une saine application du droit fédéral
(RO 85 II 613).

    a) La veuve du conducteur décédé, sa fille Jacqueline Junta et son
fils Bernard Chardonnens prétendent, les deux premières à la réparation
d'un dommage matériel, tous les trois à celle du tort moral causés par
le décès de leur mari et père Germain Chardonnens.

    Selon l'art. 2 des conditions générales, l'assurance (facultative)
s'étend à la responsabilité civile du conducteur autorisé. Par sa
nature, celle-ci couvre le seul dommage causé directement à des tiers,
non à l'assuré lui-même. Mais même si l'on admettait - à tort - que
les prétentions des recourants compètent à des "tiers", elles seraient
exclues de l'assurance en vertu de la clause contractuelle 3 litt. c,
étant formulées contre le conducteur par son conjoint et ses descendants.

    Certes, le détenteur est aussi responsable (art. 37 al. 6 LA et 37
al. 5 a contrario; RO 85 II 340 consid. 3). De par l'art. 37 al. 2 LA
toutefois, il est libéré s'il prouve que le dommage a été causé par une
faute grave du lésé sans que lui-même ou des personnes pour lesquelles
il est responsable aient commis de faute. En l'espèce, le lésé est
Germain Chardonnens, non les recourants (OSER SCHÖNENBERGER, ad art. 44
CO n. 17 et les arrêts cités; STREBEL, Commentaire de la loi fédérale
sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles, ad art. 37
LA n. 96; OFTINGER, 2e éd. I p. 142). Il a commis une faute grave, le
détenteur aucune.

    Il suit de là que l'action de Marthe Chardonnens et de Jacqueline
Junta, fondée uniquement sur le décès de leur mari et père, doit être
rejetée, ainsi que la demande de Bernard Chardonnens dans la mesure où
elle repose sur la même cause.

    b) Les prétentions de Bernard Chardonnens, injustifiées dans la mesure
où il les déduit de la mort de son père, existent en revanche en raison du
dommage qu'il a subi lui-même, directement, lors de l'accident (413 fr. 80
pour frais de traitement). Certes, on l'a vu, l'assurance du conducteur
n'intervient pas, car le demandeur est le fils de Germain Chardonnens
(art. 3 litt. c des conditions générales). En revanche, la faute grave de
son père, qui n'est - dans ce cas - ni le lésé, ni un tiers non autorisé
(art. 37 al. 5 et 6 LA), ne libère pas le détenteur. Bernard Chardonnens
a dès lors droit au remboursement des frais de traitement, seul dommage
reconnu par la Cour cantonale.

    c) Liliane Stucky et son fils Tristan Introzzi déduisent leurs
prétentions du décès de leur mari et père, Léonard Introzzi.

    La somme allouée au second est définitive (23 315 fr.), car le recours
ne motive pas la conclusion tendante au paiement de 55 170 fr.

    Les prétentions de la première sont fondées en principe, ainsi que
l'admet l'arrêt attaqué. La décision sur le droit de recours de l'intimée
et la compensation déterminera si la cause doit être renvoyée à la Cour
cantonale pour qu'elle fixe le montant des créances de Liliane Stucky.

Erwägung 4

    4.- a) L'art. 72 de la loi sur le contrat d'assurance, repris en
partie par l'art. 20 des conditions générales, vise l'assurance contre les
dommages (art. 96 LCA) et s'applique à l'assurance responsabilité civile
(RO 62 II 181). De par cette disposition, les prétentions que l'ayant
droit peut avoir contre des tiers en raison d'actes illicites passent à
l'assureur jusqu'à concurrence de l'indemnité payée, sauf si le dommage
est dû à une faute légère d'une personne qui fait ménage commun avec
l'ayant droit ou des actes de laquelle celui-ci répond.

    L'assureur ne peut être subrogé dans les droits du lésé qui n'est
pas l'ayant droit (RO 85 II 341). Il l'est dans ceux du détenteur,
obligatoirement assuré pour sa responsabilité causale fondée sur l'art. 37
LA. (Il n'est pas ici nécessaire de se demander s'il l'est aussi dans
ceux du conducteur autorisé, dont il couvre - facultativement - la
responsabilité aquilienne, car celui-ci n'a, en l'espèce, aucun droit
contre personne.)

    La prétention du détenteur, preneur et ayant droit, dans laquelle
l'assureur est subrogé, c'est le recours fondé sur la responsabilité civile
ordinaire du conducteur (respectivement de sa succession; art. 51 al. 2
CO et 41 al. 2 LA). Cette responsabilité fait l'objet d'une assurance
facultative pour le compte d'autrui auprès du même assureur (art. 16 et
17 LCA et 112 CO; art. 2 des conditions générales). Celle-ci confère à
l'assuré un droit propre. Lorsque le conducteur le fait valoir, l'art. 14
LCA s'applique en principe. Si l'al. 4 de cette disposition est de droit
impératif dans le sens de l'art. 98 de la loi, les conditions générales
peuvent en revanche en modifier valablement les al. 1 à 3. Cette faculté
a été utilisée à l'art. 3 litt. c des conditions générales, qui déroge à
l'art. 14 al. 2 LCA. Cette dernière règle permet à l'assureur de réduire
sa prestation dans la mesure répondant au degré de la faute grave du
preneur ou de l'ayant droit (cf., pour le détenteur, l'art. 50 al. 2
LA). La convention, au contraire, supprime toute prestation lorsque le
détenteur est actionné par le conjoint du conducteur, ses ascendants ou
ses descendants et que la compagnie est tenue de verser une indemnité;
elle a pour effet, dans cette hypothèse, de priver le conducteur assuré
(ou ses héritiers) du bénéfice de l'assurance. Visant à assimiler le cas
du conducteur à celui du détenteur, cette réglementation est équitable;
le conjoint et les descendants du détenteur n'ont aucune action, même
en l'absence d'une faute du détenteur (art. 48 al. 3 LA; art. 3 litt. c
init. des conditions générales); il serait paradoxal que les proches
du conducteur qui a causé le sinistre par sa faute lourde fussent mieux
traités, d'autant plus que le détenteur a payé les primes de l'assurance
facultative.

    Vu son but, il est normal toutefois que la règle conventionnelle
s'interprète comme la disposition parallèle de la loi relative à
l'assurance obligatoire du détenteur; celle-ci d'ailleurs, reprise à la
clause 3 litt. c, y est liée à l'exclusion des réclamations des proches
du conducteur ("en outre", dit la convention). Il est dès lors naturel
que l'expression de "réclamation du conjoint, des ascendants et des
descendants", utilisée par la clause à trois reprises, y revête toujours
un contenu identique et, de plus, conforme à l'art. 48 al. 3 LA. Or, dans
cette disposition légale, elle s'entend du cas où les personnes visées
sont sinistrées; sont exclues de l'assurance les réclamations fondées sur
le décès d'un proche ou sur l'atteinte à l'intégrité corporelle subie par
lui (STREBEL, ad art. 48 n. 81; OFTINGER, 1e éd., II p. 986; v. 2e éd.,
II 2 p. 723/724; cf. les dispositions, fondées sur des motifs analogues,
des art. 37 al. 4 et 55 al. 3 LA). On ne saurait déduire en l'espèce du
silence du recours des demandeurs, étrangers à la conclusion du contrat
d'assurance, que les parties auraient donné à une phrase de la convention
une portée différente de celle de l'art. 48 al. 3 LA et de l'ensemble de
la clause dans laquelle cette phrase est insérée.

    Si le conducteur succombait sur le recours de l'assureur, il pourrait
se retourner contre ce dernier comme assuré pour la même responsabilité. Il
convient donc de n'accorder à l'assureur, lorsque la clause 3 litt. c ne
s'applique pas, qu'un recours limité en raison de l'art. 14 LCA.

    b) Ces principes s'appliquent comme suit à l'espèce:

    Pour le règlement des conséquences de la mort de Dévaud, la prétention
du conducteur contre son assurance doit être réduite en vertu de l'art. 14
al. 2 LCA, vu la faute grave du premier. Cette opération faite, la Cour
cantonale a estimé le solde de la créance dû à l'intimée, une fois la
compensation effectuée, au 20% de la prétention issue du droit de recours,
soit à 10 000 fr. Cette décision n'est pas critiquée; on ne voit pas de
motifs de la modifier.

    L'action de Bernard Chardonnens a été admise contre le détenteur par
413 fr. 80. Comme il est à la fois le sinistré et le fils du conducteur
lourdement fautif, le recours de l'intimée porte sur toute la somme
allouée, de par l'art. 3 litt. c des conditions générales.

    Se fondant sur la convention, la Cour cantonale a admis en plein
le recours visant les indemnités allouées à Liliane Stucky et Tristan
Introzzi, descendants du conducteur. Léonard Introzzi toutefois,
le sinistré, n'était pas un parent du conducteur au degré visé par
la clause contractuelle. Or seuls comptent, on l'a vu, les liens de
famille du sinistré (et non ceux des personnes qui ont subi un dommage
en raison de son décès). Il suit de là que la loi règle ce cas et que
l'art. 14 al. 2 LCA s'applique. Aussi la cause doitelle être renvoyée
à la Cour cantonale pour qu'elle fixe la quotité du droit de recours de
l'intimée en raison des indemnités versées à Tristan Introzzi et à Liliane
Stucky, selon les critères valables pour le cas - identique - du décès
de Dévaud. Par voie de conséquence (v. consid. 3 litt. c i.f.), la Cour
cantonale établira le montant de l'indemnité allouée à Liliane Stucky;
il différera nécessairement de la réclamation de l'intimée opposable en
compensation, réclamation dont le montant dépend lui-même de la prétention
de dame Stucky.

Erwägung 5

    5.- Les recourants Bernard Chardonnens, Liliane Stucky et Jacqueline
Junta soutiennent, principalement, qu'ils ne sont pas les héritiers
de Germain Chardonnens, vu l'insolvabilité notoire de la succession,
et que, dès lors, ils ne sont pas les débiteurs solidaires de l'intimée
(art. 603 CC).

    De par l'art. 566 al. 2 CC, la succession est censée répudiée lorsque
l'insolvabilité du défunt était notoire ou officiellement constatée à
l'époque du décès.

    a) On peut se demander si la requête de bénéfice d'inventaire du
13 août 1956, comme celle tendant à la liquidation officielle (RO 50
II 452), ne détruit pas, en raison de ses effets et des possibilités
qu'elle ouvre aux héritiers (art. 588 CC), la présomption instituée par
cette règle légale. Cette question peut toutefois rester indécise, car
les conditions légales de l'art. 566 al. 2 CC ne sont en tout cas pas
réalisées en l'espèce.

    b) Quelque conception qu'on ait de la notoriété et de l'insolvabilité
(ESCHER, ad art. 566 n. 16; TUOR/PICENONI, ad art. 566 CC n. 10 et les
citations, notamment l'arrêt du Tribunal fédéral rendu le 23 octobre 1953
en la cause Bruderer c. Diem: Blätter für zürcherische Rechtsprechung,
1953 p. 346), il est à tout le moins nécessaire, faute de constatation
officielle, que la seconde soit connue des héritiers. Il ne suffit
pas qu'elle existe. La présomption se fonde en effet sur l'idée que la
répudiation s'impose aux héritiers lorsqu'ils savent la succession obérée
au-delà de ses forces. Selon le texte même de la loi, cette connaissance
doit exister à l'époque du décès; cela s'explique d'ailleurs en partie
par le fait que la décision doit intervenir dans les trois mois (art. 567
al. 1 CC). On ne saurait présumer rétroactivement une répudiation lorsque
l'insolvabilité ne se révèle que plus tard; ce serait en effet limiter
automatiquement la responsabilité des héritiers intra vires successionis;
on bouleverserait par ce détour les règles de la dévolution et l'on
créerait une insécurité durable pour les créanciers.

    En l'espèce, les hoirs de Germain Chardonnens conviennent qu'ils ne
voyaient, à l'époque du décès, aucun motif de répudiation (recours p. 9).
Leur aveu est confirmé par la requête tendante à la restitution du délai
pour demander le bénéfice d'inventaire qu'ils ont présentée le 13 août
1956, les procès leur ayant révélé, un an après le décès, l'état réel de
la succession. Ils ne sauraient dès lors prétendre que la répudiation
fût présumée. Cette solution n'est pas inéquitable. Vu les circonstances
et les conséquences de l'accident, les recourants pouvaient aisément
s'attendre que la responsabilité du conducteur fût mise en cause. Or la
loi donne à l'héritier assez de moyens, relativement simples, de limiter
ou supprimer sa responsabilité du fait de la dévolution.

Erwägung 6

    6.- Bernard Chardonnens et Liliane Stucky sont hééritiers de Germain
Chardonnens. Ils répondent solidairement des dettes de la succession. Aussi
l'intimée opposet-elle à leurs créances la compensation avec son droit
de recours contre le conducteur décédé.

    a) Une obligation s'éteint par confusion lorsque les qualités de
créancier et de débiteur se trouvent réunies dans la même personne
(art. 118 CO). Le tribunal doit d'abord rechercher si cette disposition
s'applique, car la confusion rendrait superflue une déclaration de
compensation.

    Ce mode d'extinction des obligations présuppose en premier lieu
l'identité de la dette. Les créances de Bernard Chardonnens et de
Liliane Stucky sont toutes deux dirigées contre le détenteur Savary et se
fondent sur la responsabilité causale issue du risque créé par la mise en
circulation d'un véhicule automobile. Celle de l'intimée a pour cause la
prétention propre du détenteur contre le conducteur fautif, dans laquelle
l'assureur est subrogé de par la loi ou la convention (art. 51 al. 2 CO),
soit en dernière analyse la responsabilité aquilienne de celui qui commet
un acte illicite.

    Il suit de là qu'il n'y a pas confusion.

    b) De par l'art. 125 ch. 2 CO, ne peuvent être éteintes par
compensation contre la volonté du créancier les créances dont la nature
spéciale exige le paiement effectif entre les mains du créancier, "telles
que des aliments et le salaire absolument nécessaire à l'entretien du
débiteur et de sa famille" (wie Unterhaltsansprüche und Lohnguthaben, die
zum Unterhalt des Gläubigers und seiner Familie unbedingt erforderlich
sind). Cette disposition ne vise certainement pas l'indemnité à titre
de réparation du tort moral à laquelle a droit dame Stucky. Les autres
créances susceptibles d'être compensées par l'intimée concernent la perte
de soutien subie par cette recourante et les frais de traitement engagés
par Bernard Chardonnens. Ces deux sortes de prétentions, issues des art. 45
et 46 CO (art. 41 al. 1 LA), constituent des "Unterhaltsansprüche" (OSER
SCHÖNENBERGER, ad art. 125 CO n. 6: Erhaltung und Pflege des Körpers).

    On peut disputer de la divergence existant entre les textes allemand
et français ou italien de la règle citée. Celle-ci prévoit une exception
au principe de la compensation. L'exception, ou du moins les exemples
que la loi en donne, repose sur la considération de politique sociale
que le créancier économiquement faible doit recevoir effectivement
les prestations qui lui sont nécessaires (RO 35 II 691). Aussi bien, à
quelque exégèse que l'on se livre, l'exigence de nécessité vise les deux
exemples cités. Si l'on s'en tient aux textes français et italien, on
constate que la notion d'aliments implique ce qui est nécessaire (EGGER,
ad art. 328 CC n. 13), au contraire du terme technique d'entretien, qui
couvre toutes les dépenses que comporte une existence normale conforme
à la situation sociale du créancier. Si l'on prend le texte allemand, la
ratio legis exige que la nécessité existe tant pour les frais d'entretien
que pour les salaires (BECKER, ad art. 125 CO n. 7; VON TUHR/SIEGWART,
p. 6434, note 76; contra: OSER/SCHÖNENBERGER, ad art. 125 CO n. 6). Sans
doute, l'ancien art. 132 al. 2 CO ne contenait-il pas de restriction;
mais il utilisait le terme d'"Alimente", dont on vient de voir qu'il vise
seulement ce qui est nécessaire.

    La portée de la règle est confirmée en l'espèce par deux arguments
spéciaux. En premier lieu, l'indemnité pour perte de soutien est
assimilable dans la pratique à une créance de salaire, pour laquelle
l'exigence de la nécessité est patente; le soutien est en effet
une prestation périodique qui obvie, comme l'indemnité en raison de
l'insolvabilité, à l'absence de gain et se prélève d'ordinaire, dans les
classes peu aisées, sur le salaire de la personne qui l'octroie. En second
lieu, l'indemnité pour frais de guérison, si elle ne peut être assimilée
à un salaire, compète en l'espèce à un descendant du conducteur fautif
au sens de l'art. 3 litt. c des conditions générales de l'assurance.
Or l'action récursoire de l'assureur tend à placer ce dernier dans la
même situation juridique que si le conducteur avait été en même temps
le détenteur du véhicule. Si Germain Chardonnens avait conduit son
propre véhicule, et non une voiture empruntée, toute action de Bernard
Chardonnens contre l'assureur eût été exclue de par la première phrase de
cette clause contractuelle, licite en raison de l'art. 48 al. 3 LA. Il
serait dès lors choquant de refuser dans le cas contraire à l'assureur
le droit de compenser.

    Il suit de là que si l'art. 125 ch. 2 CO s'applique, encore faut-il
que les bénéficiaires de cette règle exceptionnelle démontrent que leurs
créances leur sont absolument nécessaires. L'arrêt attaqué constate
souverainement que les recourants n'ont même pas tenté d'établir que
les conditions légales étaient réalisées et se sont bornés à invoquer la
disposition précitée. En conséquence, ils doivent se laisser opposer la
compensation. Leur droit de recours contre leurs cohéritiers est réservé.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .