Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 10



88 II 10

3. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 février 1962 dans la cause Pauli
contre la Patinoire artificielle du Val-de-Travers. Regeste

    Nachbarrecht. Art. 684 ZGB.

    1.  Die frühere Benutzungsart oder die Voraussehbarkeit einer
übermässigen Einwirkung verschafft demjenigen, der sein Eigentumsrecht
überschreitet, kein besseres Recht (Erw. 1a).

    2.  Der von einem allfälligen Schaden bedrohte Eigentümer
braucht dessen Eintritt nicht vorzubeugen durch Teilnahme an einem
Administrativverfahren oder durch Erhebung einer gerichtlichen Klage
(Erw. 1b).

    3.  Merkmale der Eigentumsüberschreitung: Sachliche Prüfung, örtliche
Verhältnisse, Abwägung der bestehenden Interessen (Erw. 2 a).

    4.  Anwendung im Fall einer Kunsteisbahn: Musik, Ausebnen des Eises,
Hockeywettspiele (Erw. 2 b, c).

Sachverhalt

    A.- En 1956, Ernest Pauli a acheté un terrain situé à Fleurier, entre
la route qui mène de Neuchâtel à Pontarlier et un étang qui formait en
hiver une patinoire naturelle. La même année, il édifia sur ce fonds une
maison familiale, dont les fenêtres s'ouvrent sur la route.

    En 1958, la société coopérative "Patinoire artificielle du
Val-de-Travers" construisit à peu près sur l'emplacement de l'étang une
patinoire artificielle, réalisant ainsi un projet que la population du
village connaissait déjà depuis 1956. En 1959, des tribunes complétèrent
l'installation. Actuellement, la patinoire est exploitée à partir de la
mi-automne jusqu'à la fin de l'hiver, soit pendant quatre ou cinq mois de
suite. Une musique, amplifiée par des haut-parleurs, y retentit du matin
jusqu'à 22 heures. Chaque matinée, la glace est balayée et rabotée au
moyen d'un tracteur. C'est également sur cette patinoire que l'équipe de
hockey de la localité dispute ses matches, une vingtaine par saison. Ces
manifestations se terminent en général à 22 heures et certaines n'attirent
qu'une cinquantaine de spectateurs.

    Pauli ne s'était pas opposé par la voie administrative ou judiciaire
à l'établissement de la patinoire. En revanche, il avait adressé au
Conseil communal de Fleurier, au sujet de l'aménagement des tribunes, une
opposition qui fut déclarée irrecevable. Une fois la patinoire inaugurée,
il ne tarda pas à se plaindre du bruit qui s'en dégageait. Bien que les
haut-parleurs aient été déplacés à sa demande, il ne se tint pas pour
satisfait et formula diverses exigences qui furent repoussées.

    B.- Reprochant à la société coopérative d'excéder son droit de
propriété au sens de l'art. 684 CC, il a intenté contre elle le 20 novembre
1959, devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, une action tendante à
la suppression des inconvénients qui résultent de l'exploitation de la
patinoire et, subsidiairement, au paiement d'une indemnité de 15 000
fr. Il se déclarait prêt à renoncer à ces prétentions s'il parvenait à
vendre sa propriété au prix de revient.

    Le 2 octobre 1961, le tribunal saisi a rejeté la demande.

    C.- Pauli recourt en réforme contre ce jugement.

    L'intimée conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Constatant que le recourant connaissait vraisemblablement les
projets de construction d'une patinoire artificielle au moment où il a
décidé de bâtir sa maison et qu'au surplus, il ne s'est pas opposé par la
voie administrative ou judiciaire aux premières installations entreprises
par l'intimée, la Cour cantonale en déduit qu'il ne saurait exiger le
rétablissement du statu quo ante. Cette manière de voir est erronée.

    a) En premier lieu, de licite qu'il était, l'usage d'une propriété
peut devenir illicite. Par exemple, celui qui exerce une industrie
bruyante sur un fonds entouré de terrains vagues, agit licitement. Mais
si les propriétaires de ces terrains y élèvent des maisons d'habitation,
l'exploitation qui était jusqu'alors licite peut apparaître illicite
(RO 40 II 448 s., 44 II 471 s., 51 II 399 s., 55 II 247; HAAB, 2e éd.,
note 19 ad art. 684 CC; LEEMANN, 2e éd., notes 17 à 20 ad art. 684 CC;
OFTINGER, Lärmbekämpfung als Aufgabe des Rechts, p. 19, Entwicklungen im
Recht der Lärmbekämpfung, RSJ vol. 55 p. 102). Il est sans importance que
les propriétaires lésés n'aient pas ignoré les inconvénients auxquels
ils s'exposaient en bâtissant; ils n'en conservent pas moins le droit
d'utiliser normalement leurs fonds (RO 40 II 448; LEEMANN, note 18 ad
art. 684 CC). Il est même indifférent qu'au moment où ils ont acquis ces
derniers, l'usage devenu gênant eût déjà commencé. L'usage antérieur ne
crée pas un droit préférable. Certes, ce principe souffre des exceptions,
notamment si l'usage le plus ancien a attribué à un quartier un caractère
qui subsiste (RO 40 I 455 s., 83 II 391 s.), ou si le voisin qui se plaint
a renoncé expressément ou implicitement à se prévaloir de l'art. 684 CC
(LEEMANN, note 18 ad art. 684 CC), ou encore lorsqu'il a modifié par son
seul fait la nature des lieux (RO 40 II 449, 44 II 471 s.). En outre,
pour des raisons d'équité, on peut tenir compte de l'antériorité d'usage
dans la fixation des dommages-intérêts (LEEMANN, note 20 ad art. 684 CC).

    Il s'ensuit qu'en principe, même s'il avait acheté son terrain
et édifié sa maison après l'installation de la patinoire, le recourant
n'aurait pas perdu le droit d'invoquer l'art. 684 CC. A plus forte raison,
il n'est pas privé de ce droit pour avoir été plus ou moins au courant
des projets de l'intimée quand il s'est établi, avant la création de
la patinoire, à l'endroit où il habite actuellement. De plus, on ne
se trouve pas dans une des hypothèses qui autorisent une dérogation à
la règle. La simple perspective qu'une patinoire sera aménagée dans un
quartier, n'en change pas le caractère. En outre, en acquérant un terrain
et en y construisant une maison à proximité de la future patinoire,
le recourant n'a pas renoncé à tirer argument des inconvénients qui
résulteraient de cette dernière et dont il ne pouvait encore se rendre
compte exactement. Enfin, ce n'est pas lui qui a transformé la nature
des lieux; il n'a fait qu'élever une maison à côté de toutes celles qui
existaient déjà.

    b) En second lieu, le propriétaire menacé d'un dommage éventuel n'est
pas tenu de le prévenir en participant à une procédure administrative
ou en intentant une action en justice. Sa passivité ne l'empêche pas de
réclamer ultérieurement la suppression du préjudice ou sa réparation.
Tout au plus faut-il réserver le cas où son attitude peut être interprétée
comme une renonciation ou se révèle fautive (RO 56 II 362).

    Dès lors, on ne saurait reprocher au recourant de ne s'être pas
opposé à l'installation de la patinoire par la voie administrative ou
judiciaire. Il n'est en outre question ni d'une renonciation ni d'une
faute de sa part. En protestant sans retard contre les bruits qui émanent
de la patinoire, il a manifesté au contraire clairement l'intention de
ne pas abandonner ses droits. Au surplus, il n'a pas commis une faute
en ne s'efforçant pas d'éviter un dommage futur dont l'étendue, sinon
l'existence, était problématique. Il est d'ailleurs douteux que la voie
administrative ait été ouverte à cet effet au recourant, son opposition
à l'aménagement des tribunes ayant été déclarée irrecevable.

Erwägung 2

    2.- De par l'art. 684 CC, le propriétaire doit s'abstenir de tout
excès au détriment de la propriété de ses voisins. Nul ne conteste qu'il
incombe à celui qui se plaint d'un excès d'en établir la réalité.

    a) Pour statuer sur l'existence d'un excès, le juge se place à un point
de vue objectif. Sans attribuer une importance décisive aux mesures en
phones ou en décibels (RO 83 II 392), il tient compte des impressions d'un
homme normal, faisant ainsi abstraction des doléances d'un hypersensible et
de l'absence de réactions d'un être dépourvu de toute sensibilité (RO 65
II 158, 79 I 205, 79 II 54, 84 II 90; RSJ vol. 11 p. 197, vol. 53 p. 141;
RSJB vol. 55 p. 94). C'est avec raison que la juridiction cantonale ne
s'est pas fondée sur les déclarations de l'épouse du recourant. Selon le
jugement attaqué, il s'agit d'une malade du goitre, hypersensible, très
nerveuse, qui a pris en grippe la patinoire et tout ce qui s'y passe.
Lié par ces constatations souveraines (art. 63 al. 2 OJ), le Tribunal
fédéral n'a pas à se demander si elles concordent fidèlement avec la
déposition du médecin de dame Pauli.

    La notion d'excès varie selon l'usage local, la situation des immeubles
et leur nature. Dans le cas particulier, la maison du recourant est sise
dans un quartier d'habitation que ne trouble aucune entreprise bruyante,
sauf la patinoire. Bien que la propriété du recourant borde une voie de
grand trafic, il n'est pas vraisemblable que les émanations de la rue
couvrent du matin au soir celles de la patinoire. D'ailleurs, s'il se
peut qu'au passage de certains véhicules, le bruit de la patinoire ne
s'entende plus chez les époux Pauli, il n'est pas supprimé pour autant,
mais s'ajoute simplement à d'autres. Il ne cesse donc d'irriter qu'en
apparence; en réalité, il continue d'affecter, fût-ce à leur insu,
ceux qui y sont sensibles (RO 59 II 135, 83 II 392; RSJ vol. 49 p. 229,
vol. 53 p. 330; BlZR vol. 57 p. 331; RSJB vol. 75 p. 146, 89 p. 232;
OFTINGER, Lärmbekämpfung ... p. 24, Entwicklungen ... p. 102).

    Dans son examen, le juge compare les intérêts en présence, ceux du
propriétaire qui est accusé d'abuser de son droit, et ceux des voisins qui
se plaignent d'un excès (RO 40 II 30 et 450, 45 II 406 s., 51 II 402, 55 II
247, 59 II 135 s., 79 I 206, 83 II 383 et 393; HAAB, note 18 ad art. 684
CC; LEEMANN, notes 24, 30 et 31 ad art. 684 CC). Mais cela ne signifie
pas qu'en raison de son but d'intérêt général, à savoir l'encouragement du
sport au Valde-Travers, l'intimée ait droit à des égards particuliers. Bien
qu'il vise toujours une fin d'intérêt public, l'expropriant doit payer
une indemnité égale à la pleine valeur des droits expropriés, y compris
ceux de voisinage (RO 87 I 89). Une société privée qui n'a pas le droit
d'exproprier, telle l'intimée, ne saurait avoir des obligations moins
étendues. D'ailleurs, l'opinion dominante ne tient compte qu'avec réserves
de l'importance économique ou sociale des activités des parties (HAFTER,
Das Lärmproblem in der Praxis der Gerichts- und Verwaltungsbehörden,
thèse de Zurich, 1957, p. 48; OFTINGER, Lärmbekämpfung ..., p. 25;
MEIER-HAYOZ, Technische Entwicklung und Fortbildung des privatrechtlichen
Immissionsschutzes, dans Die Rechtsordnung im technischen Zeitalter,
p. 42).

    b) Si l'on examine à la lumière de ces considérations générales
l'importance des inconvénients dont se plaint le recourant, on doit tirer
les conclusions suivantes des constatations souveraines (art. 63 al. 2 OJ)
du jugement attaqué.

    Le plus important de ces inconvénients, c'est assurément la
musique que, plusieurs mois de suite, des haut-parleurs amplifient du
matin au soir et qui n'est certes pas du goût de chacun. Il ressort du
jugement attaqué que ce bruit ne retentit qu'en saison froide, où les
fenêtres sont généralement fermées, et qu'il est imperceptible dans la
maison du recourant lorsque la puissance des haut-parleurs est réglée
correctement. Par là, la Cour cantonale veut sans doute dire que la musique
ne s'entend plus lorsque les fenêtres sont closes, ce que le juge chargé
d'instruire la cause avait relevé en inspectant les lieux le 17 février
1960. Mais on ignore si et avec quelle intensité la musique parvient dans
la maison du recourant en cas d'ouverture des fenêtres. Tout ce qu'on
sait, c'est qu'aux dires d'un témoin, le bruit de la circulation couvre
alors celui de la musique. Or, on l'a vu plus haut, l'argument n'est
guère pertinent. Pourtant, la question qui n'a pas été élucidée n'est pas
dénuée de toute importance. S'il est exact qu'au Jura, on ne séjourne pas
habituellement en plein air à la fin de l'automne et en hiver, mais que
chacun se tient de préférence dans son habitation, cela ne signifie pas
que les fenêtres des maisons restent alors constamment fermées. On les
ouvre pour aérer les appartements, pendant leur nettoyage, voire durant
les heures ensoleillées. Il est même usuel, en toute saison, de dormir
la fenêtre ouverte (RO 40 II 31; SJZ vol. 49 p. 229; BlZR vol. 57 p.11).
Toutefois, comme il lui incombait d'établir l'existence des troubles
dont il se plaint, le recourant ne peut s'en prendre qu'à lui-même de
l'insuffisance des preuves administrées. D'ailleurs, les chambres de sa
maison ne sont pas orientées vers la patinoire et l'intimée a déplacé les
haut-parleurs pour en diminuer la portée. En outre, il est vraisemblable
que, le soir en tout cas, pour se protéger des regards indiscrets et des
lumières de la rue, les époux Pauli tirent les rideaux et les volets,
ce qui contribue à amortir les sons.

    Quant au bruit que font les patineurs, rien ne prouve qu'il serait
insupportable. Apparemment, il est même moins incommodant que celui de la
musique. Fleurier n'est pas une grande ville ni une station de tourisme
où les sportifs se pressent du matin au soir sur la patinoire. Ils
n'y affiuent probablement que pendant les congés des écoles et les
week-ends. Et encore, en hiver, nombreux sont ceux qui préfèrent le ski
au patin. En somme, les bruits du patinage sont assimilables à ceux qui
émanent d'une place de jeux ou de la cour d'un collège et que l'usage
tolère.

    Selon la Cour cantonale, le bruit du tracteur qui sert à balayer et à
égaliser la glace n'est pas plus intense que celui d'une machine agricole
ou d'un camion. S'il dure peut-être plus longtemps, il ne se produit que
le matin. Au surplus, il n'est sans doute pas plus gênant que celui de
la musique, une fois les fenêtres fermées. Or on peut demander aux époux
Pauli de ne pas les ouvrir pendant le fonctionnement de cet engin.

    Certes, les matches de hockey sont particulièrement bruyants. Le choc
des crosses, le heurt du "puck", les cris des spectateurs, les sifflets
et les cloches que d'aucuns utilisent parfois, l'arrivée et le départ de
leurs véhicules, tout cela s'entend de loin. Mais à Fleurier, il n'y a
guère qu'une vingtaine de matches par saison et tous n'attirent pas la
foule. On peut donc convenir avec le Tribunal cantonal qu'il s'agit de
manifestations comparables à des fêtes foraines ou populaires, admises
par l'usage.

    c) Vu ce qui précède, les inconvénients signalés par le recourant,
pris isolément, peuvent être tenus pour supportables. Il reste à se
demander si, considérés dans leur ensemble, ils ne sont pas excessifs
dans l'acception de l'art. 684 CC (HAAB, note 18 ad art. 684 CC).

    A.- vrai dire, dans cette perspective, le trouble causé au
recourant paraît plus grave que la juridiction cantonale ne semble
le reconnaître. Néanmoins, deux arguments inclinent la Cour de céans à
rejeter le recours. D'une part, non seulement les voisins du recourant ne
se sont pas plaints spontanément de la patinoire, mais tous ont déclaré
en procédure qu'ils n'en sont pas incommodés. S'il ne s'agit pas là d'une
preuve décisive, c'est tout de même un indice plus probant que les griefs
du recourant et de sa femme. D'autre part, dans une cause de ce genre,
où les impressions personnelles du juge qui a vu les lieux et entendu
les témoins ont une importance particulière, le Tribunal fédéral confirme
en cas de doute la décision attaquée (RO 42 II 453, 51 II 401, 56 II 359
s., 58 II 118, 65 II 158, 79 II 51; HAAB, notes 4 et 27 ad art. 684 CC).
Dès lors, s'il éprouvait des hésitations, il ne pourrait adopter ici une
autre solution. Il n'entend cependant pas préjuger l'avenir ou le cas
d'autres patinoires naturelles ou artificìelles. En particulier, l'intimée
ne saurait se considérer comme autorisée à multiplier ou intensifier les
manifestations bruyantes.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.