Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 191



88 II 191

31. Extrait de l'arrêt de la le Cour civile du 15 mai 1962 dans la cause
Morel contre Schatzmann. Regeste

    Darlehen; Stellvertretung.

    1.  Die direkte Stellvertretung setzt die Vertretungsmacht und den
Willen des Vertreters voraus, als solcher zu handeln (Erw. 3 u. 4).

    2.  Anwendbares Recht in Bezug auf diese beiden Voraussetzungen
der Stellvertretung, auf das Rechtsverhältnis zwischen Vertreter und
Vertretenem und auf den Darlehensvertrag (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Par contrat écrit du 11 février 1952, la Société suisse africaine
de placements SA à Tanger (ci-après la Société) a prêté à Greta Schatzmann
la somme de 70 000 fr. suisses, pour une durée de trois ans et au taux de
8%, pour lui permettre de reprendre un établissement public à Genève. Les
parties déclarèrent soumettre leurs différends éventuels à la juridiction
ordinaire genevoise et le prêteur faisait élection de domicile à Genève
pour l'exécution du contrat. Les modalités du remboursement étaient fixées;
la Société, toutefois, ne l'a jamais exigé. Selon une quittance non datée,
mais signée, Greta Schatzmann a reconnu avoir reçu la somme prêtée.

    B.- Jean Morel, à Valençay (département français de l'Indre),
légataire universel de feu Paul-Louis-Marie Archambault Bosson de
Talleyrand-Périgord, Duc de Talleyrand et de Valençay, Prince de Sagan, a
assigné Greta Schatzmann en remboursement du prêt. Il a fondé sa prétention
sur le fait que la Société aurait agi en qualité de représentant de son
père, décédé le 19 mai 1952.

    Par arrêt du 12 janvier 1962, la Cour de justice de Genève a confirmé
un jugement du Tribunal de première instance qui rejetait la demande. A
son avis, Talleyrand est à l'origine du prêt; il voulait manifester
sa reconnaissance à la défenderesse. Celle-ci a du reste écrit au
mandataire du demandeur, le 30 avril 1958, une lettre qui étaye cette
opinion. Mais rien, en revanche, ne permet d'admettre que la Société
aurait agi comme représentant direct du duc. Celui-ci au contraire, selon
le demandeur lui-même, n'entendait pas que les fonds provinssent de son
propre patrimoine. Aussi la défenderesse est-elle obligée à l'égard de
la Société.

    C.- Morel recourt en réforme auprès du Tribunal fédéral contre cet
arrêt. L'intimée conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La Cour doit d'abord rechercher si la Société a prêté en qualité
de représentant de Talleyrand. Dans la négative, il est superflu de se
demander en outre si le recourant est l'ayant cause du duc et si le prêt
était en réalité une donation, comme le prétend l'intimée.

Erwägung 2

    2.- a) Le droit suisse s'applique au contrat de prêt (Hauptvertrag). Ce
dernier contient une clause de prorogation de for en faveur de la
juridiction genevoise qui crée une présomption de la volonté des
contractants de soumettre leurs différends éventuels au droit suisse
(SCHÖNENBERGER/JÄGGI, Allgemeine Einleitung, no 203). Cette présomption
est confirmée par divers indices. Le prêteur a élu domicile à Genève
pour l'exécution du contrat; c'est dans cette ville que les fonds ont
été remis et que le prêt devait être remboursé.

    Il ne s'ensuit pas nécessairement que le droit suisse s'applique aussi
à l'essentiel du présent litige, savoir si le prêt a obligé Talleyrand
en vertu d'une représentation directe. Sans doute la jurisprudence
actuelle, rompant avec le système dit de la coupure générale, admet que
les conditions de la perfection du contrat et ses effets sont régis par
une seule et même loi (RO 78 II 86; 79 II 297; 82 II 552; 85 II 452). Il
est toutefois des exceptions, par exemple la capacité civile et la forme
des actes juridiques. Le premier arrêt cité réserve d'autres cas encore,
au nombre desquels il faut compter la représentation.

    Le pouvoir de représentation se fonde sur la loi (puissance
paternelle), sur une décision judiciaire ou administrative (tutelle)
ou sur la volonté des parties (mandat, contrat de travail, de société,
d'agence). Les relations ainsi créées ont en droit international privé
leur statut propre. Que le contrat principal (ici le contrat de prêt)
contienne une élection de droit ne change rien au rapport entre le
représentant et le représenté (RO 40 II 493; SCHÖNENBERGER/JÄGGI, ibidem
nos 154 et 225 in fine; PATRY, A propos de la représentation en droit
international privé, Semaine judiciaire, 1954, p. 377). En l'espèce,
les obligations respectives de la Société et de Talleyrand ne sont pas
en cause, mais bien celles de l'intimée à l'égard de l'auteur du recourant.

    b) La représentation directe suppose le pouvoir de représenter et la
volonté du représentant d'agir comme tel.

    Le premier élément est régi par le droit du domicile du représenté
(RO 46 II 494, 76 I 349; SCHÖNENBERGER/JÄGGI, ibidem, nos 156 sv.),
en l'espèce le droit français.

    Il y a controverse sur le droit applicable aux effets (Tragweite,
Umfang) des pouvoirs, soit à la mesure dans laquelle le représenté
acquiert des droits et s'oblige en raison d'un acte du représentant
(SCHÖNENBERGER/JÄGGI, ibidem, nos 159 sv.). Selon la jurisprudence, la
question est régie par la loi du lieu où les pouvoirs produisent leurs
effets (RO 42 II 650; 46 II 494 et, de façon expresse, 49 II 73). En
l'espèce, c'est à Genève que le contrat de prêt a été passé et que les
prétendus pouvoirs auraient été exercés.

    En conclusion, le droit suisse s'applique aux effets de la
représentation et le droit français à l'existence du pouvoir de
représenter. De par l'art. 65 OJ, la Cour de céans appliquera elle-même
le droit étranger.

Erwägung 3

    3.- La collation d'un pouvoir de représentation est essentielle en
droit français comme en droit suisse (RIPERT-BOULANGER, Traité de droit
civil, Paris 1957, II p. 94). D'après l'arrêt attaqué, il est exact
que Talleyrand est à l'origine du prêt; mais il résulte des propres
déclarations du demandeur et recourant que Talleyrand a tenu à ce que les
fonds prêtés ne provinssent pas directement de son propre patrimoine. Il
s'ensuit que la Société n'a pu agir que comme représentant indirect. Faute
de cession, son mandant n'a acquis aucun droit contre l'intimée.

Erwägung 4

    4.- La procuration ne confère que le pouvoir de représenter. Même si
la Société avait eu cette faculté en l'espèce, encore eût-il fallu qu'elle
en fît usage, qu'elle eût voulu diriger les effets du contrat de prêt sur
le représenté, qu'elle eût agi non seulement pour le compte de Talleyrand,
mais encore en son nom.

    D'après l'arrêt attaqué, l'intention des parties était que les fonds
ne provinssent pas du patrimoine de Talleyrand. Ce fait exclut toute
volonté du représentant d'engager le représenté.

    Certes, selon le droit suisse applicable sur ce point, l'intention n'a
pas besoin d'être manifeste. De par l'art. 32 al. 2 CO, il suffit que le
cocontractant ait dû inférer des circonstances qu'il existait un rapport
de représentation ou qu'il lui ait été indifférent de traiter avec le
représentant ou le représenté. Mais cette dérogation au principe de la
publicité généralement admis (notamment en droit allemand et en droit
français: ENNECCERUS-NIPPERDEY, 15e éd. 2/I p. 1091: STAUDINGER-COING
11e éd., ad § 164, no 5; RIPERT-BOULANGER, ibidem p. 92) ne vise que la
manifestation de la volonté de traiter comme représentant et ne tend qu'à
assurer la preuve nécessaire à la sécurité des transactions (SCHLOSSMANN,
Die Lehre der Stellvertretung, Leipzig 1900-1902, II p. 97 et passim).

    En conséquence, n'ayant pas eu l'intention d'agir au nom de Talleyrand,
la Société s'est obligée elle-même et exerce seule les droits issus
du contrat de prêt. Il n'est pas nécessaire de rechercher d'office si
l'art. 401 CO est applicable. Le demandeur, en effet, n'a pas allégué
ni tenté d'établir que les conditions de cette disposition seraient
réalisées en l'espèce. Il n'a pas dit notamment, ni prouvé, que son
auteur aurait rempli ses obligations à l'égard de la Société. Quant au
fait qu'il possède une quittance et un exemplaire du contrat, le juge du
fait a souverainement apprécié ces indices (art. 63 al. 2 OJ) et leur a
dénié une valeur probante.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours.